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Cet été 2004 connaît une accélération de la situation internationale qui, parce que les enjeux historiques s'y trouvent résumés, donne le ton à l'année à venir tant pour le prolétariat international que pour les révolutionnaires.
La crise économique capitaliste non seulement ne se dément pas mais elle subit une brutale aggravation. Aujourd'hui elle impose à la fois la multiplication des guerres et massacres impérialistes locaux et donc aussi le développement du processus vers un nouvel ordre impérialiste articulé autour de deux pôles (dont l'aboutissement ne peut être que la guerre généralisée) ; et à la fois des attaques d'une violence inouïe contre les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière.
La multiplication et la brutalité des mesures, contre les retraites, contre la sécurité sociale et les allocations de chômage, le blocage des salaires, l'augmentation du temps de travail non payé, les fermetures d'entreprises et les licenciements ont atteint, au cours de l'été, un niveau inconnu depuis des lustres. Inévitablement, ces mesures provoquent des réactions ouvrières, comme les grèves et manifestations ouvrières en Allemagne l'ont illustré en juillet et en août au cœur même du prolétariat industriel européen. Depuis 2 ans, ces réactions se suivent les unes après les autres dans les pays du centre du capitalisme : France, Autriche en 2003, Grande-Bretagne et Italie l'hiver 2003-2004, et maintenant l'Allemagne, pour ne citer que les principales. Il s'agit bien d'une reprise internationale des luttes ouvrières qui est la réponse du prolétariat à l'approfondissement de la crise économique du capitalisme, laquelle exacerbe, au sein de la classe dominante mondiale, la concurrence économique et... impérialiste. En assénant ses violentes attaques contre la classe ouvrière, chaque bourgeoisie nationale ne vise pas seulement à rendre son capital plus compétitif sur la scène internationale mais aussi à faire payer aux ouvriers ses interventions militaires de plus en plus nombreuses et ses politiques de développement de l'industrie d'armement et de constitution d'armées modernes.
Jamais dans l'histoire de notre génération de communistes et d'ouvriers, les questions de la crise et de la guerre impérialiste n'avaient été posées aussi clairement, c'est-à-dire aussi généralisées, simultanées et liées entre elles. Et, phénomène nouveau aussi pour notre génération, les manifestations patentes de la crise, telles les récessions ouvertes, avaient toujours connu un décalage avec les réactions ouvrières. De même, elles n'influençaient pas immédiatement l'exacerbation des rivalités et guerres impérialistes. Aujourd'hui, la récession économique - qui se révèle notamment à travers l'absence ou la faiblesse de la "relance" mais aussi à travers l'explosion des prix des matières premières - contraint les tenants du capitalisme à attaquer massivement et frontalement la classe ouvrière. Et, en même temps, elle les pousse à en découdre de plus en plus directement entre eux à travers des interventions militaires.
La perspective d'importantes confrontations de classes inévitables peut provoquer des sentiments d'angoisse et de peur devant les vicissitudes et les dangers que l'histoire est en train de mettre en place. Mais la classe ouvrière et les communistes doivent au contraire aborder cette perspective avec confiance et enthousiasme. Confiance car la classe ouvrière fait déjà la preuve qu'elle tend à refuser, c'est ce qu'expriment ces luttes récentes, de se sacrifier pour le capital. Enthousiasme car, derrière les combats de classe d'aujourd'hui et de demain, c'est la perspective de la destruction du capitalisme et de l'avènement du communisme qui se joue. Il n'y aucune fatalité dans la situation historique qui se profile. Le prolétariat peut aussi bien sortir victorieux que défait mais ce dont nous sommes sûrs, c'est qu'il a les armes et les moyens de la victoire. La classe ouvrière et particulièrement ses minorités révolutionnaires doivent aborder cette période avec détermination et confiance.
En particulier, la situation actuelle - la simultanéité de la crise économique, de la guerre impérialiste et des luttes ouvrières - souligne et remet au premier plan une des positions de toujours du mouvement communiste : la faillite du capitalisme pose sans ambiguïté l'alternative historique suivante : la guerre impérialiste ou la révolution communiste.
"Nous sommes placés aujourd'hui devant ce choix : ou bien triomphe de l'impérialisme et décadence de toute civilisation, avec pour conséquences, comme dans la Rome antique, le dépeuplement, la désolation, la dégénérescence, un grand cimetière ; ou bien victoire du socialisme, c'est-à-dire de la lutte consciente du prolétariat international contre l'impérialisme et contre sa méthode d'action : la guerre. C'est là un dilemme de l'histoire du monde, un ou bien - ou bien encore indécis dont les plateaux balancent devant la décision du prolétariat conscient" (La crise de la social-démocratie - La brochure de Junius -, Rosa Luxemburg, souligné par nous).
Cette alternative historique impose aux révolutionnaires d'aujourd'hui, aux groupes communistes existant, de faire face à la réalité sociale actuelle, d'agir de façon claire et résolue au sein de leur classe, et d'œuvrer autant que possible à leur propre regroupement.
