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LA METHODE SPECULATIVE DANS LE CCI

En se référant à l'œuvre philosophique de Hegel, Marx et Engels ont toujours souligné son caractère intrinsèquement contradictoire. D'une part, si dans Hegel se condense la dialectique, c'est-à-dire les lois générales du mouvement (tant de la nature que de l’histoire sociale et de la pensée), cette dialectique se retrouve limitée et mise à l’envers (outre par les limitations historiques de son époque) par deux caractéristiques : le point de départ idéaliste et la construction d'un système philosophique achevé (1), constitué de "vérités absolues" ce qui s'oppose à la dialectique elle-même pour laquelle le développement est illimité.

"Hegel était idéaliste, ce qui veut dire qu'au lieu de considérer les idées de son esprit comme les reflets plus ou moins abstraits des choses et des processus réels, il considérait à l'inverse les objets et leur développement comme de simples copies réalisées de l' “ Idée ” existant on ne sait où dès avant le monde. De ce fait, tout était mis sur la tête et l'enchaînement réel du monde entièrement inversé. Et bien que Hegel eût appréhendé mainte relation particulière avec tant de justesse et de génie, les raisons indiquées rendaient inévitable que le détail aussi tourne souvent au ravaudage, à l'artifice, à la construction, bref, à la perversion du vrai. Le système de Hegel comme tel a été un colossal avortement - bien que le dernier du genre. En effet, ne souffrait-il pas toujours d'une contradiction interne incurable ? D'une part, son postulat essentiel était la conception historique selon laquelle l'histoire de l'humanité est un processus évolutif qui, par nature, ne peut trouver sa conclusion intellectuelle dans la découverte d'une prétendue vérité absolue ; mais, d'autre part, il prétend être précisément la somme de cette vérité absolue. Un système de connaissance de la nature et de l'histoire embrassant tout et arrêté une fois pour toutes est en contradiction avec les lois fondamentales de la pensée dialectique…" (Engels, L'Anti-Dürhing, Introduction, Editions Sociales, souligné par nous).

Ainsi dans le système philosophique de Hegel coexistent et s'entrechoquent la méthode dialectique et la méthode spéculative. La continuation et le dépassement de ce système devaient produire la dissociation de ces deux aspects. D'une part, quelques-uns uns des critiques de Hegel, en combattant certains aspects particuliers de sa philosophie, ont repris la partie spéculative et ont été amenés à la construction de nouveaux "systèmes" qui n'étaient plus dès lors que des caricatures du premier. D'autre part, la critique de Hegel, ainsi que la critique de ces nouveaux systèmes a conduit, dans un premier temps (avec Feuerbach) au rejet de l'idéalisme et à la réappropriation du matérialisme et, ensuite (avec Marx et Engels) à la rupture avec tout système philosophique achevé en général, et à la réappropriation de la dialectique et son application aux sciences naturelles et sociales.

"On renonce dès lors à toute «vérité absolue», impossible à obtenir par cette voie et pour chacun isolément, et, à la place, on se met en quête des vérités relatives accessibles par la voie des sciences positives et la synthèse de leurs résultats à l'aide de la pensée dialectique. C'est avec Hegel que se termine, d'une façon générale, la philosophie ; en effet, d'une part, dans un système, il en résume de la façon la plus grandiose tout le développement, et, d'autre part, il nous montre, quoique inconscient, le chemin qui mène, hors de ce labyrinthe des systèmes, à la véritable connaissance positive du monde" (Engels, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande ; Editions sociales, ch.1).

"C'est là où cesse la spéculation, c'est dans la vie réelle que commence donc la science réelle, positive, l'analyse de l'activité pratique, du processus, de développement pratique des hommes. Les phrases creuses sur la conscience cessent, un savoir réel doit les remplacer. Avec l'étude de la réalité la philosophie cesse d'avoir un milieu où elle existe de façon autonome. À sa place, on pourra tout au plus mettre une synthèse des résultats les plus généraux qu'il est possible d'abstraire de l'étude du développement historique des hommes. Ces abstractions, prises en soi, détachées de l'histoire réelle, n'ont absolument aucune valeur. Elles peuvent tout au plus servir à classer plus aisément la matière historique, à indiquer la succession de ses stratifications particulières. Mais elles ne donnent en aucune façon, comme la philosophie, une recette, un schéma selon lequel on peut accommoder les époques historiques" (Marx et Engels, L'idéologie allemande, ch.1 Feuerbach, Editions sociales, souligné par nous).

C'est dans le processus de définition de la méthode matérialiste dialectique que Marx et Engels ont dû régler son compte à la partie spéculative de la philosophie de Hegel sous la forme de critique à ses épigones qui se dédiaient à ériger de nouveaux systèmes basés sur des constructions spéculatives.

Mais en quoi consiste vraiment la méthode spéculative ?

