Home | Bulletin Communiste FICCI 21 | 

Du côté du débat politique et de l’intervention dans la classe

Sur la crise organisationnelle du CCI

Extrait de la lettre du camarade J-C

Camarades,
Je ne suis (pas) militant du CCI (…) seulement abonné (mais presque « abonné fondateur »).( ….)
Jusqu’alors – et encore maintenant – les publications du CCI ont constitué un socle théorique et une revendication de l’histoire du mouvement ouvrier auxquels j’attache une grande importance – je ne me retrouve pas dans les autres publications du MPP auxquelles je suis aussi abonné ou que je lis à l’occasion, un tel intérêt.
La question du « militantisme intégral » et la solution apportée à la « crise » de 93-96 (que je ne connais que par les brochures « paranoïa ») me semble importante.
J’ai « vécu » l’émergence de cette question dans le milieu communiste avec le sourire de qui a vu des tentatives de regroupement prolétarien s’abîmer dans des errements communautaires. Je croyais cette dérive réservée aux groupes conseillistes ou anarchistes.
J’ai reçu vos bulletins (…) et j’y lis autre chose que les condamnations péremptoires de Révolution internationale. Je ne crois pas qu’un lecteur exclusif des publications du CCI soit en mesure de prendre une position quelconque sur cette dernière question de l’organisation et du militantisme posée par la fraction ( ce n’était pas le cas, je crois, pour la crise 93-96). (...)
J.C.


Mail d'un camarade du Canada suite à notre interdiction aux réunions publiques du CCI

Chers camarades,
J'avais déjà pris connaissance de cette horreur(1) via Internet (…). Notez que si seulement une minorité d'articles sont disponibles sur la toile (le site du CCI), ceux qui vous concernent le sont toujours. Ce qu'il y a de clair est le discrédit que ça jette sur la notion même d'organisation. Quels minables! Si vous diffusez à l'extérieur de leurs assemblées, ils finiront bien par vous agresser physiquement. (…)
J'espère que vos ennuis continuels avec vos anciens camarades ne vous minent pas trop le moral. L'avenir de l'humanité dépend trop des minorités révolutionnaires pour perdre quelques excellents militants communistes de plus.
M. septembre 2003


L'intervention dans les luttes ouvrières

Courrier de JL (Amérique Latine)

Chers camarades, saluts cordiaux !
J'ai reçu votre lettre et aussi votre bulletin de manière régulière. J'ai été particulièrement intéressé par le texte "la lutte ouvrière en France de mai 2003". Il me semble qu'il traite de questions fondamentales, de grand intérêt pour la classe ouvrière. La simple lecture de ce texte est un plaisir pour moi (ce type d'événements ne sont bien sûr pas révélés dans les médias (...). Le travail que vous réalisez est assez complet, c'est-à-dire de présenter votre analyse et votre intervention face à tout le camp prolétarien, et de diffuser dans le mouvement et au bon moment un tract. (...) Pour moi, ce qui m'apparait comme le plus significatif est l'interaction entre organisation politique et la classe ouvrière en fonction des possibilités. Cela veut dire : intervention quotidienne, une présence politique permanente, l'appel à la lutte tous ensemble, la poursuite de la grève, des propositions concrètes, et l'appui aux ouvriers. Et cela pour que la classe ouvrière prenne le contrôle de ses luttes au travers des délégués élus et révocables et que ses comités de lutte organisent et mettent en pratique les décisions prises en assemblées générales. C'est dans ce sens qu'interagissent l'organisation révolutionnaire et la classe ouvrière. Voilà le plus intéressant : l'interaction naturelle pour que la classe ouvrière apprenne et prenne conscience de tout cela, de son pouvoir comme classe (...).
JL, 24 juin 2003


Lettre du camarade T.

Camarades de la FICCI,
Je dois vous dire que votre réponse publiée dans le bulletin n°19 m'est apparue insuffisante. Je crois comprendre l'apport du CCI au mouvement ouvrier. Cependant, par rapport à mon questionnement, le problème peut se résumer à la réponse à la question suivante :
Quelle a été l'appel concret du CCI aux travailleurs durant les mobilisations de 1995 en France ?

