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Nous tenons à saluer le compte-rendu du 16e congrès de Révolution internationale qui vient de paraître dans le n° 347 de juin 2004. Nous invitons chaleureusement tous les lecteurs et militants, sympathisants, de la Gauche communiste, y compris ceux du CCI, à lire avec attention cet article. Pourquoi un tel salut et une telle invitation ? Parce que ce texte révèle clairement, ouvertement, même si c'est encore un peu timide à notre goût, l'orientation que le CCI a prise depuis mai 2001. Nous sommes entièrement d'accord avec RI que "ce congrès a constitué une étape très importante dans la vie de notre organisation".
Ce congrès semble avoir manifesté une plus grande maîtrise, conscience serait un terme peut-être plus adapté, des militants dans la nouvelle orientation politique développée par le CCI. Par exemple, le 15e congrès international de l'an dernier avait adopté une nouvelle position qui rejetait la position classique du mouvement ouvrier - que le CCI avait toujours défendue jusqu'alors - sur l'alternative historique "guerre impérialiste ou révolution prolétarienne" pour introduire l'idée d'une "troisième voie". De toute évidence, la grande majorité des militants ne s'était pas vraiment rendu compte de la signification politique et historique de cette nouvelle position. Et encore aujourd'hui, dans les "rencontres" et interpellations sur le sujet, ainsi que dans la presse, le CCI et ses membres ont du mal à assumer franchement et explicitement leur abandon de l'alternative historique. Il n'en va pas de même pour le 16e congrès de RI. Aujourd'hui, les nouveautés introduites et "la nécessité de se dégager des schémas du passé" sont ouvertement et publiquement revendiquées. C'est un pas qu'il faut relever et accueillir comme il convient. L'actuel CCI reconnaît finalement et officiellement ce qui était inéluctable, et ce contre quoi nous avions averti, dès le début du processus ouvert lors de la crise organisationnelle de l'été 2001. La confrontation politique n'en sera que plus claire... pour le CCI lui-même et ses militants.
Nous ne revenons pas ici sur l'introduction de l'article qui reprend les multiples et innombrables accusations "militantes" dont nous faisons l'objet. Nous y avons déjà répondu. Relevons juste au passage deux éléments que, nous en sommes sûrs, le lecteur appréciera à leur juste valeur et qui le tranquilliseront sur l'état politique et moral du CCI et de ses militants. D'abord, "ce qui a surtout fini par convaincre les camarades [les membres du CCI] qui avaient encore des hésitations sur le caractère trouble et destructeur de cette "FICCI", c'est son comportement politique consistant à kidnapper à l'aéroport de Roissy deux délégués de notre section mexicaine qui, bien qu'ayant rejoint la "fraction", avaient accepté de participer à cette conférence extraordinaire [de mars 2002] pour y défendre leurs désaccords". Ensuite, c'est avec une grande satisfaction qu'il apprendra que "grâce au renforcement de la centralisation à tous les niveaux (...), la section a été capable de se mobiliser pour soutenir et défendre la section Nord de RI [c'est-à-dire Paris] contre les manoeuvres d'encerclement de la FICCI" (Résolution d'activités adoptée à l'unanimité et citée dans l'article, nous soulignons). Voilà deux éléments, même si le premier peut apparaître un peu rocambolesque et que le second nous gratifie d'une importance et d'une force politiques et militantes que notre "autoproclamée (sic) “fraction”" ne mérite sans doute pas, qui sont particulièrement rassurants sur la santé, politique et militante, des membres du CCI, et sur l'état d'esprit confiant et conquérant qui règne aujourd'hui au sein de cette organisation.
