Home | Bulletin Communiste FICCI 21 | 

La méthode du mouvement ouvrier et celle des “liquidationnistes” du CCI actuel

Nous publions deux documents parus dans l’Étincelle en 1932 qui apportent une clarification quant à la méthode qu’une organisation révolutionnaire digne de ce nom se doit d’utiliser quand elle cherche à se prémunir contre les dangers que peuvent lui faire courir des agents provocateurs infiltrés en son sein.
L’Étincelle a été l’organe politique de la Fraction de Gauche dans laquelle militaient Treint, Nelly Rousseau, Barré, MC, Sarah Saphir-Lichnevsky, etc.. après leur exclusion de la Ligue communiste (en voie de trotskisation).
Les deux documents ont été publiés dans ce journal en exergue l’un de l’autre afin de montrer que les méthodes staliniennes peuvent être très facilement reprises par ceux-là même qui en ont souffert et s'adressaient, par exemple, à l’Opposition de Gauche Internationale qui, si elle n’y prenait pas garde, pouvait se retrouver dans ce type de situation.

Le premier document décrit la méthode stalinienne au moment de l’ “ affaire Barbé-Ceylor ” (1).
“La méthode de la fraction staliniste, qui, elle, se soustrait au contrôle de la base du parti et de la classe ouvrière, qui trompe journellement, qui falsifie les documents, qui emploie la lutte physique, qui recourt à la politique d’extermination des vrais communistes, qui les calomnie et les fusille, cette méthode-là ouvre largement la porte à tous les éléments malhonnêtes, arrivistes, bureaucrates et aussi policiers. Le bon militant n’est pas celui qui dit toute sa pensée à son parti, à sa classe, mais celui qui répète docilement, sans comprendre, et qui souvent défend les opinions qu’il ne partage pas. Le policier n’a qu’à crier plus fort que les autres contre le ‘trotskisme’ pour qu’une entière confiance lui soit faite. ” (Sarah)

Le deuxième revient sur la méthode du mouvement ouvrier pour confronter les déviations et notamment pour ne pas céder aux querelles de personnes en cas de problèmes ou crises politiques au sein d’une organisation révolutionnaire.

La méthode staliniste consiste à inventer des divergences pour ne pas avoir à répondre sur les divergences réelles et pour transformer le débat politique en querelles de personnes où l’adversaire défend ‘des intérêts purement personnels’. (souligné par nous) Ces méthodes sont universellement connues. L’opposition de gauche en est la victime constante et, avec juste raison, les dénonce vigoureusement. Mais ces pratiques se retournent toujours contre ceux qui les emploient et c’est par milliers que les ouvriers révoltés par ces méthodes se sont détournés des centristes. ( …) Dans la mesure où se manifestent de telles tares, héritage du centrisme dans ses rangs, l’opposition de gauche a le devoir urgent de les combattre publiquement avec la dernière énergie afin d’extirper la lèpre des méthodes staliniennes. L’article de la Vérité sur Mill nous a incités à faire une fois de plus ce petit rappel ” (Marc).

Ce retour sur la méthode du mouvement ouvrier est d’autant plus important que MC (rédacteur de l’article en 1932) a rédigé, dans les années 1980, le passage rappelant l’histoire de Mill dans la brochure du CCI sur l’histoire de la Gauche communiste dans laquelle il considère Mill (2) comme agent stalinien. Et malgré tout cela il rappelle la seule méthode qui consiste à ne pas réduire les problèmes à des questions de querelles personnelles.
Ce rappel est d’autant plus urgent que les lecteurs vont pouvoir mesurer l’énorme écart qui existe entre l’attitude du CCI actuel contre notre fraction et les méthodes du mouvement ouvrier, en particulier celles défendues par MC dont le CCI nouvelle manière ose se réclamer. Ce dernier a traité et accusé publiquement le camarade Jonas, militant de la première heure de l'organisation, aujourd'hui membre de notre Fraction, de flic, sans être capable d'en fournir la moindre preuve et a exclu les autres membres de celle-ci sous prétexte, entre autre, qu'ils seraient des agents indirects de la police.
Le “liquidateur en chef” (CG) ne cesse de se revendiquer des "confidences" (politiques, bien sur !) que lui faisait MC. Nous nous sommes déjà prononcés sur cette ridicule fatuité dans un dernier texte de la fraction publié dans un Bulletin interne du CCI en disant que c’était la méthode du “MC-m’a-dit ”…. à l’oreille ! Nous, nous nous contentons de la méthode du “MC-a-écrit” qui est autrement plus fiable et plus politique.
Le CCI se cache derrière “la défense de l’organisation”. Croit-il défendre l’organisation par une méthode empruntée à Staline ? Il fait grandement fausse route en continuant sur cette voie. Par contre, en ce qui nous concerne, nous appuyons la seule méthode possible qui est la méthode politique de discussion ouverte. Et, à force de crier au loup comme il le fait constamment depuis 2001, c’est au résultat inverse qu'aboutit le CCI d'aujourd'hui.
La lutte contre la provocation fait partie intégrante de la lutte de la classe ouvrière contre la bourgeoisie. Elle n’est efficace que dans la mesure où toute la politique et les méthodes sont justes. Le centrisme, sur ce domaine aussi, par sa politique et ses méthodes fausses, affaiblit l’action du prolétariat au bénéfice de la bourgeoisie.

