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Nous publions, ci-après, 2 témoignages sur des massacres de populations ouvrières dans deux périodes historiques differentes - l'un journalistique publié récemment à propos de la situation en Libye, l'autre apporté par notre camarade Marc Chirik1 concernant la fin de la 2° guerre mondiale et la barbarie qui a prévalu lors des reculs de l'armée allemande. Ces 2 témoignages, bien que n'ayant rien en commun du point de vue des intérêts de classe qu'ils représentent et défendent, se rejoignent dans la description d'une même réalité sordide au sein du capitalisme pourrissant et mettent en évidence à quel point la bourgeoisie, notamment celle qui se drape des vertus humanistes de la "démocratie", est capable de la pire sauvagerie quand ses intérêts fondamentaux sont en danger, quand les exploités tendent à remettre en question son pouvoir. Dans un cas comme dans l'autre, si les bourreaux, les massacreurs sont les soudards d'un Kadhafi ou d'un Hitler, ceux qui les combattent et qui se présentent cyniquement comme les "sauveurs" des populations ne sont pas moins complices du massacre de celles-ci dans la mesure où, sciemment, ils laissent faire. Obama et Sarkozy ont bien appris de leurs illustres prédécesseurs, Churchill et Roosevelt.
AFP - "Le chef militaire des rebelles libyens a lancé mardi une attaque en règle contre l'Otan, l'accusant de "laisser mourir les habitants de Misrata" (Ouest) sous les tirs des forces de Mouammar Kadhafi, qui ont également gagné du terrain dans l'est, près de Brega. "La presse internationale doit soutenir avec force le peuple de Misrata et appeler (à l'aide) l'Otan qui croit nous rendre service en bombardant ici et là alors qu'il laisse les habitants de Misrata mourir tous les jours", a déclaré le général Abdel Fattah Younés lors d'une conférence de presse dans le fief rebelle de Benghazi (Est).
"Si l'Otan attend encore une semaine de plus, ce sera la fin de Misrata; nous ne trouverons plus personne là-bas", a ajouté le général, ancien ministre de l'Intérieur de Kadhafi qui s'est rallié à la rébellion en février.
Misrata, troisième ville du pays, est située à 214 km à l'est de la capitale Tripoli, bastion du régime Kadhafi. Depuis plus de 40 jours, les insurgés défendent sans relâche Misrata bombardée et assiégée par les forces loyalistes. Selon les rebelles, plus de 200 personnes ont péri dans les combats.
Selon le chef militaire rebelle, les habitants de Misrata sont désormais menacés "d'extermination au vrai sens du terme".
"L'eau y est coupée, il n'y a plus d'électricité ou de produits alimentaires, il n'y pas plus de lait pour enfants depuis 40 jours, alors que les forces de Kadhafi bombardent tous les jours maisons, mosquées et hôpitaux à l'artillerie lourde (...). Les habitants boivent de l'eau des égouts".
"Si l'Otan voulait briser le blocus de la ville, elle l'aurait fait depuis plusieurs jours", a-t-il poursuivi.
(…) C'est sur la base (...) de notre conviction du fait que la guerre allait nécessairement finir et qu'un mécontentement général allait se développer que nous étions optimistes.
Nous organisons une conférence du Noyau français (de la Gauche communiste) à Marseille et nous prenons position en appelant à se tenir vigilant (...), cela va se développer sur le plan international etc. Ce qui renforce encore cette conviction (...), ce sont les déclarations de Churchill. Puisque le sud avec Badoglio passe du côté des Alliés, le front entre le nord et le sud de l'Italie reste fermé. Il n'y a aucune offensive de la part du bloc anglo-américain pour essayer de forcer le front. C'est tellement immobilisé que cela permet aux allemands, alors que Mussolini était arrêté et avait été déporté dans une île, d'aller en avion le libérer. C'est incroyable ! Et les anglais ne bougent pas. Et, quand on pose la question à Churchill en Angleterre : "Qu'est-ce qu'on attend ? Le front italien n'est-il pas en train de s'écrouler ? Churchill répond : "C'est volontairement, il faut laisser la situation italienne «mijoter dans son jus» pendant un certain temps. Et c'est nécessaire puisqu'ils (les Alliés) laissent aux allemands - qui occupent le nord à ce moment-là - la possibilité d'effectuer un massacre, une répression formidable contre les ouvriers. Les ouvriers de Milan et de Turin ne peuvent se sauver qu'en allant dans le maquis. Le maquis se renforce en Italie à la suite de la défaite de Mussolini, ce qui permet la répression allemande. Les Alliés ont parfaitement raison de laisser ainsi «mijoter» pour préserver la paix sociale capitaliste. Ils préfèrent laisser faire cette répression. Ils n'ont pas besoin des ouvriers pour conquérir le pays, leur force militaire était suffisante. Ce qui était en jeu, c'était d'étouffer le mécontentement ouvrier contre la guerre. Coup double : en laissant les allemands faire la répression, ils poussent les ouvriers dans les bras de la "démocratie" alliée. Alors se développent, avec l'appui des staliniens et de tous les démocrates, les maquis italiens qui n'existaient pas avant, contrairement à la France.
Pour nous, cette affaire révèle que la bourgeoisie est intelligente. Churchill savait ce qu'il faisait. Il ne se précipitait pas. Il fallait laisser massacrer les ouvriers qui étaient en train de se soulever, écraser dans l'œuf les premiers symptômes.
(…) La guerre reprend très violente en Italie du nord après le débarquement allié. La résistance des soldats allemands est acharnée. Ensuite il y aura le débarquement en France où on verra le recul des allemands. En Russie, il y aura l'après-Stalingrad, fin 1944.
Pour la répression des armées allemandes en déroute, la bourgeoisie alliée va appliquer les mêmes principes que Churchill en Italie. Quand l'armée allemande se trouve aux portes de Varsovie, l'armée russe s'arrête et la laissera massacrer pendant huit jours. L'armée rouge ne bouge pas, elle a besoin de laisser Varsovie «mijoter dans le sang». Ensuite l'armée allemande se retire et l'armée russe rentre dans un cimetière.
Au fur et à mesure que l'armée allemande recule, il se produit la même chose, à Budapest par exemple. De nouveau, l'armée russe s'arrête. Il y a un soulèvement à l'intérieur de la capitale de la Hongrie, plus ou moins confus évidemment. Et ils laissent faire un massacre au moins aussi important que celui de Varsovie. Après l'accomplissement du massacre, les russes entrent tranquillement dans la ville, comme des fossoyeurs de cimetière.
Toute cette politique est constamment appliquée à partir de 1943 ; politique de table rase ouvrière ; politique surtout pour impliquer l'Allemagne - qui, de toute façon, est condamnée -, pour la rendre responsable du massacre des ouvriers, pour qu'il n'y ait pas de possibilité pour les ouvriers de comprendre où sont les vraies responsabilités.
Camp prolétarien
1Marc Chirik (1905-1990), vieux militant de la Gauche communiste, membre de la Fraction italienne, principal fondateur de la Gauche communiste de France, puis du CCI, aujourd'hui décédé.
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