Home | Bulletin Communiste International 4 | 

Luttes prolétariennes massives en Afrique du Nord et au Moyen-Orient :
Oui à la lutte des classes ! Non au piège démocratique !

Manifestations de rue de centaines de milliers de travailleurs, assemblées permanentes sur les places, grèves générales, affrontements avec les forces répressives, luttes massives, de véritables soulèvements prolétariens se sont déchaînées ces dernières semaines notamment dans plusieurs pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Cette situation est maintenant l'expression la plus patente de l'impasse dans laquelle se trouve le capitalisme. Sa chute inexorable dans la crise économique et la dégradation vertigineuse des conditions de vie et de travail du prolétariat qui l'accompagne engendrent l'éclatement et la généralisation de la lutte des classes dans le monde entier.

Contrairement à ce que veulent encore nous faire croire les médias de la bourgeoisie, les luttes dans ces pays ne sont pas déterminées par des causes "locales" ou "régionales" du fait d'un "pouvoir autoritaire", d'une "lutte entre groupes religieux" ou d'un "désir de plus de démocratie". Les médias peuvent difficilement cacher que la véritable origine de ces luttes massives se trouve dans la situation que vit la classe prolétarienne et les autres exploités ici comme dans tous les pays du monde.

Les luttes dans les pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient confirment de manière éblouissante l'ouverture d'une "grève de masses" à échelle mondiale1 et en révèlent de nombreuses caractéristiques que nous verrons surement se développer dans le futur.

En Égypte notamment, le soulèvement général a surgi "d'en bas", du prolétariat, de manière spontanée et généralisée. En quelques semaines, les grandes villes d'Égypte, Le Caire, Luxor, Suez, Alexandrie... ont vécu des journées de manifestations et de protestation contre le chômage, les hausses des prix et contre le gouvernement auxquelles ont participé des centaines de milliers, parfois de millions de travailleurs ; des manifestations qui se sont transformées en assemblées permanentes sur les places principales des villes, accompagnées de grèves dans tous les secteurs qui se sont converties en une grève générale qui a paralysé l'activité économique du pays - ce que les médias bourgeois se gardent bien de dire. Face aux tentatives de répression du gouvernement par la police (tant en uniforme qu'en civil) et à ses vagues promesses de "réformes", le mouvement s'est généralisé à tout le pays jusqu'à la démission du "dictateur" et se poursuit encore actuellement2.

Non seulement autour de la Méditerranée mais partout s'étend la compréhension qu'il y a un lien, une continuité, les mêmes causes et objectifs entre les luttes en Grèce et en Tunisie, en Tunisie et en Égypte, entre celles de l'Afrique du Nord et celles de l'Europe occidentale, donc entre celles de "la périphérie" et celles du "centre" du capitalisme. Dans le monde entier, le courage et l'envie de se lancer dans la lutte grandit. C'est ce sentiment d'identité de classe internationale qui resurgit au sein du prolétariat, celui que la bourgeoisie au moyen de ses médias essaie d'endiguer en présentant chaque situation comme "particulière", comme "nationale".

Si la bourgeoisie et ses médias parlent maintenant du "triomphe de la révolte populaire", et même d'une "révolution triomphante" en Égypte, c'est précisément pour occulter qu'en réalité, il n'y a pas eu de "triomphe" et encore moins de "révolution". Les attaques contre les conditions de vie des travailleurs vont continuer et l'Etat capitaliste qui garantit l'exploitation des salariés est resté intact.

Mais en plus, la bourgeoisie a maintenant commencé à sortir de sa manche une de ses cartes les plus fortes pour essayer de diviser, d'épuiser, de dissoudre et finalement de faire échouer le mouvement en cherchant à le dévoyer de son terrain de classe vers une lutte suicidaire "pour la démocratie". Ainsi, elle a rapidement encouragé "l'opposition" avec le retour d'El Baradei, des Frères musulmans et d'autres forces bourgeoises qui, avec l'armée, commencent à préparer une "transition vers la démocratie" qui, évidemment, est appuyée par toute la bourgeoisie mondiale, Obama et Merkel en tête.

Cela est une autre leçon dont le prolétariat devra se souvenir et se réapproprier : selon les nécessités de la bourgeoisie et de la lutte des classes, l'État capitaliste peut changer de figure. Il peut se présenter sous la forme d'un gouvernement "dictatorial", "militaire", "démocratique", "religieux et autocratique", "fasciste" et même "socialiste", mais l'État capitaliste n'en continue pas moins à être l'instrument qui garantit le maintien du régime d'exploitation du travail salarié.

Les ouvriers en grève d'Égypte n'ont pas tardé à s'en apercevoir : dès le lundi 14, l'armée égyptienne les menaçait de répression si les grèves ouvrières, qui touchent les principaux secteurs de l'économie du pays et qui se maintiennent malgré la chute de Moubarak, ne cessaient pas. C'est pourtant bien cette voie que les prolétaires doivent continuer à suivre. C'est le seul moyen pour qu'ils puissent arracher quelques revendications qui limiteront l'aggravation inéluctable de la misère et de leur exploitation. C'est le seul moyen et le seul terrain qui leur permettra de faire face à la répression que les "nouveaux" États démocratiques préparent. C'est le seul moyen et le seul terrain qui puissent leur permettre d'entraîner derrière eux toutes les couches exploitées de la société. C'est aussi le seul moyen et le seul terrain qui puissent permettre à l'ensemble des prolétaires du monde, en particulier dans les centres historiques du capitalisme, de se reconnaître dans leur mouvement et de s'en inspirer pour développer encore plus leurs propres luttes et affirmer ainsi la seule solution à la misère et à la barbarie capitaliste : la destruction des États capitalistes et l'instauration d'une société sans exploitation et sans classe.

Oui à la lutte des classes ! Non au piège démocratique !

15 février 2010


Notes :

1. cf. l'article qui suit dans ce bulletin.

2. Depuis le début du mouvement et surtout ces deux dernières semaines, des grèves massives ont secoué les secteurs des transports, des banques, du pétrole, du textile et même les médias officiels et divers organismes gouvernementaux. Si, aujourd'hui (à la mi-février), la junte militaire qui a remplacé Moubarak est clairement menaçante vis-à-vis des ouvriers en lutte, c'est parce que leurs grèves paralysent l'économie capitaliste et que certaines touchent directement l'État bourgeois.


Home | Bulletin Communiste International 4 |