Mais revenons aux choses sérieuses. "Comme tous les congrès de RI, celui-ci avait une dimension internationale puisque toutes les sections du CCI y étaient représentées. La section en France, appuyée par l'ensemble des délégations internationales, a tiré un bilan très positif de son activité au cours des deux dernières années. (...) Le congrès a mis en évidence que la section en France est aujourd'hui plus unie et plus soudée que jamais. Elle a fait la preuve ces deux dernières années de sa capacité à défendre les principes organisationnels du CCI, et notamment ses principes de centralisation. (...) Le congrès de RI a tiré un bilan très positif du travail réalisé par son nouvel organe central qui a été à la hauteur de ses responsabilités comme l'ont révélé les textes préparatoires à ce congrès (...). Ainsi, la résolution d'activités [a été] adoptée à l'unanimité par ce congrès".
La résolution "adoptée à l'unanimité" le confirme : "La section en France est sortie renforcée de cette crise (...). Cette capacité de la section à renforcer sa centralisation afin de développer la solidarité en son sein et opposer un front uni dans le combat contre la FICCI (notamment en interdisant aux mouchards l'entrée de nos réunions publiques) a largement contribué à renforcer la confiance de nos contacts envers le CCI. Ainsi, loin d'inspirer la méfiance, le doute, les suspicions, cette politique centralisée de défense de l'organisation et du milieu politique prolétarien a au contraire renforcé la crédibilité du CCI".
Il apparaîtrait donc que le bilan des activités de RI, et donc du CCI, depuis deux ans est très positif. Tout le monde s'en réjouira. Nous les premiers. N'est-ce pas notre organisation ? Nous allons revenir sur ces déclamations à première vue enthousiasmantes qui viendraient révéler que le CCI serait sorti de la crise. Mais d'abord nous allons essayer de vérifier - que personne ne voit là une défiance particulière et partiale de notre part - la réalité politique de ce congrès. Pour y voir plus clair, essayons d'étudier le plus précisément possible le contenu et la valeur politique de ses travaux. En premier lieu, il a adopté de nouvelles orientations politiques. L'article le revendique ouvertement et explicitement. Il est regrettable qu'elles ne soient pas plus explicitées, mais nous sommes sûrs que le CCI aura à coeur de développer plus largement ces points afin d'en permettre la connaissance, la discussion et la critique publiques. Voyons.
Nous tenons à saluer le fait que le congrès ait entériné "l'analyse adoptée par l'organe central du CCI à l'automne dernier (voir notre article dans RI n° 347) concernant le tournant que connaît la dynamique de la lutte de classe depuis un an". Il y a là un pas en avant, pour le moins en apparence, par rapport à la situation des derniers mois où la presse territoriale du CCI était apparue très contradictoire sur le sujet. Alors que la presse anglo-saxonne et italienne affirmait dès novembre ce tournant dans la lutte de classes, Révolution internationale restait silencieux sur les grèves en Grande-Bretagne et en Italie donnant pour le moins l'impression d'être plus que réticent sur cette analyse. Il vaut mieux tard que jamais et nous nous en réjouissons... ou plutôt nous nous en réjouirions si ce "pas en avant", aussi timide soit-il, n'était pas accompagné de l'annonce officielle de dix pas en arrière sur l'expérience et les acquis du CCI vis-à-vis des luttes ouvrières : "En particulier, la section en France et l'ensemble des délégations internationales se sont clairement prononcées sur la nécessité de se dégager des schémas du passé pour comprendre la dynamique actuelle du rapport de force entre les classes". Cette nouvelle orientation s'appuie - vient conclure ? - la discussion sur l'analyse du "tournant que connaît la dynamique de lutte de classe depuis un an et dont les grèves du printemps 2003 en France contre la réforme du système des retraites a constitué la manifestation la plus évidente".
