Home | Internationalisme 31 | |
Autres traits de caractères prédominants du système de production capitaliste : une fonction de reproduction et une fonction de répartition :
"… On peut dire… que le capital (et la propriété foncière qu'il implique comme son contraire) présuppose déjà une répartition…"
"… Les conditions de répartition dont il est question… sont les fondements de fonction sociales qui, dans les conditions de la production, échoient à des agents déterminés par opposition aux producteurs immédiats. Elles donnent aux conditions de la production et à leurs représentants une propriété sociale spécifique. Elles déterminent tout le caractère et tout le mouvement de la production…"
"… Ce caractère… 1º) du produit en tant que marchandise et 2º) de la marchandise en tant que produit du capital, implique déjà toutes les conditions de la circulation, c'est-à-dire un procès social déterminé que les produits sont obligés de parcourir et où ils prennent des caractères sociaux déterminé ; il implique des rapports (sociaux) tout aussi déterminés entre les agents de production, par lesquels sont déterminées la mise en les valeur du produit et sa reconversion soit en subsistances soit en moyens de production…"
"… deux traits distinguent de prime abord le mode de production capitaliste.
Il produit ses produits comme marchandises. Ce qui le distingue des autres modes de production, ce n'est pas de produire des marchandises, c'est de produire un produit dont le caractère dominant et déterminant est d'être des marchandises…"
"… Nous n'avons pas besoin de démontrer à nouveau comment le rapport entre le capital et le travail salarié détermine tout le caractère du mode de production.
Les agents principaux de ce mode de production, le capitaliste et le salarié, sont, en cette qualité, de simples incarnations ou personnifications du capital ou du travail salarié, des caractères sociaux déterminés imprimés aux individus par le procès social de production, des produits de ces conditions sociales déterminées de la production…"
"… Ce qui caractérise spécialement le mode de production capitaliste, c'est que la production de la plus-value est le but directe et le motif déterminant de la production. Le capital produit essentiellement du capital, mais ne le fait qu'en produisant de la plus-value…"
"… Dans l'examen de la plus-value relative et de la transformation de la plus-value en profit, nous avons vu qu'il se (...) là-dessus un mode de production spécial à la période capitaliste, une forme particulière du développement des forces sociales productives du travail, ces forces constituant vis-à-vis de l'ouvrier les forces autonomes du capital et s'opposant donc directement au développement de l'ouvrier…" ( Capital - Mol. XIV-210-1-2-3-4)
Burnham est censé ignorer Marx ou feindre de l'ignorer ; sa littérature s'adresse à des détracteurs conscients qui n'ont aucun scrupule à fermer les yeux sur les enseignements élémentaires du marxisme. Ils font partie, ouvertement et consciemment, de ceux qui, quand le "Capital" est paru, ont feint l'ignorer et qui, ensuite, ont cherché à en étouffer les effets par tous les moyens. Mais que Bettelheim, qui se présente au public comme un "économiste marxiste" et qui, à l'envers de la médaille burnhamienne, ose reproduire de telles idées selon lesquelles "une couche de directeurs de trusts en Russie (couche ???) serait une couche PRIVILÉGIÉE de la CLASSE OUVRIERE…", et selon lesquelles l'État dépérira quand la couche "la moins privilégiée" (celle identique au prolétariat dans les pays capitalistes) aura compris que les différenciations sociales sont nécessaires pour la CONSTRUCTION DU SOCIALISME…
Tout ce fatras soit disant "marxiste", comparé a Marx lui-même, fait bien triste figure.
Toutes les autres "critiques marxistes" - que, par exemple, les trotskistes peuvent adresser soit à Burnham soit à Bettelheim - sont forcément caduques parce qu'elles partent du même point de vue qu'eux : prouver que la Russie est un État "où n’existe tout de même pas le capitalisme".
Les rapports capital-travail, s'ils sont la trame structurelle des rapports entre la classe capitaliste et la classe ouvrière, les rapports capitalistes entre eux ont pour "âme" la nécessité vitale pour toute entité capitaliste, quelle qu'elle soit, de réaliser la part de plus-value accumulable. À leur tour, les différents rapports au sein de l'économie capitaliste et de la classe dirigeante entrent en égale importance, de façon déterminante, dans l'interaction des différents phénomènes capitalistes.
Nous avons cité, plus haut, une des nombreuses phrases où Marx dit :
"Ce qui caractérise spécialement le mode de production capitaliste, c'est que la production de la plus-value est le but direct et le motif déterminant de la production. Le capital produit essentiellement du capital mais ne le fait qu'en produisant de la plus-value…" (Capital – Mol. XIV-212-3)
Le capital produit du capital en ne produisant que de la plus-value, par le processus capitaliste d'accumulation et de reproduction de capital : "Le procès de production capitaliste est essentiellement procès d’accumulation…" (X-131)
Ces deux notions sont inséparables : le capital produit essentiellement du capital mais ne la fait qu'en produisant de la plus-value, parce que ce processus est le procès même de l’accumulation.