De manière schématique, on peut définir trois phases ou moments dans le discours spéculatif :

1°. La naissance du principe. D'un ensemble de choses ou de phénomènes, on abstrait un concept abstrait ou un principe. Celui-ci peut correspondre ou ne pas correspondre aux faits. Le principal est de le doter d'une "vie propre" ; comme s'il était un élément qui existait indépendamment des choses ou des phénomènes desquels on l'a abstrait. A partir de maintenant, il va régir ou déterminer l'existence de ces choses ou phénomènes ; c'est-à-dire comme si ce qui existait en premier lieu n'étaient pas ces choses ou phénomènes, mais le "principe" même, la "vérité absolue". C'est le point de départ de l'idée.

2°. Le déploiement ou le développement "historique" du principe au particulier ou au concret. Une fois défini, le principe parcourt un cycle de développement qui passe par les choses ou les phénomènes particuliers et concrets (desquels il avait été extrait). C'est-à-dire que les choses ou les phénomènes existent, ou prennent vie, mais maintenant pas en soi, mais uniquement comme autant de manifestations du principe ; les choses et les phénomènes réels sont considérés alors seulement comme des expressions, des phases ou des moments du développement du principe. L'étude particulière de chaque phénomène ou chose est remplacée par une "vérification", dans chaque chose ou phénomène, de ce principe ; certaines choses ou certains phénomènes peuvent être vrais ou coïncider avec le principe, mais si ce n'est pas le cas, alors les choses ou les phénomènes s'adaptent au principe, "sont taillés à la mesure" pour que le principe "continue son développement", qu'il continue à être "démontré". De là l'"inversion" de la réalité et "que le détail aussi tourne souvent au ravaudage, à l'artifice, à la construction" du système qu'on érige.

3°. Le retour du principe du concret à son point de départ, à l'abstraction, mais maintenant comme "vérité démontrée", comme "auto-conscience" dont l'incarnation ou le représentant est le propre philosophe qui l'a émis. Le cycle se referme et le système se retrouve achevé.

Par exemple, dans La Sainte famille, Marx et Engels prennent comme moyen de démonstration de leurs propres conceptions en développement, entre autres, l'œuvre de Szeliga comme manifestation typique de la construction spéculative. Marx et Engels exposent comment, à partir d'un roman (Les Mystères de Paris d'Eugène Sue) qui relate les "mystères" particuliers, c'est-à-dire les coutumes, les commérages et les intrigues de la vie de différents personnages et couches sociales, Szeliga érige comme principe le concept "mystère". Et de là comment il se lance à spéculer autour du "développement" et des "manifestations" de ce principe. De par la clarté de l'exposé sur la méthode spéculative, ça vaut la peine de prendre quelques passages de cette œuvre de Marx et Engels. Nous demandons l'indulgence du lecteur pour la longueur de la citation :

"Le mystère de l'exposé critique des Mystères de Paris, c'est le mystère de la construction spéculative, la construction hégélienne. Après avoir qualifié de «mystère», c'est-à-dire dissout dans la catégorie du «mystère», la «barbarie au sein de la civilisation» et l'absence de droit dans l'Etat, monsieur Szeliga fait enfin commencer au «mystère» sa carrière spéculative. Quelques mots suffiront pour caractériser la construction spéculative en général…" (La Sainte famille, ch.5, Le mystère de la construction spéculative, Editions sociales, souligné par nous).

Première phase de la spéculation. Point de départ idéaliste : définition du principe ou d'une vérité absolue :

"Quand, opérant sur les réalités, pommes, poires, fraises, amandes, je me forme l'idée générale de «fruit» ; quand, allant plus loin, je m'imagine que mon idée abstraite, «le fruit», déduite des fruits réels, est un être qui existe en dehors de moi et, bien plus, constitue l'essence véritable de la poire, de la pomme, etc., je déclare –en langage spéculatif- que «le fruit» et la «substance» de la poire, de la pomme, de l'amande, etc. Je dis donc que ce qu'il y a d'essentiel dans la poire ou la pomme, ce n'est pas d'être poire ou pomme. Ce qui est essentiel dans ces choses, ce n'est pas leur être réel, perceptible aux sens, mais l'essence que j'en ai abstraite et que je leur ai attribuée, l'essence de ma représentation : «le fruit». Je déclare alors que la pomme, la poire, l'amande etc. sont des simples formes d'existence, des modes «du fruit» (…)

On n'aboutit pas, de cette façon, à une particulière richesse de déterminations (…) (La Sainte famille, idem).

C'est-à-dire que, de cette façon, on ne peut rien dire sur chaque fruit –sur chaque chose ou phénomène- en particulier, sauf qu'ils sont des manifestations du principe. Pour cela, le philosophe doit alors "descendre de son nuage", étudier les fruits concrets. Mais il fait cela sans abandonner le principe spéculatif d'origine.

Seconde phase de la spéculation. Le déploiement du principe dans ses manifestations particulières :

"Après avoir, des différents fruits réels, fait un «fruit» de l'abstraction –le «fruit»- la spéculation, pour arriver à l'apparence d'un contenu réel, doit donc essayer, d'une façon ou d'une autre de revenir du «fruit», de la substance, au réel fruit profane de différentes espèces : la poire, la pomme, et l'amande, etc. Or, autant il est facile, en partant des fruits réels d'engendrer la représentation abstraire du «fruit», autant il est difficile, en partant de l'idée abstraite «fruit», d'engendrer des fruits réels. Il est même impossible, à moins de renoncer à l'abstraction, de passer d'une abstraction au contraire de l'abstraction.

