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CORRESPONDANCE DE D. (MEXIQUE) AU CCI
(Copie adressée à la Fraction)

Nous publions, ci-dessous, une lettre d'un camarade du Mexique adressée au CCI. Le lecteur pourra constater que le camarade D. soulève un certain nombre de questions, fait des commentaires et porte des appréciations sur lesquelles notre fraction peut être d'accord... ou ne pas l'être. Là n'est pas la question. !

Ce que nous voulons saluer particulièrement, c'est la démarche du camarade ; sa façon de défendre l'idée qu'il existe un "pôle de regroupement". Le fait que le camarade pense que ce "pôle" soit le CCI alors que nous pensons que, malheureusement, celui-ci n'est plus à la hauteur de cette tâche n'est pas l'essentiel. Nous pouvons débattre avec le camarade et faire en sorte de lui démontrer que le véritable pôle se situe ailleurs. Ou bien qu'il nous démontre, lui, qu'il a raison.

Nous, comme lui, défendons l'absolue nécessité d'un tel pôle. Voilà ce qui compte.

Ce qui nous importe aussi, dans la démarche du camarade, c'est son souci de nous communiquer (à nous, Fraction interne du CCI) le courrier qu'il adresse à cette organisation. Cela signifie que ce camarade a compris une leçon essentielle défendue autrefois bec et ongles par le vrai CCI : la clarté dans les relations, l'information donnée aux autres groupes du camp prolétarien sur l'évolution des relations avec des camarades en recherche de clarté politique.

Que D. nous informe des relations qu'il entretient avec le CCI "officiel" démontre, à nos yeux, que des leçons fondamentales de cette organisation, des leçons de la Gauche communiste, peuvent encore passer à travers la structure flétrie et dérivante qui se targue du nom de CCI.

Dernière chose. Nous avons, évidemment, adressé une réponse à ce camarade. Nous n'en reproduisons ici qu'un extrait portant sur une question centrale abordée dans sa correspondance : le problème des syndicats et de l'attitude des communistes à leur égard.

"La position selon laquelle les syndicats font "partie de l'Etat bourgeois, quelle que soit leur tendance politique (de gauche, radical, démocratique, etc.)", est effectivement une des positions fondamentales du Courant communiste international - et donc de notre fraction. C'est à partir de cette compréhension qu'on peut comprendre à son tour notre intervention dans la lutte de classe, non dans le sens d'appuyer ou de créer de nouveaux syndicats (même radicaux) mais de mener à bien le combat au sein de la classe ouvrière pour clarifier la véritable fonction de ces organismes comme saboteurs des luttes et pousser les ouvriers à ce qu'ils prennent le contrôle de leurs luttes dans leurs propres mains, par delà et contre les syndicats.

Cette position claire et tranchée a toujours caractérisé le CCI, même au sein du camp des organisations de la Gauche communiste. Le "vieux" CCI a dû mener la polémique en de nombreuses occasions avec d'autres groupes révolutionnaires sur leurs ambiguïtés sur cette question."

8 mars 2008


Camarades du CCI,

Permettez moi de vous saluer. C'est la première fois que je vous écris par ce moyen [internet] bien que je l'ai déjà fait par d'autres moyens en quelques occasions. Je suis un de vos vieux contacts qui assiste de temps en temps à vos réunions et je suis même aussi venu vendre la revue Revolución mundial. Je suis D. et vous pouvez dorénavant me contacter par ce mail.

Je vous écris sur un sujet particulier. Il s'agit du contrôle de la bourgeoisie et de son Etat sur les mouvements actuels et ce qui pourrait se faire pour y répondre.

Ma réflexion est le produit du contact direct que j'ai avec les membres du CCI ainsi qu'avec les camarades qui assistent aux réunions du CCI, des questionnements qui se posent à ces réunions et de la situation actuelle.

Vous, le CCI, êtes la seule organisation avec laquelle j'ai pu discuter et qui m'a permis de participer politiquement dans le camp prolétarien. Je dois vous féliciter et vous remercier de me donner cette opportunité, comme à d'autres camarades, contrairement à ce que d'autres disent. Le CCI est un pôle de regroupement politique prolétarien et c'est bien qu'il en soit ainsi.

Dans cette époque de capitalisme décadent, la loi de l'ISSSTE [l'organisme de sécurité sociale mexicain, NDLT] et les réformes menées par la bourgeoisie dans l'IMSS [l'organisme de santé mexicain, NDLT] constituent deux attaques massives contre les prestations des salariés, contre de larges secteurs des travailleurs.

La crise et la décadence du capitalisme font que les faibles prestations concédées par la bourgeoisie il y a à peine quelques années sont maintenant insoutenables.

La méthode utilisée par la bourgeoisie pour asséner de tels coups, a été de s'attaquer d'abord à un secteur (l'IMSS) et ensuite à l'ISSSTE. Un autre a été le bombardement des moyens de communication qui argumentaient principalement sur le "bien de la Nation" et selon lesquels ces organismes formaient une "bureaucratie privilégiée". Vous, le CCI, avez dénoncé cela de manière large et correcte.

L'appareil syndical joue un rôle important dans ces attaques de la bourgeoisie, en appelant à des manifestations et en empêchant qu'elles échappent à leur contrôle, en faisant que le travailleur cherche une protection juridique contre ces mesures, en faisant que le travailleur attende que le cadre juridique bourgeois rejette ce coup de la bourgeoisie, en réalisant des assemblées dans lesquelles on n'arrive à rien, en se mettant à la tête du mouvement et en le contrôlant. Oui, la bourgeoisie et son Etat politique, spécialement son appareil syndical, dominent la lutte.

