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ELEMENTS DE REPONSE AU CERCLE DE COMMUNISTES INTERNATIONALISTES

Le changement d'orientation des camarades du Círculo, est d'abord et avant tout un changement avec la méthode de regroupement, de discussion, de débat, de clarification politique menée par le CCI liquidationniste. C'est d'abord et avant tout une rupture avec la politique du secret et de la discussion "à part" avec l'actuel CCI. Elle exprime leur volonté de débat ouvert avec et devant tout le camp prolétarien, et particulièrement avec le BIPR et notre fraction. Elle marque l'affirmation renouvelée de la dynamique à la confrontation et à la clarification des différentes, et parfois même contradictoires, positions circulant dans ce camp. Cette dynamique de confrontation et de clarification politiques dans le camp prolétarien, déjà engagée depuis quelques temps, peut et doit s'élargir, s'approfondir et s'enraciner.

Notre tâche dans ce processus est simple et claire : défendre les véritables positions du CCI qui sont aujourd'hui dénaturées et liquidées politiquement et, pire encore, menacées de disparition. Leur dramatique caricature et l'écoeurement et le dégoût que l'actuel CCI provoque, risquent de pousser au rejet et, pire, à l'ignorance des positions classiques du CCI qui seraient amalgamées avec leur révision et leur liquidation politiques actuelles.

Qu'elles soient justes ou non, qu'elles soient appelées à être vérifiées et à devenir un facteur actif et essentiel de la lutte du prolétariat ou bien démenties et invalidées, il faut qu'elles soient réellement discutées, débattues, confrontées. Les positions du CCI doivent être passées au crible de la critique. Ce débat, ce combat, politique ferait inévitablement défaut s'il n'avait lieu. N'est-ce pas là un des objectifs, sinon l'objectif, principaux et constants du liquidationnisme que de faire disparaître cette confrontation politique ? N'est-ce pas là ce à quoi ont commencé à répondre le BIPR justement, et aussi le PCI-Le Prolétaire, par la publication d'articles sur les positions classiques du CCI ? Il faut donc que "quelqu'un", c'est-à-dire une organisation politique quelle que soit sa forme - parti, groupe, fraction -, personnifie et porte ces positions. Il n'y a que notre fraction qui puisse le faire aujourd'hui. C'est ce que nous avions déjà commencé à faire dans notre bulletin 22 avec les camarades du NCI lorsque nous avions publié leur prise de position sur les manifestations en Bolivie (fin 2003) et les avions accompagnées d'une lettre de notre part qui visait à présenter aux camarades la véritable position du CCI sur les luttes du prolétariat dans les pays de la périphérie. C'est aussi dans ce sens que notre fraction est le CCI.

Pour sa part, le liquidationnisme continue sa politique de destruction et plonge le CCI actuel dans le gouffre de l'échec et de l'impuissance politiques. Depuis la tenue de la réunion publique du CCI à Buenos Aires le 27 août 2004 et les discussions du NCI avec sa délégation au cours desquelles les camarades argentins ont exprimé leurs désaccords croissants avec les positions et l'orientation liquidationnistes, le CCI a multiplié dans sa presse les articles du Núcleo défendant des positions aujourd'hui rejetées sans même mentionner cette rupture politique. Faut-il douter ici de la connaissance par la délégation et le secrétariat de l'organe central du CCI, le SI, c'est-à-dire par le noyau de la faction liquidationniste, de ces désaccords ? Ou bien faut-il croire à des omissions et à des mensonges vis-à-vis des... propres militants du CCI ? En tous cas, voilà là un oubli scandaleux et dégueulasse qui n'a pour but que de semer le doute sur les camarades et d'essayer de les "enfermer" par le chantage, car c'est bien de cela qu'il s'agit, sur leurs anciennes positions. Voilà là un autre exemple de la politique d'obstruction, pour ne pas dire de destruction, à la clarté du débat et à la clarification politique.