Qu'entend le congrès par "schémas du passé" ? A quoi se réfère-t-il ? Il est un moyen bien simple de se faire une opinion. Il suffit de revenir sur les interventions du CCI dans les dernières luttes ouvrières importantes, en particulier dans celle contre la "réforme" des retraites en France du printemps 2003. Le lecteur peut se référer à nos textes dans les bulletins 19, 20 et 22. Quand RI a appelé à l'arrêt de la grève et à la reprise du travail à partir du 22 mai 2003 (cf. bulletin 22 et RI 337), c'était sur la base du schéma des grèves de décembre 1995 et du schéma du développement des grèves ouvrières des années 1980, en particulier celles des cheminots de l'hiver 1986-87 et des infirmières. Les deux schémas dont ce CCI était prisonnier, se sont succédés selon les "nécessités" du moment. D'une part, 2003 était présenté comme une manoeuvre de la bourgeoisie répétant à l'identique celle de 1995, ce qui a permis de "justifier" l'absence d'une intervention militante décidée et conséquente de la section en France dans les grèves, assemblées, manifestations, coordinations, délégations aux autres entreprises, etc... Et d'autre part, après l'échec de l'extension générale de la grève au lendemain du 13 mai 2003, le parallèle avec les grèves des années 1980 a servi à justifier l'appel incroyable des militants du CCI à l'arrêt de la grève dans les assemblées d'enseignants. Dans la grève des cheminots de 1986 par exemple, la dynamique de développement de la lutte s'était inversée très rapidement au bout de dix jours, après avoir atteint son point culminant entre le 25 décembre et le 1e janvier, avec l'échec de l'extension à d'autres secteurs. Dès lors, les syndicats avaient repris la main et le contrôle de la lutte pour l'amener à la défaite. C'est exactement sur le même schéma que le CCI a pu justifier son appel à la reprise du travail à la suite de l'échec de l'extension de la lutte après la journée du 13 mai 2003. La dynamique d'extension a certes été contenue après le 13 mai au plan national et centralisé. Mais, contrairement à 1986 ou 1988, elle a continué à s'exprimer sous de nouvelles formes - hors des schémas du passé que le CCI avait connus - par de multiples initiatives locales et régionales tant dans la forme d'organisation (délégations et assemblées "inter-entreprises" par exemple) que dans leur contenu (l'appel et la volonté d'une lutte étendue et unie au-delà des secteurs). Ce qui n'est pas sans rappeler la description que fait Rosa Luxemburg de la dynamique de la Grève de masse.
Contrairement à l'affirmation de l'article sur le congrès de RI, le CCI est resté prisonnier des schémas du passé et, par contre, a rejeté la méthode et sa propre expérience politique et militante des années 1970 et 1980 : les assemblées, coordinations, comités, manifestations de rue, sur le terrain de la lutte ouvrière, même quand ils sont à l'appel des syndicats, peuvent être et doivent être des lieux de confrontation politique que les ouvriers les plus combatifs et les organisations révolutionnaires, "partie prenante de la lutte", ne peuvent dédaigner et abandonner aux forces de la bourgeoisie (1).
Le bilan du congrès qui nous est présenté vient donc revendiquer officiellement une rupture avec l'expérience et la tradition du CCI sur une question centrale, la lutte ouvrière et l'intervention des organisations communistes, sur laquelle notre organisation avait développé des positions et des acquis qui lui étaient propres et qui étaient des références pour l'ensemble des forces communistes de notre époque. Est-il besoin de souligner ici, dans cette volonté de balancer "les schémas" du passé, la reconnaissance par le CCI d'aujourd'hui, c'est-à-dire après coup, de la validité de notre démarche de "minorité organisée" voulant assumer au sein de notre organisation un combat et une confrontation politiques - on peut employer le terme débat politique si on craint le mot combat - aussi sur ce sujet ? L'absence de ce débat, au sein du CCI puisque nous sommes exclus, et publiquement puisque nous sommes des "parasites" à qui on interdit même la participation aux réunions publiques, est une catastrophe... pour le CCI, y compris et surtout si cette nouvelle orientation est adoptée à l'unanimité, puisque le débat contradictoire n'aura pas lieu. Ce débat, comme tant d'autres dans le passé, fera défaut et se paiera chèrement non pas d'un point de vue "démocratique formel", mais du point de vue de la clarification et de la compréhension politiques. On peut donc sérieusement mettre en doute la réalité politique, au moins sur ce sujet, de "la richesse des débats qui l'ont animé [le congrès], en particulier le fait que tous les militants aient pu s'exprimer 2(...) dans un climat de confiance" sauf à tomber dans une vision démocratiste et formelle puisque 30 ans d'expérience sont rejetés sans confrontation politique. C'est une des conséquences de la liquidation des principes organisationnels à l'été 2001 au nom de la lutte contre le "clanisme" et notre fraction. Toute l'expérience du mouvement ouvrier, particulièrement défendue par Lénine et par la Gauche italienne, montre que la réelle richesse des débats, indépendamment du nombre d'intervenants directs, dépend de la capacité à mener ceux-ci jusqu'au bout, à aller au bout des questionnements et des divergences politiques, à mener la confrontation politique jusqu'à sa "solution" qu'elle soit la résorption de la divergence ou la "scission" politique - nous ne disons pas organisationnelle.
