Lettre du BIPR à la fraction

Chers camarades,
Nous avons lu votre tract et nous avons quelques commentaires à en faire. D’abord, nous pensons que le texte est trop long :

- pour un tract ;
- pour les idées principales qu’il exprime.

Mais venons-en aux idées. Il apparaît qu’il y a deux idées importantes :

- la bourgeoisie mondiale se dirige consciemment vers la guerre ;
- pour pouvoir aller à la guerre la classe dominante doit soumettre le prolétariat encore plus qu’il ne l’est déjà.

Ce n’est rien d’autre que les thèses classiques du CCI que nous avons déjà combattues parce qu’elles sont en deçà de ce que nous reconnaissons comme le monde réel. La guerre est dictée par le besoin incontournable d’un Etat de défendre et/ou assurer certains intérêts vitaux contre les autres Etats.

Il y a quelques jours, G.W. Bush déclarait même que les USA ne déclencheraient pas une tempête guerrière si Saddam partait de l’Etat irakien. Le problème pour les USA et pour Bush est d’assurer l’extraction du pétrole irakien par un gouvernement pro-US et d’affirmer leur présence dans cette zone dans un moment où ils risquent de perdre le soutien de l’Arabie saoudite et – de toute façon - en même temps que les réserves saoudiennes approchent dangereusement de leur seuil critique.

Le 6ème paragraphe (‘C’est l’ensemble de la bourgeoisie qui y est contrainte par l’accroissement explosif des contradictions de son système, par l’évolution de la crise économique, par le déclin historique de son système qui lui impose de réagir comme elle le peut et avec les moyens qu’elle a, c’est-à-dire essentiellement par la guerre … (…/…) Fondamentalement, les USA n’imposent pas cette marche à la guerre généralisée, ils ne font qu’exprimer haut et fort cette orientation nécessaire à la bourgeoisie mondiale.) est à la fois trop général dans ce qu’il dit et la fois ses conclusions sont (FANCIFULL), quand il parle de l’orientation nécessaire de la bourgeoisie mondiale. Il est vrai que la guerre est une nécessité pour la bourgeoisie en ce sens où la guerre est le seul moyen qui – à travers les destructions de forces de production (à la fois moyens et hommes) – conduit à un nouveau cycle d’accumulation ; mais cela n’implique pas du tout la conscience (awarness) de la classe dominante à propos de la nature de la crise et du ‘besoin de guerre’.

Brièvement, la classe dominante est poussée à la guerre. Aucun bourgeois en Europe ne pense que le clash militaire avec les USA est à l’ordre du jour à venir ; mais il l’est. Ils seront poussés par des étapes économiques, politiques et militaires qui les forceront à ce conflit.

On ne peut pas savoir la forme que prendra ce conflit ni quand il se passera : ça ne prendra sûrement pas la même forme que la dernière guerre mondiale. Mais cela arrivera. Et indépendamment – et nous en arrivons au second point – de l’approbation de la classe ouvrière.

Si le prolétariat était sur le chemin de sa propre révolution, la bourgeoisie devrait le vaincre avant d’entrer en guerre. Mais la classe ouvrière, comme vous le reconnaissez, est très loin de la révolution ; est très loin de se défendre contre les attaques du capital.

Il est absolument illusoire de déclarer que : ‘(Car) ce n’est pas seulement d’une classe ouvrière « apathique » dont la bourgeoisie a besoin, c’est aussi et surtout une classe ouvrière totalement gagnée à la perspective guerrière qui lui est nécessaire.’

Ce n’était pas le cas en 1914, pourquoi ce serait ainsi aujourd’hui, alors qu’ils n’ont même pas besoin de la conscription des masses prolétarienne ?

On est encore dans les schémas typiques du CCI. Enfin, il est important de discuter des raisons de la guerre. En fait, à votre question : ‘oui ou non la bourgeoisie met-elle tout en œuvre pour imposer sa solution guerrière et en premier lieu pour l’imposer au prolétariat ?’ on ne peut pas répondre simplement par oui ou par non. Dans un certain sens la réponse est non : la bourgeoisie n’est pas en train de faire tout ce qu’elle peut pour imposer ‘sa solution guerrière’ pour la simple raison que la bourgeoisie est actuellement divisée sur le fait de considérer la guerre comme une solution (pour le moins, elle est divisée de part et d’autre de l’Atlantique) ; dans un autre sens, la réponse est oui : la bourgeoisie agit toujours pour lier le prolétariat à ses propres politiques spécifiques.

Aujourd’hui, la bourgeoisie européenne, malgré son total manque d’accord avec les USA, défend la guerre malgré tout et le besoin de la guerre … quand elle est … juste.

De nouveau, le problème de quelle guerre arrive et où elle se passera est une question centrale pour les révolutionnaires, afin qu’ils soient capables de définir les réponses sociales possibles et de définir leur propre politique.

Ainsi, votre document apparaît très différent du notre, celui d’octobre 2002, que nous considérons comme encore valable et utilisons dans les manifestations où nous pouvons aller (malheureusement, comme vous le savez, la dispersion géographique de nos quelques camarades en France conduit à notre absence à la manifestation de Paris).

Nous ne savons pas si le CCI est aujourd’hui moribond (c’est ce qui semble) mais nous regrettons de voir que la Fraction Interne reprend presque parfaitement les anciens rôle et positions du vieux CCI.

En attendant vos commentaires, saluts internationalistes,

Pour le BIPR, MJr