A. Bordiga
LE PRINCIPE
DEMOCRATIQUE
(février 1922)
La division de
la société en classes que le privilège
économique distingue nettement enlève toute valeur à
la décision majoritaire. Notre critique réfute la
théorie mensongère selon laquelle la machine de l’État
démocratique et parlementaire sorti des constitutions
libérales modernes serait une organisation de tous les
citoyens dans l’intérêt de tous les citoyens. Du
moment qu’il existe des intérêts opposés et
des conflits de classe, il n’y a pas d’unité
d’organisation possible, et malgré l’apparence
extérieure de la souveraineté populaire l’État
reste l’organe de la classe économiquement supérieure
et l’instrument de défense de ses intérêts.
Malgré l’application du système démocratique
à la représentation politique, la société
bourgeoise nous apparaît comme un ensemble complexe
d’organismes unitaires : beaucoup d’entre eux, qui
sont issus des couches privilégiées et tendent à
la conservation de l’appareil social actuel, se regroupent
autour du puissant organisme centralisé qu’est l’État
politique ; certains autres peuvent être indifférents ou
avoir une attitude changeante à l’égard de
l’État ; d’autres enfin naissent au sein des
couches économiquement opprimées et exploitées
et sont dirigés contre l’État de classe. Le
communisme démontre donc que l’application juridique et
politique formelle du principe démocratique et majoritaire à
tous les citoyens alors que persiste la division en classes par
rapport à l’économie, ne suffit pas à
faire de l’État une unité organisative de toute
la société ou de toute la nation. Officiellement, c’est
ce que la démocratie politique prétend être ;
en réalité, elle est introduite en tant que forme
convenant au pouvoir spécifique de la classe capitaliste et à
sa véritable dictature, aux fins de la conservation de ses
privilèges.