Le capitalisme dans l'histoire est déjà le produit d'une accumulation historico-économique primitive (in Tome I du Capital - Mol. IV).
Ce procès d'accumulation est le procès même de la transformation de la propriété individuelle en propriété sociale, d'évolution de la propriété privée individuelle du capitaliste sur les moyens de production en la propriété privée social du CAPITAL, propriété privée collective et universelle d'une classe sociale exploitant une autre classe sociale.
Le capital est la première négation de la propriété privée individuelle des moyens de production ; le SOCIALISME en est la négation de la négation, la négation de la propriété privée sociale d'une classe sur les forces productives de la société.
Cette notion de la propriété privée a tellement peu été comprise que, par exemple, quand un trotskyste est à bout d'arguments pour expliquer qu'en URSS ce n'est "tout de même pas le capitalisme…", il affirme péremptoirement, comme la phrase du jugement dernier : "Mais la propriété privée individuelle sur les moyens de production n'existe plus en Russie."
Certainement que la propriété privée individuelle sur les moyens de production n'existe plus en Russie comme forme de propriété prédominante ; mais n'est-ce pas justement le rôle historique du capital de transformer la propriété privée individuelle sur les moyens de production (forme médiévale de l'artisan) en moyens de production sociaux, propriété de une classe ? En Russie, en dehors de la révolution prolétarienne - dont nous parlons par ailleurs ("Politique et Philosophie de Harper à Lénine") -, nous assistons a un saut brusque, en dix ans de temps, du passage de la forme la plus arriérée à la forme la plus avancée de la concentration sociale des moyens de production. Mais, le fait que ces moyens de production soient propriété d'État, change-t-il quant à leur caractère de propriété privée ? Propriété privée d'un État qui personnifie le CAPITAL aux yeux du travail et qui joue vis-à-vis de celui-ci la même fonction capitaliste que partout ailleurs, avec cette différence, cependant, d'un pouvoir coercitif plus fort. Un État aussi policier que l'État russe n'est pas un phénomène abstrait et, "en soi", il personnifie un pouvoir de classe. Et, si le pouvoir de classe qu'il représente est celui "d’un couche privilégiée du prolétariat", comme Bettelheim veut nous le faire entendre, nous aboutissons à une notion du socialisme qui passe en réalité par la nécessité "réaliste" d’un capitalisme d'État, vieille conception et vieille trahison du socialisme réel, que Bettelheim nous ressert défraichie, avec une sauce pourrie puisée dans les arrières-cuisines du stalinisme.
Cette monstruosité stalinienne qui veut opposer une soit disant “conception réaliste” du socialisme à ces conceptions qualifiées "d'utopistes”1, mènent en réalité Bettelheim à défendre, comme la panacée universelle, un "socialisme réaliste" imposé à une couche "moins privilégiée" du prolétariat, par le pouvoir coercitif d'une couche privilégiée de cette même classe. Nous croyons, quant a nous, que si le socialisme doit être imposé au prolétariat par des procédés barbares (guépéouistes ou concentrationnaires)2, nous pensons alors qu'il est vraiment une utopie et nous sommes profondément convaincus qu'il cache une tare profonde qui lui enlève quoi que ce soit qu'il pourrait avoir de commun avec le socialisme.
La propriété privée capitaliste a en dernier ressort, comme défenseur, l'État, parce que l'État personnifie économiquement et politiquement la classe capitaliste, quelles que soient les transformations que subisse en son sein la propriété privée capitaliste ; et ces transformations trouvent leur image dans la composition politique et sociale des partis au pouvoir, l'État reste, de toute manière, la personnification première et dernière du capital face au travail et sur le marché. (Chap. I, à suivre)
PHILIPPE
Notes:
1En toutes lettres, dans l’article de Bettelheim où celui-ci qualifiant Burnham d'utopiste (alors que Burnham ne croit pas au socialisme mais bien au réalisme inverse du "réalisme stalinien", le réalisme américain), il vise surtout ici, d'une manière jésuitique, non pas Burnham mais ceux qui pourraient mettre en doute son raisonnement "réaliste", ce que nous ne manquons pas de faire.
2 Cf. la célèbre formule stalinienne : "Aux barbares, doivent être appliqués des procédés barbares."
[Fraction de la Gauche Communiste International]
Home | Internationalisme 31 | |