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Situation en France

Nous publions ci-dessous une série de documents relatifs à nos prises de position, notre analyse et notre intervention au sein du mouvement social en France ces derniers mois. Cette partie est composée :

- d'un communiqué rédigé entre les 25 et 31 mai 2003 ;
- de deux tracts distribués l'un au début du mouvement, le second dressant un premier bilan de la lutte, actuellement en cours de diffusion ;
- une rapide prise de position à propos de l'analyse et de l'intervention qu'a eue le CCI face à ce mouvement.

Communiqué à propos des luttes sociales en France

Le texte qui suit, se veut une prise de position sur le développement de la lutte ouvrière en France. Initialement écrit le 25 mai, la mobilisation actuelle contre la remise en cause des retraites et contre les attaques générales n'est toujours pas terminée et la semaine du 26 au 28 a vu une autre journée d'action et de manifestations le mardi 27 et une multitude d'initiatives locales (assemblées de différentes entreprises, manifestations "interprofessionnelles", public-privé, délégations sur les autres lieux de travail, etc...) , en province et en région parisienne. Mais il nous a semblé urgent à la fois de fournir une série d'éléments concrets sur ce qui s'est déjà passé comme référence bien sûr et aussi à titre informatif car il apparaît que la presse bourgeoise internationale exerce une véritable censure sur ces luttes ; et de présenter notre analyse et notre intervention à tout le camp prolétarien et à ses militants afin qu'elles soient connues, discutées et débattues.
Avec nos faibles forces, nous avons publié un tract au tout début (fin avril-début mai) et nos militants ouvriers ont été amplement impliqués dans les grèves, assemblées, réunions de tout type, manifestations de rue, ce qui explique aussi notre difficulté à établir un "communiqué" plus rapidement.

Depuis la fin avril 2003, un mouvement de lutte en France se développe au sein de la classe ouvrière. Ce mouvement touche tous les secteurs et plus particulièrement l'ensemble du secteur public. Il exprime la réaction ouvrière face aux attaques brutales (retraite, licenciements, suppression de postes, baisse des salaires, flexibilité accrue, cadences aggravées, etc... ) que la bourgeoisie française a décidé de mener. Symbole et expression la plus haute de ces attaques, la remise en cause des conditions de départ à la retraite, annoncée dès la fin de la guerre en Irak, touche directement tous les ouvriers, public-privé, actifs-retraités-chômeurs. Elle signifie une attaque sans précédent des régimes de retraite : augmentation du temps de carrière, augmentation des cotisations-retraite soit une baisse immédiate des salaires, et pour les futurs retraités une baisse de 20% de leurs revenus. De plus, est déjà annoncée une remise en cause drastique de la sécurité sociale dès septembre-octobre 2003 qui va voir une augmentation tout aussi conséquente des cotisations sociales et la fin, ou du moins la diminution importante, du remboursement de nombreux médicaments.

Cette attaque n'est pas limitée à la France. C'est tout le prolétariat européen qui est directement attaqué aujourd'hui. En particulier, la classe ouvrière en Autriche subit exactement la même remise en cause des retraites et Vienne a connu la plus importante manifestation ouvrière depuis plusieurs décennies. En Italie, il en va de même. Le prolétariat allemand a déjà subi une première partie de cette attaque, la bourgeoisie allemande faisant le choix d'une "méthode" plus progressive mais non moins brutale. C'est donc dans un contexte d'attaques généralisées au plan international, que la classe ouvrière reprend le chemin de la lutte en France.

De plus, c'est dès la fin de la guerre en Irak que la classe ouvrière est obligée de rompre la "mystification" d'une unité nationale derrière sa bourgeoisie au nom du pacifisme et du refus de la guerre. C'est vrai pour toute l'Europe. C'est d'autant plus vrai pour la France de Chirac qui avait été la plus virulente dans son opposition à la guerre. En fait, la guerre en Irak et les campagnes pacifistes qui l'ont accompagnée, n'ont pas éteint la montée de la combativité ouvrière que nous avions pu constater depuis quelques mois dans de multiples luttes locales. La compréhension croissante par la classe ouvrière internationale de l'ampleur et de la gravité des enjeux historiques actuels, misère généralisée, paupérisation étendue d'une part et la guerre impérialiste d'autre part, sont au coeur des luttes actuelles.