Et Sarah de nous rappeler enfin que ce sont souvent “ les policiers (qui) crient (au loup) pour gagner la confiance et, plus encore, pour satisfaire leur haine réelle et profonde contre l’opposition de gauche, foyer du communisme.”
La fraction, août 2003


Deux articles de l’Étincelle, n°8 ; 15 novembre 1932

On a chassé du parti un flic à 100% mangeur de ‘Trotskisme’; Un nouveau provocateur vient d’être chassé du parti : Ceylor. Le parti est content de son geste et il dit : Le parti se défend et la classe ouvrière peut être fière et avoir confiance en lui. Malheureusement, la classe ouvrière, ou en tout cas son élite, commence à s’apercevoir que le parti lutte très mal contre l’infiltration de la police. Les vieux militants surtout se souviennent que du temps où le parti défendait la politique juste de Lénine, la police avait beaucoup plus de difficultés à tromper le parti…
Aujourd’hui il est facile à quiconque de devenir secrétaire de cellule, de rayon ou même d’occuper un poste important à la direction, les meilleurs militants ayant été exclus ou l’ayant quitté découragés.
Les ouvriers voient que pour remplacer les camarades qui par leur longue activité sont connus et ont gagné la confiance des masses, on choisit ceux qui se soumettent docilement à l’appareil dirigeant. Ainsi se sélectionne une direction d’ignorants, d’incapables et de bureaucrates arrivistes… Quoi d’étonnant à ce que la Tour Pointue parvienne plus facilement à faire pénétrer ses hommes.
La direction centriste fut tellement frappée par l’affaire Ceylor qu’elle a senti le besoin de s’expliquer et de se justifier devant les masses ouvrières et les militants. As après as, chacun fit son petit réquisitoire. Pour cette besogne, on repêcha même Barbé. Pour couvrir sa responsabilité écrasante, la direction eu recours à des diversions infamantes. C’est la faute aux fractions (sous-entendu à la fraction de gauche), disent-ils l’un après l’autre, répétant leur maître Staline. Alors la trahison policière de Bessédovsky, homme de confiance de Staline, qui remplace le ‘contre-révolutionnaire’ Rakovsky, à qui donc en incombe la responsabilité ? Et la trahison policière d’un Agabekov, autre homme de confiance qui remplace Blumkine fusillé sur ordre de Staline ?
Tous les révolutionnaires savent que la provocation fut toujours l’une des armes employées par la bourgeoisie contre le mouvement révolutionnaire. L’histoire est pleine de ces exemples. La spéculation du Populaire voulant faire une campagne de dénigrement contre le communisme est l’une des tâches de la social-démocratie. En effet, le parti S.F.I.O., en tant que parti défenseur des intérêts de la bourgeoisie, n’a pas à souffrir de la provocation policière, la bourgeoisie ne se provoque pas elle-même ; et si la police se trouve dans les rangs des S.F.I.O., c’est à titre de membres amis et honorés. Dans le parti S.F.I.O., les Noske n’ont pas besoin de se masquer. La lutte contre la provocation appartient aux révolutionnaires et les fidèles serviteurs de la bourgeoisie n’ont qu’à se taire. Mais, entre révolutionnaires, nous avons le devoir de montrer quelle politique et quelle méthode facilite la pénétration policière ; et les faits sont là pour prouver.
La méthode de la fraction staliniste, qui, elle, se soustrait au contrôle de la base du parti et de la classe ouvrière, qui trompe journellement, qui falsifie les documents, qui emploie la lutte physique, qui recourt à la politique d’extermination des vrais communistes, qui les calomnie et les fusille, cette méthode-là ouvre largement la porte à tous les éléments malhonnêtes, arrivistes, bureaucrates et aussi policiers. Le bon militant n’est pas celui qui dit toute sa pensée à son parti, à sa classe, mais celui qui répète docilement, sans comprendre, et qui souvent défend les opinions qu’il ne partage pas. Le policier n’a qu’à crier plus fort que les autres contre le ‘Trotskisme’ pour qu’une entière confiance lui soit faite. Le seul mérite d’un Ceylor, d’un Bessédovsky, d’un Agabekov était leur haine farouche de l’opposition de gauche. Et cela suffisait au centrisme pour les appeler à des postes importants sans s’occuper un instant de leur passé sombre et louche. Les policiers crient pour gagner la confiance et, plus encore, pour satisfaire leur haine réelle et profonde contre l’opposition de gauche, foyer du communisme.
La lutte contre la provocation fait partie intégrante de la lutte de la classe ouvrière contre la bourgeoisie. Elle n’est efficace que dans la mesure où toute la politique et les méthodes sont justes. Le centrisme, sur ce domaine aussi, par sa politique et ses méthodes fausses, affaiblit l’action du prolétariat au bénéfice de la bourgeoisie.
Sarah


