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Laissons un instant de côté les problèmes particuliers représentés par Louise et Peter. L'année 1998 va représenter l'apogée de la contestation du SI par le SE. Cette contestation particulièrement portée par le camarade Bruno va revêtir des formes particulièrement exacerbées. Cet épisode de l'histoire du SI mériterait à lui tout seul de long développement. Car non seulement il pose des questions politiques organisationnels et militantes de premier plan mais aussi des questions politiques plus larges, telle que l'impact de la décomposition sur le militantisme communiste.
Après la question de la crise économique, la contestation du SE va se manifester à différents niveaux.
Une discussion du SI sur la politique de l'organisation concernant la publication de brochures est rapportée à la réunion suivante du SE qui réagit brutalement.
SI du 20/1/98 :
Olivier: "le SE a très mal pris les choses au départ, disant que tout était mélangé, sans cadre (...). On avait discuté avec Juan d'une tendance à la contestation, et le SE retourne la chose: le SI conteste le SE (question de RC, question de la circulaire sur la crise). La discussion a duré 2 heures, j'étais inquiet car les premières interventions des membres du SE exprimaient qu'ils n'écoutaient pas le fond (...). Je suis dans une situation très inconfortable, d'autant plus que sur la plupart des points je suis plutôt d'accord avec le SI. Par exemple, un autre point incroyable: j'ai fait l'introduction à la RP sur la crise ; Bruno m'a dit "tu vas te faire engueuler par le SI" ; je ne comprends pas ; on va chercher la petite bête".
Il est difficile de ne pas relever l'état d'esprit qui anime les membres du SE, en particulier Bruno. Dans cette relation des faits, s'exprime pour le moins une forte méfiance à l'égard du SI.
L'inquiétude sur l'attitude du SE et de ses membres est partagée par tous les membres du SI.
Peter : "est-ce que c'était un bloc ? ou des nuances ?"
Olivier: "il y avait des tonalités différentes, mais sur le fond idem. Bruno et Louise ont réagi fortement, les autres moins, mais sur le fond idem." (...).
Peter : "il ne faudrait pas que ce truc s'enkyste. Avant il y avait l'histoire des clans. Il y avait aussi un esprit de corps."
Elise : "dès les années 70 on parlait des "comitards"."
Peter : " il faut suivre ça de près. Il faut répondre sur la question de Robert Camoin [que le SE rejetait dans le parasitisme de manière absolue contre l'opinion du SI], question générale sur un "centrisme par rapport au parasitisme". C'est vrai que la remarque de Bruno que je ne connaissais pas montre qu'on en fait une question SI-SE. Mandat du SI à Olivier pour être particulièrement vigilant et sentir les manifestations éventuelles..."
A la réunion du SI du 27/1/98, la discussion tourne autour de la préparation de la CE plénière. Les rapports viennent d'arriver. Plusieurs camarades s'inquiètent de la tonalité "noire" du rapport d'activité dans lequel une insistance particulière est faite sur les difficultés de la période pour militer. Plusieurs camarades s'interrogent sur l'impact des visions personnelles de Louise qui a rédigé le document, dans cette tonalité. Tous les camarades essaient de poser le problème dans un cadre politique :
Jonas : "sur quoi se base cette question de la période difficile ? OK avec Olivier ce n'est pas lié au premier niveau aux difficultés de la période : y a-t-il des démoralisations à la tonne, des départs de militants ? Un ou deux? Pour eux ça vient de remises en question après le débat. Ce n'est pas la décomposition. Nous sommes tous soumis à la décomposition. Ca ne pousse pas forcément à lâcher prise. Je ne sais pas si on doit donner autant d'importance à ce facteur. Si ça devient la question centrale, ça m'inquiète, ça va justifier n'importe quoi à l'avenir. Ca peut permettre de cacher sa propre désertion. Si on était parti "ça y est c'est la ligne droite" on serait débile, mais on est tous plus ou moins conscients que plus la situation va se développer plus il va y avoir des difficultés ; on l'a dit, on le sait ; la décomposition en rajoute une couche supplémentaire ; mais prendre cela comme le facteur qui change tout, qui fait qu'aujourd'hui, c'est une horreur de pouvoir militer. Il y a un poids qui est donné que j'ai du mal à accepter."
