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Dans le milieu politique prolétarien, nombreux sont ceux qui
ont relevé et commenté l’intervention du CCI dans
les luttes du printemps 2003 en France. Plus précisément,
certains ont souligné, et ce n’est pas de notre fait,
l’absence remarquable de militants de cette organisation –dont
plusieurs sont enseignants- dans les AG qu’elles soient
régionales ou plus locales. On a entendu des critiques, et ce
n’est pas de notre fait non plus, sur l’intervention des
militants du CCI à Lyon qui, dans les AG d’enseignants
ont très tôt appelé à « la
reprise du travail », à « l’arrêt
du mouvement », non sans être, fort justement,
copieusement sifflés par tous les participants ; et,
forts de ce succès, on a vu aussitôt ces mêmes
militants reprendre effectivement le travail et abandonner ainsi le
combat, alors que celui-ci continuait à se développer.
De
toute évidence, les membres enseignants du CCI ont participé
à ce mouvement à reculons et très vite, s'en
sont lavés les mains.
Une telle attitude ne peut que
susciter une très forte critique politique dans la mesure où
elle représente une trahison d'un principe prolétarien :
dans la lutte, un communiste ne se désolidarise pas de sa
classe, même s'il pense qu'elle a tort et même si lui a
raison. C'est ce que nous ont enseigné les bolchéviks
qui, en juillet 1917, n'ont pas abandonné les ouvriers en
lutte bien que le rapport de force était, à ce
moment-là, défavorable à la classe. Il en a été
de même pour Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht qui ont même
payé de leur vie le fait d'être restés, -lors des
premières semaines de 1919, à Berlin- avec la classe
ouvrière en lutte alors que la répression bourgeoise
s'abattait sauvagement. Ce fut également toujours le
comportement des militants du CCI impliqués dans les luttes
des années 1980 (1),
comme nous le montrions dans notre précédent bulletin
(article "Réponse à nos
censeurs").
Malheureusement cette trahison est en pleine
cohérence avec la vision défaitiste que développe
ouvertement aujourd'hui le CCI (cf notre critique de la résolution
du 15è Congrès dans ce numéro) mais aussi avec
l’analyse du mouvement du printemps 2003 et l’orientation
qu'il y a défendue dès son début, à
savoir qu'il s'agissait d'une lutte organisée et manipulée
de bout en bout par la bourgeoisie et à laquelle il était
donc urgent de mettre un terme. Pire que cela, cette intervention ne
fait que concrétiser chez ce dernier son adhésion de
plus en plus visible et affirmée à une conception
petite-bourgeoisie de la classe ouvrière. Et c’est cela,
en vérité, qui soulève le cœur de tout le
milieu politique et de certains sympathisants, c’est cela qui
les oblige à réagir.
Le nouveau CCI est bel et bien
en train d’adopter une conception de la classe ouvrière,
de sa lutte et des moyens de sa lutte, qui tourne résolument
le dos aux conceptions marxistes, pour flirter de plus en plus avec
celles de la petite-bourgeoisie "démocrate" et
légaliste, révulsée, effrayée par la
perspective de lutte de classe et toute prête à
condamner tout "désordre social". C’est
effectivement dans ce marigot là qu’on condamne les
grèves, la grève en général et toutes les
grèves en particulier, au nom de "la gêne"
qu’elles procurent aux "citoyens".
C'est dans
cette idéologie-là que le CCI semble puiser de plus en
plus son inspiration. Il suffit, pour s’en convaincre, de
consulter les publications du "nouveau" CCI ; nous
nous limiterons à sa publication en France,
Révolution internationale.
Nous avions déjà dénoncé le véritable
sabotage opéré par RI à propos des luttes
en Argentine en 2002 (Bulletin n°5 –janvier 2002) lorsqu'il
réduisait la lutte au "pillage des magasins et au
saccage des vitrines", des "actes de violence"
ne faisant qu'exprimer "le désespoir des couches
sociales frappées par la misère et dont la révolte
n'est qu'un feu de paille qui ne peut déboucher sur aucune
perspective". La classe ouvrière ? Pas vue, sinon
"noyée au milieu des émeutes de la faim
dans un grand mouvement de 'protestation populaire' interclassiste
au sein duquel elle ne peut ni affirmer son autonomie de classe ni
mettre en avant ses propres méthodes de luttes"
(RI 319 – janvier 2002). Un modèle du
genre où le CCI découvre "avec effroi" qu'en
période de crise aiguë, la famine n'a pas de frontière
de classe et suscite des mouvements de révolte "impurs" :
à y regarder de près, cela fut même toujours le
cas dans l'histoire !
