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Correspondance avec l'Istituto Onorato Damen à propos de leur démission et sortie de la Tendance communiste internationaliste

Suite à la publication dans notre précédent bulletin du texte de la TCI sur Sur les événements douloureux du passé (à propos de la création de l'Institut O. Damen), nous avons reçu un mail des camarades de l'Istituto Onorato Damen rejetant la prise de position de la TCI [1]. Ils nous demandaient aussi de publier dans notre bulletin leur texte expliquant les raisons de leur scission. Nous leur avions donné notre accord. Par la suite, les camarades nous ont écrit précisément sur notre lettre ci-après. Nous avons jugé plus utile de traduire de l'italien et de publier ce dernier texte – inconnu en dehors de l'Istituto et de notre groupe – et ne pas reproduire – faute de place et de forces pour traduire, et non faute d'intérêt – leur Punto e a capo (Punto e a Capo in inglese). Ce dernier est disponible en italien et en anglais sur leur site2 comme sur celui de Controverses et est donc largement accessible3.

Quant à la réponse des camarades que nous publions suite à notre propre lettre, nous estimons qu'elle n'apporte malheureusement rien de nouveau et nous ne pouvons que constater le désaccord profond qui débouche sur deux voies opposées. Les camarades de l'Istituto, à l'image de beaucoup aujourd'hui que nous pouvons cataloguer comme des « déçus » des organisations de la Gauche communiste (TCI et CCI principalement), ont rejoint à leur tour le camp de ceux qui rejettent « une continuité qui n'existe plus » et « qui ne se sont pas constitués pour être les véritables héritiers de la tradition politique de la Gauche communiste ». Pour notre part, nous essayons et appelons tous les communistes à s'inscrire et se revendiquer de la continuité théorique, politique, et même « organisationnel » du mouvement ouvrier ainsi qu'à défendre la tradition politique de la Gauche communiste. La première voie mène, quand elle n'appelle pas explicitement, à faire table rase du passé, et en passant des principales organisations de la Gauche communiste d'aujourd'hui ; c'est-à-dire à faire table rase des expressions les plus hautes à ce jour de la conscience de classe et la véritable avant-garde politique du prolétariat – aussi faible et critiquable soit-elle. Cette voie est celle du désarmement théorique et politique du prolétariat. La seconde voie travaille au renforcement, au regroupement, et à la constitution du parti communiste de demain, afin que le prolétariat international puisse disposer à plein et au mieux de sa conscience de classe, arme essentielle du combat de classe dont les minorités communistes et le parti en sont à la fois le principal porteur et la principale matérialisation. Encore une fois, l'alternative est la suivante : Berlin 1919 et la défaite assurée ou bien Octobre 17 et une chance d'en finir pour de bon avec le capitalisme et l'exploitation de classe par l'instauration de la dictature du prolétariat.

Juin 2011, la FGCI.

Courrier de notre fraction à l'Istituto Onorato Damen

Paris, le 6 mars 2011

La FGCI à l'Institut O. Damen,

Chers camarades,

Nous tenions à répondre à votre mail du 22 février dernier . Contrairement à ce que vous pensez, notre opinion (cf. le chapeau de présentation du texte de la TCI dans notre bulletin n° 4) sur les "événements" qui concernent la TCI et vous, c'est-à-dire votre scission, n'est ni de partie pris ni erronée. Elle n'a jamais été une prise de position sur le contenu de vos débats, sur la validité ou non des positions des uns ou des autres. Elle n'est que l'expression de notre défense intransigeante d'un principe fondamental et traditionnel du mouvement communiste (principe que nos générations de militants ont souvent perdu de vue, délaissé et même oublié) : l'importance vitale des organisations politiques que fait surgir notre classe et, par conséquent, le poids de la responsabilité qui échoit aux militants de faire le maximum pour les sauvegarder et les développer.

Nous n'avons, de ce fait, pas pris position pour la TCI contre l'Istituto Damen, mais pour la sauvegarde de l'organisation contre la tendance à l'éclatement et à la dispersion des forces communistes (qui est, à notre sens, primordiale aujourd'hui). C'est d'ailleurs tout le sens de notre politique de défense, théorique et pratique, du "regroupement".

Pour nous - et, selon nous, pour tous les communistes responsables -, l'organisation politique, bien que se définissant et affirmant son unité au travers d'un programme, n'est et ne doit, en aucune manière, être une entité monolithique et intangible : elle doit être capable d'assumer un certain niveau d'hétérogénéité en son sein, hétérogénéité qui peut s'exprimer à travers des différences d'opinion et même parfois à travers des oppositions, à condition bien sûr que cela passe par une confrontation ouverte, sincère et honnête. Et ce n'est qu'au bout de ce processus que la clarification politique peut surgir et déboucher éventuellement sur une séparation organisationnelle, mais surtout et le plus souvent sur un renforcement politique de l'organisation.