Le philosophe spéculatif va donc renoncer à l'abstraction du «fruit», mais il renonce de façon spéculative, mystique, en ayant l'air de ne pas y renoncer. Aussi n'est-ce réellement qu'en apparence qu'il dépasse l'abstraction. Voici à peu près comment il raisonne : si la pomme, la poire, l'amande, la fraise ne sont en vérité, que «la substance», «le fruit», comment se fait-il que «le fruit» m'apparaisse tantôt comme pomme, tantôt comme poire, tantôt comme amande ? D'où vient cette apparence de diversité, si manifestement contraire à mon intuition spéculative de l'unité, de «la substance», «du fruit» ?

La raison en est, répond le philosophe spéculatif, que «le fruit» n'est pas un être mort, indifférent, immobile, mais un être doué de mouvement et qui se différencie en soi (…). Les divers fruits profanes sont diverses manifestations vivantes du «fruit unique» ; ce sont des cristallisations que forme «le fruit» lui-même (…). (Maintenant) le fruit se pose comme poire, «le fruit» se pose comme pomme, «le fruit» comme amande, et les différences qui séparent pomme, poire, amande, ce sont des auto-différentiations «du fruit», et elles font des fruits particuliers des chaînons différents dans la procès vivant «du fruit». «Le fruit» n'est donc plus une unité vide, indifférencié ; il est l'unité en tant qu'universalité, en tant que «totalité» des fruits qui forment une «série organiquement articulée». Dans chaque terme de cette série, «le fruit» se donne une existence plus développée, plus prononcée, pour finir, en tant que «récapitulation» de tous les fruits, par être en même temps l'unité vivante qui tout à la fois contient, dissout en elle-même chacun d'eux et les engendre…"

Troisième phase de la spéculation. L'auto-conscience ou l'incarnation de l'idée dans le philosophe :

"La valeur des fruits profanes consiste donc non plus en leurs propriétés naturelles, mais en leurs propriétés spéculatives, qui leur assigne une place déterminée dans le procès vital «du fruit absolu».

L'homme du commun ne croit rien avancer d'extraordinaire, en disant qu'il existe des pommes et des poires. Mais le philosophe, en exprimant ces existences de façon spéculative, a dit quelque chose d'extraordinaire. Il a accomplit un miracle : à partir de l'être conceptuel irréel, «du fruit», il a engendré des êtres naturels réels : la pomme, la poire, etc. En d'autres termes : de son propre entendement abstrait qu'il se représente comme un sujet absolu en dehors de lui-même, ici comme «le fruit», il a tiré ces fruits et chaque fois qu'il énonce une existence il accomplit un acte créateur.

Le philosophe spéculatif, cela va de soi, ne peut accomplir cette création permanente qu'en ajoutant furtivement, comme détermination de sa propre invention, des propriétés de la pomme, de la poire, etc. ; universellement connus et donnés dans l'intuition réelle, en attribuant les noms des choses réelles à ce que seul l'entendement abstrait peut créer, c'est-à-dire aux formules abstraites de l'entendement . en déclarant enfin que sa propre activité, par laquelle il passe de l'idée de pomme à l'idée de la poire, est l'activité autonome du sujet absolu, du «fruit». (idem).

C'est-à-dire que maintenant le philosophe finit par ne plus se voir comme le créateur de ses propres fantaisies spéculatives, mais que ses fantaisies lui apparaissent comme indépendantes de lui-même ; alors qu'il se voit lui-même comme un simple véhicule de ce principe qui est supposé se développer en dehors de lui, et qui, comme esprit, s'approprie de son corps pour pouvoir se manifester. C'est-à-dire qu'il finit par se voir comme l'incarnation de l'"autoconscience".

"Cette opération, on l'appelle en langage spéculatif : concevoir la substance en tant que sujet, en tant que procès interne, en tant que personne absolue, et cette façon de concevoir les choses constitue le caractère essentiel de la méthode hégélienne" (idem). Voilà pour Marx et Engels.

1- QUELQUES EXERCICES SPECULATIFS

Nous invitons maintenant le lecteur à se livrer à quelques exercices spéculatifs pour son propre compte. La recette est : prendre un ensemble de choses, de phénomènes et d'en extraire un "principe" ; ensuite, au moyen d'un renversement de la pensée, faire que ce principe détermine, régisse, ou fasse naître toutes ces choses ou phénomènes. Petit à petit, on va voir comment les choses s'enchaînent au travers de ce principe, comment elles vont trouver une succession "logique" et comment le système va se développer. Si on accomplit l'exercice à fond, on arrivera à la sensation qu'effectivement il existe un principe directeur de cet ensemble de phénomènes que nous n'avions pas découvert jusqu'alors. Et même on pourrait se figurer qu'on pourrait peut-être écrire une traité original sur le sujet.

Ensuite, nous pourrons faire quelques considérations sur la construction spéculative.

