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LETTRE DE SERGIO AU CCI, A LA FRACTION (03/03/2002)

Aux camarades du CCI,

Aux membres de la Fraction,

Les événements qui se sont développés après le 14e congrès jusqu'à aujourd'hui, ont touché profondèment l'organisation.

Dans ce court laps de temps, l'organisation s'est retrouvée divisée en deux. Du côté de la majorité, toute une série d'orientations politiques ont été introduites qui, me semble-t-il, vont contre ce qu'avait défendu le CCI jusqu'au Congrès : les réunions de section comme lieu privilégié pour mener à bien les discussions de l'organisation et après cela les instances supérieures comme le sont les Réunions Territoriales et les congrès. Aujourd'hui, on peut discuter en dehors de ce cadre à condition que ce soit répercuté à l'ensemble de l'organisation. C'est-à-dire que les leçons acquises comme partie du combat contre les clans de 93 à 96 sont jetées par-dessus bord même si est affirmée une continuité avec les orientations et les leçons tirées du texte de 81 et de 93. De mon point de vue, ce qui a été introduit aujourd'hui dans le Texte d'Orientation de 2001, ne garde aucune continuité avec les acquis et les leçons synthétisées dans les textes du début des années 80 et 90. La question centrale qui est posée dans le Texte d'Orientation actuel est la question de la confiance et de la solidarité. De nouveau, la manière dont c'est fait, tombe en dehors du terrain des leçons acquises avant le 14e congrès. La question de la confiance est posée comme un concept à partir duquel on peut faire une révision de toute l'histoire non seulement du mouvement ouvrier, mais de toute l'humanité. Ca n'a plus rien à voir avec la rigueur établie dans l'organisation comme partie du fonctionnement : non à une confiance aveugle, abstraite, pour le simple fait de croire dans les objectifs ou les instances, mais oui à une confiance vérifiée, comme partie de la rigueur organisationnelle. Sur la question de la solidarité : voilà un autre élément qui a commencé à être introduit de manière erronée, me semble-t-il, dans le même Texte d'Orientation en voulant dépasser, je pense, les positions et les enjeux d'avant le 14e Congrès. Il y a eu une sous-estimation sur cette question par rapport à la solidarité des uns par rapport aux autres, laissant tout seul ceux pris dans une situation de difficulté. Aujourd'hui, la position sur la solidarité a abandonné le terrain concret dans l'organisation pour la poser au niveau théorique et de manière abstraite et générale comme partie de l'ensemble de l'histoire de l'humanité. La solidarité humaine est posée en soi. Mais dans le concret on a commencé à introduire des questions diluantes pour la classe ouvrière sur le terrain concret comme le sont l'appui de solidarité aux pompiers et aux sauveteurs en général qui sont intervenus après le bombardement du World Trade Center. Voilà précisèment les dangers qu'entraîne les orientations introduites dans le Texte d'Orientation de 2001 : flirter avec des positions qui abandonnent les principes qu'avait défendus le CCI jusqu'au 14e Congrès. Et cela, sans mentionner les positions de la philosophie bourgeoise qui sert de base pour argumenter le fond des positions comme le darwinisme (ce qui a été soulevé dans les discussions de semi-section de RM) ou la citation même que fait le TO de Spinoza à laquelle je ne vois aucun sens alors qu'on aurait pu s'en remettre de manière centrée aux classiques du marxisme. Mais bon…

Ce sont ces divergences qui me semblent de fond, qui ont amené à la formation d'une Fraction qui s'appuie sur les positions et les leçons tirées jusqu'au 14e Congrès. Cet évenement a mis en lumière aussi une autre question de fond et qui renvoie au fait que l'organisation des révolutionnaires n'est pas une organisation monolythique. S'est manifestée une fermeture aux positions divergentes de la minorité et une intolérance vis-à-vis de ceux qui les défendent. Des mesures disciplinaires ont été prises pour des raisons jamais vues encore dans l'histoire du mouvement ouvrier (pour prendre des notes dans une réunion pour les camarades Juan et Olivier, ou pour le fait d'abandonner ou de ne pas assister à une réunion) et malheureusement sur ce fait, il n'y a pas eu beaucoup d'argumentation dans aucune section. N'existent seulement que les communiqués du SI là-dessus dans le BII 288. Cela me rappelle les mesures disciplinaires imposées à la fraction du PCI durant les années 1924-1925. On pourra argumenter qu'alors le PCI était dans un processus de dégénérescence et que c'était pour cela qu'il agissait de la sorte. Aujourd'hui la majorité soutient que le CCI n'est pas en dégénérescence. S'il en est ainsi, je crois que ce serait une raison de plus pour repousser de telles mesures à l'intérieur de l'organisation contre la minorité.