Comme par hasard, la dernière Revue internationale 119, octobre 2004, publie un texte du NCI qui est aujourd'hui en complète opposition avec celui que nous reproduisons ici. Le texte de l'ex-NCI défend "la justesse de la position du CCI, telle que nous la défendîmes alors, quand il qualifiait les événements du 19 et 20 décembre [2001 en Argentine] comme une révolte interclassiste" et que "dire qu'il n'y a pas eu de lutte ouvrière en Argentine le 19 décembre 2001 n'implique nullement qu'on soit un déserteur de la lutte de classe comme l'affirme la FICCI". Il va même jusqu'à clairement et définitivement situer tout le "mouvement piquetero", les chômeurs, au service de l'Etat bourgeois : "les positions soutenues dans ces assemblées et dans les suivantes montrent clairement quelle est la nature des divers groupes piqueteros, comme instruments au service de l’État bourgeois. Cette nature n’a pas changé après la rupture entre le Pôle Ouvrier et les autres courants, donnant naissance au Bloc piquetero" (Revue internationale 119, souligné par nous).

Aujourd'hui, dans le texte que nous publions, les camarades défendent clairement une autre position que celle du CCI et, surtout, une autre orientation d'intervention pour les révolutionnaires : "Nous devons tirer les leçons des premières assemblées de piqueteros qui ont eu lieu en Argentine, leurs forces et leurs faiblesses pour pouvoir en obtenir les enseignements nécessaires. Mais de telles assemblées, que ce soit clair, ne sont pas le parti. Leur existence est indépendante du parti révolutionnaire même si celui-ci doit participer activement à celles-là. Il est certain que ces assemblées ouvrières ont une limite qui est la limite revendicative. C'est pour cela que le parti doit agir en leur sein afin qu'elles puissent dépasser cette barrière sans que cela signifie participer dans les syndicats" (souligné par nous).

Nous laissons aux camarades du Círculo le soin de revenir et d'expliquer à la fois les raisons de leur changement de position et les conditions dans lesquelles ils avaient alors adopté les nouvelles thèses du CCI.

Il n'en reste pas moins que nous avons déjà là, sur cette question des assemblées de chômeurs, sur leur qualité, leur nature, leur diversité de nature, et quand elles sont véritablement des expressions de lutte, sur leur rôle et sur l'intervention que les communistes doivent y mener, une première question politique à débattre et à préciser à la lumière de l'expérience particulière du prolétariat en Argentine. Et nous y voyons deux niveaux de discussion et de clarification politiques à mener : les principes qui doivent guider la compréhension et l'intervention des groupes communistes dans ce type de mouvement ; et l'analyse réelle, non schématique, non dogmatique, de la réalité immédiate, dans ce cas la situation concrète qui a prévalu en Argentine alors, très certainement diverse et parfois même contradictoire, en particulier dans ces assemblées de piqueteros et de quartier.

Sur le contenu du texte du Círculo

Le texte du Círculo s'attache plus particulièrement à décrire la situation qui a prévalu dans les pays de la périphérie du capitalisme, plus particulièrement en Amérique Latine et en Argentine, tout au long des années 1990. Le mérite du texte est de situer dans le cadre de la situation internationale ouverte après la chute du Mur de Berlin, l'évolution concrète du capitalisme dans ces pays et de la lutte de classes.

Ensuite, il traite de manière plus particulière l'évolution de la lutte des classes durant cette période. Il y aurait beaucoup de points, voire de formulations ou concepts à préciser avec les camarades, car, prises en soi, elles en arrivent à exprimer des positions confuses, voire même fausses.

Un exemple : "la classe ouvrière industrielle continue à être écrasée non seulement à cause de la défaite subie dans un passé récent mais aussi du fait des méthodes d'organisation de la production qui ont remplacé le fordisme [le taylorisme, NDT], et qui ont signifié une atteinte à l'organisation et à la solidarité prolétarienne car l'extrême enrégimentation des entreprises empêche l'auto-organisation ouvrière" (nous soulignons le point qui nous semble à clarifier).