Pour nous, après la guerre en Irak et le début de polarisation impérialiste auquel nous avons assisté en cette occasion, l'ampleur et la brutalité des attaques contre la classe ouvrière viennent confirmer qu' "une nouvelle période s'ouvre". Déjà, dans notre "prise de position sur les événements en Argentine" parue dans notre bulletin n° 5 (janvier 2002), nous disions : "… la faillite économique en Argentine et la violence de ses conséquences sociales est ce qui nous attend dans tous les pays. (…) les manifestations de cette même brutale accélération de la crise sont déjà à l’œuvre dans les pays centraux, des USA à l'Allemagne, avec notamment la violente montée du chômage et les plans sociaux à répétition. (…) cette crise mortelle et incontournable est la véritable raison de la plongée dans la guerre : (…) l'austérité, le chômage, le renforcement partout de la répression et finalement la guerre sont autant d'exigences du capital en crise…"

Le déroulement des événements

Nous présentons ici une série de faits qui sont certainement loin d'être exhaustifs. Néanmoins, il nous semble qu'ils marquent bien les différents moments de cette mobilisation jusqu'à aujourd'hui, dimanche 25 mai. Une partie de ces faits non repris par la presse bourgeoise sont connus soit par la presse ou les sites internet gauchistes, soit par nos propres militants(1 ).

Depuis la fin 2002, nous avions pu constater un renouveau de la combativité ouvrière qui s'était manifestée par des luttes locales dans différents secteurs (hôpitaux, EDF…). Dans la foulée, toute une agitation a commencé à se développer notamment parmi les enseignants (professeurs de collèges, de lycées)(2).

Dans le département de la banlieue nord de Paris, le "93", banlieue ouvrière et dont les conditions d'existences sont particulièrement difficiles, cette agitation a tendu à se structurer autour d'une "Assemblée interrégionale des collèges en lutte du 93" constituée, sans doute, à l'initiative de militants de Lutte Ouvrière (groupe trotskyste) et syndicalistes (SUD et CNT) et a joué un rôle moteur dans la mobilisation tant au plan local en prenant des contacts avec différentes entreprises qu'au cours des manifestations de rue. Le même type de mobilisations "locales" se sont développées en province, à Marseille, Toulouse, etc...

A La Poste, le syndicat SUD a essayé, dès mars 2003, de mettre en place une espèce de "coordination" des centres de tri, initiative qui n'a pas pris malgré l'invitation "large et sans exclusive" adressée aux syndicalistes et aux ouvriers non-syndiqués. D'autres initiatives du même genre sont avancées par les syndicats "radicaux" et de "base" ainsi que par les gauchistes.

La guerre en Irak finissant, l'annonce des mesures sur les retraites, la brutalité de celles-ci, et même les déclarations arrogantes du gouvernement, provoquent une véritable stupeur parmi les travailleurs. Ce n'est qu'au fil des jours et des semaines que la stupeur se transforme de plus en plus en une volonté de réaction collective et le désir de lutter. La réflexion qui s'opère - encore une fois juste après la guerre en Irak durant laquelle les dénonciations du capitalisme comme fauteur de guerre impérialiste avaient rencontré un écho favorable - mène rapidement et assez naturellement à la conclusion que l'ampleur de l'attaque et la détermination du gouvernement impose une réaction de lutte et de grèves unies de tous les secteurs de la classe ouvrière, public-privé. C'est dans tous les esprits, dans toutes les discussions, dans toutes les assemblées qui commencent à se tenir un peu partout, le souci et la question en jeu. C'est une évidence.