Quand des militants ont des analyses ou des positions divergentes, ils doivent les assumer et les défendre jusqu'au bout DANS l'organisation ; et cela quels que soient leur contenu, leur importance et leur profondeur.

Quand on est en MINORITÉ dans l'organisation, la première responsabilité que l'on a est de devenir MAJORITÉ, c'est-à-dire tout faire pour convaincre les autres de la validité des positions que l'on met en avant. Scissionner sans combattre ou s'arrêter de le faire dès les premiers obstacles, c'est ne pas assumer ses responsabilités de fraction de l'avant-garde, c'est minimiser l'importance de l'organisation, c'est favoriser la dispersion des forces, c'est privilégier la défense de "sa chapelle" au détriment de celle de l'organisation.

Nous n'avons donc pas voulu prendre en considération le contenu de vos divergences mais uniquement le fait qu'en tant que minorité vous n'avez, à notre avis, pas mené le combat jusqu'au bout. Il nous semble que - comme cela est une tendance dans les générations actuelles - vous avez trop vite privilégié l'intérêt de votre minorité et finalement écarté celui plus fondamental de l'organisation comme un tout. Nous avons d'ailleurs du mal à comprendre que des militants aussi expérimentés et aguerris que vous, des militants qui ont si longtemps autant donné en énergie, en intelligence et en dévouement pour sauvegarder et défendre leur organisation, abandonnent le combat interne aussi rapidement.

C'est avec modestie que, sur ce plan, nous mettons en avant notre propre expérience pour rappeler que notre fraction a tout fait pour mener son combat au sein de l'organisation. C'est ce que nous avons sans cesse affirmé, notamment en se déclarant "fraction interne" et en continuant de le faire malgré notre exclusion du CCI.

Le dernier point sur lequel nous voulons vous répondre concerne la demande que vous nous faites de publier votre texte Punto e a capo (disponible en français sur le site de Controverses) dans notre bulletin. Nous n'avons aucun problème à répondre positivement à votre requête. Cependant, comme on le laisse entendre ci-dessus, nous ne pensons pas nécessaire (et nous ne le ferons pas dans les circonstances actuelles) de vous exprimer un accord ou un désaccord quant à son contenu car, pour nous, la vraie question n'est pas là.

Dans l'attente d'une réponse de votre part, recevez nos salutations communistes.

La Fraction de la Gauche communiste internationale.

Réponse des camarades de l'Istituto Onorato Damen

Catanzaro 16.03.2011

Istituto Onorato Damen


Chers camarades,

Nous avons lu votre lettre du 6 mars 2011 et il nous semble que prendre position en faveur de la Tendance communiste internationaliste contre l'Istituto Onorato Damen qu'au nom de l'unité de l'organisation soit une grave erreur méthodologique. On ne peut prendre position en faveur d'un groupe plutôt qu'une sans connaître les dynamiques qui ont amené à leur formation et sans évaluer les différentes positions politiques et méthodologiques. A notre avis, avant de prendre position en faveur de la TCI ou de l'Istituto Onorato Damen, il est nécessaire de connaître les positions respectives ; nous pensons que le défaut de lecture de notre document “Punto e a capo” ne vous a pas permis de connaître les vrais motifs qui nous ont amené à la constitution de l'Istituto Onorato Damen.

La rupture avec notre vieille organisation Battaglia Comunista a été un processus assez long et tourmenté, tant d'un point de vue politique que personnel. Rompre avec l'organisation pour laquelle on a milité des décennies n'est pas une chose qui se fait le coeur léger, tout le contraire. Ça a été un choix réfléchi et douloureux au niveau personnel. Nous avons cherché durant ces dernières années par tous les moyens à combattre à l'intérieur de l'organisation Battaglia Comunista les dérives politiques et méthodologiques qu'a, de fait, connues BC en étant maintenant hors du marxisme révolutionnaire. Quand vous aurez envie de lire avec l'attention nécessaire notre “Punto e a Capo”, vous trouverez les raisons politiques de notre désaccord et le choix de construire l'Istituto Onorato Damen.