Prise telle quelle, cette affirmation nous semble fausse. On peut très bien au contraire considérer que la discipline et l'atomisation extrêmes des ouvriers d'aujourd'hui, par rapport aux anciennes organisations du travail, sur leurs lieux de production, impose - nous ne disons pas favorise - d'autant plus l'extension et l'organisation immédiate, rapide, des ouvriers eux-mêmes dans la lutte pour justement dépasser cette dispersion accrue. Les exemples de la grève "sauvage" des postiers britanniques en octobre 2003, des tramways italiens en décembre 2003-janvier 2004, et maintenant celle, toujours "sauvage" des 9000 ouvriers de l'usine automobile OPEL de Bochum en Allemagne, viennent illustrer notre affirmation générale. Générale disons-nous, car elle ne tient pas compte bien sûr, pas plus que celle des camarades, de la situation concrète. En dernière instance, c'est le rapport de forces "politique", dans ce cas la volonté et la décision de rentrer en lutte et les forces "politiques" en présence sur le terrain, qui déterminent la nécessité et la capacité de s'organiser  - même si l'organisation du travail, tout comme la concentration, tout comme la... géographie, interviennent aussi dans la réalisation concrète de cette organisation de la lutte.

Est-il besoin de rappeler ici que nous avons, c'est-à-dire notre organisation le CCI, toujours défendu que les révolutionnaires, dans la mesure de leurs forces militantes, avaient un rôle premier, déterminant, aussi à ce niveau de la lutte de classe, en particulier pour mettre en avant les mots d'ordre qui vont dans ce sens en fonction des possibilités réelles, c'est-à-dire du rapport de forces général, du rapport de forces local (qui peut "différer" du premier, par exemple par la présence ou non de syndicats forts et actifs, voire par la présence de militants révolutionnaires ou d'un... "comité de lutte"), et des conditions concrètes locales, conditions de travail, localisation géographique, etc...

Enfin, le texte des camarades soulève des questions et des divergences qui ne sont pas nouvelles dans le camp prolétarien. Elles touchent à la question syndicale ; à la question des conditions et potentialités particulières des luttes du prolétariat dans les pays de la périphérie du capitalisme. Elle touche également à la question des groupes ouvriers d'usine selon le BIPR (nous espérons ne pas trahir sa définition) ou à ce que nous appelions, et continuons d'appeler, les comités de lutte. Ces divergences sont anciennes. Néanmoins, la nouvelle situation du camp prolétarien et, surtout, la nouvelle dynamique de la situation internationale, en particulier la reprise des luttes ouvrières, offrent les conditions pour un renouveau, voire un nouveau départ, du débat et de la confrontation des positions. Au minimum, nous disons bien au minimum, nous devons pouvoir préciser et clarifier les différents concepts, les différentes positions et les différentes méthodes d'analyse et de compréhension qui les fondent. C'est cette approche militante et fraternelle qui a permis de préciser, à leur juste niveau nous semble-t-il, les divergences sur la question de la décadence par exemple entre le BIPR et le CCI. C'est dans le même esprit que nous voulons relever les points suivants.

La question syndicale

Les syndicats "n'essaient que de vendre dans de meilleures conditions la force de travail. Mais c'est impossible car la période réformiste dans laquelle il était possible que la bourgeoisie fasse des concessions au prolétariat, est terminée. Les actions de tels instruments contre-révolutionnaires ne sont que des médiations en faveur du capital". Cette position, déjà présente dans le camp prolétarien, n'est pas partagée par le CCI.

Pour notre part, le CCI, nous défendons que la fonction contre-révolutionnaire au service de l'Etat bourgeois des syndicats et du syndicalisme, y compris radical, de base, "révolutionnaire", est d'abord et avant tout politique. En conséquence, comme émanation directe de l'Etat bourgeois dans la période historique actuelle, les syndicats n'ont pas de rôle "médiateur", c'est-à-dire au sens où il y aurait une "médiation" entre deux classes opposées par un troisième élément au-dessus, ou en dehors des deux classes antagoniques. Le concept de "médiation" - tel que nous le comprenons - ouvre la porte à cette erreur, nous semble-t-il. Au contraire, le rôle premier des syndicats, d'ordre politique et idéologique, est d'encadrer la classe ouvrière et de s'opposer au développement de sa lutte historique, et aussi de ses luttes immédiates. Nous ne pouvons développer plus dans le cadre de ce texte. Néanmoins, ces deux visions peuvent mener à des interventions différentes dans les luttes ouvrières même si, dernièrement, nous avons plutôt pu constater une "convergence" de celles du BIPR, de certains groupes bordiguistes, et du CCI telle que notre fraction l'a réalisée. La ligne de "fracture" au sein du camp prolétarien sur cette question sépare plutôt aujourd'hui d'un côté l'ensemble de ces groupes et de l'autre le CCI des liquidationnistes aux positions défaitistes.