La montée de la mobilisation

Dès l'annonce des mesures sur les retraites, les grèves tournantes et manifestations menées depuis bien deux mois par l 'Assemblée générale des collèges en lutte du 93 commencent à cristalliser une certaine dynamique naissante sur la "grève générale, public-privé, tous ensemble" , sur la "grève inter-professionnelle" contre les retraites. Ces slogans sont scandés par les professeurs lors des manifestations. Rompant l'ordre des cortèges syndicaux, quitte à s'affronter parfois au service d'ordre de la CGT (1 e mai), les professeurs réunis sous les banderoles de leurs collèges, essaient, et parfois réussissent, à prendre la tête des manifestations. Et à la fin de celles-ci, ils forment une "haie d'honneur" de chaque côté de la manifestation qui défile au milieu des slogans cités plus haut.

La question des retraites devient alors la revendication unificatrice de tous les secteurs, La revendication dans laquelle tout le monde se reconnaît.

Le 23 avril, tous les syndicats « unis » annoncent l'organisation d'une journée d'action pour le… 13 mai, public-privé, sur les retraites qui, à l'évidence, s'inscrit dans une stratégie préalablement concoctée et "adaptée" à la situation. Mais d'ores et déjà, tous les travailleurs savent que la CFDT - l'un des "grands" syndicats (avec la CGT, FO et la CFTC) dont une seule des signatures est nécessaire pour l'adoption légale des mesures - va signer l'accord au lendemain de ce 13 mai. Déjà, ce 13 mai, qui apparaît alors lointain, est vécu d'une part comme une tentative de "retarder" l'entrée dans la lutte ouverte, dans la grève ; et d'autre part comme un éventuel "enterrement" du mouvement avec la signature de la CFDT et la "division syndicale". C'est au nom de ce 13 mai où "tous les secteurs seront en grève ensemble" et "où tous les syndicats seront unis" que de multiples initiatives locales sont déjà étouffées .

La situation à La Poste de Paris est assez significative de l'ambiance générale de combativité croissante et de la tactique syndicale. Depuis la suppression des grands centres de tri, les petits centres de tri parisiens présentent la particularité de se situer au même endroit que les centres de distribution des facteurs. En particulier, celui de La Poste du Louvre qui est central regroupe 1200 travailleurs et se situe au centre géographique de Paris à deux pas de nombreux autres services publics importants. Ce n'est pas un hasard si tous les groupes politiques gauchistes et tous les syndicats y sont très bien représentés.

Dès l'annonce des mesures, les syndicats tous unis font un appel subit et "surprenant" car en rupture avec les pratiques récentes (de la CGT en particulier) à la grève illimitée chez les facteurs parisiens (au nombre de 3000) le lundi 28 avril sur des revendications spécifiques. Et rien sur les retraites. Pourtant, c'est bien cette situation générale liée à l'attaque sur les retraites qui marque l'importante mobilisation et la combativité qui s'expriment dans les manifestations des facteurs. Par contre, tous les syndicats, au premier chef la CGT et SUD, s'opposent à la tenue d'assemblées générales dans les centres de tri situés souvent un étage au-dessus des locaux des facteurs ; et quand les assemblées ont quand même lieu, ils refusent tout préavis de grève et tout appel à la grève pour les centres de tri. SUD, notamment, freine les volontés de rejoindre la lutte des facteurs sous prétexte qu'il vaut mieux privilégier le 13 mai dans la mesure où "nous serons tous ensemble " avec les autres secteurs et corporations, public et privé, et qu'il ne faut pas mouiller la poudre. La CGT, de son côté, annonce alors une "journée d'action centre de tri" pour le... 22 mai dont il ne sera plus question par la suite. Voilà un exemple du genre de sabotage, sous la forme spécifique du contre-feu, exercé par les syndicats contre un secteur particulier qui aurait pu représenter un pôle dynamique et unifiant dans la lutte. Très rapidement, c'est-à-dire au bout de trois jours, et malgré une forte combativité qui s'est surtout exprimée dans les manifestations quotidiennes des facteurs, la grève est isolée, devenant minoritaire bien que cristallisant une forte attention des autres ouvriers de la Poste, et finalement stoppée par la CGT. Celle-ci est alors sévèrement dénoncée par de nombreux facteurs.