Michel : "je suis d'accord avec Jonas".
Peter : " il faut voir comment c'est formulé ; je crois que dans le rapport c'est sur l'affaire Julien qui disait dans sa lettre "je suis un pur produit de la décomposition". Le problème quand on met en avant cet aspect c'est comment on l'affronte. Il ne s'agit pas de se lamenter mais de s'armer. Si c'est ce qui ressort c'est tout à fait valable. Si c'est la traduction d'une certaine dépression qui existe au niveau personnel chez Louise c'est gênant que ça transparaisse dans un document politique de cette importance."
Il y a là une question politique qui est posée de manière régulière dans le CCI, mais qui n'a jamais été encore ouvertement abordée. Même si l'objet de cette "histoire" du SI n'est pas de polariser ou de cristalliser sur des questions politiques de fond à débattre, force est de constater que Louise est souvent apparue comme défendant une position "radicale", voire assez défaitiste, vis-à-vis du poids de la décomposition. Mais il s'agit là d'une discussion et d'une clarification politique à part entière que malheureusement nous n'avons jamais voulu ou pu poser dans l'organisation.
SI du 25/2/98 (Le bilan de la CE de RI).
Michel : " sur le rapport d'activités : il y a eu une discussion sur la décomposition que je n'ai pas bien comprise. Il semblerait qu'on soit en désaccord sur le poids qu'on donne à l'aspect décomposition.
Michel est intervenu dans le sens il faut se poser la question que dans lutte contre la décomposition, tout n'était pas nouveau : existe dans l'histoire du mouvement ouvrier et dans notre propre histoire toute une expérience ; et la décomposition exacerbe, aiguise pression idéologie, etc. Bruno tout-à-fait contre, pas du tout d'accord, [il a] souligné le caractère inédit de la décomposition sur le militantisme et l'organisation révolutionnaire".
"Et puis [dans le SE, il y a une] tendance à opposer les points de vue plutôt que d'approfondir."
Apparaissent ici deux aspects :
- d'une part une question politique posée qu'il aurait fallu discuter, approfondir et clarifier (1) ;
- de l'autre, une méthode dans la discussion à opposer de manière absolue et figée des positions non élaborées.
Cette même attitude contestataire d'opposition systématique, d'affrontement, avec le délégué du SI à la CE se manifeste tout au long de la CE.
Michel : "Autre point : sur les priorités, et sur plus et mieux. Je suis intervenu pour dire qu'on n'avait pas réussi vraiment à rationaliser et qu'on n'avait pas vraiment fait mieux. Là aussi, désaccord, quasiment total, sur le fait qu'en tous cas pour RI, on avait réussi à faire mieux et que c'est sur ça qu'il fallait insister."
"Aussi idée que pour le CCI, ce qui était dit dans le rapport d'activité [du CCI sur le] bilan positif avec des nuances, la délégation de RI avait insisté sur le bilan positif [ils n'étaient pas d'accord avec le bilan positif nuancé] ; je pense que c'est une erreur, que l'aspect 'nuance' s'est confirmé : USA, Italie. Peut-être que pour RI aspect 'nuance' n'est pas adéquat. Mais la préoccupation du SI qu'il fallait continuer à se prendre la tête sur rationaliser etc. [est valable]. Après cette matinée, j'étais assez mal à l'aise. C'était très tendu".
La contestation systématique du SI se poursuit avec la question du texte de Pierre (ex-Gieller). "D'abord une réaction vigoureuse contre décision du SI, puis après de nombreuses interventions, accord avec nos décisions".