Sans développer donc, précisons immédiatement, et surtout rappelons ce qu'a toujours défendu notre organisation, que cette vision du rôle premièrement "politique" des syndicats ne veut pas dire que les révolutionnaires leur abandonnent le terrain des luttes économiques, des revendications, ni même qu'ils gardent une attitude "puriste", d'indifférentisme, devant toute "initiative" syndicale tels que leurs appels à des assemblées ou à des manifestations. Il en va là, comme il en va des assemblées de chômeurs dont nous avons parlé précédemment, il appartient aux communistes de savoir reconnaître les potentialités immédiates de la lutte et l'objet, le but, la qualité, de telle ou telle "initiative" syndicale : en particulier répond-elle à une poussée ouvrière réelle pour essayer de la dévier et de la saboter ou bien à un piège ? Et en fonction de la réponse, intervenir dans tel ou tel sens, et sous telle ou telle forme selon les cas. Bien évidemment, dans le cas d'assemblée ouvrière appelée par les syndicats, le CCI a toujours défendu que ses militants devaient y participer. Notre organisation n'avait pas hésité non plus à appeler les ouvriers à participer à des manifestations appelées par les syndicats dans les années 1980 afin que ceux-là les "transforment" en de réelles manifestations ouvrières. De même, notre fraction a appuyé et salué les cortèges réunissant autour des professeurs des milliers d'ouvriers de différents secteurs, qui essayaient de prendre la tête des manifestations de rue - appelées et organisées par les syndicats contre la grève et son extension - et d'imposer le mot d'ordre de grève "public-privé" lors de la lutte contre la réforme des retraites en France en 2003. Ils essayaient ainsi de "transformer" ces manifestations et journées d'action appelées par les syndicats et ayant pour but d'empêcher la reconduite et l'extension de la grève dans tous les secteurs, en des moments de généralisation à tous les secteurs.

L'insistance sur le rôle politique anti-ouvrier, au service de l'Etat bourgeois, des syndicats n'implique pas un indifférentisme et une désertion du combat contre ces syndicats et leur influence dans la classe. Bien au contraire, cette compréhension du caractère politique des syndicats renforce la nécessité impérieuse, y compris dans les luttes immédiates, de leur disputer la "direction" et l'orientation des luttes.

La lutte ouvrière dans les pays de la périphérie

Cette question est aussi une question qui départage le CCI de l'ensemble des autres organisations communistes. Nous l'avions déjà abordée avec le NCI dans notre bulletin 22. Nous nous contenterons ici de rappeler dans ces grandes lignes la position véritable de notre organisation. Le CCI a élaboré une critique de la théorie des maillons faibles développée par Lénine selon laquelle le processus révolutionnaire serait initié plus facilement dans les pays les plus faibles du monde capitaliste. Notre organisation a développé au contraire que c'était dans les pays centraux, historiquement, industriellement, politiquement, et même "géographiquement" que le processus révolutionnaire et son issue seraient déterminés.