Nous pensons que la défense de l'unité de l'organisation doit être assumée jusqu'au point où l'on considère qu'elle puisse récupérer les principes du marxisme révolutionnaire. Durant des années, nous avons combattu au sein de Battaglia Communista avec la volonté de ramener l'organisation vers les positions correctes du marxisme révolutionnaire. Mais ca a été une lutte qui non seulement n'a pas porté de résultat concret, mais dans les faits n'a déterminé que la dispersion de multiples énergies qui auraient pu être utilisées dans une activité plus productive d'un point de vue théorique et politique. En réalité, derrière les sigles organisationnels qui composent le monde multicolore de la Gauche communiste, naissent des groupes très petits qui sont incapables de pouvoir gérer des situations de désaccord interne. Dans un [petit] groupe de […] camarades comme l'était Battaglia Communista avant notre expulsion, quel espace politique et organisationnel peut-il y avoir pour une fraction interne ? Avec quel instruments combattre dans la bataille interne quand le propriétaire du journal et de la revue Prometeo (selon la loi de la bourgeoisie) a fait le choix d'abandonner la voie maîtresse du marxisme révolutionnaire ? Devons-nous constituer la fraction interne de Battaglia Communista comme vous l'avez fait avec le CCI, dans la tentative de ramener BC vers sa tradition politique de classe ? On ne défend pas l'unité organisationnelle en constituant des fractions, quand dans les faits on est complètement en dehors de l'organisation mère.

L'idée de constituer l'Istituto Onorato Damen est née de la conscience qu'une longue période s'est définitivement terminée pour la Gauche communiste et qu'il est maintenant temps de commencer à faire un bilan de cette expérience. Les camarades qui ont donné vie à l'Istituto Onorato Damen n'ont pas pensé faire maintenant l'énième scission au nom d'une continuité qui n'existe plus. Ils ne sont pas constitués pour être les véritables héritiers de la tradition politique de la Gauche communiste et en particulier de Battaglia Communista. Pour défendre nos traditions politiques, nous pensons que c'est juste l'heure de faire un bilan de notre expérience. Bilan que nous avons commencé à faire dans le second numéro de notre revue avec l'article E’ Mezzanotte nella sinistra Comunista (Il est minuit dans la Gauche Communiste4), article qui a été publié aussi sur notre site internet et que nous vous invitons à lire. L'Istituto Onorato Damen s'est constitué dans le but de contribuer par l'élaboration théorique, capable d'interpréter le capitalisme moderne, à la reconstruction d'un point de référence politique pour le prolétariat international. Dans ce processus, nous pensons qu'est nécessaire la contribution de tous les camarades qui ont à coeur le sort du prolétariat sans toutefois tomber dans une défense religieuse de l'unité organisationnelle de groupes qui ne vivent plus maintenant que dans l'illusion de représenter eux-mêmes la véritable tradition révolutionnaire. Ce n'est qu'en partant de cette conscience que nous pouvons partir de nouveau et relancer dans toute sa modernité le projet de l'alternative à la barbarie du capitalisme qui reste toujours pour nous le communisme.

Saluti comunisti L’Istituto Onorato Damen

1. « Chers camarades,  nous vous remercions pour nous avoir envoyé le numéro 4 de votre bulletin dans lequel vous avez publié le texte de la TCI  «  Sur les événements douloureux du passé ( à propos de la création de l’Institut O. Damen) » .  La représentation des événements qui ont porté à notre éloignement qu'on lit dans cet écrit  elle este de partie et absolument fausse. Nous croyons donc qu'il serait correct de votre votre part de publier dans le prochain numéro de votre bulletin aussi notre "Punto e a Capo », le document dans lequel nous avons synthétisé les raisons de notre éloignement. Dans ce but, vous trouverez ci-joint le fichier de notre texte soit en Italien qu'en français.  Certains de votre collaboration nous vous envoyons les meilleurs nôtres  Salutations. Pour L’Institut O. Damen. GP » (22 février 2011).


2. L'adresse du site des camarades : http://www.istitutoonoratodamen.it/ (les lecteurs peuvent cliquer directement sur le lien Punto e a Capo in inglese pour accéder directement au texte.


3. Depuis lors, les camarades nous ont donné leur accord sur ce point : « Chers camarades, votre traduction de notre lettre correspond au texte italien. Nous n'avons donc aucune objection à son éventuelle publication dans votre bulletin. De même, pour ce qui concerne notre texte Punto e a Capo, nous sommes pleinement d'accord avec votre proposition d'indiquer le lien avec notre site web. Nous vous exprimons toute notre estime pour votre honnêteté intellectuelle et nous vous adressons nos saluts communistes les plus fraternels. G. pour l'Istituto O. Damen. » (16 juin 2011).



4. http://www.leftcommunism.org/spip.php?article169


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