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Comment le CCI s'est inscrit dans la tâche de regroupement des forces révolutionnaires ? Comment, pendant plus de 30 ans, cette organisation a contribué à mettre en œuvre, à défendre, à impulser même le besoin vital de discussion et de décantation en vue du regroupement ? Selon quels préceptes légués par les générations militantes antérieures a-t-il essayé d’agir et quelle méthode a-t-il développée dans ce but ? Comment dans sa pratique concrète, quotidienne, a-t-il œuvré dans ce sens ? C'est l'objet du présent article.
Mais, si le CCI a consacré plus de 30 années d'efforts dans ce sens, un constat s'impose : il aura suffit de quelques trois petites années pour tout détruire. Le CCI actuel a fini par adopter une nouvelle ligne politique et une nouvelle méthode qui l’amènent à prendre de plus en plus le contre-pied de tout ce qu’il a toujours défendu et mis en oeuvre durant sa propre histoire. Et cela sans jamais éprouver le moindre besoin d’expliquer son revirement, de justifier politiquement et publiquement son nouveau point de vue. Sans le reconnaître, il va dans le sens de tirer un trait sur son propre passé et sur ses propres fondations ; et c’est par un silence méprisant qu’il répond aux interpellations et critiques qui lui sont adressées de toutes parts, celles provenant des groupes du camp prolétarien comme celles provenant de ses propres sympathisants.
La politique de la dérobade, voilà bien ce qui caractérise le nouveau CCI depuis trois ans. Dans un second article nous montrerons comment les principes constitutifs du CCI concernant la question du regroupement ont été soumis à cette politique de la dérobade et comment sa direction actuelle tend ainsi à rompre toute continuité historique. Une telle politique ne conduit pas seulement à abandonner, dans la pratique, les fondements constitutifs de l’organisation, elle mène tout droit -et c’est tout le caractère tragique du processus-, à œuvrer contre le processus vital de la discussion, contre le regroupement des énergies révolutionnaires.
Pour notre part, nous restons fidèles à la ligne politique visant à impulser la discussion vivante, à favoriser la confrontation des positions en vue de leur clarification, de leur homogénéisation vers le regroupement des forces révolutionnaires ou au contraire leur délimitation sur des bases politiques claires. Et c’est parce que le CCI actuel fait de moins en moins référence à ce cadre là, qu’il le dénature et le trahit, que nous tenons ici à le rappeler, à nous en revendiquer haut et fort et à combattre sans relâche et sans concession aucune les nouvelles conceptions véhiculées par l’actuel CCI.
Dans cette première partie, nous nous appuierons presque exclusivement sur des extraits de la presse du CCI, plus particulièrement sur le mensuel Révolution internationale (RI), organe de la section en France, qui, pendant de longues années a servi de point de référence dans l’expression des positionnements du CCI. C’est en effet en laissant parler les publications, que nous exposerons le plus fidèlement les points de vue qu’a toujours défendus notre organisation dans le passé.
Pendant 30 ans le CCI a toujours accordé une place privilégiée au débat au sein de ce qu'il appelle le milieu politique prolétarien, et plus particulièrement les groupes issus de la Gauche communiste. De ce fait, il a toujours intégré la question du regroupement comme sa priorité de travail, l'orientation essentielle et permanente de son activité.
Si le CCI s’est construit autour de cette orientation prioritaire, il ne le doit ni au hasard ni à l’idée de génie de ses membres fondateurs. C’est en puisant dans l’histoire du mouvement ouvrier et de ses organisations qu’il a pu faire réémerger, après la période de 50 ans de contre-révolution, ce besoin collectif de la confrontation, du regroupement, de l’unification des forces révolutionnaires.
C’est tout d’abord la classe ouvrière elle-même qui donne le ton. De tout temps, la tendance à ramasser et unir ses forces, à confronter ses expériences à en tirer des leçons, s’est exprimée sous différentes formes. Durant toute la période d’ascendance capitaliste, les ouvriers obéissent au besoin vital de se rassembler et de faire ainsi front contre l’emprise idéologique du capitalisme. Les ouvriers se réunissent après la lutte, se retrouvent dans les premières « Bourses du travail », puis dans les syndicats ouvriers évoqués par Marx comme de véritables « écoles du communisme ». Puis ce seront les grands partis ouvriers de masse qui serviront de creuset au développement et à l’homogénéisation de la conscience de classe.
A l’image de leur classe, les révolutionnaires ont toujours cherché à favoriser la discussion vivante pour clarifier ou défendre les positions révolutionnaires, combattre les fausses conceptions sans concession, que ce soit dans l’objectif de regrouper les énergies révolutionnaires ou permettre leur démarcation sur des bases claires.
Dès ses origines, le CCI identifiait très rapidement ce besoin de débat entre organisations révolutionnaires et en leur sein : « … avec l'entrée du capitalisme dans sa phase de décadence, le prolétariat a perdu ses anciennes organisations syndicales et politiques qui sont devenues des rouages de l'Etat capitaliste. De plus, la terrible contre-révolution qui s'est abattue sur la classe après la grande vague révolutionnaire du premier après-guerre, a eu raison, d'abord des partis communistes créés pendant cette vague et qui sont devenus de fidèles chiens de garde du capital, ensuite des différents courants et fractions communistes qui s'étaient dégagés de ces partis lors de leur dégénérescence.
Certains de ces courants ont finalement rejoint l'ennemi de classe (le trotskisme par exemple), d'autres ont carrément disparu ou ont été réduits à l'état de petites sectes plus ou moins sclérosées. C'est dans une telle situation d'inexistence quasi-totale d'organisations politiques prolétariennes que la classe ouvrière a commencé de rompre, à la fin des années 60, avec le carcan de la contre-révolution. Et c'est le besoin d'une réflexion et d'une prise de conscience suscité par la reprise des luttes qui est à l'origine de l'apparition depuis quelques années et dans beaucoup de pays de toute une série de cercles ouvriers aux dénominateurs et formes multiples, mais qui, pour tous, expriment plus ou moins confusément l'impossibilité de développer une activité et une pensée de classe au sein des organes capitalistes que sont les "organisations ouvrières" officielles (PS, PC, gauchistes, syndicats)… » (RI n° 41 -septembre 1977- "A propos des groupes ouvriers").
C’est en puisant notamment dans les combats menés au sein du mouvement ouvrier en vue de la constitution du Parti, que le CCI reprend à son compte, défend et développe les critères pour un regroupement ainsi que la notion de « milieu prolétarien ».
« …la profondeur et la durée de la contre-révolution dont nous sortons, se traduit par la disparition de toutes les fractions qui s'étaient dégagées de la troisième internationale au moment de sa dégénérescence, ce qui a privé la classe du pôle de regroupement du futur parti et qui fait peser sur les courants révolutionnaires qui réapparaissent, le poids d'une cruelle inexpérience et fragilité. La préoccupation essentielle de l'heure qui doit animer et orienter toutes nos activités est donc la création d'un pôle de regroupement international des forces et éléments révolutionnaires que la reprise prolétarienne fait surgir…. » (RI n° 32 -décembre 76- "Résolution sur l'activité de RI adoptée par son 2ème Congrès").
« Le milieu révolutionnaire n'est pas une notion mystique.
….. Une "lecture" non superficielle de celle-ci (l'histoire du mouvement ouvrier) nous apprend que les révolutionnaires ont de fait, toujours existé en tant que "milieu". C'est d'ailleurs là l'expression de la nature même du processus du développement de la conscience dans la classe ouvrière. C'est en vertu de cette nature que les différentes minorités communistes surgies de la lutte de classe éprouvent et satisfont à la nécessité d'une confrontation politique entre elles, d'une discussion et d'un débat afin de clarifier, de délimiter les divergences réelles. Tout ceci ayant pour mouvement objectif d'opérer un regroupement des forces, conforme à l'exigence centralisatrice du prolétariat révolutionnaire. Par ce processus les minorités révolutionnaires éparses deviennent groupes constitués, puis partis de classe. C'est d'après cette base d'expérience, que le CCI utilise la notion de "milieu révolutionnaire", et parle de "regroupement". » (RI 108 -avril 1983- "A propos de la crise du PCI – Le camp révolutionnaire a besoin de tous ses combattants").