En même temps, toujours le lundi 28 avril, lors d'une réunion "ouverte" organisée par SUD (dans le prolongement de leur "coordination"), les délégués syndicaux locaux d'une dizaine de centres de tri font état des discussions et des échos qu'ils reçoivent. Il y a un changement rapide d'ambiance parmi les ouvriers qui poussent maintenant à entrer en lutte. En 15 jours, le climat a changé du tout au tout par rapport à la lutte. A cette réunion, devant plusieurs intervenants - essentiellement des délégués syndicaux de base - posant la question de pourquoi ne pas rejoindre les facteurs, SUD annonce qu'il appelle à la grève reconductible dès le lendemain de la journée du 13 mai et qu'il "espère déborder la CGT".

La CGT commence à annoncer fin avril, qu'elle compte organiser une journée de manifestation public-privé le dimanche 25 mai. Celle-ci sera définitivement décidée une semaine plus tard. Il est clair alors que ce 25 mai, si lointain dans le temps, n'est qu'une nouvelle tentative de mettre en place un contre-feu pour s'opposer à la montée de la mobilisation un peu partout et une confirmation de l'opposition des syndicats à l'entrée des ouvriers en lutte massive.

Malgré ses premières manœuvres de sabotages, la manifestation du 1 e mai notamment à Paris est particulièrement combative et connaît une participation très importante, significative de la mobilisation qui monte. Des professeurs du "93" - plusieurs centaines – s'y regroupent et forment une "haie d'honneur" de chaque côté de la manifestation en scandant le mot d'ordre de "grève générale, public-privé" . D'une certaine manière, ils participent de transformer la manifestation inoffensive et "traditionnellement" sans grand contenu du 1 e mai en un moment de mobilisation et d'unification de la lutte.

Suite au grand week-end (le "pont") du 1 e au dimanche 4 mai, une journée d'action est prévue dans l'Education nationale (les professeurs) pour le mardi 6 mai. La dynamique croissante de lutte parmi les professeurs interpelle les secteurs les plus combatifs de la classe ouvrière au point que différentes entreprises du public et même du privé (Alsthom) ont pris contact avec les professeurs du 93 et se proposent de manifester avec eux. Ce même jour, les salariés de la Banque de France font grève massivement et manifestent de leur côté. Nous savons que les syndicats ont été interpellés et critiqués pour avoir refusé de rejoindre la manifestation des enseignants.

Néanmoins, la question de se joindre à la lutte des enseignants sur la question des retraites est ouvertement posée et discutée sur les lieux de travail, dans les assemblées, qui commencent à se généraliser. Malheureusement, à La Poste parisienne, la dynamique de mobilisation a alors été momentanément cassée par l'attitude des syndicats lors de la grève des facteurs ; et cela ne permet pas à ce secteur, ou à des fractions de ce secteur, de se mettre en lutte à l'occasion de ce 6 mai, ni même de rejoindre la manifestation. Néanmoins la manipulation syndicale ne passe pas inaperçue : elle est dénoncée dans les AG et nous avons connaissance d'un tract signé « Facteurs en grève… » dénonçant ouvertement cette manœuvre locale.