Le bilan du congrès qui nous est présenté vient donc aussi consacrer une rupture avec l'expérience organisationnelle du mouvement ouvrier, au moins sur un plan particulier, en l'occurrence sur la nécessité et la fonction des débats contradictoires, dont le CCI s'était revendiqué jusqu'à présent.
Tout lecteur ne pourra qu'être surpris par la raison qui est donnée au fait que la discussion du congrès ait laissé de côté la question des conflits impérialistes. Dire que "le congrès a pris la décision de concentrer la discussion sur ce dernier point [la lutte de classes] dans la mesure où les deux autres, particulièrement sur les conflits impérialistes, avaient été amplement discutés lors du précédent congrès international alors que la situation, comme l'avaient mis en évidence les débats préparatoires, n'avait pas soulevé de questions nouvelles", devrait inquiéter le lecteur attentif. Elle nous inquiète. C'est beaucoup plus préoccupant que si cette décision avait été prise à cause d'une organisation politique et matérielle insuffisante, par un manque de préparation par exemple, du congrès. Il est vrai que, dans ce cas, le bilan positif de ce congrès aurait pu apparaître relativement moins "très positif" et contredire un peu les insistances sur l'unité et la centralisation renforcées, sur le "bilan très positif du travail réalisé par son nouvel organe central qui a été à la hauteur de ses responsabilités comme l'ont révélé les textes préparatoires à ce congrès".
Aucune nouvelle question n'a donc été soulevée depuis le congrès international de l'an dernier. Celui-ci s'est pourtant tenu au moment même du déclenchement de la guerre en Irak, et a donc été préparé avant... et en particulier avant l'affirmation croissante de l'opposition du pôle impérialiste se dégageant autour de l'Allemagne et la France et qui a cristallisé, et continue à cristalliser depuis lors, les interrogations de presque toutes les bourgeoisies nationales quant à leur orientation et alignement impérialistes. Aucun camarade du CCI n'a soulevé de nouvelles questions sur le sujet ? Aucun n'a soulevé d'interrogations sur l'évolution des conflits impérialistes depuis plus d'un an ? Nous sommes prêts à croire sur parole le CCI, au nom de la "confiance", quand il nous parle de "la richesse des débats" et de "la vitalité de notre organisation", mais encore faut-il qu'il ne le démente pas dans le même article. Or c'est la deuxième fois, après la question du rejet unanime "des schémas du passé", que l'article vient démentir dans les faits la réalité de "la richesse des débats".
Car comment une telle absence de questionnement et de débat sur l'évolution des rivalités impérialistes aujourd'hui est-elle possible dans une organisation vivante et au "tissu organisationnel assaini" ? Comment est-il possible qu'aucune question n'ait été soulevée alors même que les contradictions et les incohérences de la presse sur le sujet se multiplient ? Ce numéro de RI en donne encore une illustration dans l'article sur "Derrière le mythe de l'unité européenne, la réalité des tensions impérialistes" (3).