« …Elle [la discussion lors d’une réunion ouverte] a mis en évidence la confusion qui persiste encore en ce qui concerne tant la fonction des révolutionnaires qui sont souvent vus comme des "confectionneurs de feuilles de boîtes" ou comme des individualités allant de cercle d'étude en revue éclectique pour s'adresser "personnellement" à la classe, qu'en ce qui concerne la nécessité de regrouper ceux-ci dans un corps organisé autour d'un programme clair et cohérent. En particulier, la notion fondamentale de frontière de classe sur laquelle l'histoire a tranché de façon définitive et qui établit la distinction entre les organisations de la classe ouvrière et celles de la bourgeoisie est malheureusement trop souvent méconnue ou interprétée comme un artifice sectaire. » (RI n° 22 -Février 1976- " Réunion ouverte de la section de Paris – De l’irresponsabilité en matière d’organisation ").
« … On ne peut juger de la "filiation" de tel ou tel courant au marxisme par la constatation superficielle de l'emploi de mots ou même de concepts utilisés par Marx. C'est face à la lutte de classe, à la vie de la classe prolétarienne qu'un courant prouve ou dément son rattachement au marxisme. C'est seulement ainsi que l'on peut juger la social-démocratie et le stalinisme. » (RI n° 108 –avril 1983- « Bilan d’une RP "Des fossoyeurs du marxisme »).
« L'existence des organisations révolutionnaires et partant d'un milieu révolutionnaire n'est pas le produit de ce que pense chacun, mais de la vie de la classe ouvrière. Ce ne sont pas les organisations révolutionnaire qui délimitent le camp du prolétariat d'avec celui de la bourgeoisie, mais la classe ouvrière à travers ses expériences historiques. » (RI n° 116 -janvier 1984- Dans la rubrique "Milieu révolutionnaire – Réunion publique de novembre à Paris : Pourquoi et comment débattre ?").
Le CCI réaffirmera à plusieurs reprises le danger que représenterait un regroupement tardif des forces révolutionnaires, tandis que ce poison se trouve théorisé sous différentes formes dans la période qui suit immédiatement la reprise internationale des luttes à partir de 1968 :
« Mais le point particulier sur lequel a porté notre insistance a été celui de l'absolue nécessité du regroupement des forces révolutionnaires à l'échelle mondiale avant même que la classe ne s'engage dans ses combats décisifs. En effet, à côté des conceptions qui nient toute nécessité pour la classe de se donner une organisation de ses éléments les plus conscients, à côté de celles qui sont d'accord avec une organisation des révolutionnaires mais à condition qu'elle ne joue aucun rôle, on en trouve de plus subtiles encore, qui veulent bien que les révolutionnaires s'organisent à l'échelle mondiale dans le but d'influencer la lutte de classe mais qui considèrent que "ce n'est pas encore le moment". Souvent ces conceptions considèrent que c'est dans les affrontements révolutionnaires eux-mêmes que se constitue cette organisation et que vouloir regrouper les forces révolutionnaires avant que la classe ne soit confrontée au problème de la prise du pouvoir n'est rien d'autre que du "volontarisme organisationnel".
Les expériences sanglantes de la classe et particulièrement celles du prolétariat allemand en 1919 qui se soulève alors que les révolutionnaires viennent juste de se regrouper et qui, faute d'une vision d'ensemble de sa lutte, est écrasé par la bourgeoisie ville après ville, montrent à quel point une telle vision est irresponsable. Une des grandes carences de la grande vague révolutionnaire qui suit la première guerre mondiale est le retard avec lequel se constitue l'organisation mondiale de son avant-garde. Quand l'Internationale communiste est fondée en mars 1919, les plus grands combats de la classe ont déjà eu lieu et la classe a déjà subi les défaites qui s'avéreront décisives. S'il est une leçon que les révolutionnaire se doivent de méditer, c'est bien celle-ci, afin de s'atteler dès maintenant à la tâche du regroupement mondial de leurs forces. Les révolutionnaires ne devront pas s'unifier "le plus tard possible" mais au contraire le plus tôt possible, afin que leur organisation ait eu le temps de se renforcer le plus possible avant d'affronter l'épreuve du feu des combats révolutionnaires. » (RI n° 22 – Déjà cité)
Mais c’est surtout contre les tendances à la dispersion, à l’isolement, contre les conceptions sectaires et individualistes, contre les conceptions anarchistes et anti-Parti, que le CCI portera le fer.
« Le premier de ces deux phénomènes [entraves liées à la rupture organique] a eu pour effet de priver les courants révolutionnaires que la reprise présente de la classe a fait surgir, d'une somme d'expériences pratiques que les fractions du passé avaient capitalisé et qui s'est perdue, pour une part importante, avec elles. C'est justement sur la question d'organisation que ces expériences étaient les plus précieuses et c'est en grande partie à travers leur propre pratique que les révolutionnaires d'aujourd'hui ont été amenés à comprendre ce qui, dans le passé, avait été acquis depuis longtemps.
Le deuxième de ces phénomènes est un boulet que le mouvement ouvrier traîne à son pied depuis ses débuts dans la mesure où les rangs prolétariens ont reçu à toute époque des éléments venant de la petite bourgeoisie et transmettant avec eux leurs préjugés de classe. Ce phénomène se poursuit aujourd'hui de façon intense, mais c'est surtout de la part des couches de la petite bourgeoisie intellectuelle que le prolétariat subit les assauts idéologiques les plus importants.
Manifestation la plus spectaculaire de la crise de cette couche sociale, le "mouvement étudiant" connaît son apogée au moment du début de la reprise prolétarienne et, de ce fait, ses scories viennent encombrer fortement la conscience des groupes que celle-ci a fait surgir. Ces scories se manifestent essentiellement sous forme des cultes de la "nouveauté", de la "singularité", de la phrase, de l'individu, etc. qui réussissent souvent à transformer ces groupes en de simples sectes plus préoccupées de mettre en relief ce qui les distingue des autres afin de justifier leur existence séparée que d'œuvrer dans le sens d'un rapprochement. » (RI n° 22. Déjà cité)
« Au moment où l'économie capitaliste connaît les premiers symptômes d'un violent effondrement au niveau mondial (…) au moment où se préparent des combats sociaux gigantesques dans tous les pays, des luttes où la classe des exploités va s'attaquer au pouvoir établi, les organisations révolutionnaires prolétariennes continuent d'entretenir entre elles des rapports complètement marqués par le poids de la période des années d'isolement dans la contre-révolution. » (RI n° 75 -juillet 1980- "A propos de la 3ème Conférence – Dépasser le sectarisme").
« Si l'on compte le nombre de militants regroupés par l'ensemble des organisations politiques, agissant en vue de développer la lutte pour la dictature du prolétariat, se revendiquant du marxisme comme théorie de cette classe, et rejetant comme bourgeois aussi bien les partis "de gauche" (PC, PS, trotskistes) que les Etats soi-disant "communistes", on arrive à un nombre absolument dérisoire. Les noms de ces organisations sont parfaitement inconnus de la quasi-totalité de la classe, dont elles affirment être l'expression la plus avancée. Mais cette "avant-garde" n'est pas seulement insignifiante numériquement et sans presque aucune influence politique sur sa classe.
Elle est en outre éparpillée en une constellation de mini-organisations jalouses de leurs spécificités propres, toujours prêtes à éclater en scissions et à se méfier des autres "concurrentes".
Pendant 40 ans, la contre-révolution sous ses visages "démocratiques", "fascistes" ou "staliniens" a isolé les révolutionnaires de leur classe et par là même les a isolés entre eux. Lorsque la classe ouvrière ne lutte pas, lorsqu'elle vit atomisée en une myriade d'individus solitaires, divisés, soumis, les révolutionnaires qui parlent de "dictature du prolétariat" au vrai sens du terme ont tendance à passer pour des fous et à s'atomiser comme leur classe.