Puis c'est dans la discussion sur la situation internationale que Bruno, le SE (?), continue son offensive anti-SI :
"Bruno est encore intervenu bille en tête [frontalement] contre 'la position du SI' avec l'idée de l'inéluctabilité de l'intervention américaine (...). La CE était assez dubitative. Idée qu'il fallait approfondir cette affaire, et revenir sur ce qui avait été dit à l'époque, et se reporter au SI élargi. Bruno a dit 'il y a 2 positions'. Alors qu'il y avait discussion, sur tous les aspects (GB/US, Turquie/Israël, etc.), pas 2 positions, mais situation complexe et chaotique."
Il ne s'agit pas ici de traiter les questions politiques mais de pointer l'attitude et la dynamique du SE dans lesquelles Bruno et Louise jouent un rôle moteur. D'ailleurs, une telle dynamique ne serait pas explicable sans leur assentiment et leur participation vue leur "autorité" politique au sein du SE.
Olivier : "Maintenant, il existe une certaine attitude d'incompréhension et de vouloir jouer la différence (...). Sur cet aspect, il faut à tous prix intégrer davantage Bruno dans les discussions : il ne vient pas au SI mensuel. Il faudrait qu'il ait la possibilité de discuter. Ca barjote [travaille] dans sa tête."
"Je crois qu'il y avait un peu l'attitude de Louise de prendre le contre-pied car elle voit Peter. Exemple: quand Peter est intervenu au CR sur la question du chômage, elle a dit que c'était inadmissible qu'il soit dans les couloirs, il n'y a pas eu de discussion développée au SI, et le SI a suivi Peter".
Notons au passage la vision de Louise d'un SI suiviste derrière Peter à cette époque.
SI du 27/3/98 :
Vu la situation, il est décidé une réunion commune SI-SE. C'est l'ensemble du SI qui prépare cette réunion. Globalement, le SI est homogène sur le constat des incompréhensions du SE, sur sa dynamique présente en particulier de contestation du SI.
Olivier: "On a commencé à aborder au SE comment doit se faire un lien entre deux commissions, SE-SI, SE-CR. Donc se mettre d'accord sur le constat et préparer le congrès."
Peter : "... ça me fatigue".
Elise : "moi aussi."
Peter : "je ne suis pas très irritable mais avec l'âge je deviens fatigable."
Jonas: "d'accord sur la démarche pour la réunion commune. Ca me "choque" que ce soit immédiatement branché sur la question SI-SE. On avait insisté avant tout sur préparer le congrès, c'est ce qui doit nous mobiliser. Sur les problèmes. La présentation de Bruno et les arguments ne disent pas grand chose vis à vis du SI ; sur le familial c'est des "impressions", il n'y a rien. Par contre il aligne toute une série de difficultés réelles du SE, là oui. Sur les difficultés, deux choses, j'ai eu raison de dire qu'il y avait des ressemblances avec la minorité positive, même si ce n'est pas la même chose : contestation de l'organe central, accumulation de griefs vis-à-vis de la commission et des membres de la commission ; politique du marche ou crève et attitude autoritaire ; crispation et tensions entre camarades ; tendance à la dramatisation des problèmes ; le moindre petit problème devient le problème du SI ; attitude assez comitarde ; on reproche au SI d'être comitard mais il n'y a rien de tangible, d'argumenté ; les "sourires entre camarades", ça ne veut rien dire"
Peter : "sur Camoin" [ça vient en appui de l'intervention de Jonas comme une manifestation de la contestation du SI]
Elise: "je suis d'accord (...). Il existe des choses que le combat [de 1993-1995] n'a pas éradiquées".
Peter : "OK ; il faut surtout arriver en bon ordre au congrès. Evacuer les malentendus et les négligences. Ceci dit il faut avoir en tête un certain nombre d'éléments : attitudes minorité positive (dramatisation, coups de gueule,...). Il y a aussi autre chose qui sera soulevé plus ou moins, peut-être pas suffisamment clairement par Louise, une certaine vision du militantisme intégral de la part de Bruno ; ressemblances avec David de Welt/D.