La ligue ruse avec le cas Mill

La Vérité du 20 octobre revient sur l’exclusion de Mill de la Ligue. En effet, le cas Mill, comme celui de Gourget, mérite qu’on s’y arrête sérieusement pour en tirer les enseignements.
La Vérité se plaît à mener une campagne contre Mill en tant qu’individu et explique sa capitulation par ses ‘intérêts purement personnels’, cachant ainsi le cratère politique de la capitulation de Mill, et le caractère de la capitulation en général en tant que manifestation politique.
La méthode staliniste consiste à inventer des divergences pour ne pas avoir à répondre sur les divergences réelles et pour transformer le débat politique en querelles de personnes où l’adversaire défend ‘des intérêts purement personnels’. Ces méthodes sont universellement connues. L’opposition de gauche en est la victime constante et, avec juste raison, les dénonce vigoureusement.
Mais ces pratiques se retournent toujours contre ceux qui les emploient et c’est par milliers que les ouvriers révoltés par ces méthodes se sont détournés des centristes.

L’opposition de gauche qui connaît les méfaits causés par ces méthodes, qu’elle a dénoncées la première, doit bien se garder de les employer, même partiellement.

Dans la mesure où se manifestent de telles tares, héritage du centrisme dans ses rangs, l’opposition de gauche a le devoir urgent de les combattre publiquement avec la dernière énergie afin d’extirper la lèpre des méthodes staliniennes.
L’article de La Vérité sur Mill nous a incités à faire une fois de plus ce petit rappel.
Mill est venu à l’opposition de gauche en 1929 pendant le crochet ‘ultra-gauche’ de la ‘Troisième période’. Mill retourne au centrisme au moment où s’effectue le crochet de droite. C’est clair. C’est simple. Le côté psychologique de la capitulation de Mill n’a aucun intérêt pour nous et ne constitue rien d’important ni de décisif dans cette affaire. Nous laissons à La Vérité cette noble tâche de fouiller dans l’âme de Mill et d’analyser son caractère. Nous voyons, nous, le capitulard politique et sommes parfaitement à l’aise pour en parler…
Mill, dès son entrée dans l’opposition, défendait des positions politiques pro-centristes et ceci dura deux ans en plein accord politique avec les dirigeants de la Ligue. Il est ridicule d’écrire comme le fait La Vérité qu’il fut appelé au poste responsable de secrétaire permanent de l’opposition internationale seulement à cause de sa connaissance de la langue russe. On ne fait ainsi que ridiculiser l’opposition internationale et rien de plus. Le poste responsable attribué à Mill était la résultante des positions politiques défendues par ses amis et lui. Quelles étaient ces positions ? C’était la politique du soutien enthousiaste du tournant de la bureaucratie centriste de 1930. C’était la politique de l’atténuation de la critique envers le centrisme, c’était la politique des liquidateurs.
Oui, la Vérité a raison de parler d’erreurs commises par les sections et, en premier lieu par la section russe. Mais il ne s’agit pas d’erreurs d’appréciation personnelle mais exclusivement d’appréciation politique. Les sections qui ont soutenu politiquement Mill - comme la Ligue – ou qui n’ont pas accordé assez d’attention à ses positions politiques – comme la section russe – portent une lourde responsabilité. Il s’agit bien plus que d’une légèreté dans le choix d’une personne, il s’agit d’une grande légèreté politique.
Mill fut évincé du secrétariat dans les mêmes conditions. Aucune explication politique mais des reproches d’ordre moral et personnel. On a ainsi permis, on a couvert le glissement dangereux de Mill vers la capitulation sans dénoncer Mill, sans l’obliger à s’expliquer publiquement. Il n’y a rien de si nuisible que le monolithisme apparent et superficiel. La crainte d’une discussion publique, au cours de laquelle apparaîtraient les divergences qui se font jour à l’intérieur, amène à l’étouffement de toute discussion sérieuse. On trompe les sympathisants par un faux monolithisme et ils ne comprennent plus rien quand surviennent des séparations, des départs, des capitulations, des exclusions. Ainsi, la vie intérieure politique de l’organisation se trouve stérilisée. Ainsi l’organisation va de surprises en surprises, d’aventures en aventures. C’est ce qui se passe sous nos yeux dans la Ligue.