Du début des années 1930 jusqu'à la fin des années 1960, soit pendant près de 40 ans, les révolutionnaires ont été persécutés, isolés, éparpillés, réduits à des poignées d'individus groupés par dizaines ici et là. Depuis 1968 de nouvelles générations sont venues grossir certaines de ces organisations ou bien ont formé de "nouvelles" organisations. Mais l'éparpillement, les multiples divisions ne se sont pas estompées pour autant. » (RI n° 75 – Déjà cité).
« La première condition pour que le milieu révolutionnaire puisse combattre son éparpillement, son sectarisme ambiant, c'est qu'il commence par avoir conscience de sa propre existence. Tant que la plupart des organisations révolutionnaires continueront à penser qu'en dehors d'elles, il n'existe rien…, tant qu'elles ne reconnaîtront pas la réalité de la crise qui frappe l'ensemble que constituent les groupes politiques prolétariens, tant que ce minimum de lucidité ne se sera pas généralisé dans le milieu, ce dernier continuera de faiblir et de subir, impuissant, la contre-offensive idéologique et politique de la bourgeoisie mondiale. » (RI n° 113 -Octobre 1983- "Milieu révolutionnaire : Quelques réactions positives").
Le CCI a essayé de contribuer à définir, délimiter et élaborer une méthode et un cadre pour que puisse se développer un débat vivant, ouvert, fraternel et néanmoins sans compromis. Il insiste sur l’apprentissage nécessaire pour cerner les désaccords véritables, savoir situer le niveau réel d’importance des divergences politiques, donner le cadre à d’éventuelles actions communes.
« La plupart des groupes participants [à la Réunion publique, il s’agissait en l’occurrence de la CWO-BC, du FOR, de Volonté communiste et de Guerre de classe, ces trois derniers ayant aujourd’hui disparu. NDLR] (…) reconnaît la nécessité de combattre le sectarisme ambiant en développant une pratique commune. Reconnaître ensemble le poids du sectarisme est un point positif, mais de quelle pratique parle-t-on pour le combattre ?(…). Le CCI n'est pas par principe opposé à des actions communes avec les groupes du milieu révolutionnaire(…). Le regroupement des forces révolutionnaires ne doit pas être conçu "comme un forum de discussions mais comme un effort militant se donnant notamment comme objectif de prendre position face aux événements cardinaux de la lutte de classe et de la vie de la société" –("Adresse aux groupes politiques prolétariens")-. Cependant, nous ne concevons pas cette intervention en opposition avec la nécessité de mener le débat politique. L'alternative n'est pas théorie ou pratique, mais savoir quelle intervention fait-on, sur quelle bases, sur quelles positions. Et cela ne peut se faire que sur la base d'un débat politique. Même si le chemin est difficile aujourd'hui, il n'y a pas de raccourci possible. Seul un travail de discussion systématique reprenant toutes les questions posées par la dernière vague révolutionnaire, cernant les points d'accord et de désaccord peut créer les bases d'une réelle intervention des organisations révolutionnaires au sein de leur classe. La nécessité d'une telle discussion est d'autant plus forte que dans les luttes à venir, la classe ouvrière va se trouver confrontée à de nombreux problèmes identiques à ceux de la dernière vague révolutionnaire (…).
Les organisations révolutionnaires, aussi petites et faibles soient-elles, doivent cesser de fuir leurs responsabilités. L'absence d'un cadre organisé pour mener la clarification politique (comme l'ont été les Conférences Internationales) représente dès aujourd'hui un grand vide pour tous les groupes ou éléments isolés qui surgissent dans le monde, comme au Mexique ou à Hong-Kong par exemple. C'est à la création de tels cadres de discussion que nous devons tous travailler. Pour cela, nous devons renouer avec un esprit de débat fraternel, ouvert mais non moins ferme. » (RI n° 116 – Déjà cité).
« Avec qui discuter ?
Il est nécessaire de discuter, de polémiquer mais encore faut-il savoir avec qui.
La nature de classe d'un groupe ne dépend pas de l'étiquette qu'il se colle, "révolutionnaire", "prolétarien" ou "internationaliste". On ne juge pas un groupe politique par l'idée qu'il se fait de lui-même, mais par ses positions politiques.(…)
Comment discuter ?
Pour les révolutionnaires, la discussion entre groupes politiques ne peut s'apparenter à un match de boxe dans lequel d'autres révolutionnaires compteraient les points. Les révolutionnaires discutent face à la classe ouvrière qui, elle seule, a intérêt à ce qu'une position soit juste. Il n'y a pas de lutte politique entre révolutionnaires, il y a confrontation d'idées face à la classe ; la lutte politique se menant contre la bourgeoisie. Que l'on défende sa position en tant que révolutionnaires avec passion n'empêche pas que l'on sache que notre ennemi est la bourgeoisie et non les militants d'un autre groupe prolétarien. Cette vision de la confrontation d'opinions entre groupes est un reste de l'idéologie bourgeoise. Entre différents partis bourgeois, il y a lutte politique car chacun défend une clientèle d'intérêts différents, et cette lutte peut même, en certaines périodes, prendre la forme d'affrontement armé.
… s'ils [les révolutionnaires] sont divisés en différents groupes ce n'est pas parce qu'ils représenteraient des intérêts contradictoires de différents secteurs du prolétariat. Cette division est en général un signe de l'immaturité de la classe et elle a été considérablement aggravée par la trahison des grands partis prolétariens et un demi-siècle de contre-révolution.
Le chemin est encore long pour le regroupement des révolutionnaire. Pour progresser il faut un minimum de sérieux, cesser de voir la discussion comme un match, mais l'aborder dans le sens d'un éclaircissement, d'un approfondissement des positions. » (RI n° 69 -décembre 1979- "'La Gauche internationaliste' : comment ne pas comprendre le débat politique").
« L'immaturité dans la façon de débattre. A plusieurs reprises, nous avons dû intervenir au cours de cette réunion publique sur la façon même de concevoir le débat entre révolutionnaires. Que ce soit face à l'attitude des groupes révolutionnaires présents qui, en privilégiant les seules divergences les distinguant du CCI, font totalement fi des préoccupations des éléments isolés et inorganisés présents dans la salle ou que ce soit contre la tendance à concevoir la confrontation au sein du milieu révolutionnaire comme une confrontation "interne" ou "privée".
Si les organisations révolutionnaires sont le produit du combat historique de leur classe contre la bourgeoisie, elles ont aussi à défendre en leur sein –et plus largement dans l'ensemble de la classe- les mêmes méthodes de lutte que celle du prolétariat sans jamais perdre de vue le pourquoi de leur combat : la victoire de la révolution mondiale.
Ainsi, par rapport à des éléments en recherche, il est vital, et de la plus grande responsabilité des révolutionnaires, de contrer la pression ambiante de l'idéologie bourgeoise afin de contribuer à accélérer un processus de maturation à l'instar de l'intervention plus générale des révolutionnaires dans les luttes de leur classe ; il doit être tout aussi évident pour l'ensemble du milieu que les divergences politiques, quelles qu'elles soient, doivent être situées à leur niveau réel et ne pas être considérées comme un moyen de se distinguer mais doivent être comprises comme l'expression du processus difficile de prise de conscience de la classe ouvrière et qui concerne donc l'ensemble de la classe. La manière même de concevoir le débat au sein du milieu politique prolétarien révèle donc non seulement une immaturité politique mais, plus fondamentalement, la profonde sous-estimation de son rôle d'avant-garde du prolétariat. » (RI n° 150 -novembre 1986- "Bilan de réunion publique à Paris –Réalité et faiblesses du milieu révolutionnaire".)
A travers ces quelques extraits -nous aurions pu tout aussi bien en présenter d’autres- nous avons vu comment le CCI a défendu politiquement la nécessaire discussion entre groupes prolétariens comme moyen privilégié dans la voie du regroupement des énergies révolutionnaires.
Considérant qu’il n’y a pas de frontière hermétiquement close entre les principes défendus, la théorie et la pratique quotidienne, les activités d’une organisation, le CCI a toujours concentré ses efforts à développer les outils au service du principe de débat et de la confrontation des positions politiques.