Sans développer, relevons juste au passage la contradiction suivante : d'un côté, averti et obligé - en particulier par notre "vigilance" militante et nos critiques fraternelles - de se référer formellement, abstraitement, "à la montée en puissance de l'Allemagne, qui tend à se poser de plus en plus en rival des Etats-Unis", à "postuler à la direction d'un nouveau bloc opposé aux Etats-Unis", le CCI nouveau est incapable de montrer, de souligner, comment cette perspective historique tend à se réaliser concrètement aujourd'hui. Pire même tous les éléments, souvent contradictoires, qu'ils donnent amènent in fine à réduire à néant cette perspective jusqu'à l'introduction... d'une troisième voie, la chute dans la décomposition sans lutte de classes, se substituant à l'alternative historique "guerre impérialiste ou révolution communiste" : d'une part, "les ambitions franco-allemandes d'opposition aux Etats-Unis" sont relevées - on parle même dans d'autres articles de "tandem franco-allemand" ; d'autre part, l'Allemagne "se heurte en revanche à la fois à la France et à la Grande-Bretagne qui ne peuvent que réagir à ce développement potentiel de l'impérialisme allemand", elle est prise "en tenaille sur son revers" par la Russie et la France qui, cette dernière, "se mobilise (...) contre la position hégémonique de l'Allemagne". Certes toute dynamique connaît ses propres contradictions et contre-tendances, y compris celle vers la constitution d'un pôle impérialiste "européen" autour de l'Allemagne. Mais, abstraction faite de l'alternative révolutionnaire du prolétariat international, quelle est la tendance de fond ? Vers où se dirige le monde capitaliste ? Vers la guerre impérialiste généralisée entre deux pôles, ou blocs, ou bien vers le chaos et le "chacun pour soi" ? Vers un nouvel ordre impérialiste ou bien vers l'anarchie et le désordre croissant ? Le CCI, notre CCI, qui avait pour habitude, pour tradition, de toujours essayer de présenter franchement face à la classe ouvrière et aux forces révolutionnaires des prises de position claires et tranchées, est aujourd'hui timoré, hésitant, le cul entre deux chaises... en un mot, opportuniste.
Sa presse, quand elle est finalement obligée de prendre en compte empiriquement la réalité, est incapable de répondre. Et aucune question n'a été soulevée sur le sujet ? Mais alors quelle était le contenu de la "richesse et de la vitalité des débats" ?
Le lecteur et les militants du CCI pourront comprendre, nous l’espérons, pourquoi nous sommes sincèrement et fortement préoccupés, inquiets, sur la réalité politique de classe, communiste, du "rétablissement de la confiance et de la solidarité au sein de l'organisation (...) plus unie et plus soudée que jamais" ainsi que sur la valeur politique et historique de l'unanimité dans les votes.
Remise en cause des orientations et acquis passés du CCI, absence de réflexion, de discussion contradictoire et de clarification politique menant à la confusion et à l'opportunisme politique, apparaissent clairement à la lecture du bilan du 16e congrès. Mais alors comment comprendre les déclamations triomphales sur l'unité, la centralisation, la solidarité et la confiance retrouvées ?
Le bilan du congrès nous parle de renforcement de la "crédibilité" du CCI, d'unité et de centralisation accrues, de bilan très positif. Nous étions prêts à croire sur parole ces affirmations au nom de la "confiance" en soi, par principe, non vérifiée, telle que la conçoit aujourd'hui le CCI (cf. Revue internationale 111). Mais au moment même où nous allions nous libérer de notre "méfiance clanique et parasitaire", nous avons eu le malheur de tomber sur un texte de Lénine à propos de la crise du parti bolchevik en 1921 dans lequel il affirme que, dans ce type de situation, "celui qui croit les gens sur parole, est un imbécile fini dont on ne peut rien espérer". Finalement, faisant plutôt confiance à Lénine qu'à l'actuel CCI, nous avons donc voulu vérifier sur la base de ce que dit le CCI lui-même, le contenu des travaux de ce congrès. Et malheureusement, nous sommes sortis de cette vérification déçus, attristés et très soucieux : la réalité politique apparaît bien différente des déclamations sur le renforcement de notre organisation.