Le lecteur attentif ne manquera pas de
constater la différence, dans le ton et l'appréciation
tout à fait contradictoires des luttes en Argentine, entre cet
article de janvier 2002 et celui paru 4 mois seulement auparavant. En
septembre 2001, en effet, on saluait dans ce mouvement la résurgence
de la classe ouvrière : "Mais ce qui domine
l'actualité sociale argentine… c'est le mouvement dit
des piqueteros, des groupes de prolétaires sans travail ou
menacés de licenciements… Malgré les tentatives
de fédération de ce mouvement de piqueteros, nous
saluons dans ces grèves à répétition,
dans ces barricades qui se dressent, l'affirmation de la classe
ouvrière" (RI 315 – septembre
2001). Il semble que le CCI actuel ne revendique plus aujourd'hui le
point de vue défendu dans cet article.
A propos du mouvement du printemps 2003 en France, voilà
comment RI jugeait les grèves : "Les
grèves qui ont paralysé les transports en commun
constituent un obstacle supplémentaire à
l'extension du mouvement". La grève est un obstacle à
la lutte. Le CCI n'en reste pas là dans la mesure où il
va jusqu'à dénoncer le "préjudice"
causé à la bonne tenue des examens par la grève
des enseignants : "De telles actions ne peuvent
évidemment contribuer qu'à isoler ces élements
combatifs et à les discréditer en même temps aux
yeux de l'ensemble de la classe ouvrière dont les enfants sont
exposés à subir directement les préjudices du
blocage des examens". Non à la grève qui
entrave la bonne marche de l'économie bourgeoise et qui ne
respecte pas son ordre et ses institutions !
« Toute
cette confusion traduit en fait les contradictions dans laquelle se
trouvent tous ces intermittents qui sont poussés à
scier la branche sur laquelle ils sont assis : à chaque
fois qu’un spectacle ou un festival est annulé, c’est
une occasion perdue de décrocher un contrat, et un pas certain
vers le chômage pour la majeure partie d’entre eux »
(RI n° 338 – septembre 2003).
Autrement dit :
les intermittents auraient dû renoncer à la lutte parce
qu’elle pourrait bien conduire « la majorité
d’entre eux » au chômage ! ! !
La lutte engendre le chômage ! ! ! De là
à proclamer que « la grève est l’arme
des trust » à la manière de Thorez en 1947,
il n’y a qu’un pas. Et on aura noté au passage
l'ignorance dédaigneuse du CCI sur la réalité
des conditions de vie des intermittents, préférant les
déconsidérer en les caractérisant avec mépris
de « milieu artistique très fermé, ultra
corporatiste, élitiste, très fortement influencé
par l’idéologie petite-bourgeoise… ».
De telles interventions, qu'elles soient le fait de militants sur
leur lieu de travail ou celui de l'organisation (presse, réunions
publiques….) sont parfaitement indignes du CCI et en totale
opposition avec ce que ce courant a toujours défendu jusqu'à
ces dernières années, y compris dans le mouvement de
décembre 1995. Qu'elles suscitent la critique politique sans
concession de la part du milieu révolutionnaire, rien là
que de très normal : celui-ci ne fait là
qu'assumer la responsabilité qui est la sienne de mener
ouvertement le combat contre toute idéologie qui cherche à
empoisonner la classe ouvrière, en l'occurrence cette
idéologie défaitiste et opportuniste.
Comment les
militants qui sont encore dans le CCI actuel peuvent-ils suivre et
défendre de telles orientations dans les luttes ouvrières
sans se poser de questions ? Comment peuvent-ils rester sourds aux
tentatives de tout le camp prolétarien pour les sortir de
l'impasse dans laquelle ils s'enfoncent quotidiennement ?
La fraction, 10 septembre 2003
Notes:
1 Il convient de rappeler ici qu'en décembre 1995, les militants ouvriers du CCI impliqués dans la grève ont pour la plupart fait grève jusqu'à la reprise effective du travail les 19 et 20 décembre. Pour certains - dont nous étions -, cela a signifié trois semaines de grève et de participation quotidienne aux assemblées ouvrières. D'après des militants d'autres organisations, cela n'aurait pas été le cas partout ce que l'ensemble du CCI ignorait et ce qui n'avait pas été posé ouvertement. Si cela se vérifiait, cette attitude viendrait confirmer qu'existait bien aussi sur ce plan particulier du militantisme deux tendances opposées, latentes, non déclarées, dès ces années-là.
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