Réunions publiques et permanences régulières donnant lieu à de nombreux comptes rendus dans la presse, intervention dans les réunions publiques d’autres groupes, rubriques de Courrier de lecteurs, participation aux Conférences de la Gauche communiste mais également dénonciation de toutes les pratiques s’attachant à dénaturer et décourager l’idée même de débat, notamment dans les réunions gauchistes…. Ce sont autant de faits concrets illustrant une pratique au service du principe de débat.
Nous aurons certainement l’occasion de revenir plus amplement sur la manière dont ces orientations vers l’ouverture ont trouvé des concrétisations au niveau interne de l’organisation (conception et place accordée au débat interne) et comment le CCI actuel a fini par établir, sur ce plan là aussi, de nouvelles valeurs visant à étouffer tout débat interne ou externe. Dans l’immédiat contentons-nous de montrer, au passage, à quel point pendant toute une longue période, la vie interne du CCI jusque dans les résolutions adoptées par ses Congrès reflétait la volonté de proposer des lieux de débat largement ouverts, partout où la possibilité existait : « … le meilleur moyen de faire face à ces irrégularités de la combativité prolétarienne consiste dans un travail le plus régulier possible et le plus systématique possible. Un travail par à coups de l'organisation est l'ennemi de sa capacité à faire face aux à-coups de la situation…
…la profondeur et la durée de la contre-révolution dont nous sortons, se traduit par la disparition de toutes les fractions qui s'étaient dégagées de la troisième internationale au moment de sa dégénérescence, ce qui a privé la classe du pôle de regroupement du futur parti et qui fait peser sur les courants révolutionnaires qui réapparaissent, le poids d'une cruelle inexpérience et fragilité. La préoccupation essentielle de l'heure qui doit animer et orienter toutes nos activités est donc la création d'un pôle de regroupement international des forces et éléments révolutionnaires que la reprise prolétarienne fait surgir…..
Le renforcement de la présence politique de l'organisation doit être fondamentalement axé sur un effort de plus en plus sérieux et systématique de diffusion des publications du CCI. Les différentes sections doivent poursuivre et accentuer ce travail de vente du journal devant les entreprises, les meetings et les manifestations. Enfin, ce renforcement de la présence politique doit s'appuyer sur la tenue de réunions publiques et de permanences là où existent déjà des sections, mais aussi dans les villes importantes où la proximité d'une section ou l'existence de contacts le permet. Dans la tenue de réunions publiques la régularité est un des éléments essentiels qu'il faudra prendre en compte. » (RI n° 32 -décembre 76- "Résolution sur l'activité de RI adoptée par son 2ème Congrès")
Un bref bilan du nombre de colonnes réservées à la publication de courriers de lecteurs dans les différents types de presse du CCI suffit à démontrer l’importance et l’attention politique qu’il accorde aux différentes composantes du milieu politique révolutionnaire au sens large du terme. Sa conception ne correspond pas à un souci de « démocratisme » ; elle s’appuie sur une tradition du mouvement ouvrier. Il s’agit de permettre et favoriser un débat qui ne soit pas réservé aux seuls groupes constitués mais soit en plus capable d’intégrer la réflexion d’individus isolés. Le CCI met donc à profit la rubrique régulière « Courriers de lecteurs » pour développer, expliciter ses positions, confronter les arguments, favoriser ainsi la réflexion, l’orienter ou la réorienter.
C’est aussi un support pour combattre les conceptions étrangères au prolétariat ou l’influence d’idéologies véhiculées par la petite bourgeoisie : c’est ainsi qu’il utilisera le courrier de sympathisants proches pour combattre ceux qu’il appelle les « censeurs d’organisations », à cette occasion, il rappellera la méthode utilisée par les plus grandes figures du mouvement ouvrier et par la Gauche italienne dans leur combat pour préserver les acquis face à une organisation dégénérescente. A ces sympathisants qui jugeaient en ces termes la grave crise qu’a connue le PCI-Le Prolétaire en 1982 : « L'effondrement du PCInt s'inscrit dans cette phase de clarification… En ce sens l'éclatement du PCInt est loin de constituer la perte d'un frère de classe », voici ce que répondait le CCI :
« Qui a droit de vie ou de mort sur un groupe prolétarien ?
En quelque sorte, les camarades déclarent au sujet de l'effondrement du PCI "Il crève ? Eh bien tant mieux!"…Mais puisque les camarades se réfèrent aux leçons du passé, venons-y. Demandons leur où peuvent-ils jamais trouver dans le livre de l'histoire politique de la classe ouvrière, un exemple sérieux de l’attitude qu'ils croient être libres d'adopter ?
De Marx à Lénine et de Rosa Luxemburg à la "Gauche italienne", pour nous en tenir là, il y a bien les mille preuves d'un combat politique implacable, de dénonciation et d'accusation des tares de dégénérescence pourrissant les organisations révolutionnaires. Il est aisé de montrer combien ce combat a été mené de manière impitoyable, sans faiblesse, complaisance ni sentimentalisme aucun. Cela est indéniable. Mais jamais on ne trouve dans cette histoire le parti-pris primesautier, pour ne pas dire irresponsable dont les camarades ont la faiblesse de croire pouvoir faire une vertu politique communiste.
Tout au contraire : Lénine comme Rosa ou les militants de la "Gauche italienne", quand il leur fut nécessaire de couper les ponts et de prononcer la condamnation historique d'un groupe ou d'un parti prolétarien, ne le firent jamais qu'avec la plus extrême prudence, qu'avec la dernière circonspection. Toujours, en tout cas, en mesurant les responsabilités et au bout d'un long et opiniâtre labeur de fraction au sein de ces organismes faillissants. S'ils adoptèrent cette attitude, c'est qu'ils concevaient profondément ce que représente un organe politique prolétarien. Une organisation de révolutionnaires est le fruit de la lutte de classe. Elle est le résultat des très durs efforts que dépense la classe ouvrière pour se doter de cadres politiques indispensables à son combat à long terme.
Aucun révolutionnaire ne peut donc disposer selon son gré, son impatience ou sa colère, de ce capital essentiel pour la classe. Condamner et rejeter hors du camp prolétarien un groupe politique de la classe est chose grave, et n'appartient, en dernière instance, qu'à la classe ouvrière elle-même, au travers de sa lutte. C'est cela, camarades, interpréter vraiment les leçons de l'histoire. C'est l'attitude du CCI.
…. Toutefois, nous voulons faire comprendre aux camarades que ce n'est pas au CCI, ni à aucune autre organisation, de décider en ultime instance de l'appartenance ou non d'un groupe au milieu révolutionnaire. Un groupe se désigne révolutionnaire d'après ses base politiques, et surtout selon sa capacité à se déterminer de façon prolétarienne vis-à-vis des événements majeurs que confronte l'expérience ouvrière. De tous les critères, l'internationalisme est certainement le plus décisif. Or le PCI est incontestablement un groupe internationaliste…. Le PCI a encore montré le fond internationaliste de son être politique prolétarien à propos de l'Afghanistan, de la guerre aux Malouines et vis-à-vis de la grève de masse en Pologne. Rien que cela, mais tout cela nous fait toujours considérer le PCI, tel qu'il demeure après son éclatement, comme une partie prenante du milieu révolutionnaire, dont les énergies militantes importent au prolétariat pour l'avenir… Sembler amalgamer… gauchistes bourgeois… et groupes révolutionnaires de l'après 68, c'est camarades, extrêmement grave. Paraître confondre la tendance du PCI à dégénérer vers un groupe gauchiste avec un état de fait achevé, c'est, camarades, très dangereux. ». (RI n° 108 -avril 1983- "A propos de la crise du PCI – Le camp révolutionnaire a besoin de tous ses combattants").
Les années 1970-1980, dans la foulée de la reprise ouvrière de 1968 (France, Italie, Allemagne, Belgique…) vont voir se multiplier les groupes et groupuscules dont la durée de vie n’est pas sans rapport avec les positions et méthodes qu’ils revendiquent. A nouveau les enjeux historiques reviennent au devant de la scène suscitant débats, combats, jusqu’à la cristallisation de positions au sein de regroupements politiques des plus variés. La plupart de ces regroupements (auxquels nous ferons référence plus loin dans ce texte) revendiquent l’éclectisme de leurs positions politiques, éclectisme et refus théorisé de se rattacher aux courants du passé préférant l’originalité et l’innovation en matière de théorie révolutionnaire, mus par une méfiance sans borne vis-à-vis de la Révolution russe et des bolcheviks en particulier (la grande « innovation » consistant à établir l’équation : le Parti bolchevik contient en germe le stalinisme et de faire ainsi remonter l’équation jusqu’à Marx). Pour cette catégorie de regroupements, l’histoire tranchera rapidement : la plupart ont aujourd’hui disparu dans la nature.