En premier lieu, il est évident que, quand on est conscient de la spéculation, quand on en a "le contrôle", ou quand on aborde des choses sensibles, la réfutation de la spéculation ne présente pas de grands problèmes. Par exemple, Marx et Engels utilisent un autre exemple enfantin : celui de la catégorie "animal" ; en utilisant un lion, un serpent, un requin et un chien, l'exercice consiste à "démontrer" comment "l'homme" domine "l'animal". Ce qui arrive quand l'homme X frappe le chien avec son bâton. Cependant reste une question : que se passerait-il si au lieu de la manifestation de l'animal comme "chien", l'homme se trouve subitement face à la manifestation de l'animal comme "lion" ?

Mais ce n'est pas aussi facile quand la spéculation reste occulte, "inconsciente" pour ainsi dire, ou quand elle tourne autour de phénomènes complexes, par exemple des situations sociales à partir desquelles on extrait un principe subjectif, disons de valeur morale, comme principe directeur. Là, l'aspect subjectif réellement existant, parmi d'autres aspects du phénomène, ou la succession historique de différents faits, peuvent donner plus facilement l'impression qu'effectivement "l'idée" plane sur les "faits concrets". Qu'elle les détermine de manière absolue. Et que ces faits concrets ne sont seulement que des "exemples" de la réalisation du principe. Dans ce cas, en même temps qu'elle met à découvert le caractère "renversé" de la méthode et le caractère "artificiel et truqué" des enchaînements, il n'y a d'autre solution que d'étudier les phénomènes proposés partie par partie, dans leur réalité concrète et aussi dans leurs enchaînements réels.

D'autre part, dans la mesure où la spéculation se maintient sur le terrain purement "théorique", elle peut avoir l'apparence de la plus grande solidité. On peut même découvrir au sein du discours spéculatif, des relations réelles mélangées à des relations artificielles. Le problème se pose quand on essaie de mettre en pratique les résultats. Là, comme dans le cas de la catégorie "animal", la spéculation peut être désastreuse pour l'homme réel.

Imaginons par exemple qu'un chercheur ait "découvert" dans l'histoire des guerres le principe directeur du "courage", de la "bravoure". Pour cela évidemment, il lui faudrait laisser de côté les facteurs économiques et technologiques qui sont derrière chaque armée ainsi que la stratégie, la supériorité numérique, etc. Mais au final, il pourrait "démontrer" avec de nombreuses anecdotes comment le "courage", la "bravoure", ont été la clé du triomphe de multiples batailles. En remontant le plus loin possible dans le temps, il pourrait même trouver les origines de ce "courage" déjà dans "l'hardiesse" des primates prédécesseurs de l'homme, pour affronter des dangers méconnus quand ils abandonnaient leur habitat d'origine. Quelqu'un pourrait essayer de réfuter ce chercheur en lui montrant comment le courage n'a pas toujours été suffisant pour triompher dans la bataille. Par exemple quand dans la guerre mexicaine, les charges téméraires de cavalerie de l'armée de Pancho Villa qui avait réussi à prendre de nombreuses villes, se sont brisées contre les fils de fer barbelés et les mitrailleuses importées par le Général Obregon. Là, notre chercheur pourrait argumenter qu'au contraire, ce fait prouve de nouveau son principe : en effet, ce qui se serait passé, c'est que les cavaliers, face à l'obstacle inconnu, auraient perdu l'un après l'autre leur bravoure, se seraient laissés impressionner, disperser et auraient reculer. Et de là est venue la déroute. Et que s'ils n'avaient pas perdu leur courage, le triomphe leur était réservé malgré les nouvelles armes de l'ennemi. Le chercheur pourrait même mentionner comme preuve supplémentaire le témoignage d'un "guérillero de Villa" qui se souviendrait que "à l'exception de peu d'entre nous, presque tous se "dégonflèrent" (se laissèrent impressionner) face aux mitrailleuses". Et ainsi resterait démontré, prouvé, pour toute bataille future que l'essentiel pour le triomphe est "le courage et la bravoure". Que se passerait-il cependant si un commandant essayait de mettre en pratique dans une situation de guerre véritable, le principe du "courage" comme clé pour la victoire dans la bataille ? Peut-être pourrait-il gagner par hasard, mais le plus probable est qu'il conduirait ses hommes à une défaite épouvantable. En somme, il serait à la merci de multiples facteurs réels qui resteraient pour lui méconnus et hors de contrôle.

"La vie sociale est essentiellement pratique. Tous les mystères qui détournent la théorie vers le mysticisme trouvent leur solution rationnelle dans la praxis humaine et dans la compréhension de cette praxis" (Marx, Thèses sur Feuerbach, Editions sociales).

2 –LA CATEGORIE ABSTRAITE "CONFIANCE"

Prenons finalement un exemple qui peut avoir le plus grand intérêt : l'histoire des organisations révolutionnaires de la classe ouvrière auxquelles on attribue comme principe directeur, le principe de… "la confiance".