L'unanimité (4) des votes de tout le congrès, y inclus donc des délégations internationales de toutes les sections du CCI, et l'unité politique qu'elle est censée exprimer, sont contredites, démenties, par l'hétérogénéité de la presse du CCI et, pire encore, par les prises de position opposées et contradictoires de ces derniers mois en particulier sur les luttes ouvrières. C'est une unanimité formelle sans contenu politique réel, une unité politique fragile et superficielle, qui s'écrouleront au moindre coup de vent.
La richesse des débats, "tous les militants ont pu s'exprimer, y inclus les camarades nouvellement intégrés (...)" (5), est contredite, démentie, en particulier par l'absence de débat sur les rivalités impérialistes. Ce sont des débats dont la richesse est mesurée à l'aune de la participation de tous les militants, et non à l'aune du contenu politique. Apparaît ici une conception démocratiste, petite-bourgeoise, et vide de sens prolétarien, de la qualité et de la valeur des débats dans le camp prolétarien. Le vide politique de la "richesse des débats" vient ici exprimer la faiblesse croissante de la vie politique réelle au sein du CCI... quel que soit le nombre formel des intervenants dans une discussion.
Le renforcement de la centralisation est contredit, démenti, par l'hétérogénéité de la presse, domaine où effectivement règne de plus en plus le "chacun pour soi"; contredit, démenti, par le fait qu'il ait fallu plus de six mois à la Revue internationale sous la responsabilité directe de l'organe central international et à Révolution internationale pour timidement, à contre-coeur, évoquer l'adoption de l'analyse sur le tournant dans la lutte de classes qui était pourtant défendue depuis novembre dans World Revolution et qui a été adopté en octobre 2003 ; il a été aussi contredit, démenti, dans le fait que les militants impliqués dans les luttes ouvrières ont été livrés à eux-mêmes, sans orientation, lors des grèves du printemps 2003 en France. C'est une centralisation formelle sans contenu politique réel, dont la caractéristique est la "confiance par principe" dans les organes centraux, et la discipline pour la discipline, c'est-à-dire qui ne se base pas sur l'unité et la conviction politiques réelles. C'est une centralisation qui a déjà montré son impuissance dans le feu des événements de la lutte des classes et qui, elle-aussi, volera en éclat au moindre coup de vent sérieux.
Est-il besoin de revenir ici sur la réalité du "renforcement de la crédibilité du CCI" dans "la politique centralisée de défense de l'organisation et du milieu politique prolétarien" ? Elle est contredite, démentie, par la résolution d'activités adoptée qui parle d'encerclement par notre fraction. Il ne peut s'agir que d'un encerclement politique vu le nombre de militants que nous sommes (6) ; "Le renforcement de la crédibilité" est contredit, démenti, par les articles vengeurs, rageurs et... impuissants de RI et de la Revue internationale contre le BIPR et le PCI-Programme communiste accusés de suivisme vis-à-vis de notre fraction, et donc de parasitisme. Il est contredit, démenti, par le fait que les principaux groupes de ce milieu politique refusent tout contact et discussion avec le CCI et que la grande majorité des nombreux militants isolés qui sympathisaient encore avec lui, s'écartent écoeurés et se détournent de tout soutien ou solidarité militante vis-à-vis du CCI. Malheureusement, il ne reste que notre fraction pour défendre la crédibilité du vrai CCI historique, son honneur, et ses principes.
Nous pourrions continuer comme cela sur différents plans qui sont contredits, démentis par le CCI lui-même....
Ce qui n'est pas contredit par contre, ni démenti, c'est la nouvelle vision de l'organisation qui est sous-jacente ici, c'est la liquidation de l'expérience du mouvement ouvrier, de Marx à la Gauche communiste, italienne tout particulièrement, en passant par Lénine, c'est la liquidation des principes organisationnels du CCI.