Seuls les groupes les plus conséquents parce qu’ils s’appuient sur la conviction qu’il est impératif de renouer le fil historique, de rétablir une continuité théorique et politique à défaut d’une véritable continuité organique, seuls ces groupes là dureront, bien que se heurtant d’emblée à l’isolement et la dispersion y compris entre eux-mêmes.
C’est dans ce contexte que l’idée d’organiser des Conférences fait son chemin parmi ces groupes notamment, ce qui trouvera une concrétisation avec le cycle des « Conférences internationales des groupes de la gauche communiste » (1977-80). Le CCI s’engage dans la lutte pour faire vivre ces Conférences, ce type de Conférence, contre tous ceux qui élèvent des entraves de principe, avant même qu’un contour politique bien défini ne leur soit collectivement assigné. Il s’inscrit dans cette dynamique, concevant les Conférences comme une première mais fondamentale, tentative de constituer un cadre international de débat devant permettre de dépasser les malentendus et incompréhensions mutuelles liés au passé et aux origines de ces organisations. Le CCI participe donc à ces Conférences, il en critique les faiblesses, les limites mais toujours en conservant l’esprit d’ouverture dans la perspective de renouveler un jour l’expérience si les conditions s’y prêtent à nouveau. La critique politique essentielle portera, à l’issue de la 3ème conférence, sur l’erreur commise d’avoir cherché à limiter et à réduire l’espace de discussion qui commençait à peine à se construire, d’avoir cherché par des critères discriminatoires, à limiter notamment le nombre de participants alors que le contexte international imposait au contraire de favoriser ce qui n’était encore qu’une modeste et première tentative de prise de contact ouvrant la voie à une décantation des positions politiques, condition indispensable à un possible mode de regroupement sans compromis, sans conciliation mais au contraire profond et sur des bases politiques claires ; une véritable sélection politique en d’autres termes par l’intermédiaire de la discussion.
« Cette attitude de pousser à la discussion est d'autant plus valable que même dans les périodes d'isolement, où les conditions rendent difficiles les possibilités de contacts, la volonté constante de discussion subsiste toujours chez les révolutionnaires les plus conséquents ». (Revue internationale 17, 2ème trimestre 1979, "2ème Conférence internationale").
« Mai 68 a brisé le monopole politique des "idées-reçues" de la contre-révolution ; il a balayé le mythe de la disparition de la classe ouvrière. Ce formidable réveil de la lutte de classe s'est exprimé dans le surgissement de tout un nouveau milieu politisé. Mais l'esprit critique, ce souffle de vie resurgi à partir de 1968, faut-il l'exercer dans le vide en pensant que l'histoire recommence à zéro ou ne faut-il pas plutôt l'utiliser pour renouer avec le cadre des acquis de la IIIème Internationale et de la Gauche Communiste ? Faut-il s'organiser comme révolutionnaires ? Le marxisme est-il valable aujourd'hui ? A quoi sert-on ? "To be or not to be". Cette préoccupation a marqué toutes les conférences internationales de cette époque depuis la conférence de Bruxelles en 1969 convoquée par "Informations et Correspondances Ouvrières" (aujourd'hui dissout), conférence à laquelle assistaient aussi bien Cohn-Bendit, que Paul Mattick, jusqu'à celles de Liverpool en 1973 et de Paris en 1974 et 1975. Entre ceux qui se sont donnés la tâche de définir une plateforme de principes politiques et de retrouver une continuité historique, et ceux qui prétendaient réinventer le monde, les libertaires anarchisants, les modernistes, et d'autres qui, soit rejettent la classe ouvrière comme le sujet de l'histoire, soit rejettent la continuité historique, une séparation nette s'est faite. Cette décantation a été d'autant plus difficile et douloureuse que les groupes qui avaient une continuité propre (essentiellement la gamme des groupes bordiguistes, PCI-Programme en tête) ont largement "ignoré" l'impulsion et même la réalité de 68, du haut d'une défense jalouse de leurs versions particulières de la Gauche Italienne contre les "bâtards".
Mais généralement, les groupes modernistes anarchisants, les groupes "anti-groupes" ou les groupes "non-groupes" ne durent que le temps d'un soupir et dès le milieu des années 70 la préoccupation des discussions internationales entre révolutionnaires commencent à changer.
Le nouveau cycle de rencontres initié par le PCI-Battaglia Comunista (Italie) et auquel participe le CCI, la CWO (GB), le NCI (Italie) et d'autres groupes… se conçoit comme discussions entre groupes politiques qui savent déjà pourquoi ils existent et ce qu'ils défendent…..
Pour le CCI au contraire, la conférence doit s'élargir : le comité technique a invité plusieurs groupes (Autriche, Grande-Bretagne, Colombie, Suède, USA) à venir à la 3ème Conférence en tant qu'observateurs. Le grand (et seul ?) mérite de ces conférences est de rompre l'isolement, de montrer la nécessité et l'intention de poursuivre une confrontation de positions…. » (RI n° 72,avril 1980, "Où vont les conférences internationales ?" avec le sous-titre : "L'humour et la patience sont les principales qualités des révolutionnaires", Lénine)
« ... Pendant plus d'un an ce "comité technique" (comité créé pour la préparation de la 3è Conférence) fixa l'ordre du jour de la troisième Conférence, adressa les invitations et publia, en langue française, deux bulletins de préparation avec des contributions des différents groupes….. En s'ouvrant la 3è Conférence pouvait constater que le développement de l'écho de cet effort de confrontation organisée entre groupes révolutionnaires n'avait cessé de s'agrandir. Au-delà de la Conférence elle-même et des groupes qui la formaient, il est apparu clairement que ce genre de travail correspond à une nécessité réelle de plus en plus ressentie dans le milieu révolutionnaire international. Les trois Conférences ont constitué l'effort de regroupement le plus sérieux depuis des années, malgré ses énormes faiblesses, lacunes et impuissances.
Et pourtant, la 3è Conférence a abouti à une dislocation….. Interdire ce débat au sein de la Conférence (débat sur la question du rôle du parti révolutionnaire) par l'établissement d'un critère sélectif sur cette question constituait un sabordage de la Conférence et de son rôle essentiel aujourd'hui : constituer un lieu, un cadre et un point de référence pour l'indispensable travail de regroupement que doivent entreprendre les révolutionnaires….
La responsabilité des révolutionnaires
(…) La 3ème Conférence en a été une manifestation évidente. Avant de se "dissoudre" par le sabordage de certaines organisations, la 3ème Conférence s'est avérée incapable d'ouvrir la bouche sur une question aussi fondamentale et brûlante que le danger d'une troisième guerre mondiale….. Lors de la 3ème Conférence, le CCI proposa l'adoption d'une déclaration sur la menace de guerre et sur l'attitude des prolétaires face à elle. L'ensemble des groupes la refusa. Leur refus ne reposait pas sur un rejet du contenu fondamental de la résolution proposée par le CCI à l'ensemble de la Conférence ; tous les groupes participants partageaient aussi bien la conscience de la gravité de la situation mondiale que l'analyse de l'attitude à avoir et à préconiser face à toute guerre entre les puissances. Non leur refus reposait surtout sur une opposition à avoir une quelconque pratique politique avec des groupes avec lesquels ils ont des divergences importantes.
Cet esprit qui consiste à toujours faire passer en avant quelle que soit la situation, ses particularités à soi, ce refus systématique de ce qui est commun à d'autres organisations de peur de perdre son existence, cet esprit-là a toujours eu un nom dans le mouvement ouvrier : le sectarisme, l'esprit de secte.