On parle de difficultés personnelles de deux camarades qui peuvent interférer sur le travail politique. On peut penser que le "surinvestissement" du camarade Bruno peut refléter les difficultés personnelles. Il faudra donc soulever cette question du "militantisme intégral" ; par exemple ce que nous avait dit Louise comment Bruno reste sur le journal jusqu'à la dernière minute, alors que ce n'est pas sa responsabilité. Ca donne comme résultat de culpabiliser les autres camarades. Ca ne met pas de l'huile dans les rouages."
Non seulement donc, il y a des problèmes de contestation du SI, mais aussi une pratique, voire une vision du militantisme, intégral dit Peter, qui pose problème et qu'il faut poser. Nous sommes en plein dans les questions que le combat de 93 n'a pas pu mener à leur terme. Il appartient alors au CCI, en particulier parce que ces problèmes se posent dans toute l'organisation, et particulièrement dans RI et son OC, de revenir sur ces questions et de les poser. Malheureusement, le SI et le BI vont faire preuve de timidité pour les poser...
Cela va coûter très cher au CCI d'autant qu'à ce moment-là, Peter est encore clair politiquement et défend avant tout l'organisation. Depuis lors, cette défense par Peter s'est dégradée sur les deux plans. La timidité du SI et du BI est en partie responsable de la dérive politique de Peter.
SI du 2/4/98 (préparation BI plénier)
Michel : " les discussions avec le SE et le type de problèmes qui apparaissent, les problèmes de RzIz [Italie], d'Internationalism [USA]: il me semble qu'ils ont un tronc commun qui fait ressortir d'une part des choses qu'on n'avait pas abordées ou pas résolues, mais surtout des aspects de la question d'organisation et du militantisme que le débat qui était orienté "contre" n'avait pas permis de sortir.
Clair à la réunion du SE de la semaine dernière, Jonas avait soulevé réminiscences 'type minorité positive', en Italie militantisme 'héroïque', en Allemagne le problème de David 'super-militantisme', le manque de confiance dans les autres : typiques de David, vu dans le SE, en Italie le fait que Cassandra repointe la question guru : en gros les problèmes avec la section US et les difficultés qu'a eu le camarade [?] à comprendre qu'il y avait un problème de tissu dans ce qui se passait, même type de problème : il me semble qu'il y a un tronc commun dans les difficultés du CCI ces derniers mois."
Elise : "sur le point SE-SI, il faut rester général, car ce n'est pas spécifique comme disait Michel. Dans le sens de ce qu'a dit Michel : question de confiance et de conception du militantisme. Il faut s'accrocher à nos conceptions de fond."
Ce sont ces questions que le 13e congrès du CCI avait posées et qui ne seront jamais réellement discutées, ni clarifiées. Le "débat sur la confiance et la solidarité" était l'occasion d'aborder de nouveau ces questions à chaud. C'est dès lors une résistance d'abord passive qui va s'opposer à la clarification de ces questions. Il est vrai qu'il fallait en passer par des remises en cause personnelle difficiles, et sans doute douloureuses, particulièrement chez des camarades comme Peter et Louise. Il n'est que de voir leur réaction au texte du BII 278 Quelques réflexions sur le militantisme communiste.
D'ailleurs, c'est exactement ce qui va se passer après la réunion commune SI-SE où ces questions ont été posées :
Olivier : "l'intervention de Louise qui pose problème : malaise qu'elle a exprimé, les camarades [étaient] très désarçonnés par cette dernière intervention, que ce soit Bruno, Aglaé. Louise a un ressenti qu'elle ne dit pas, et il faut qu'elle arrive à l'exprimer." [Nous n'avons pas à notre disposition cette intervention. Il faut voir les notes et l'histoire du SE]. La résistance à poser ces questions ouvertement et fraternellement va provoquer un "malaise" du SE" et la nécessité d'une réunion commune de plus. A l'origine de ce malaise, on peut voir l'action de Louise qui a "désarçonné" les membres du SE.
La réunion commune SI-SE.