Il est vrai que le CCI a fait un bilan de la lutte. Mais il n'a jamais fait d'appel concret vers un type déterminé d'actions. De l'évaluation des événements, on en tirait un avertissement sur la capacité de la bourgeoisie pour manipuler la classe ouvrière. Une manipulation très sophistiquée dans laquelle, même les assemblées et l'extension des luttes, deux points centraux du programme du CCI, avaient été sous le contrôle des syndicats dès le début des mobilisations. L'objectif était de crédibiliser les syndicats face à la classe ouvrière pour les préparer aux futurs affrontements de classe. Cette campagne, en plus, avait compté sur une couverture suspecte et étendue dans les moyens de communication. Que devait faire la classe ouvrière selon le CCI ? Si la position du CCI était de participer dans le mouvement pour le radicaliser et briser les filets syndicaux, les lecteurs, pour le moins moi-même, ne l'ont pas compris comme cela. Si la position du CCI a été d'éviter la provocation et de maintenir le calme, en retournant sur les lieux de travail [nous avons traduit "regresando a los lugares de trabajo" mot à mot bien que la phrase du camarade peut être comprise comme "reprendre le travail et arrêter la grève", note de la fraction], cela non plus n'a pas été clair dans la presse. Si la participation du CCI dans les faits a été l'intervention active, cela ne s'est pas exprimé dans la presse. Où cela s'est-il exprimé ? Seulement dans les tracts ? Si la participation du CCI a été mené par l'intervention de certains militants, mais sans que cela se manifeste ouvertement dans la presse, c'est encore pire !
Comme je l'ai défendu, l'attitude du CCI face au mouvement de 2003 en France garde une grande similitude avec celle qu'il a eue en 1995 : la prise de distance critique et le report dans "l'avenir" (c'est le titre, de fait, de l'article dédié aux mobilisations récentes dans Revolución mundial 15: "l'avenir appartient à la lutte de classes"). C'est la raison pour laquelle critiquer l'attitude du CCI vis-à-vis des mobilisations de 2003 sans critiquer l'attitude du CCI face aux mobilisations de 1995 ne me semble pas convaincant.
La fraction interne du CCI a appelé à un débat sur la situation du CCI et sur l'analyse rétrospective de la crise de cette organisation. Mais elle semble rester discrète quand il s'agit de remettre en question les situations particulières dans lesquelles les militants aujourd'hui de la fraction ont eu une participation active. Est-il possible par hasard que la fraction critique le CCI sans que cela implique en même temps une autocritique ? Est-il suffisant de se référer au "CCI d'avant" sans remettre en question ce qui a amené celui-ci au "CCI de maintenant" ? N'y-a-t-il pas au milieu un processus ? S'il n'en était pas ainsi, alors l'explication résiderait exclusivement sur le fait subjectif selon lequel un ensemble d'individus, retournés par on ne sait quelle circonstance (cela pourrait être la jalousie, l'ambition... c'est-à-dire les facteurs mêmes que le CCI rejette sur la fraction interne), aurait décidé de rompre avec la trajectoire du "CCI d'avant". De mon point de vue, l'explication "putschiste" est insuffisante et la fraction nous doit l'explication de la genèse et des facteurs qui ont conduit à la crise actuelle. Je soutiens que le "CCI d'avant" s'est éloigné des mobilisations de 1995 et ce fait révèle qu'existait déjà une décomposition programmatique-organisationnelle.

Nous avons maintenant une fraction interne du CCI qui a assumé la lutte des travailleurs français comme sienne, et dans ce sens, elle n'a pas seulement démontré sa prise de distance avec le CCI, que cela soit dû à la rupture avec le "CCI de maintenant" et qu'elle ait repris le "CCI d'avant", mais plus important qu'elle se soit convertie en un agent d'intervention dans le processus réelle des événements. Plus que la discussion scolastique sur les différences entre le "CCI d'avant" et le "CCI de maintenant", mon intérêt est de clarifier de manière collective le problème de l'intervention des organisations communistes dans les luttes ouvrières ainsi que la relation aux syndicats. Il me semble que restent des points insuffisamment expliqués : pourquoi les mobilisations de 2003 méritaient-elles un traitement différent de celles de 1995 ? Est-ce que par hasard en 2003, la bourgeoisie était confiante et n'a pas agi avec la même capacité de manipulation qu'en 1995 ? Les manoeuvres orchestrées par la bourgeoisie en 1995 ne devaient-elles pas permettre de contrôler les mouvements suivants ? Alors, pourquoi maintenant ne pas avoir la même prudence que celle que défendait le CCI en 1995 et qu'elle a défendue encore en 2003 ? Quelles leçons à tirer par rapport à l'intervention des communistes dans les luttes ouvrières et face aux syndicats ?

Mon souci n'est pas de trouver des "coupables" mais de définir un point de priorité maximum : l'intervention des communistes dans les mobilisations ouvrières et face aux syndicats. Je m'adresse à vous avec un désir renouvelé de débat en partant de deux considérations : la première, la reconnaissance du travail que vous avez développé ces derniers mois ; et, la deuxième, la conviction que sûrement un des facteurs qui a contribué de manière sévère à la décomposition du CCI a été le reflux de la classe ouvrière et la démoralisation généralisée face auxquels le CCI s'est comporté comme un véritable bastion qui nous a permis de maintenir vivante la perspective. Maintenant nous nous rendons compte que cela a eu un coût et qu'un des antidotes face à ces dégâts est de faire revivre le débat et de revenir même sur ces questions qui paraissaient déjà résolues.
Saludos fraternales, T., 11 septembre 2003.