Et c'est là la principale faiblesse qui a caractérisé les conférences de la Gauche communiste… Imposées souvent par le jeu de la nécessité de l'unanimité, les petitesses, les mesquineries de chapelle ont trop pesé sur la vie et le déroulement de ces conférences. La dislocation de la 3ème Conférence a démontré dans la pratique la non viabilité de ces conférences qui partent du principe qu'elles n'existent exclusivement que pour mettre en avant les divergences et rien d'autre.
Il est important de cerner et d'éclaircir les divergences entre révolutionnaires. Et c'est là effectivement une des fonctions de ces conférences. Mais elle n'est pas la seule.
Les conférences constituent par leur existence même un cri de révolte des révolutionnaires contre l'éparpillement qui leur a été imposé par la contre-révolution. Elles ne peuvent vivre que si elles sont constamment traversées par d'une part la conscience que le mouvement vers le regroupement des révolutionnaires est un combat permanent contre les sectarismes hérités du passé, d'autre part par la claire volonté de dire bien haut ce qui est commun aux révolutionnaires et donc à l'ensemble de la classe….
Par contre, l'éparpillement des groupes peut être efficacement combattu par la volonté des groupes eux-mêmes. Ici, la volonté consciente a un rôle beaucoup plus important. C'est pourquoi le combat contre l’éparpillement des forces révolutionnaires est possible. C'est pourquoi il doit être poursuivi en transformant les échecs momentanés en leçons et armes pour l'avenir.
Nous continuerons à fomenter des conférences internationales entre groupes révolutionnaires… qu'elles s'appellent 4ème, 5ème "conférences des groupes de la gauche communiste" ou pas. Il n'y a pas d'autre issue possible si l'on veut que "l'avant-garde révolutionnaire" puisse être un jour autre chose qu'une somme de chapelles…… » (RI n° 75 – Déjà cité).
« Nous avons toujours affirmé que le débat au sein du camp prolétarien a besoin de la plus grande clarté ce qui suppose que chaque groupe ait le souci de discuter des positions réelles des autres groupes et non des positions qu'il lui prête. Mais nous savons que ce n'est pas toujours une chose facile. C'est pour cela qu'un des objectifs que nous fixions aux Conférences Internationales des Groupes de la Gauche Communiste (1977-80) était de dépasser "les incompréhensions et les malentendus qui existent dans le milieu révolutionnaire" (Revue Internationale n° 16 p. 9). C'est pour cela que nous n'avons jamais pris prétexte d'une falsification de nos positions (et elles ont été fréquentes) pour refuser le débat avec un groupe communiste. » (RI n° 126 -novembre 1984- "Réunion 'publique' de 'Guerre sociale'").
Les objectifs que le CCI se fixait en organisant, partout où il le pouvait, des réunions publiques (RP) et des permanences régulières sont multiples. Mais l’un d’eux doit ici être particulièrement mis en évidence. Il s’agit d’établir des lieux réguliers de débat dans lesquels les différentes composantes de la Gauche communiste sont invités à venir exposer et défendre leurs positions, les confronter. Il s’agit donc de faire entendre la voix des révolutionnaires en particulier lorsque se présente des événements importants (le CCI a ainsi proposé des RP à propos de la guerre, lors des vagues d’attentats en France (1986), lors des événements en Pologne…). Il proposait également des RP afin de lever des ambiguïtés suite à la scission du groupe « Pour une intervention communiste » en 1975 afin de débattre publiquement des divergences opposant les deux groupes.
Ces réunions (comme celles auxquelles le CCI assistera en tant que participants) seront relayées dans la presse territoriale de l’organisation par des compte-rendus réguliers dans lesquels, en s’appuyant sur les interventions et attitudes des groupes ou individus participants, le CCI développera ses propres analyses, commentaires et critiques en vue d’enrichir et de porter le débat à un niveau supérieur.
Dans ce cadre, le CCI consacrera également une partie de ses colonnes et interventions publiques à dénoncer vivement tout ce qui constitue une entrave à l’effort en vue du regroupement, notamment tout ce qui relève de démarches étrangères au prolétariat en particulier les pratiques staliniennes d’exclusion.
Il en fut donc ainsi, à titre d’exemple :
- lors d’une RP en 1984 sur le thème : "les organisations révolutionnaires face à l'accélération de l'histoire" dans laquelle étaient présents la CWO-BC, le FOR, Volonté communiste et Guerre de classe. L'existence d'un milieu révolutionnaire :
« C'est avec la volonté de briser le sectarisme ambiant que nous avons appelé dans notre journal de novembre les groupes révolutionnaire à participer à nos réunions publiques en France sur le thème : "les organisations révolutionnaires face à l'accélération de l'histoire". Le fait que la plupart des principaux groupes existants en France –excepté le PCI-Programme- aient répondu à cet appel en participant à notre réunion publique à Paris est un signe encourageant d'une volonté de combattre l'isolement actuel (…).
Depuis le début des années 80, le CCI a insisté dans sa presse, ses débats sur l'existence d'un milieu révolutionnaire et d'une crise actuelle en son sein…. » (RI n° 116. Déjà cité)
- à propos de la vague d’attentats terroristes à Paris en 1986. Et voici le bilan que le CCI tirait de cette réunion tenue en présence du FOR (Ferment Ouvrier Révolutionnaire) et du BIPR.
« Face à la vague d'attentats terroristes qui a marqué la situation en France ces dernières semaines, les Réunions publiques tenues par le CCI en France courant octobre se fixaient comme tâche essentielle de faire entendre la voix des révolutionnaires face à ces attentats et face aux intenses campagnes de la bourgeoisie appelant la classe ouvrière en France à faire front commun avec l'Etat capitaliste.
Lors de celle que nous avons tenue à Paris le 11 octobre, outre la présence d'éléments isolés, participaient des représentants des deux autres principales organisations révolutionnaires en France : le BIPR et le FOR.
Si la présence à cette réunion de ces groupes du milieu révolutionnaire exprime une volonté politique (que nous ne pouvons qu'encourager de toutes nos forces à systématiser) pour tenter d'affirmer les positions de classe face aux récents attentats terroristes, cette réalité ne doit cependant pas masquer les faiblesses de ce même milieu à assumer pleinement ses responsabilités grandissantes face à l'ensemble de la classe qui l'a fait surgir. Cette réunion a, en effet, révélé tant le poids de l'immaturité que du sectarisme qui prévalent généralement dans le milieu révolutionnaire actuel faisant apparaître d'autant l'importance d'un débat large et fraternel, ainsi que la profonde sous estimation du rôle du milieu révolutionnaire dans la situation présente d'accélération de l'histoire.
Alors que l'exposé introductif à la discussion présenté par le CCI prenait position clairement sur la signification profonde tant des attentats terroristes que de l'attitude adoptée par le prolétariat lui-même face à ces attentats qui ne cède en rien aux sirènes de l'union nationale de la bourgeoisie française,……aucun groupe présent du milieu révolutionnaire n'a pris la peine de se prononcer formellement sur les principales orientations de cet exposé. Non ! Le centre du débat, au cours de cette réunion, fut porté immédiatement par les éléments du FOR et du BIPR sur les divergences existant actuellement au sein du milieu révolutionnaire, entre le CCI, le FOR et le BIPR.
(…) Bien que ces positions de classe soient défendues dans les organes de publication des groupes révolutionnaires (…) l'attitude qui a prévalu dans le débat public fut non pas de défendre ces positions communes mais de privilégier avant tout les divergences qui opposent ces groupes au CCI. Cette attitude qui consiste à privilégier, face aux événements actuels, d'abord ce qui différencie et distingue les groupes du milieu révolutionnaire au lieu de mettre en commun ce qui distingue le milieu révolutionnaire d'avec la bourgeoisie, cette attitude est la concrétisation du manque de responsabilité qui domine encore dans le milieu révolutionnaire aujourd'hui, incapable de dépasser ses querelles de chapelles et son esprit de sectarisme au profit de ce qui est essentiel à un moment donné et face à l'attente réelle de l'ensemble de la classe ouvrière de la part de ses minorités les plus conscientes.(…)
Quelles leçons ?