Première phase. Enoncé de "l'idée" ou le principe directeur. Dans cet exemple nous aurons, d'entrée et avant tout que :

"… la question de la confiance couvre toute une série d'aspects :

- confiance de l'organisation envers la capacité de la classe ouvrière à faire face à ses responsabilités historiques ;

- confiance de l'organisation envers son rôle, ses analyses et ses principes ;

- confiance en sa capacité de défendre ces derniers au sein de la classe ;

- confiance des différentes parties de l'organisation… en elles-mêmes et entre elles ;

- confiance des militants en eux-mêmes et entre eux.

Il ne s'agit pas là, évidemment, d'aspects séparés de la question de la confiance sans lien entre eux. Il existe un lien intime, bien qu'il ne soit pas nécessairement mécanique entre ces différents aspects de la confiance" (Texte de Peter souligné par nous, Confiance dans le prolétariat et confiance au sein de l'organisation (2e partie), BII 282, avril 2001, p.38).

Notons que non seulement la liste d'éléments est construite de manière un peu "forcée", "tirée par les cheveux" -par exemple, la conscience de l'organisation révolutionnaire dans l'être révolutionnaire de la classe se convertit en "confiance envers la capacité de la classe ouvrière…"-, mais qu'en outre, chaque forme particulière de "confiance" qui pourrait être sous-jacente dans les éléments concrets qui forment une organisation révolutionnaire : son rôle, sa structure, les rapports entre militants, la conscience de classe… tous ces éléments sont présentés d'entrée non dans leur particularité, mais seulement comme des "aspects" de la catégorie abstraite "confiance". La conscience de classe, les relations militants, la structure organisationnelle, etc., sont considérées ici "comme des simples modalités d'existence, comme des modes de "la confiance". Tel est le démarrage de notre exemple spéculatif.

Seconde phase. Développement "historique" et retour à la réalité concrète de notre principe. Construction du système. Mises en route, nous nous rendons compte rapidement des possibilités illimitées de la méthode spéculative, de la facilité avec laquelle on peut élever tout un nouveau système d'idées :

"On pourrait passer en revue toute une série d'expériences au sein du mouvement ouvrier concernant la question de la perte de confiance de l'organisation en elle-même ou envers ses propres principes. Mais cela nous entraînerait à pratiquement réécrire une histoire du mouvement ouvrier ou tout au moins à donner à cette contribution une taille kilométrique. En conséquence, on peut se limiter à n'évoquer (et très rapidement) que quelques exemples" (idem).

La confiance commence donc son parcours par le passé, le présent et le futur des organisations révolutionnaires en faisant de celles-ci de simples manifestations d'elle-même la confiance. Peu importe que tantôt on parle de "confiance dans la classe ouvrière", tantôt de "confiance dans les principes", et tantôt de "confiance dans l'organisation", car ici tout est considéré seulement comme un aspect de la catégorie "confiance".

Notons aussi que dans notre exemple, il ne s'agit pas de l'étude particulière des différents éléments qui constituent une organisation révolutionnaire, mais de la "vérification", de "l'exemplarisation" du principe de "la confiance". C'est-à-dire, l'histoire des organisations révolutionnaires ne sert ici que pour prouver la "vérité" de la confiance. Marx et Engels se réfèrent à cette forme "renversée" pour concevoir l'histoire :

"Pour M. Bauer la vérité est, comme pour Hegel, un automate qui se prouve lui-même. L'homme n'a qu'à la suivre. Comme chez Hegel, le résultat du développement réel n'est autre chose que la vérité prouvée, c'est-à-dire amenée par la conscience (…). De même que d'après les anciens téléologues les plantes n'existent que pour être mangées par les animaux, et les animaux pour être mangés par les hommes, l'histoire n'existe que pour servir à cet acte de consommation de la nourriture théorique : la démonstration. L'homme existe pour que l'histoire existe, et l'histoire existe pour qu'existe la preuve des vérités. Ce qu'on retrouve sous cette forme critiquement banalisée, c'est la sagesse spéculative d'après laquelle l'homme, l'histoire existent pour que la vérité puisse parvenir à la conscience de soi". (Marx, La Sainte famille, ch.6; «La critique critique absolue» ou la critique critique personnifiée par monsieur Bauer, Editions sociales).

Dans notre exemple, non seulement l'histoire, mais jusqu'à l'anthropologie peut servir pour démontrer la vérité absolue de la confiance : "ce qui rend si difficiles les questions de la solidarité et de la confiance, c'est le fait qu'elles ne sont pas seulement une affaire de l'esprit mais aussi du cœur (…). L'absence de confiance implique à son tour (…) la paralysie des forces collectives conscientes (…). Déjà les prédécesseurs de l'humanité appartenaient certainement à ces espèces animales hautement développées à qui les instincts sociaux donnaient un avantage décisif dans la lutte pour la survie. Ces espèces portaient déjà les marques rudimentaires de la force collective…" (Texte d'orientation sur la confiance, BII 284, p.6, souligné par nous). Est-ce à dire que nous pouvons déjà trouver le principe de "La confiance" au sein de l'organisation révolutionnaire dans les instincts des primates ? La spéculation déchaînée peut atteindre des hauteurs insoupçonnées.