De ce point de vue, un des éléments permettant de développer notre confiance dans la situation d'aujourd'hui et de demain est la capacité d'une partie significative du "camp prolétarien" à se situer dans cette perspective historique et à assumer sa tâche en conséquence. La capacité du BIPR, de ses composantes, et de la plupart des groupes bordiguistes, à continuer à mettre en avant l'alternative historique face à notre classe, à essayer de mettre à jour les racines de la crise économique et ses conséquences, à dénoncer la guerre impérialiste en général et la perspective de la guerre généralisée en particulier, non pas en soi, comme une "idée", mais dans ses manifestations concrètes d'aujourd'hui, à savoir la tendance à l'apparition et la mise en place de deux pôles impérialistes antagoniques, et enfin leur capacité à s'inscrire dans les luttes ouvrières, à reconnaître la réalité d'un renouveau des luttes et à y défendre des orientations concrètes (cf. notre bulletin 23), sont un encouragement pour toutes les organisations communistes dignes de ce nom et leurs sympathisants. Autre élément particulièrement prometteur, et que notre fraction stimule au maximum, est la volonté de débattre et de confronter les positions politiques des uns et des autres. Cette politique continue et sérieuse permet aujourd'hui au BIPR d'envisager sérieusement la perspective d'une nouvelle section en Allemagne. En Allemagne où le géant prolétarien est en train de revenir à l'avant-scène. En Allemagne où la bourgeoisie s'affirme de plus en plus ouvertement comme le véritable dirigeant du pôle impérialiste opposé à celui des Etats-Unis. Nous y revenons dans ce bulletin. C'est aussi cette volonté politique active du BIPR qui a permis que des réunions et des discussions fraternelles et fructueuses se tiennent entre cette organisation et notre fraction (cf. notre compte-rendu dans ce numéro). Le lecteur pourra constater les points d'accord importants que nous avons sur la situation historique actuelle.
Malheureusement, une des composantes de ce camp prolétarien continue "sa descente aux enfers" de l'opportunisme et s'oppose chaque fois plus à cette dynamique de clarification et de regroupement politiques. C'est le CCI actuel, le "nouveau" CCI qui jette par-dessus bord, officiellement, l'alternative historique "guerre ou révolution" au profit d'une troisième voie, la fin de l'humanité dans la décomposition, sans lutte de classes (cf. notre bulletin 21 et notre critique de la Résolution sur la situation internationale adoptée au 15e congrès international), et cela au moment même où l'affirmation de celle-ci est un élément clé du combat politique entre les classes. Il est sourd et aveugle devant la tendance à la polarisation impérialiste du monde capitaliste au nom de la "décomposition" et du "chacun pour soi" et présente la situation internationale comme plongeant dans le chaos et l'irrationnel alors même qu'un nouvel "ordre" international apparaît et s'affirme. Il rejette la réalité de la reprise internationale des luttes ouvrières en n'y voyant que manoeuvres et pièges de la bourgeoisie et sous prétexte que la "décomposition" capitaliste pèse lourdement sur la classe ouvrière. Il rejette l'ensemble des forces et groupes internationalistes comme "parasites", ou influencés par le parasitisme, et adopte à leur égard une attitude de rejet et de mépris, caractéristique du pire sectarisme.
Mais cette dérive générale ne va pas sans résistance plus ou moins consciente en son sein. Outre l'existence de notre fraction interne, qui refuse l'exclusion de tous ses membres en mars 2002 et continue à se considérer comme faisant partie du CCI - notre bulletin est un bulletin interne à destination des militants du camp prolétarien et particulièrement de ceux du CCI -, l'hétérogénéité politique qui se révèle à travers la presse internationale du CCI est une des expressions de cette résistance au cours opportuniste et révisionniste dominant. Il est assez symptomatique de constater que ce sont justement les sections qui ont du intervenir dans les luttes ouvrières - à l'exception de la section en France où la mainmise de la faction familiale liquidationniste dirigeante est la plus forte et la plus vigilante - qui, confrontées à la réalité, expriment dans la presse ces résistances. Dernièrement, cela a été particulièrement visible dans Rivoluzione Internazionale, la publication en Italie, comme notre lecteur pourra le constater dans ce bulletin.
Mais au-delà de cette résistance interne, il n'en reste pas moins que, sur toutes les questions cruciales de la situation, un clivage s'est fait entre le CCI actuel et les autres forces du camp prolétarien. Les groupes les plus importants, comme le BIPR et le PCI-Le Prolétaire (évidemment sur la base de leurs propres positions), se retrouvent du même côté de la barricade, sur l'alternative historique, sur la perspective impérialiste, sur le cours des luttes ouvrières, sur le débat et la confrontation des positions politiques (même si la position de principe du bordiguisme en limite énormément la capacité). Et sur toutes ces questions, le CCI se retrouve de l'autre côté, de l'autre côté de la barricade, opposé aux besoins du prolétariat.
Il en va de même sur la question de la construction du parti, sur sa dynamique, sur les moyens et les méthodes, sur le "régime intérieur", sur le fonctionnement des organisations révolutionnaires. Il y a là aussi deux côtés de la barricade, deux visions et deux dynamiques antagoniques. Et le CCI d'aujourd'hui se trouve du côté opposé à celui du reste du camp prolétarien (avec sa théorie du clanisme et des gurus) et opposé à l'expérience du mouvement ouvrier, notamment à celle de 1903 et des bolcheviques dans le POSDR, malgré toutes ses affirmations mensongères et textes "théoriques" qui falsifient l'histoire. Notre lecteur pourra encore le vérifier dans ce numéro.
Le cours opportuniste de cette organisation continue donc malheureusement. Et sa crise organisationnelle ne se dément pas malgré ses déclamations triomphalistes sur son "unité" retrouvée.
C'est donc une année, une période, importante qui s'annonce tant pour le prolétariat et pour sa capacité à affirmer sa résistance aux attaques économiques, politiques et idéologiques de la bourgeoisie que pour les groupes communistes et leur capacité à regarder, comprendre la réalité historique (et sa dynamique) telle qu'elle est et à l'affronter avec détermination et courage politiques. Les enjeux sont clairs pour le prolétariat international. Ils doivent l'être encore plus pour les principaux représentants de son avant-garde, c'est-à-dire les organisations et les militants du camp prolétarien actuel.
4 septembre 2004.
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