L'incapacité du milieu révolutionnaire aujourd'hui à défendre face à la classe ouvrière une position commune de classe dans la situation actuelle en France, montre la nécessité non pas d'éviter ou d'arrêter les débats au sein du milieu révolutionnaire, mais au contraire, de poursuivre, d'intensifier et d'assumer concrètement la confrontation vivante au sein de ce milieu. Car ce qui est en jeu aujourd'hui, ce n'est pas seulement une prise de position face à la vague d'attentats en France, mais une prise de position face à tous les moments significatifs de la vie de la classe ouvrière (…). C'est parce que le milieu révolutionnaire est capable de défendre l'unité des forces révolutionnaires dès aujourd'hui, pratiquement et à chaque moment, qu'il peut être réellement capable de contribuer au processus de développement de l'unité des forces du prolétariat au niveau international et du regroupement des révolutionnaires.
La défense concrète de cette unité passe par la poursuite de la confrontation ouverte et responsable, ferme et fraternelle au sein du milieu révolutionnaire, tant à travers ses publications, ses débats publics, ses permanences que dans toutes les manifestations de la vie de la classe. » (RI n° 150. Déjà cité).
Face à toutes les situations de crise, de scissions et de départs qui ont eu lieu dans le CCI, ce dernier a toujours eu la même attitude : favoriser d’abord au niveau interne le débat autour des divergences ou difficultés rencontrées afin d’éviter un départ prématuré. Et placé devant le fait accompli d’un départ qu’il n’avait pu éviter, il invitait à la confrontation publique des divergences ayant donné lieu à ces scissions.
« Dans la lettre que nous publions à la suite, nous invitions les camarades de cette organisation [« Pour une intervention communiste » (PIC)°] à venir débattre publiquement de la question inscrite à l'ordre du jour et qui constitue justement la divergence essentielle entre nos deux organisations. Nous pensons en effet que c'est par une confrontation publique que les positions en discussion ont le plus de possibilité de s'éclaircir face aux éléments qui s'approchent d'une orientation révolutionnaire et qui sont désemparés par l'existence de deux organisations se réclamant d'un même programme fondamental. Malheureusement, le PIC n'a pas jugé nécessaire de venir à notre réunion, ni même de donner une réponse à notre lettre d'invitation.(…)
Nous ne suivrons pas le PIC sur son terrain : à l'accusation de mensonge pour motiver une rupture, nous dirons que c'est là la seule chose qu'aient été capable de faire tous les groupes qui ont refusé le débat politique avec nous (à commencer par l'Internationale situationniste).(…)
Loin de prendre la mouche (face aux insultes émises par le PIC), RI n'a pas tiré argument de ces termes… pour rompre toute relation avec le PIC. Au contraire, les camarades de ce groupe ont été invités à la même époque à la réunion nationale de RI, le PIC a été invité à s'associer et signer le tract "Au Portugal, le capital affronte le prolétariat mondial" de juin 74, de même qu'il a été invité, en janvier 75 à la conférence de notre courant international. Notre attitude fraternelle à l'égard du PIC est même allée jusqu'à la mise à la disposition de ce groupe, qui ne s'était même pas donné les moyens de sa volonté "d'intervention", de notre propre matériel pour la confection de sa publication (…) ».
Cet article est suivi de la lettre d’invitation de RI datée du 12/12/1975 :
« C'est parce que le PIC et RI défendent les mêmes principes fondamentaux et que leur divergence essentielle porte justement sur ce problème du regroupement, que nous jugeons très importante votre participation à notre réunion ouverte. Nous pensons effectivement que c'est publiquement, face à ceux qui s'intéressent à nos positions communes, et qui bien souvent n'arrivent pas à bien comprendre où se situent nos divergences, que doit se poursuivre le débat existant entre nos deux organisations. Nous sommes sincèrement convaincus qu'un tel débat public, au cours duquel vous disposerez évidemment des mêmes moyens que nous pour défendre votre point de vue, devrait permettre tant à ces éléments proches qu'à nos deux organisations de faire un pas de plus dans la compréhension de ce problème crucial. » (RI 22. Déjà cité)
Le CCI défend par principe l’organisation de telles réunions publiques. A titre d’exemple, et en réponse à une lettre d’invitation à une RP du CCI à Lyon en décembre 1979, le groupe de ‘La Gauche internationaliste’ dénie l’invitation en déclarant « ne pas voir d’intérêt à de telles rencontres ». Le CCI critiquera une telle position :
«Avant de répondre aux arguments de cette lettre, il nous paraît intéressant de signaler que la Gauche Internationaliste a tenu le 10 novembre à Paris une réunion publique dans laquelle on a pu retrouver ce qu'elle reproche justement à nos propres réunions publiques : la présence presque exclusive de groupes politiques. En effet, on trouvait, outre ceux du CCI, des représentants du PCI, du GCI, du PIC, du FOR et de "Combat communiste" et la discussion a été essentiellement une confrontation entre les positions de ces différents groupes. Ayant fait l'expérience de ce que sont souvent, à l'heure actuelle, les réunions publiques des groupes communistes, la GI devra donc en tirer des conclusions et, si elle est logique avec elle-même, renoncer à la tenue de telles réunions, ce que, pour notre part, nous ne souhaitons pas, car nous considérons que, quelque soit le faible impact qu'elles ont aujourd'hui, ces réunions sont un lieu non négligeable de clarification des positions politiques. Ce que nous souhaitons, c'est que la GI tire une autre conclusion de cette expérience et qu'elle comprenne l'intérêt d'aller aux réunions publiques des autres groupes communistes : elle reste cordialement invité aux nôtres. » (RI n° 69. Déjà cité).
Enfin, le CCI s’oppose par principe et dénonce toute tentative d’exclusion et de violence, de quelque nature qu’elle soit, au sein de ces lieux publics de débat que sont les réunions publiques. Et c’est à juste titre que le CCI dénoncera le comportement du groupe « La guerre sociale » et par là même, le comportement de ceux qui usent de méthodes musclées dans le seul but d’empêcher que « s'expriment les points de vue qui les dérangent ».
« Le samedi 15 septembre, le groupe qui publie "La Guerre sociale" organisait une "réunion-débat" sur le thème "Les révolutionnaires aujourd'hui". Nous y étions présents dans le but de diffuser notre presse et d'intervenir dans les débats. Et cela non pas que nous pensons que "La Guerre sociale" fait partie du camp révolutionnaire mais parce que nous nous faisons une règle d'intervenir partout où peuvent se trouver des éléments en recherche s'intéressant sincèrement aux positions communistes.
D'entrée de jeu, le porte-parole de "La Guerre sociale" a annoncé que la réunion était interdite à "La Banquise", au "Frondeur" et au CCI et qu'elle ne commencerait pas tant que le CCI (puisque les autres groupes étaient absents) n'aurait pas quitté la salle. Nous avons fait valoir qu'il s'agissait d'une réunion publique et non d'une rencontre entre groupes définis à l'avance et que le tract d'appel à cette réunion ne prononçait d'exclusive d'aucune sorte.
Mais nos explications n'y ont rien fait : "La Guerre sociale" avait décidé à l'avance d'expulser le CCI de la salle pour la "bonne raison" que nous serions des "tricheurs" qui falsifiaient leurs positions.
Nous avons alors affirmé qu'en réalité, "La Guerre sociale" craignait de s'affronter à nos arguments ( 1), que son attitude était semblable à celle des staliniens qui essaient de nous empêcher de parler dans les meetings ou les assemblées ouvrières. Nous avons en conséquence déclaré que puisque "La Guerre sociale" adoptait le même comportement que les staliniens, ce groupe se devait d'assumer jusqu'au bout ses responsabilités et de nous expulser manu-militari comme le font ses modèles. Ce qu'il a fait après quelques hésitations : les militants du CCI ont été jetés un par un en dehors de la salle par les éléments de "La Guerre sociale" (2 ).
Le type de comportement adopté par "La Guerre sociale" n'est pas fortuit, il révèle l'incapacité congénitale des groupes moderniste (dont "La Guerre Sociale" fait partie) de mener un débat sérieux dans la mesure ou ce qui se trouve à la base de leur existence n'est pas un effort de clarification politique au sein de la classe ouvrière mais la décomposition des couches de la petite bourgeoisie intellectuelle. Pour les représentants idéologiques de ces couches sociales qui n'ont aucun avenir historique, l'extrémisme et le radicalisme du verbe tiennent lieu de positions politiques sérieusement élaborées, le moralisme et l'humanisme prennent la place de l'approche matérialiste et d'un point de vue de classe qui caractérisent les groupes communistes.