Mais, de retour à "l'histoire", nous pouvons donc passer en revue la Ligue des communistes, la Social-démocratie, la Gauche italienne, jusqu'au CCI et nous projeter dans le futur de celle-ci : n'importe quel "exemple" suffit pour prouver "la confiance". Comme nous faisons référence à des organisations réelles, concrètes, qui en outre se sont succédées dans le temps, le discours peut donner l'apparence que nous sommes devant une véritable étude de faits concrets et d'un développement "dialectique".

De cette manière, toute faiblesse, erreur, influence de l'idéologie bourgeoise, tout changement de position, ou toute destruction d'une organisation, l'opportunisme, l'immédiatisme, l'euphorie, l'oubli des positions, le conseillisme, le bordiguisme… tous ces phénomènes se retrouvent indifférenciés. Ils ne sont déjà plus que des mots pour désigner "la perte de confiance".

Mais notons bien ce point important. Les cas "concrets" ne se réfèrent pas à la confiance prise dans un sens "positif". On ne développe pas autour du surgissement, de l'établissement ou de la consolidation de la "confiance" dans l'organisation révolutionnaire, mais seulement dans un sens "négatif", comme "perte de confiance". Ainsi :

"Dans la Ligue des communistes on peut voir facilement qu'une des manifestations de la perte de confiance de Willich Schapper en la classe ouvrière s'est concrétisée par la remise en question du programme de la Ligue, c'est-à-dire du Manifeste communiste…" (Texte de Peter sur la confiance déjà cité, souligné par nous, BII 282, p.38).

Dans la Fraction italienne, tous les camarades "de cette organisation qui avait porté le plus haut le flambeau des positions de la Gauche communiste après la mort de l'Internationale, qui, les uns après les autres, ont perdu confiance dans un des principes de base de la Fraction (…) : la nature et le rôle de la Fraction de gauche dans le parti dégénérescent et comme pont vers le nouveau parti" (idem, Peter, p.39).

Dans le CCI "les exemples ne manquent pas non plus «d'oublis» de nos acquis, y compris programmatiques" (oublis derrière lesquels se trouve bien sûr une "perte de confiance").

"Pour résumer (…), aucune organisation du mouvement ouvrier n'a été à l'abri, pas même la nôtre, d'une perte de confiance dans les principes et les analyses ayantt servi de base à sa constitution…" (idem).

Cette tournure du discours qui passe, sans plus, de la proposition sur les "aspects de la confiance" à l'exposition d'exemples de "perte de confiance" s'explique dans le fait que la confiance est considérée comme un principe qui existe pour soi, comme un axiome (affirmation qui n'a pas besoin d'être prouvée), comme une vérité absolue :

"Toute perte de confiance, même partielle, dans les principes programmatiques, c'est-à-dire dans ce qui sert de boussole à l'organisation, constitue un facteur de premier ordre de désorientation de celle-ci, désorientation qui peut également aboutir à sa mort" (texte de Peter, BII 282, p.39).

La perte de ce qui sert d'orientation conduit à la désorientation. La perte de confiance conduit à la mort de l'organisation.

Le chercheur n'a plus besoin d'étudier l'histoire de chaque organisation, les causes particulières de leur surgissement et de leur disparition. Il peut se limiter à montrer -tout comme l'esprit qui abandonne le corps en mourant, pour aller chercher un autre corps, une nouvelle incarnation- qu'aussi toute "perte de confiance" implique l'affaiblissement ou la mort de l'organisation. Il peut se limiter à montrer comment les organisations révolutionnaires ne sont rien d'autres que des incarnations différentes du principe "confiance".

Troisième phase. Retour du principe comme auto-conscience. Le philosophe comme son représentant.

A d'abord été établi le concept confiance comme principe absolu de l'existence des organisations révolutionnaires. Après a été "démontré" que la mort des organisations révolutionnaires n'est rien d'autre que le produit de la perte de confiance (dans la classe, dans les principes, dans le cours historique, dans le parti, ou dans ce qu'on veut). Donc après la mort de ces organisations la seule chose qui puisse continuer à exister, comme fil conducteur de l'histoire, c'est toujours… "la confiance" planant comme un fantôme au-dessus des champs en ruine laissés par les organisations.

"La répétition de ces combats peut (pas seulement aguerrir) également provoquer une usure des militants. D'une certaine façon, de la même façon que certaines tribus sauvages mangeaient leurs ennemis pour s'approprier leurs vertus (mais ici, il s'agit plutôt des vices), certains de ceux qui ont mené la lutte pour la défense des principes à un moment donné, ont malgré tout subi l'influence des idées qu'ils avaient combattues, non de façon immédiate, mais à plus long terme, surtout si ces combats se sont répétés, et encore plus s'ils ont eu lieu au sein de l'organisation" (Confiance dans le prolétariat et confiance au sein de l'organisation, Peter, BII 282, 42-43).

Ici la notion d'une "idée", "la confiance", qui plane indépendamment, en elle-même, et qui peut s'incarner ou abandonner les phénomènes concrets, ne pouvait être plus illustrative au point de la comparer à celle des anthropophages qui mangent leurs ennemis pour s'approprier leur "esprit".