Plus a passé le temps, plus les pressions disciplinaires et personnelles contre la minorité se sont accélérées. Le BI de janvier pensait poser les bases pour réglementer la vie de la fraction et sans doute sa disparition et pour lancer à fond une politique pour convaincre les camarades qui restent avec des doutes sur la situation de l'organisation des révolutionnaires. Dans cette politique pour convaincre, les dénigrements envers les camarades de la fraction ont été nombreux et variés jusqu'à les traiter de staliniens (je ne sais pas pourquoi ceux qui soutiennent cette position tolèrent encore la présence en notre sein de camarades qui soi-disant agissent comme des staliniens au sein de l'organisation révolutionnaire). Ainsi, on a accentué encore plus la division envers les camarades dans le CCI et en établissant une barrière encore plus accentuée entre la majorité et la minorité. Aujourd'hui on rend coupable les camarades de la fraction de tous les dysfonctionnements et de l'état dans lequel se trouve l'organisation. En réalité, si les camarades de la fraction n'étaient pas à l'intérieur, les mêmes dysfonctionnements seraient patents. Par exemple, dans RM c'est de manière continuelle que les tâches ne sont pas accomplies. Les manquements sont répétés et personne ne dit rien. Au contraire, quand certains attaquent durement les membres de la fraction, c'est bien. Je suis arrivé à reconnaître dans la situation actuelle une paralysie totale. Personne n'écoute l'autre par rapport aux positions divergentes. Beaucoup de camarades sont dans un profond silence bien que la situation à laquelle nous sommes arrivés, n'admet plus l'existence comme telle d'une position dans le marais. Comme on a commencé à le voir, on vote et on se joint à la position de la majorité au nom de la discipline de parti et sans donner beaucoup d'arguments. L'expérience du mouvement ouvrier me rappelle l'attitude de Bordiga quand il a dissout le Comité d'Entente sur indication du Comité Central du PCI. Et il l'a fait avec l'espoir de pouvoir mener le débat dans l'ensemble de l'organisation. Cela marqua un recul et la dérive chaque fois plus profonde de la dégénérescence du parti. Là aussi, dans la CI, les insistances et les pressions pour dissoudre l'expression organisée des idées divergentes ont été continues et on va encore continuer avec la même tonalité selon les perspectives qui sont données.

Dans ma situation personnelle, le fait de ne pas partager la position majoritaire et de voir comment on légitimait dans le concret les divergences envers la minorité, m'ont amené premièrement à une situation de crise jusqu'au point de penser sérieusement à ma démission car je considérais que les mesures d'ordre disciplinaire mises en place ne sont pas celles d'une organisation de révolutionnaires pour les raisons que j'ai évoquées. Aujourd'hui, j'ai réflechi plus sérieusement et j'ai décidé de demander mon adhésion à la fraction car je partage la vision qu'elle a sur le CCI dans le moment actuel. Je ne vais pas tourner le dos à la défense de l'organisation maintenant.

Aujourd'hui, le CCI se trouve face à un enjeu énorme et d'importance vitale pour le futur de l'organisation. : la reconnaissance dans la réalité de la possibilité d'une Fraction, qui de fait est stipulée dans les statuts, mais dont la régle sur le mode d'existence dans le concret n'est pas formulée, ni conçue. Jusqu'à aujourd'hui, c'est la majorité qui a réglementé quand devait exister une fraction en son sein et quand elle devait surgir. C'est la majorité qui établit les règles de fonctionnement. Camarades, si nous concevons une fraction comme une partie naturelle de ségrégation d'une organisation, nous n'en terminons pas avec elle avant qu'elle n'existe. Ce n'est pas par une conception pure et simple d'un moment de dégénérescence de l'organisation à partir de laquelle on va instituer la forme de développement de la fraction. Dans une telle situation, la majorité fera tout pour en finir avec la minorité. Aujourd'hui, il y a un coup, une fermeture, contre l'existence d'une forme organisée des divergences au sein de l'organisation. Dans le cas où serait erronée la position minoritaire sur l'état de l'organisation à l'heure actuelle, ne nous faisons pas d'illusions que dans une situation réelle de dégénérescence (parce que la majorité ne le voit pas ainsi en ce moment) on puisse laisser subsister dans le concret une fraction, précisèment parce que l'organisation serait dégénérescente ; parce que ce serait comme une négation de l'existence de la majorité et du problème même qu'elle traverse. L'histoire du mouvement révolutionnaire a démontré à plusieurs reprises l'intolérance par les majorités de l'existence des fractions.

Je fais un appel à la véritable réflexion, à mettre la discussion sur la table de ce que je considère comme des questions de fond qu'on ne peut résoudre par de simples mesures disciplinaires. Si le CCI ne se met pas à la hauteur des exigences actuelles et qu'il ne puisse fonctionner que quand il est homogène, le futur de l'organisation et son rôle d'avant-garde sont en question. L'histoire du mouvement ouvrier a été l'histoire de la coexistence et de la tolérance des fractions. Menchéviks et bolchéviks par exemple : les divergences des menchéviks n'ont pas été résolues par des mesures disciplinaires. L'appel reste donc d'actualité et j'espère qu'on ne va pas sous-estimer la question. La collectivité signifie précisèment la participation de tous de manière consciente dans le débat, et non l'acceptation silencieuse des orientations. Ce qui est en jeu n'est pas n'importe quoi : est en jeu le rôle futur que jouera l'organisation dans le mouvement ouvrier et qui sera défini par l'acceptation dans sa vie interne, dans le réel, des divergences organisées. C'est-à-dire de l'existence des fractions se revendiquant de la défense de l'organisation dans son sein.

Sergio. 3 février 2002.


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