Ainsi les méthodes "musclées" des éléments de "La Guerre sociale" pour empêcher que s'expriment les points de vue qui les dérangent se veulent participer de leur "intransigeance politique" et de la "radicalité" de leur combat. En réalité, elles n'ont rien à voir avec les méthodes du prolétariat au sein duquel toute violence doit être exclue et qui est intéressé à la plus grande clarté dans les débats. Elles ne font que singer piètrement les méthodes qu'affectionne la bourgeoisie, notamment son aile stalinienne, attitude très fréquente de la part des couches petite bourgeoises dont la révolte contient quelque part la frustration de n'avoir été admises au sein de la classe dominante.
De même, la recherche frénétique de la Vérité qui occupe la "Guerre sociale" et la conduit à chasser sans trêve les "tricheurs" et les "menteurs" qui commettent le sacrilège de tronquer une de leurs citations, relève de l'approche morale typique de l'humanisme petit bourgeois. Evidement nous ne nous faisons pas les avocats de la falsification qui est une des techniques d'élection employée par la bourgeoisie pour discréditer les idées communistes. Nous avons toujours affirmé que le débat au sein du camp prolétarien a besoin de la pus grande clarté ce qui suppose que chaque groupe ait le souci de discuter des positions réelles des autres groupes et non des positions qu'il lui prête. » (RI n° 126. Déjà cité).
Enfin, on ne saurait écarter la défense d’une conception communiste saine de l’outil que constitue les polémiques pour la clarification des positions communistes, particulièrement les nécessaires polémiques entre les différentes composantes de la Gauche communiste. Voici de quelle manière le CCI défendait cet outil :
« L'histoire du mouvement ouvrier est pleine de ces "interminables polémiques", lesquelles ne prennent fin en général que lorsque la propre expérience de la classe a tranché en faveur de telle ou telle position. La discussion reflète la vie de la classe. Les révolutionnaires discutent sur les problèmes qui se posent à la classe, ils discutent pour les clarifier les expliquer et pouvoir intervenir efficacement. Ce que la classe sent confusément, les révolutionnaires doivent pouvoir l'expliquer clairement. Cette même clarté est liée à la polémique : tout approfondissement des positions s'est toujours fait à travers des polémiques. » (RI n° 69. Déjà cité).
« Sur la question de l'intervention et le rôle des révolutionnaires dans les luttes.
Les camarades de la "R.C." (Revue communiste) nous accusent de "déformation", voire de "falsification" carrément. C'est une accusation grave (…). Malheureusement elle est répétée trop souvent à la légère, servant à cacher les véritables désaccords et à éviter les débats nécessaires pour les clarifier. Pour notre part, nous réaffirmons que la déformation délibérée des positions est une pratique indigne de communistes, et que, contrairement à ce que semble croire la "Revue communiste", la polémique n'est pas une lutte occulte entre sectes. Non seulement le débat au sein du mouvement révolutionnaire est une condition indispensable, à la fois d'une véritable solidarité entre organisations communistes aujourd'hui, et de la formation du parti mondial du prolétariat demain, mais aussi parce qu'il participe de la nécessaire clarification des problèmes et des questionnements qu'affronte la classe ouvrière dans son ensemble. » (RI n°140 -janvier 1986- "Réponse au BIPR").
Aujourd’hui, notre fraction défend la politique, les orientations, l’esprit et l’essentiel de la pratique défendus par le CCI durant 30 années en vue de favoriser la constitution d’un pôle de regroupement conséquent.
Dans un prochain texte, nous montrerons comment et de quelle manière la nouvelle trajectoire suivie par le CCI actuel l’amène à rompre totalement avec ses principes constitutifs et sa pratique passée le conduisant à s’opposer à toute politique en vue de la constitution à terme du Parti.
Interdiction d'assister à ses Réunions publiques, absence aux réunions des autres groupes communistes, polémiques honteuses et répugnantes contre ceux-ci ignorant sciemment leur critique politique et leurs arguments, silence absolu sur nos critiques des rapports d'activités et des résolutions sur la situation internationale adoptés depuis 2001, rejet sans discussion de nos rapports alternatifs (cf. nos bulletins, en particulier les n°1, 6, 9, 11, 13, 16 et 21), refus de la confrontation politique sous les prétextes les plus divers, "nazis, staliniens, voleurs, kidnappeurs, mouchards et flics", avec notre fraction considérée comme "le plus dangereux des clans", avec les autres groupes du fait qu'ils seraient "gangrénés par le parasitisme" et notre fraction, telle est la méthode du CCI d'aujourd'hui. Refuser la confrontation politique au nom des accusations les plus répugnantes et calomnieuses n'est pourtant pas une nouvelle méthode. Trotski nous indique d'où vient cette méthode et quelles en sont les conséquences :
"Au Congrès [le 6e congrès de l'Internationale Communiste en 1928], la Commission du Programme posa la question de savoir ce qu'il fallait faire d'une critique dont l'auteur était non seulement exclu de l'Internationale communiste, mais exilé en Asie centrale [il s'agit de la critique faite par Trotski du projet de programme présenté par Boukharine]. Des voix timides et isolées s'élevèrent pour dire qu'il faut aussi s'instruire auprès des adversaires, et que des opinions exactes demeurent exactes quelle que soit la personnalité de celui qui les formule. Mais un autre groupe, beaucoup plus solide, triompha presque sans résistance et sans lutte. Une vieille dame respectable - celle qui fut autrefois Clara Zetkin - déclara qu'on ne pouvait considérer comme justes des idées émanant de Trotsky. (...) La voix timide de la raison se tut aussitôt; et, fermant les yeux, la Commission passa ainsi à côté de ma «critique»" (Avant-propos à l'Internationale communiste après Lénine, avril 1929, souligné par nous).
Même en considérant que nous aurions pu avoir commis des fautes organisationnelles, ce que nous rejetons complètement, le remède disciplinaire utilisé est pire que notre supposé mal. Comme le dit Trotski encore : "Moins il y a d'autorité et de cohésion, plus il y a de contrainte. La discipline, nécessaire comme le sel aux aliments, a été ces dernières années substituée à la nourriture elle-même. Mais personne n'a encore réussi à se nourrir de sel" (idem, Qui dirige l'Internationale ?).
Les conséquences ? "Quand un problème prête à la discussion, quand il y a divergence de vues, la direction et la presse officielle, non seulement du Parti communiste de l'U.R.S.S., mais aussi de l'Internationale communiste et de toutes ses sections, font immédiatement dévier le débat sur le plan du problème des fractions et des groupements. La vie idéologique du parti ne saurait se concevoir sans groupements provisoires sur le terrain idéologique. Jusqu'ici personne n'a encore découvert d'autre façon de procéder ; qui a essayé de le faire a pu seulement démontrer que sa recette ne servait qu'à étouffer la vie idéologique du parti" (idem, Critique du programme, les questions du régime intérieur du parti, souligné par nous).
Le lecteur aura compris qu'il suffit de remplacer "Trotsky" par "groupes parasites" et "fractions et groupements" par "clans" et nous avons la caractérisation exacte de la nouvelle "recette qui étouffe la vie politique du CCI" avec les conséquences politiques catastrophiques que tout un chacun peut relever dans la presse de cette organisation.
1. Note présente dans l’article original : « Il n'est pas inutile de préciser qu'à une précédente réunion publique de "La Guerre sociale" où nous n'avions pas été "interdits de séjour" l'essentiel de la discussion s'était fait autour des positions défendues par le CCI ce qui, évidemment, a de quoi incommoder "La Guerre sociale". »
2. Note présente dans l’article original : « Il convient de signaler que les camarades de "La Révolution Sociale" et de "Jalons" ont également quitté la réunion pour protester contre ces pratiques. Par contre le reste de la salle n'a pas pipé mot (qui ne dit mot consent!) sinon pour nous demander de partir parce que "Le CCI les fait chier". »
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