Les jours qui suivent vont voir la combativité monter et se généraliser. La volonté et le besoin de se mettre dans la lutte avec tous les secteurs s'amplifient et s'expriment régulièrement, tant dans les AG que dans les manifestations dont le nombre se multiplie ainsi que les participants. Voilà qui oblige les syndicats à réagir, à s'adapter sous peine de débordement : de nombreux syndicats locaux et de différents secteurs (RATP, à savoir les bus et métros parisiens) appellent à leur tour à rejoindre la journée du 13 mai. Nous savons depuis que c'est la volonté croissante de se mettre dans la lutte avec tous les secteurs exprimée par les ouvriers qui obligent les syndicats à lancer ces appels. Ils cherchent à focaliser le mouvement sur des manifestations à venir afin de "calmer les ardeurs" immédiates et sur des "journées d'action" qu'ils organisent, contrôlent et dans lesquelles "l'unité" ne pourra s'exprimer que sous leur coupe.

Tout se focalise donc sur la journée du 13 mai. Mais dans les assemblées, chez les cheminots de la SNCF (trains), à la RATP, à La Poste, dans les hôpitaux, aux impôts et même dans certaines entreprises du privé l'enjeu du 13 mai est clairement posé : reconduire la grève partout et tous ensemble, tous secteurs confondus, dès le 14 mai. Il y a alors une véritable multiplication de dépôts de préavis de grève locaux par les sections syndicales alors même que les "confédérations", les "directions syndicales" s'y opposent.

Cette volonté clairement affichée et revendiquée de poursuivre la grève le 14 s'exprime tout autant en province, à Toulouse, Marseille et Lille, en particulier. Dans de nombreuses villes de province, la même dynamique vers la lutte unie tous secteurs confondus s'exprime, parfois même encore plus ouvertement qu'à Paris.

La bourgeoisie a voulu faire du 13 mai un tournant, voire un enterrement du mouvement ; les ouvriers en décident autrement

La journée du 13 mai confirme la montée de la combativité et de la lutte. " Entre un et deux millions de manifestants et des grèves massives hier contre le plan de réforme des retraites " titre le journal Libération du 14 mai. De nombreux secteurs du privé débrayent et sont présents dans la manifestation. Non seulement la participation à la grève et aux manifestations est massive (malgré l'arrêt total des transports à Paris), mais le contenu de cette journée est "aujourd'hui dans la rue, demain on reconduit" et toujours : "public-privé, grève générale jusqu'au retrait du plan Fillon-Chérèque"(3). C'est dans toutes les têtes et toutes les discussions. Les syndicats en prennent conscience : le soir même, à l'issue de la manifestation les syndicats, CGT en tête, jugeant que la date du 25 mai est trop lointaine pour empêcher le déclenchement de la lutte, appellent à une nouvelle "journée d'action-temps fort" le lundi 19 mai "pour construire la lutte" (lire "en prendre le contrôle"). Un nouveau contre-feu qu'il leur était urgent de créer.

Le lendemain, la grève continue largement majoritaire chez les cheminots et les transports urbains parisiens mais variable à La Poste (parfois majoritaire, parfois minoritaire 30%). . Aux hésitations des travailleurs à s'engager dans une lutte reconductible longue (cette question est largement discutée dans les AG), s'ajoutent les premiers signes de lassitude. Le 19 mai joue son rôle de contre-feu à merveille et renforce l'hésitation de certains (à La Poste par exemple) à reconduire la grève le lendemain. Et là où la volonté de reconduire la grève est clairement affichée, la CGT va exercer un véritable forcing durant toute cette journée du 14. Tout particulièrement dans les assemblées de cheminots, elle use de tous les moyens pour imposer la reprise du travail au nom d'une... grève illimitée à partir du 3 juin ; selon un témoin, elle convoque dans l'urgence les responsables syndicaux locaux (RATP du 93) pour leur "remonter les bretelles" parce qu'ils "n'arrivent pas à contenir la base" et leur intime l'ordre de "tout miser sur le 3 juin"... Les assemblées sont houleuses et tendues. Voici ce qu'en rapportera Lutte ouvrière du 23 mai :