Olivier : "on avait prévu de discuter ensemble, mais la santé du SE a fait qu'il a pu discuter, très bien. On a tout mis sur la table. On est arrivé à un certain nombre de conclusions. Les questions qui ont été évoquées :
- méfiance que Louise ressentait du SE envers elle et dans l'autre sens ;
- impression de Louise du retrait d'Olivier par rapport aux tâches du SE ;
- comment quelquefois certains membres du SE pouvaient avoir des attitudes rigides (...) ;
- l'épisode de l'an dernier, au moment où Louise et Peter sont partis en vacances, l'affaire de l'huissier ; au SE il y a eu des mots qui dépassaient le sens qu'on voulait y mettre : «lien Julien-Merryl et Louise-Peter»; en fait c'était le fait que pour les premiers il y avait eu la venue de l'huissier, mais dans les notes «brutes», ça faisait un parallèle pas valable (...)".
Cet épisode révèle quelque chose de très important et de nouveau : la responsabilité première de Louise dans le malaise du SE et surtout le fait qu'elle soulève toute une série de questions qui poussent le SE à la division. Jusque- là, le SE exprimait une difficulté organisationnelle, un "malaise" vis-à-vis du SI et cela de façon assez unie. "Grâce" à Louise, le malaise s'installe au sein du SE, entre les camarades. C'est un travail de division. Louise s'attaque aux autres membres du SE. La contestation du SI passe alors au second plan.
Dernière observation sur cet épisode qui marque une autre phase. Comme nous le verrons dans la partie suivante, Louise va aller très mal à ce moment-là (SI du 19/4/98). En fait, à chaque fois que l'organisation avance dans le sens de la mise en évidence des dysfonctionnements du SE ou des questions de comportement inadéquat dans lesquels on voit la main de Louise, elle "disjoncte". Elle est malade. Cela va devenir une constante et un élément politique dans l'évolution de la situation. Reprenons notre citation et les problèmes du SE.
"(...) la dynamique qui s'était créée au sein du SE par rapport à plusieurs questions : question de RC, dynamique comitarde ; le SE jugeait que le SI se trompait ; à partir de là des camarades disaient qu'il y avait une vision familialiste dans le SI, voyant Peter venir défendre Olivier en réunion de section ; le SI a une part de faiblesse parce qu'il aurait du faire une lettre ; du coup ça alimentait une vision d'un SI non politique ; dans la même période la question de la discussion sur la crise économique et la question de l'Irak ; là on a vu au sein du SE une vision "comitarde" également; des camarades se sont heurtés à la position du SI, au moment de la CE plénière, dans le 2e texte de Bruno sur la crise économique ; quand Bruno voulait faire voter son texte par le SE, le fait qu'Olivier était intervenu en disant que c'était un "coup de force" de Bruno ; Bruno ne l'avait pas vu avec ce sens ; voilà les manifestations du malaise au sein du SE."
Louise : "Olivier a donné tous les éléments... [je voudrais] rajouter un point qu'il a oublié : l'analyse qui a été faite par le SE suite au déballage de tous ces éléments, c'est qu'il y a eu une tendance à une dynamique de clan dans les rapports SI-SE, en particulier suite à l'affaire RC, la lettre ; [il y a l']idée que le SI est toujours dans l'affinitaire, et ça s'est concrétisé dans la dynamique du SE autour de la question de la crise. On a vu au Congrès toute la section Ouest en accord avec la position de Bruno, et c'est le camarade Bernard qui était sincèrement convaincu par la position de Bruno qui a servi de relais envers la section Ouest."
Le SI n'est pas particulièrement convaincu qu'il y a une dynamique clanique mais il est d'accord avec le constat des difficultés, et qu'il y a bien eu une dynamique "comitarde" d'opposition au SI. Il faut relever que Louise laisse à entendre que le guru de ce clan serait Bruno mais aucun élément n'est donné pour connaître son propre rôle dans cette dynamique. Pourtant on sait qu'elle a été active dans l'attitude du SE vis-à-vis de Peter ; on sait aussi qu'elle ne s'est pas opposée à Bruno sur la question économique, qu'elle est restée silencieuse – bien qu'elle ait affirmé par la suite qu'elle n'était pas d'accord avec lui.