"C'est donc un phénomène permanent dans le mouvement ouvrier : la répétition des combats, surtout quand ils ont lieu au sein de l'organisation, use les militants et seuls réussissent à échapper à cette usure les plus résistants et les plus déterminés tels Marx et Engels, Rosa et Lénine… et MC (…).

C'est justement parce qu'il (MC) était, au sein de la Fraction reconstituée, le plus clair et le plus déterminé dans le combat contre ces conceptions, que ce combat n'a pas laissé chez lui les mêmes séquelles qui allaient aboutir à l'abdication des autres camarades de la Fraction" (idem, p.43). Comme a été souligné plus haut : "TOUS les camarades de la Fraction (…) ont perdu confiance dans un des principes (…). En fait, le SEUL militant de la Fraction à être resté fidèle aux enseignements de celle-ci est MC"(idem, p.39).

"L'arrivée aujourd'hui d'une nouvelle génération de militants constitue un élément fondamental dont il faut souligner toute la signification et l'importance (…mais…) faut-il évidemment que ces nouvelles forces puissent trouver dans nos rangs la clarté et la conviction qui permettront de les armer pour qu'elles ne s'usent pas prématurément, qui en fassent des Rosa et des Lénine et non des Kautsky ou des Plekhanov, non pas sur le plan des capacités théoriques, évidemment (il n'y aura probablement plus jamais personne de la taille de Rosa), mais sur le plan de la volonté de clarté et de la profondeur de conviction" (idem, p.43)

Ainsi s'opère donc la troisième phase de la construction spéculative. Le concept, c'est-à-dire dans notre cas, "la confiance", après avoir incarné de nombreuses organisations et après les avoir fait disparaître en les abandonnant, comme simple apparence, retourne donc à lui-même comme auto-conscience, ou, pour parler en termes concrets, comme individu (ou individus) qui sont au-dessus ou qui survivent à l'organisation, grâce à et comme garants de cette "confiance".

Ressort donc dans notre exemple une relation déterminée entre "l'organisation et l'individu", entre le "tout et l'unique", entre la "majorité et les quelques-uns uns". Dans celle-là, l'élément de "masse" ("l'organisation", le "tout", la "majorité") tend à "perdre la confiance". C'est l'éphémère. Le temporel. Ce qui s'use. Ce qui meurt. Alors que l'élément "esprit" ("l'individu", "l'unique", les "quelques uns"), est ce qui résiste. Ce qui survit. Ce qui en réalité incarne la permanence de la confiance. En d'autres termes, ce ne sont pas les organisations, mais quelques individus (Marx, Engels, Rosa, Lénine et MC) qui constituent le véritable fil conducteur de l'histoire parce qu'ils sont ceux, peu nombreux, qui incarnent la confiance.

Cette relation qui pourrait être considérée comme une "découverte" qui marquerait la dynamique des organisations révolutionnaires, est en réalité une nouvelle expression, ou nouvelle version, du vieux rapport idéaliste-spéculatif entre "l'esprit et la matière".

"Ce rapport, découvert par M.Bruno, n'est rien d'autre en effet que le parachèvement critique et caricatural de la conception hégélienne de l'histoire qui, elle-même, n'est que l'expression spéculative du dogme germano-chrétien de la contradiction Esprit-matière ou Dieu-monde. Cette contradiction s'exprime en effet dans le cadre de l'histoire, à l'intérieur du monde humain lui-même sous la forme suivante : quelques individus élus s'opposent, en tant qu'esprit actif, au reste de l'humanité : Masse sans Esprit, matière.

La conception hégélienne de l'histoire suppose un Esprit abstrait ou absolu, qui se développe de telle façon que l'humanité n'est qu'une Masse lui servant de support plus ou moins conscient. (…).

Parallèlement à cette doctrine hégélienne se développait en France l'enseignement des Doctrinaires, qui proclamaient la souveraineté de la raison par opposition à la souveraineté du peuple, afin d'exclure les masses et de régner seuls. Position logique. Si l'activité de l'humanité réelle n'est que l'activité d'une masse d'individus humains, il faut, en revanche, que l'universalité abstraite, la raison, l'Esprit possèdent à l'opposé une expression abstraite qui s'épuise en un petit nombre d'individus" (Marx-Engels, La Sainte famille, «La critique critique absolue» ou la critique critique personnifiée par monsieur Bauer, Editions sociales).

Dans un autre texte, Marx et Engels reviennent sur la signification historico-sociale de l'ascension de la méthode idéaliste-spéculative, comme justification supplémentaire de la domination de l'idéologie atteinte par la bourgeoisie qui octroyait à cette domination un caractère atemporel, absolu et irrévocable. Evidemment, cette domination idéologique n'était à son tour qu'une expression de la domination économico-politique atteinte par la bourgeoisie :