Cette position avait été critiquée alors comme européocentriste. A vrai dire, tant la position de Lénine que celle du CCI ne peuvent être prises de manière absolue, dogmatique, sauf à n'y rien comprendre et à "répondre" à côté de la plaque. Nulle personne sérieuse ne niera que l'entrée en lutte des 9000 ouvriers allemand d'OPEL à Bochum n'a pas la même signification en terme de potentialités pour elle-même et pour l'ensemble de la classe que l'entrée en lutte, par exemple, de 200 ouvriers de l'usine sidérurgique de la petite ville de Wheeling isolée au fin fond de la Virginie Occidentale bien qu'elle se situe aux Etats-Unis, ou bien encore des sidérurgistes de Maracay au Vénézuela ou des enseignants de l'Etat de Oaxaca au Mexique. Reconnaître cela ne veut pas dire que les ouvriers de Wheeling, les instituteurs de Oaxaca, ne peuvent pas lutter, ni même qu'ils ne devraient pas lutter dans l'attente de la lutte prolétarienne en Europe de l'Ouest. Bien au contraire, ils sont contraints de lutter d'une part, et d'autre part, ils ont un rôle particulier et des responsabilités particulières tant vis-à-vis du prolétariat international que vis-à-vis de leurs frères de classe autour d'eux et des autres couches et classes paupérisées et non exploiteuses qui les entourent. Nous pensons en particulier à la paysannerie et aux couches sans emploi qui peuplent les bidonvilles des grandes métropoles des pays de la périphérie. Mais ils peuvent aussi, dans certaines circonstances et à certains moments bien précis, être appelés à jouer un rôle déterminant dans le développement de la lutte de classes. L'exemple historique nous est donné par la révolution de 1917 en Russie dans un pays relativement périphérique mais dont le prolétariat était très concentré et avait une très grande expérience de lutte (1905). L'autre exemple est la grève de masse d'août 1980 en Pologne, autre pays relativement périphérique. Mais même le mouvement de luttes ouvrières, aussi confus fût-il, de l'hiver 2001 en Argentine a joué un rôle en annonçant la reprise internationale des luttes, en interpellant le prolétariat international, et en offrant une expérience de lutte particulière valable pour l'ensemble de notre classe... sinon pourquoi discuterions-nous et essayerions-nous de clarifier ce que sont les assemblées de piqueteros ?

Une des difficultés de notre position est le risque de sa compréhension mécanique ou dogmatique. Cette difficulté s'est exprimée au sein même du CCI en différentes occasions tout au long de son histoire sur ce sujet comme sur d'autres. Il n'y a là rien d'anormal. Cela fait partie de la vie normale d'une organisation. Et des débats internes, en général assez vite conclus, rejetaient cette fausse méthode et vision. Aujourd'hui, cette vision dogmatique a été définitivement imposée par le liquidationnisme sur cette question. Le lecteur l'aura remarqué, l'analyse du CCI sur les particularités de la lutte des ouvriers des pays de la périphérie que nous avons sommairement rappelée plus haut, n'a rien à voir avec la position aujourd'hui développée par la faction liquidationniste de cette organisation. Sur la base du dogme de la décomposition et sur une vision idéaliste et abstraite de la lutte ouvrière, le CCI d'aujourd'hui rejette l'expérience argentine en faisant l'amalgame entre l'hiver 2001 argentin et les émeutes de la faim au caractère "interclassistes", voire même avec les manifestations de soutien à Chavez au Vénézuela, sous prétexte que les manifestations et les assemblées n'étaient pas... "pures", c'est-à-dire purement ouvrières.

Dans un premier temps, les camarades du NCI ont adopté cette position ce que ne manque pas de rappeler la Revue internationale 119. Maintenant, dans le texte publié ici, les camarades rejettent cette vision qui tend à nier tout rôle et toute responsabilité au prolétariat des pays périphériques : "C'est pour cela que la réponse du prolétariat doit être globale et internationale. Il n'existe pas de différence entre le prolétariat des nations impérialistes et celui des périphéries. Il n'existe pas de nations perdues pour la révolution". La dernière phrase est un rejet clair et explicite de la nouvelle position du CCI selon laquelle des pays de la périphérie du capitalisme, tels Haiti, sont perdus pour la révolution : "La décomposition capitaliste a terriblement avancé en Haïti rendant cette région comme sans doute perdue pour la cause révolutionnaire" (Revolución Mundial 79).