Ce processus où la bourgeoisie donne un "coup" au travailleur et déploie son appareil afin de prévenir une logique de riposte, a lieu et continuera à avoir lieu, dans pratiquement 98% des cas (pour ne pas dire 100%). La riposte potentielle, la lutte des travailleurs est ligotée et maîtrisée depuis le début. Et quand une lutte ouvrière surgit hors du cadre syndical, le "syndicaliste s'accroche" ou est dans l'expectative jusqu'au moment de faiblesse de la lutte, et alors il en prend le contrôle, la soumet et la "dompte".

C'est bien là la perspective actuelle ! Le travailleur de l'ISSSTE est ligoté et sans issue !

Si on pouvait arriver à la grève de masse ! Mais on en est encore loin.

C'est dans les mêmes termes que ceux utilisés par les bolchéviques contre les menchéviques que nous pouvons aujourd'hui cataloguer et décrire l'action des syndicats.

"Là où aucun ministre bourgeois ne pouvait apparaître face aux ouvriers révolutionnaires, était présenté (ou pour mieux dire, était envoyé) un ministre "socialiste" qui remplissait consciencieusement sa mission bourgeoise, se dépensant sans compter pour défendre le gouvernement et nier toute responsabilité aux capitalistes, trompant par des promesses et encore plus de promesses, par des conseils qui se résumaient à attendre, attendre et attendre.(...)

Ils ne respectent pas les accords, ils cherchent à diviser et à affronter les masses exploitées, quand ils perdent du terrain ils opposent l'arrière-garde à l'avant-garde. (...) L'agitation des menchéviques avait un caractère dispersé, contradictoire et presque toujours évasif" (1).

De manière générale, je pourrais résumer ainsi l'attitude et l'action des syndicats (de toutes tendances) à l'époque actuelle.

La lutte contre les entraves syndicales a déjà eu lieu et devra avoir lieu, mais maintenant de manière plus intense et prioritaire, contre le sabotage depuis l'intérieur réalisé par les forces bourgeoises avec un masque ouvrier et radical, particulièrement des syndicats. Il convient de préciser qu'il ne s'agit pas de lutter contre le syndicat comme un tout. Ils ne sont seulement qu'une partie de l'Etat bourgeois, quelle que soit leur tendance politique (de gauche, radical, démocratique, etc.). Ils ne sont qu'une partie d'un tout, mais leur action est de l'intérieur et elle a été cruciale pour saboter la lutte et la dévier. L'action de ces syndicats doit avoir une contrepartie qui ne peut être que l'action révolutionnaires. Les révolutionnaires, nous sommes une minorité. Nous ne pouvons pas être partout. Mais si à un moment quelconque (par notre présence), il nous arrivait de participer à une assemblée où serait présente une partie de la classe, nous devons y participer, notre voix doit être entendue sans hésitation et de manière spécifique. Cela devrait être permanent.

Une caractéristique des bolchéviques a été "le centralisme dans l'action". C'est ainsi qu'ils ont pu faire échouer une provocation bourgeoise en juillet 1917. Ce "centralisme en action" est le reflet de la maturité d'une organisation. Nous devons y ajouter le principe suivant du CCI, mis en avant dans la rubrique Notre activité : "L'intervention organisée, unie et centralisée au niveau international, pour contribuer au processus qui conduit à l'action révolutionnaire du prolétariat.".

Ce "centralisme en action" ne s'oppose pas aux principes du CCI. C'est une question qui a déjà été mise en place. Et, pour ce que je connais du milieu politique prolétarien, il n'y aucune organisation qui le met en pratique avec le souci de s'opposer directement à l'action des syndicats et de leur contrôle des luttes.

Tout en étant une minorité, les révolutionnaires doivent mener une intervention spécifique sur les questions qui se posent comme celle du "contrôle" de la lutte par les forces bourgeoises.

Je crois que cela serait le principe pour que les révolutionnaires puissent participer de rompre les entraves de mouvements comme celui de l'ISSSTE par une participation spécifique, unie et centralisée. Nous sommes une minorité et nous le serons toujours. La participation ensemble vers un seul objectif est très importante comme l'aiguisement du fil d'un couteau.

De manière spécifique, je propose d'intervenir vers la classe en lutte en ce moment, au moins, sur les quatre points suivants. Dans l'attente de votre opinion, on peut les changer, les augmenter ou les réduire :

- identification de la bourgeoisie et de son Etat comme seuls ennemis ;

- identification ou identité de classe ;

- défendre l'extension de la lutte et recherche de la solidarité des travailleurs et des ouvriers ;

- poser la question de l'état actuel de la situation : qui est coupable ? La corruption, un mauvais gouvernement ? Ou un système en décadence ?

Je sais que ces points (certains ou tous), ont déjà été posés dans la classe. Mais tous les révolutionnaires n'ont pas cette perspective, d'abord de parler et de clarifier pour la classe ; et ensuite d'intervenir et d'aborder ensemble, quand c'est possible, tous ces points.

Le travail constant et spécifique est vital. Nous en avons besoin, nous et nos frères de classe, car comme vous le dîtes, vous du CCI, "la question n'est pas de savoir si on doit lutter ou non, mais sur la forme que doit prendre la lutte du prolétariat (...). Notre intervention consiste justement à signaler cette nécessité et ses difficultés et à apporter ce que nous avons en main pour que les réponses qui auront lieu dans le futur, aient ce caractère" (2).

"La lutte ne peut prendre vie qu'avec la participation massive et consciente de l'ensemble des travailleurs".(3)

J'espère que tout ce qui est exposé dans ce courrier est constructif et qu'on réfléchira sur cette nécessité.

Prolétaires du monde entier, unissez-vous !

D. (Mexique).


1) Brochure “Octobre 17” du CCI (citation traduite directement par notre fraction)

2) Revolución mundial n° 101 (traduit par notre fraction)

3) Prometheus 1848



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