"Une fois les idées dominantes séparées par des individus qui exercent la domination, et surtout des rapports qui découlent d'un stade donné du mode de production, on obtient ce résultat que ce sont constamment les idées qui dominent dans l'histoire et il est alors très facile d'abstraire, de ces différentes idées, «l'idée», c'est-à-dire l'idée par excellence, etc., pour en faire l'élément qui domine dans l'histoire (…). Et, maintenant, on peut revenir aux producteurs «du Concept», aux théoriciens, idéologues et philosophes, pour aboutir au résultat que les philosophes en tant que tels, ont de tout temps dominé dans l'histoire – c'est-à-dire à un résultat que Hegel avait déjà exprimé, comme nous venons de le voir. En fait, le tour de force qui consiste à démontrer que l'Esprit est souverain dans l'histoire (ce que Stirner appelle la hiérarchie) se réduit aux trois efforts suivants :

1° Il s'agit de séparer les idées de ceux qui, pour des raisons empiriques, dominent en tant qu'individus matériels et dans des conditions empiriques, de ces hommes eux-mêmes et de reconnaître en conséquence que ce sont des idées ou des illusions qui dominent l'histoire.

2° Il faut apporter un ordre dans cette domination des idées, établir un lien mystique entre les idées dominantes successives, et l'on y parvient en les concevant comme des «autodéterminations du concept». (Le fait que ces pensées soient réellement liées entre elles par leur base empirique rend la chose possible ; en outre, comprises en tant que pensées pures et simples, elles deviennent des différenciations de soi, des distinctions que produit la pensée elle-même.)

3° Pour dépouiller de son aspect mystique ce «concept qui se détermine lui-même», on le transforme en une personne - «la Conscience de soi» - ou, pour paraître tout à fait matérialiste, on en fait une série de personnes qui représentent «le Concept» dans l'histoire, à savoir «les penseurs», les «philosophes», les idéologues qui sont considérés à leur tour comme les fabricants de l'histoire, comme «le comité des gardiens», comme les dominateurs. Du même coup, on a éliminé tous les éléments matériels de l'histoire et l'on peut tranquillement lâcher la bride à son destrier spéculatif" (Marx-Engels, L'idéologie allemande, ch.1, Feuerbach, Editions sociales, souligné par nous).

Il est des plus intéressant de noter comment dans notre exemple aussi, la construction spéculative nous conduit à une espèce de "comité des gardiens" :

"L'organisation doit lutter avec la plus grande détermination pour la confiance (confidence and trust) dans ses rangs. Les commissions d'investigation sont des outils pour rétablir cette confiance. Mais même s'il n'y a pas d'ennemi de classe en activité et que l'organisation soit confrontée à des expressions d'idéologie étrangère au prolétariat, celles-la (les commissions) servent aussi comme arme pour détecter ces idéologies et attitudes étrangères. Seule une commission d'investigation peut remplir sa tâche si elle dispose d'une totale indépendance…" (rapport d'activités adopté par le BI plénier extraordinaire de septembre 2001, souligné par le rapport lui-même, BII 287, p.8, traduit par nos soins).

Notons comment on commence par dire que "l'organisation doit lutter" pour ensuite terminer par parler d'une "commission d'investigation" chargée de "détecter" et "rétablir la confiance" laquelle jouit en plus d'une "totale indépendance" (c'est-à-dire qu'elle est au-delà de la masse, de l'organisation).

Ainsi, l'introduction et l'acceptation de la spéculation idéaliste débouchent sur une forme d'introduction de l'idéologie bourgeoise au sein de l'organisation révolutionnaire. Et là aussi, les conséquences pratiques peuvent être (sont déjà) désastreuses. Il suffit de voir comment, aujourd'hui, pour paraphraser Marx, "une série de personnes" représentants du "concept" dans l'histoire, ceux "qui ne s'usent pas", ceux qui "ne perdent pas la confiance", s'érigent maintenant en "comité des gardiens de la confiance".

Notre exposé se termine ici. Nous avons essayé de montrer en quoi consiste la méthode spéculative, et comment celle-ci s'applique dans plusieurs textes de la "majorité" actuelle. Et en premier lieu dans la contribution de Peter dans le BII 282 sur les militants fil-rouge. Ce texte a de toute évidence servi de point de départ à d'autres textes, tel le Texte d'orientation adopté par le BI plénier. Cette méthode spéculative-idéaliste a été introduite non seulement sans que l'organisation la perçoive, mais au contraire même en la défendant contre toutes les tentatives de critique à son égard. Il est évident que mettre à nu la méthode spéculative-idéaliste n'est pas encore la critique du contenu du document auquel nous nous référons ; ce n'est pas encore la critique des positions politiques qu'il exprime. Nous avons seulement essayer de présenter ici le danger d'introduire cette méthode dans l'organisation, et le danger de mettre en pratique les conclusions qui en découlent.

Mais derrière la réponse fausse de la spéculation sur la confiance et l'organisation, il y a une question qui se pose vraiment et revient toujours de manière plus ou moins confuse dans le document du camarade Peter du BII 282 : le rapport entre la "masse" et le "philosophe", c'est-à-dire, et sans aucune ironie, le rapport entre l'organisation révolutionnaire et le chef ou l'autorité théorico-politique. Cette question mériterait une discussion sérieuse au sein de l'organisation. Mais aurons-nous le temps et la force pour l'aborder ?

Ldo, 10/11/01.



1 Nous avons traduit "cerrado" par "achevé".


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