A notre départ de la Ligue, nous avons dénoncé de toutes nos forces le germe de capitulation qui existait en la personne de Gourget, en celle de Mill et dans tout le groupe liquidateur. L’opposition internationale s’est complaisamment tue ; la section russe et le camarade Trotski également ; seule la fraction de gauche italienne a montré sa compréhension en défendant une position proche de la nôtre ; tandis que la direction de la Ligue soutenait politiquement Mill et ses camarades, dénonçant avec eux ‘notre tendance au deuxième parti’, nous traitant de contre-révolutionnaires parce que nous avions osé parler et écrire sur les difficultés en U.R.S.S. sans falsifier notre pensée comme la Ligue falsifia la Lettre de Moscou, sans atténuer notre pensée pour éveiller un plus large écho.
C’est d’accord avec Mill et ses camarades que la direction de la Ligue a votés contre les contre-thèses opposées aux thèses du 7e congrès du parti français et c’est en prenant la défense des liquidateurs dont l’un vient de capituler que Frank nous disait à la commission exécutive : "Vous êtes plus dangereux qu’eux" et que Blasco renchérissait : "C’est plutôt vous qu’il faut exclure".
Ainsi le tableau est net : La position inconsistante de la Ligue en ce qui concerne l’appréciation du centrisme, la position de critique atténuée traduite dans la formule : le parti c’est quand même le parti (Frank), la lutte contre ceux qui veulent vraiment combattre le centrisme à fond sans rien taire ni atténuer, le tout accompagné d’un faux monolithisme et d’un régime bureaucratique intolérable font de la Ligue un terrain où germe la capitulation présente et future, où le chef d’hier devient subitement le capitulard d’aujourd’hui.
L’opposition doit se débarrasser au plus vite des courants qui préparent la capitulation. Elle ne peut le faire qu’en donnant une appréciation exacte du centrisme et des rapports entre la fraction de gauche et le centrisme qui domine le parti.
Faire cela, ce serait un grand pas en avant qui permettrait de rallier et d’unifier nationalement et internationalement toute l’opposition sur une plateforme juste et précise. Ne pas le faire, c’est courir aux pires catastrophes. Il s’agit de vie ou de mort pour l’opposition internationale.
Marc


Notes:

1 “L’affaire”, montée de toute pièce en parfait procès stalinien, éclate au printemps 1931, il s’agit de renouveler la direction du PCF et d’éliminer des “brebis galeuses”. A la suite de cette affaire, la direction qui émerge sera celle qui fera le Front populaire et trois de ses membres seront encore à la tête du parti à la mort de Staline. Après un véritable procès en sorcellerie, les dirigeants de l’Internationale font basculer l’affaire dans le domaine policier : exit Barbé et Ceylor de la direction du parti. (pages 349 et suivantes du tome 1, Histoire intérieure du PCF, P. Robrieux).

2 “d’abord l’opposition pense que Mill ‘capitule’ devant le stalinisme puis il s’avère être un agent stalinien infiltré.” (page 283 de la brochure du CCI, La gauche communiste d’Italie – complément). Ce dernier a fait avec Mill route, dans les années 20, depuis la Palestine jusqu’à Paris. Tous les deux avaient quitté la Russie du fait des pogroms des armées blanches contre les Juifs de l’ex empire russe. Marc déclarait, en outre, que Mill était ensuite retourné tranquillement en URSS où il n’avait nullement été inquiété. Il nous avait indiqué qu’il avait encore était vu vivant dans ce pays après la guerre dans les années 40.


Home | Bulletin Communiste FICCI 21 |