Bruno donne quelques éléments de réponse sur Louise et lui-même.
Bruno : " je ne pense pas que lors de la dernière réunion on ait dit qu'il y avait une méfiance du SE envers Louise ; on a plutôt donné des éléments sur la méfiance de Louise envers le SE (...). En ce qui me concernait une certaine méfiance envers des parties de l'organisation et si moindre problème, cristallisation. Il y avait le sentiment chez différents camarades qu'on était mal barré [mal partis], et on ne voyait pas ce qu'il fallait faire. En SE restreint, on a dû dire stop, on arrête de discuter du SI. Pour ça que [nous voulions] convoquer une réunion commune, on voulait «régler les comptes» [avec le SI]. L'histoire de la minorité positive : ça tapait dans le 1000 [était juste], j'ai revécu des choses."
Bernard : "au départ je n'étais pas non plus très convaincu de la dynamique clanique. Mais la section Ouest était d'accord [que] Bernard était le véhicule. Je croyais que c'était politique. 2e texte de Bruno : j'étais complètement d'accord (2). Je n'avais pas vu du tout que la démarche tendait à imposer au SE une position qui n'était pas la sienne. On ne se fondait pas sur l'affinitaire, mais sur la confiance envers le camarade Bruno qui «était plus clair».
Louise : "pour répondre à Jonas, sur les doutes sur la tendance clanique. Exemple concret : Bernard avait rapporté à réunion du SE «On (la section Ouest) est avec toi» : rien de positif. Les votes : Stanley a dit qu'il aurait mieux fait de s'abstenir. Vrai que le SE restreint a plus développé la dynamique [clanique]. Moi j'étais plus en retrait. Sur RC, j'étais entièrement d'accord avec le SE ; sur [le débat sur] la crise [économique], j'avais tendance à dire «je fais confiance»."
Néanmoins, cette tendance à la cristallisation et à la contestation anti-SI ne va jamais disparaître. Elle s'exprime encore quelques mois plus tard.
SI du 17/09/1998 :
Elise (sur la position des membres du SE sur l'intervention à l'égard des contacts) : "le SE a voulu faire un point sur la discussion de la semaine dernière (...). Tous les arguments défendus par Michel, Peter, Sarah, etc. la semaine précédente, étaient contrés. Il y a eu de nouveau un débat à dormir debout qui s'en est suivi, avec des positions très tranchées de part et d'autre. Bruno disant que les permanences doivent servir à discuter toute la plateforme, que le processus d'intégration c'est surtout les questions d'organisation. (...). Ce qui était bizarre c'est que la c'était une volée de bois vert [des critiques très fortes] du SE restreint contre les interventions des membres du SI vues comme des "discussions qui posent des fausses questions".
Peter : "Ce qui m'a fait monter l'adrénaline [mis en colère] c'est la présentation d'Aglaé ; il y a effectivement un blocage ; j'ai eu des échos de la dernière réunion du SE par Louise ; elle s'est fait houspiller [engueuler] par Bruno qui était furieux après la réunion de section. Louise a dit qu'il y avait de nouveau un blocage SI-SE. Je lui ai dit que comme SI ça n'avait pas été discuté. Elle était d'accord qu'il faut le soulever en réunion commune. Visiblement Bruno a été très affecté par la réunion de la semaine précédente ; il se sentait un peu "persécuté".
Michel : "il faudrait quand même clarifier à nouveau que quand on ne dit pas "au nom du SI" ça veut dire qu'on intervient en tant que membre de la section. Pourquoi cette fixation sur les camarades du SI alors que Sarah, Hector, Fausto ont aussi défendu la même chose ?
Jonas : "il y a une tendance dans le SE restreint de la part de certains camarades à tout traiter sous forme d'ultimatum. C'est la "minorité positive". Ce n'est pas une attitude communiste, ce n'est pas un comportement normal."
