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QUELQUES COMMENTAIRES GENERAUX
SUR LA QUESTION POLITIQUE POSEE PAR LA LETTRE DU CAMARADE GR

Nous remercions une nouvelle fois le camarade GR pour sa lettre qui nous donne l'occasion de revenir sur un sujet, à nos yeux, de la plus haute importance pour la classe ouvrière et pour ses minorités révolutionnaires : les attaques idéologiques de la bourgeoisie contre le prolétariat, dont la campagne référendaire du 29 mai a été un maillon essentiel.

Cette campagne référendaire lancée au début du printemps a d'abord permis à la bourgeoisie et à ses médias de braquer tous les projecteurs sur le thème du vote, occultant le renouveau de luttes qui s'était développé au début de l'année et dévoyant les ouvriers vers les urnes.

On se souvient du barouf fait autour du "non de gauche", du "refus de l'Europe libérale", du coup soi-disant "porté à la politique anti-sociale du gouvernement", etc. On se souvient de l'alliance improbable entre Fabius, Buffet, Besancenot et autres José Bové qui nous chantaient que, grâce au bulletin de vote, les ouvriers allaient mettre en péril le gouvernement français, voir la bourgeoisie et même donner un signe fort pour un renouveau du combat anti-capitaliste.

Et il faut bien reconnaître que cette campagne a largement marché auprès des ouvriers ; que ceux-ci, même sans se faire trop d'illusions, se sont dirigés vers les urnes et ont, pour un temps, "oublié" leurs luttes.

Au lendemain de cette "ivresse électorale", les ouvriers ont vu venir un nouveau gouvernement qui ne fait que poursuivre et accentuer la politique de l'ancien : une politique anti-ouvrière. La gueule de bois à peine passée, les rodomontades du nabot Sarkozy avec ses déplacements coup de poing dans les banlieues ouvrières au nom de la sécurité des citoyens, ses propos méprisants sur le "nettoyage au karcher" des quartiers ouvriers menacés, selon lui, par la pègre et l'immigration, ont entretenu les effets abrutissants de la campagne référendaire.

Quant aux premières mesures annoncées par Villepin et consorts, elles consistent à promettre de réduire le chômage en rendant les conditions ouvrières plus précaires (contrat d'embauche de deux ans durant lesquels le patronat pourra se débarrasser des nouveaux venus sans avoir à débourser un sou !) en envisageant de "remettre au boulot" les salariés âgés, ce qui signifie que ceux qui ne pourront retrouver un emploi verront leur maigre pension encore rognée !

Voilà pour la "déstabilisation" du gouvernement grâce au vote NON que l'on nous vantait sur tous les tons !

Il serait quand même de la dernière naïveté de penser que tout cela n'est que l'effet d'une sorte de mauvais calcul de la part de la bourgeoisie française et de son éminent représentant en chef, Chirac. D'autant que cela se passait à quelques semaines de la trêve estivale et que, depuis lors, la prise annoncée de la présidence de l'Union européenne par la Grande Bretagne puis le choix de Londres contre Paris pour l'organisation des jeux olympiques de 2012 ont permis à la bourgeoisie et à ses médias d'enclencher sur l'affaiblissement de la bourgeoisie, de la "NATION" française.

Qui peut croire que la mise en exergue de ces faits, dont certains étaient connus de longue date (présidence anglaise de l'UE), dont d'autres, comme les JO, ne rencontraient jusqu'alors qu'une indifférence polie au sein de la population française et de la classe ouvrière en particulier, dont d'autres encore, comme la faiblesse chronique de l'économie française ont des causes structurelles bien connues et communes à l'ensemble des Etats, qui peut croire, donc, que tous ces éléments ne sont pas savamment cuisinés par les médias pour mijoter une potion à destination de la classe ouvrière ? Qui peut ignorer, si ce n'est de propos délibéré, que la bourgeoisie fourbit ses armes contre le prolétariat dont les réactions en début d'année ont été parfaitement comprises de la bourgeoisie et de son Etat ?

Ne pas prendre la mesure de l'ampleur de l'aménagement, par la bourgeoise, de son arsenal policier, politique et idéologique destiné à affronter le prolétariat constitue, pour ceux qui se revendiquent les avant-gardes de la classe, plus qu'une erreur politique ; cela manifeste une négligence coupable dont les racines sont à chercher dans la perte de boussole communiste par ceux qui s'y livrent.

La campagne référendaire débutée au printemps n'a été, en quelque sorte, que le moyen par lequel la sauce a commencé à prendre ; que la première étape permettant de modifier une situation où la classe commençait à s'affirmer face à la classe ennemie pour aboutir à la situation présente où on tend à nous faire accroire que l'opposition se situe entre la France dans son ensemble, toutes classes confondues, et le reste du monde (du monde anglo-saxon en particulier) ou bien, au plan national, entre la gauche et la droite.