Nous retrouvons la ligne de "fracture" au sein du camp prolétarien déjà mentionnée aussi sur cette question entre d'un côté l'ensemble des groupes communistes et de l'autre le CCI des liquidationnistes aux positions indifférentistes et défaitistes sur ce sujet. Bien évidemment, nous saluons l'évolution de la position des camarades. Maintenant reste la vraie question à discuter, à débattre, et à clarifier : y-a-t-il des différences de situation et de potentialités de lutte entre les différentes fractions du prolétariat mondial ? Et si oui, quelles sont les tâches et responsabilités particulières de chacune de ces fractions vis-à-vis du prolétariat mondial et de sa lutte révolutionnaire ?

L'organisation et les organismes de lutte du prolétariat

Le BIPR et le CCI, pour ne citer que ces deux courants, ont la même position, sinon la même vision et la même compréhension, sur l'organisation unitaire dont se dote la classe en lutte, assemblée générale, comité de grève, conseils ouvriers, etc... Les camarades de l'ex-NCI reprennent et défendent la nécessité de "l'autoorganisation". Ils abordent aussi la question de la constitution d'organismes minoritaires de lutte de la classe ouvrière. Ils touchent là une question importante à laquelle les groupes communistes ont déjà essayé de donner des réponses. Par exemple, pour le BIPR, il est nécessaire pour les révolutionnaires de créer des groupes d'usine liés à l'organisation politique, liés et dirigés par le parti, qui ont une fonction politique d'agitation sur les lieux de travail et dans les luttes. Nous espérons ne pas trahir la position des camarades et nous leur laissons le soin de présenter et défendre leur position. Le CCI défend pour sa part la possibilité et la nécessité, quand elle est réalisable et posée, en particulier autour de certaines mobilisations, de la constitution de comités de lutte de la part de la classe ouvrière dans lesquels les organisations communistes et les militants doivent intervenir. Quel est le degré de différence entre les deux positions et les deux visions aujourd'hui ? Il nous semble que c'est justement aussi un point à clarifier et les camarades du Círculo nous en offrent l'occasion.

"La constitution de groupes ouvriers et territoriaux est fondamentale pour les communistes pour y attirer l'avant-garde ouvrière - en activité ou au chômage - sans que cela implique une adhésion politique à un groupe politique déterminé puisque c'est la minorité révolutionnaire regroupée dans le parti mondial qui guidera la classe ouvrière à la révolution et à la pleine conscience de classe". Les camarades s'appuient dans leur texte sur l'expérience argentine des assemblées de chômeurs et de quartier. La situation dramatique de la classe ouvrière et de la population en général dans le pays a provoqué une période de mobilisation relativement longue avec des caractéristiques de "lutte permanente". Nous devons prendre en compte cette réalité et les questions qu'elle pose. De nouveau sur cette question, on retrouve la même ligne de fracture déjà relevée précédemment au sein du camp prolétarien. Le liquidationnisme au sein du CCI a résolu le problème en décrétant que ce mouvement était interclassiste et que les révolutionnaires n'avaient rien à y défendre, sinon juste à le dénoncer. Donc, une fois la réalité niée et ignorée, il n'y a plus de problème à résoudre pour lui quant aux organismes minoritaires et de lutte dont peut se doter la classe ouvrière.

Mais le problème reste entier pour les ouvriers, les prolétaires, en Argentine et ailleurs, et pour les révolutionnaires face à ce type de situation. Durant la période de lutte relativement longue du printemps 2003 en France contre la "réforme" des retraites, mobilisation ayant duré pour certains secteurs plusieurs mois, des comités de lutte "inter-professionnels" s'étaient créés et avaient milité pour la "Grève générale, public-privé". Que ces comités aient été pour la plupart investis par les gauchistes et les syndicalistes de base, ne change rien au fait qu'il y avait un combat politique à y mener. Pour le véritable CCI, pour notre fraction, il importe donc de revenir sur l'expérience pratique, et sur d'autres antérieures, pour pouvoir poser, discuter, préciser et clarifier cette question qui, le prolétariat argentin nous le montre, va revenir se poser avec acuité, tôt ou tard, sous une forme ou sous une autre, dans une situation ou une autre, pour l'ensemble du prolétariat international. Relevons juste ici que les camarades attribuent, dans le passage cité, la constitution de ces "groupes ouvriers et territoriaux" aux communistes. Or bien souvent, ces groupes sont la création directe des ouvriers et le produit direct d'une mobilisation ou d'une combativité montante. Par contre, nous sommes d'accord que les communistes ne doivent pas attendre passivement que ces groupes ou comités se constituent pour y intervenir activement - ce qui va de soi - mais aussi pour être à l'initiative de leur constitution quand elle est nécessaire et possible.