Au-delà des crispations et de la dynamique vérifiée de contestation du SE vis-à-vis du SI, il y a toute une série de questions politiques sur le militantisme et les rapports du militant à l'organisation qui sont posées et qui n'ont pas été discutées et clarifiées après le débat de 1993.
SI du 2/10/1998 :
Réunion commune SI-SE.
Louise : "je ne sais pas quelle est la situation générale dans tout le CCI ; mais je crois que ça vaut le coup de faire un point par rapport à la décomposition, le point qui a été fait aux USA dans la section sur les problèmes vie militante et vie personnelle. Ce n'est pas une spécificité d'une section, il ne faut pas se limiter à chaque cas est un cas particulier ; il faut avoir un cadre plus général, une vision plus large, le cadre général de la décomposition, la question du militantisme intégral, qui n'a pas affecté seulement les camarades pris dans le clan-pavillon [nous savons qu'elle pense à Peter en particulier]. On a toujours dit que le militantisme était au centre de notre vie, mais il faut voir comment ça a été compris ou vécu [là, sans doute, parle-t-elle aussi d'elle-même aussi avec sa vision qu'elle aurait sacrifié l'éducation de son enfant au militantisme].
Effectivement ce sont des questions que le CCI pouvait poser et devait poser afin d'armer ses militants face aux difficultés de la période actuelle.
Nous avons vu dans cette partie le degré de contestation du SE vis-à-vis du SI. Avec le recul, c'est assez phénoménal. Et le pire c'est que ces questions n'ont jamais été posées réellement devant toute l'organisation. Autant les problèmes dans les différentes sections territoriales de même nature pouvaient être posés, discutés, combattus et dépassés ouvertement et face au CCI, autant dans RI ça bloque... C'est une des critiques les plus fortes que l'on doit porter au SI et au BI. Cette situation malsaine et dégradée et l'incapacité du SI à la poser dans le meilleur cadre, c'est-à-dire face à toute l'organisation, ont une grande part de responsabilité dans la situation qui va se développer dès le début 1999 avec le résultat catastrophique que nous connaissons aujourd'hui (été 2001).
Cette partie de l'histoire du SI est particulièrement instrutive sur le comportement de Louise. Elle opère un changement d'attitude durant cette période. Elle ne veut plus participer à la contestation du SE contre le SI alors qu'elle en était un des principaux acteurs. Au contraire, elle parle de tendance clanique dans le SE, s'attaque alors aux autres membres du SE qui ne sont pas sur le même plan :
- elle laisse entendre que Bruno a l'étoffe d'un guru, les capacités politiques (et elle renvoie à sa position sur la crise, et à la confiance que les camarades lui accordent spontanément) ;
- les autres membres du SE n'ont pas grand chose dans le crane et sont des suivistes, voire ils n'ont aucun courage politique.
C'est cette stratégie de destruction du SE et de ses membres qu'elle commence à développer avec les résultats que l'on sait. Mais afin qu'on ne s'en rende pas compte, dans un premier temps, elle s'implique dans l'autocritique générale (elle-aussi a été suiviste et a laissé faire). Et surtout elle sort de son chapeau l'explication à tous les problèmes : la décomposition. Cela permet de détourner ce que Jonas dénonce (SI du 17/9/98) quand il dit que "ce n'est pas une attitude communiste, ce n'est pas un comportement normal." C'est-à-dire quand il met le doigt sur la vraie explication.
Notes:
1 Certaines visions "radicales" du phénomène de la décomposition introduisent des remises en cause de positions de base du CCI : en particulier une tendance à la remise en cause de notre position sur le cours historique ; et de notre conception de l'organisation, sa fonction, son fonctionnement, et du militantisme avec des visions "défaitistes" et démoralisantes du militantisme et de l'organisation. Ce sera à discuter et clarifier.
2 [on voit là comment on pollue toute discussion politique par sa substitution par le "clanisme" et l'usage de la psychologie]
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