Quelques éléments rapides de réponse et de réflexion sur une question posée par le camarade T

Comme nous l'avons dit en introduction de cette rubrique, nous allons répondre dans un prochain numéro de ce bulletin à la question de la grève de décembre 1995 en France, à la fois sur l'analyse et l'appréciation de cet événement et à la fois sur les orientations d'intervention qui en découlaient pour le CCI. Pour l'heure, contentons-nous de réaffirmer ici la validité, selon nous, de l'analyse et de l'intervention globale du CCI en 1995 - sans oublier qu'il peut toujours avoir des hésitations ou des erreurs dans l'intervention immédiate, locale ou particulière par rapport à l'orientation globale donnée à l'intervention.

Nous voulons juste ici donner quelques éléments de réponse à une autre question qui nous est souvent posée, comme par exemple à la dernière réunion de lecteur du PCI-Le Prolétaire de septembre à Paris, et que nous pose le camarade T: "Est-il suffisant de se référer au «CCI d'avant» sans remettre en question ce qui a amené celui-ci au «CCI de maintenant» ? N'y-a-t-il pas au milieu un processus ?" Bien sûr qu'existe un processus. Mais un processus bien concret ayant opposé des tendances et des orientations politiques bien réelles. Nous avons déjà dit (cf. notre bulletin 11) qu'"en fait, il convient de reconnaître aujourd'hui que, depuis 1996, et sans doute dès 1993, deux compréhensions et deux tendances politiques ont émergé de la crise et du combat contre les conceptions cristallisées dans le "clan-pavillon" au sein du CCI. Ces deux tendances, et l'oscillation entre ces deux tendances ont été constantes depuis lors jusqu'au 14e congrès international (mai 2001)". Ces deux tendances opposées, et qui n'étaient pas cristallisées, formalisées; et si peu conscientes d'elles-mêmes, se sont opposées de manière souterraine tant sur la question organisationnelle, du militantisme et de l'intervention que sur des questions comme celle de la décomposition et des luttes ouvrières. Loin de nous donc l'idée de considèrer que le putsch réalisé par la faction liquidationniste, car il y a eu néanmoins un véritable «coup d'Etat» liquidant les principes organisationnels du Courant, est la raison de la dérive actuelle. Pour nous, ce sont les faiblesses politiques générales, dont l'incapacité à poser les termes des divergences politiques entre les deux tendances opposées n'est pas la moindre, qui sont la raison fondamentale, et du succès des manoeuvres organisationnelles sans principe, et de la dérive politique généralisée actuelle.

Les camarades qui sont d'accord avec notre intervention dans la lutte ouvrière de mai-juin en France et qui, pour un certain nombre, la saluent, tendent à affirmer que celle-ci est en rupture avec le «CCI de toujours». Nous pensons qu'ils font une erreur. D'où vient la validité de notre intervention dans la lutte de mai-juin ? D'où vient notre expérience, aussi modeste soit-elle ? Sinon du CCI ? N'y a-t-il pas là aussi un processus ? On le voit, la question n'est pas si simple.

Effectivement, le CCI a vécu un processus qui a vu un combat feutré et non déclaré mais néanmoins réel entre deux tendances, entre une tendance de gauche, fidèle au marxisme et aux positions du CCI d'une part, et une autre tendance opportuniste et révisionniste, indifférentiste et défaitiste face à la lutte de classes. Cette dernière tendance de droite est devenue dominante et a éliminé, nous pouvons dire physiquement, de l'organisation la tendance de gauche bien trop tardivement cristallisée et formalisée. Mais cette tendance de gauche dont notre fraction est l'expression est bien elle-aussi le produit d'un processus et d'une continuité principielle, théorique, politique, organisationnelle et militante.

En fait, le rejet de toute l'expérience du CCI, sans voir effectivement ce processus réél vécu cette dernière décennie, interdit de comprendre et de sauver les acquis politiques et l'expérience militante du «CCI d'avant» quels que soient les critiques et les désaccords qu'on puisse avoir avec ses positions programmatiques et théoriques.

La fraction.


Notes:

1Ce camarade fait référence la décision prise par le CCI actuel d'interdire l'accès de ses réunions publiques à tous les membres de notre fraction et à l'article paru dans RI (ainsi que sur le site du CCI) pour la "justifier"


Home | Bulletin Communiste FICCI 21 |