La France, semble-t-on nous dire, est dans une très mauvaise posture ; elle s'affaiblit face au reste du monde et ses représentants politiques ne maîtrisent plus rien. Les sondages de popularité sont au plus bas pour Chirac, le parti gouvernemental bat de l'aile et ne se trouve comme sauveur qu'un ambitieux marchant sur les plates-bandes de Le Pen. Quant au principal parti d'opposition, le PS, l'alternative crédible au gouvernement actuel, il est en pleine capilotade du fait du non au référendum.

L'assourdissante campagne référendaire a été, nous l'avons dit, l'occasion de rapprochements entre différents courants de la gauche bourgeoise assez disparates à première vue. L'essentiel est que se dessine un rassemblement, "à gauche de la gauche" selon l'expression journalistique consacrée, qui puisse encadrer la classe ouvrière, se prétendre son représentant et dévoyer ses luttes sur le terrain électoral le moment venu. C'est ce qui explique le regroupement composite que l'on a vu éclore au cours de la campagne référendaire. La forme de "crise" que prend le dégagement de cette force d'encadrement n'est que le reflet du peu de crédit que les ouvriers accordent à ces groupes et partis qui ont participé ou soutenu les divers gouvernements d'alliance PS/PC/Vert dont les politiques anti-ouvrières sont encore présentes dans toutes les mémoires. Les soubresauts sont, en quelque sorte à la mesure du peu de crédibilité dont ils bénéficient auprès de la classe ouvrière. Que viennent, là-dessus, se greffer des ambitions personnelles, des calculs à court ou moyen terme de la part des différents leaders de ces partis, la chose est bien secondaire.

La réorganisation de l'appareil de gauche de la bourgeoisie avec l'objectif de donner naissance à une force politique en mesure de dévoyer les combats ouvriers à venir est, sans aucun doute, l'un des faits les plus significatifs de l'adaptation de l'appareil politique bourgeois de ces derniers mois. C'est dans ce sens que parler d'un affaiblissement de la bourgeoisie française causé par la "victoire" du NON au référendum aboutit logiquement à gravement sous-estimer la manœuvre bourgeoise et à laisser croire à la classe que cette campagne et cette réorganisation ne sont que le fruit d'une faiblesse de la bourgeoisie. C'est se faire le vecteur, conscient ou inconscient, de cette campagne en désarmant les ouvriers ; en leur faisant croire que l'ennemi est aux abois et donc moins dangereux. C'est se faire le complice, volontaire ou involontaire, de l'attaque bourgeoise contre le prolétariat.

A l'inverse, "les véritables communistes responsables" se doivent de montrer à leur classe tout le danger que représente une bourgeoisie arrogante et en plein aménagement de son appareil policier, politique et idéologique. Les véritables communistes ont le devoir de se fonder sur la compréhension des faiblesses de leur classe et non pas de spéculer sur un prétendu "affaiblissement considérable de la bourgeoisie française et de son poids diplomatique en Europe …" Car une chose est de dire que la bourgeoisie est une classe historiquement condamnée, une autre chose est de laisser croire que son arsenal politique et idéologique est caduc, qu'elle descend passivement la pente de sa déchéance.

Une dernière chose à ce propos. Le camarade GR tient à opérer de subtiles distinctions entre, d'un côté, l'affaiblissement de la bourgeoisie française au plan diplomatique et face à ses concurrents impérialistes des autres pays et de l'autre, ses capacités à assurer "la défense du capital national contre la classe ouvrière …".

Si nous comprenons bien l'idée défendue par le camarade, il s'agit de dire que la bourgeoisie française est affaiblie par le "non" au référendum au niveau de sa position au plan international mais que cela n'implique pas que cette bourgeoisie ne soit pas capable, si le besoin se fait sentir, de défendre le capital national contre le prolétariat quand le problème se posera.

Soit il s'agit d'un simple sophisme : la classe dominante défend sa domination au moyen de son Etat de classe. Quel communiste, quel "ouvrier conscient" en douterait ? Soit, derrière cet apparent sophisme il y a quelque chose de plus grave. En acceptant le fait que la bourgeoisie française serait affaiblie au plan diplomatique, on laisse la porte entr'ouverte à l'idée qu'elle serait moins dangereuse vis à vis de la classe. On laisse le champ libre à la propagande nauséabonde selon laquelle la population dans son ensemble pourrait être amenée à défendre la place et le … rang diplomatique (entendez impérialiste !) de son pays. C'est au mieux sous-estimer le poids impérialiste véritable de "son propre impérialisme" et excuser, de fait, les menées de rapine et de gangster de celui-ci. C'est, une fois encore, désarmer le prolétariat et le détourner de ses responsabilités et de ses tâches qui sont de défendre ses intérêts de classe quelle que soit la situation de son propre impérialisme. C'est, en fin de compte, se préparer à appeler les prolétaires à la désertion du combat de classe en dépeignant sa propre bourgeoisie comme une classe faible et menacée par ses concurrents bien plus solides et agressifs.

C'est ce que la fraction, dans la lignée des organisations communistes du passé, non seulement refuse mais aussi et surtout combat chez toutes les forces se réclamant du prolétariat. C'est ce qui nous fait alerter le CCI et l'ensemble du camp prolétarien contre les dérives répétées de l'organisation qui nous a exclus.

Août 2005.

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