Voilà donc quelques points que nous voulions relever et "mettre en discussion" dans la contribution des camarades. Pour les camarades du Círculo, leur nouvelle démarche et orientation doit être le début d'un véritable processus de clarification et de regroupement politique. Un nouveau "départ".

Jusqu'alors, ils n'ont connu que la "nouvelle" politique du CCI en matière de "regroupement". Et elle a failli réussir au risque de les condamner au sectarisme et à l'aveuglement vis-à-vis des luttes ouvrières ce qui n'aurait pu conduire, indépendamment des manipulations individuelles dont ont souffert ses militants de la part des liquidationnistes, qu'à la démoralisation, au désespoir, à l'éclatement et à la division du groupe et de ses militants (1). Cette politique n'était pas basée sur la confrontation des positions et leur clarification, mais sur l'adhésion aux condamnations de notre fraction, au rejet du BIPR, aux coups tordus et petites manoeuvres tels l'Appel qu'ils avaient "lancé" pour une conférence internationale ou la Déclaration du 22 mai 2004 du NCI nous dénonçant comme flics et agents de l'Etat bourgeois (2). Qu'ils aient réussi à s'en dégager, est un encouragement et un espoir quant au sérieux et à la valeur de leur engagement militant sur lequel les groupes sérieux du camp prolétarien, BIPR en tête, doivent parier et construire. Le plus important reste maintenant à faire.

Tout comme le prolétariat du pays "périphérique" d'Argentine, dont la capacité de lutte est historiquement déterminée, "produite", par le rapport de forces international entre le capital et le prolétariat international, contribue à son tour, comme facteur actif, au développement de la lutte des classes internationale et à son expérience historique, de même les camarades argentins du Círculo de Comunistas Internacionalistas contribuent à relancer et approfondir la confrontation des positions politiques des principaux courants se revendiquant de la Gauche communiste, et plus particulièrement italienne, des courants issus de la revue Bilan des années 1930. Bienvenue camarades ! Bienvenue dans ce combat historique pour la constitution du parti communiste mondial !

La fraction interne du CCI, le 24/10/2004.


Notes:

1. L'incroyable multiplication sur le site du CCI des articles vengeurs, haineux visant à décrédibiliser le Círculo, les manoeuvres d'intimidation, de manipulations et de pressions exercées contre ses militants, les ultimatums divers adressés au BIPR, indiquent que cette entreprise de destruction va continuer, que des "révélations" et des dénonciations mensongères sont encore à venir, et que le Círculo et le nouveau milieu prolétarien en Argentine sont aujourd'hui directement agressés et menacés.

2. C'est d'ailleurs cette base "politique" là, nouvelle pour le CCI, qui détermine fondamentalement les quelques nouvelles adhésions de militants (bien souvent liés par des relations familiales). Sans condamnation de la fraction et sans refus de discuter et de clarifier les positions politiques qu'elle défend, celles-là mêmes du CCI, pas d'intégration. C'est dire la "qualité" politique et militante de ces militants. Plus cette politique s'accentue, et plus la liquidation va s'appuyer sur les éléments peu fiables politiquement et comme militant. N'est-ce pas là ce que nous enseigne l'expérience des années 1920 dans l'IC et dans les PC ? Avant l'expulsion ou la sortie des oppositions et fractions de gauche, les opportunistes, les bolchévisateurs et staliniens ont recouru chaque fois plus à des intégrations non seulement à la va-vite (rapides, sans véritable clarification politique profonde) mais aussi de gens chaque fois plus douteux, capables d'accepter la politique opportuniste en échange d'un plat de lentilles... Cette politique équivaut à ouvrir les portes à tout type d'aventuriers, d'arrivistes et de provocateurs...


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