L'unité et la centralisation de l'organisation communiste ne sont plus basées sur l'unité politique réelle, c'est-à-dire sur la vie politique la plus intense possible, mais sur "l'unanimité" des votes et la discipline formelle. L'unanimité et la discipline sont maintenant considérées comme le préalable à l'unité et à la centralisation de l'organisation. Est-il besoin de dire que cette conception de l'organisation, de son unité et de sa centralisation n'est pas celle des communistes ? Ce n'est pas celle de Lénine. Ce n'est pas celle de la Gauche italienne et de Bordiga. Ce n'est pas celle du CCI...
6 juin 2004.
Notes:
1 Cf. nos articles dans les bulletins 20 et 22 sur le sujet.
2 Pourquoi une telle précision qui devrait aller de soi ? N'était-ce pas le cas avant ? Soit ce n'était pas le cas avant le 14e congrès international de mai 2001 - sans doute à cause du "clan" -, soit ce n'était pas le cas entre ce 14e congrès et aujourd'hui... C'est ce que le combat contre notre fraction a effectivement montré... Lapsus ?
3
Nous avons déjà relevé le refus du CCI de
reconnaître la dynamique croissante à la bipolarisation
impérialiste, moment fondamental dans la voie à la
guerre impérialiste généralisée. Cette
voie a été ouverte avec la politique impérialiste
des grandes puissances engagée à partir du 11
septembre 2001 et a clairement révélé les
oppositions impérialistes lors de la guerre en Irak.
Aujourd'hui le résultat pour le CCI est que sa presse est
incapable de comprendre la réalité des événements
ce qui l'amène à sous-estimer gravement la question de
la guerre impérialiste aujourd'hui.
La conséquence politique et militante de cette sous-estimation
s'est faite particulièrement sentir lors des manifestations
pacifistes lors du déclenchement de la guerre en Irak dans
lesquelles le CCI s'est très peu mobilisé et a été
très discret. Aujourd'hui encore, il est très
significatif que RI ait diffusé sa presse pour le
début de la manifestation du 5 juin à Paris contre la
réforme de la Sécurité Sociale et qu'il ait été
absent de la manifestation pacifiste qui suivait 3 heures plus
tard à l'occasion de la venue de Bush en France.
4 Il est intéressant de noter que l'unanimité des votes, présentée ici comme la manifestation d'une force de l'organisation, n'est pas quelque chose de nouveau dans le CCI. Les rapports d'activités, bilans et orientations, et les résolutions, y compris celles adoptées dans les congrès qui condamnaient les manquements organisationnels des principaux membres du noyau liquidationniste, ont aussi été adoptés à l'unanimité de 1996 à 2001. Puis subitement, sans même s'expliquer politiquement - mais le clanisme et la psychologie n'expliquent-ils pas tout ? - la majorité des membres de l'organe central, puis par la suite du CCI, tournant leur veste du jour au lendemain, ont rejeté la politique suivie auparavant. Même les pauvres victimes du clan et du guru Michel de l'ancien SI, Peter et Louise, ont voté allègrement tous ces rapports et résolutions, y compris celles sur leurs manquements... La seule différence avec aujourd'hui, selon la théorie officielle, est que l'unanimité des votes du passé était due à l'influence clanique du SI et de Michel sur toute l'organisation, bien que ce "clan" avait déjà été identifié et rejeté à l'unanimité par toute l'organisation et ses militants en 1993... Avec une telle théorie, on pourrait en conclure que tous les militants du CCI étaient irresponsables et manipulés tout au long de ces années. Pour nous, l'unanimité de façade, superficielle, peut très bien, et bien souvent, révéler la faiblesse de caractère militant, de conviction politique, et l'affaiblissement politique et militant des membres et de leur organisation. En tous cas, ce n'est pas en soi un argument, ni une preuve, d'unité et de solidité politique.
5 Cf. la 2e note de ce texte, la note 17.
6 Encore que... n'avons-nous pas été capable, paraît-il, d'organiser un kidnapping de militants en plein aéroport de Roissy, et en plein jour, à la barbe des forces de police présentes sur place, sans que les militants du CCI liquidationnistes présents et plus nombreux que nous, ne réussissent à s’y opposer !
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