"Dans de nombreux ateliers et secteurs, les responsables CGT militaient contre la grève et affichaient leur opposition par des tracts et des déclarations lors des assemblées de travailleurs. Le 14 mai et plus encore le 15 mai, les responsables CGT énuméraient les secteurs qui reprenaient -ou plutôt qu'ils avaient fait reprendre- pour inciter ceux qui voulaient continuer à retourner au travail. Ils argumentaient en constatant que, puisqu'il n'y avait pas de grève générale de la fonction publique et du privé, il était vain de poursuivre la grève (...). Sur les secteurs de Paris-Austerlitz, où une bonne centaine de grévistes, agents de conduite, contrôleurs, sédentaires travaillant dans les ateliers du dépôt et aux ateliers de Masséna, étaient décidés, même minoritaires, à militer pour que la grève s'étende, les responsables de la CGT ont joué sans vergogne les canadairs. Le 15 mai, une cinquantaine d'entre eux quittaient sous les huées l'assemblée des cheminots, après s'être opposés à ce qu'un enseignant CGT prenne la parole et après avoir déclaré: « Nous sommes pour arrêter la grève et avons donc décidé de nous retirer du mouvement » "

Pendant ce temps, beaucoup de secteurs voient localement se décider des grèves (hôpitaux, impôts)(4) . La grève s'étend nationalement à l'Education nationale.

Le sabotage de la CGT est manifeste pour tous les ouvriers ; les assemblées sont houleuses et dénoncent bien souvent ce sabotage au point que la CGT est obligée de réagir un peu partout : "La CGT est contre le plan du gouvernement sur les retraites. Certaines organisations syndicales, certaines personnes veulent faire croire le contraire au personnel en usant de chantage, d'agressions verbales, voire de menaces lors des prises de paroles(5) . A la CGT, nous le disons clairement : c'est intolérable" (la CGT des Postaux de Paris, Le Canard du CTC n°57, mai 2003).

Le jeudi 15, une nouvelle manifestation parisienne des professeurs et instituteurs est nombreuse et combative : 5 à 10.000 manifestants malgré la grève des métros. L'absence d'autres secteurs à cette manifestation -malgré la présence de nombreux ouvriers individuels – est le fruit du sabotage de la CGT chez les cheminots, à la RATP (même si les métros sont encore en grève) et à La Poste ; ce sabotage a manifestement stoppé une dynamique de lutte généralisée et unie qui semblait s'ouvrir au soir du 13 mai. Et pourtant au cours même de cette manifestation, des centaines d'enseignants envahissent le bureau de Poste et un hôpital qu'ils rencontrent au passage en invitant ceux qui y travaillent à les rejoindre dans la manifestation et dans la lutte.

Malgré les sabotages répétés, la combativité et les initiatives ouvrières se maintiennent et se développent

Après la manifestation du 15, la journée du 19 mai est devenue, ou devient, la seule et unique échéance. Et cela d'autant que l'annonce officielle de la signature par la CFDT de l'accord avec le gouvernement vient donner un coup de fouet à la dynamique de lutte. Les assemblées vont se tenir sur la question du 19 mai avec le même "débat" que celui du 14 : reconduire la grève ou ne pas la reconduire le 20. La perspective d'une grève généralisée continue d'être posée dans les AG qui se font l'écho des mots d'ordre entendus et repris dans les manifestations de rue tandis que les syndicats s'évertuent à évacuer cette perspective en faisant les sourds. La combativité ne va pourtant pas retomber.

Samedi 17, les journaux Libération et Le Monde font des gros dossiers sur les grèves dans l'enseignement et leurs problèmes spécifiques. Tout se met en place pour en faire le secteur en lutte jusqu'au-boutiste, le secteur sur lequel on va chercher à focaliser "les foudres de l'opinion publique", le secteur dans lequel on ne peut plus se reconnaître et auquel on ne peut pas s'unir. Tel est l'enjeu pour la bourgeoisie.

La journée du 1undi 19 qui doit servir de contre-feu est organisée comme journée de la seule "Fonction publique". Le privé et les transports (SNCF, RATP...) en sont exclus. De fait, mais selon une vue superficielle, le nombre de grévistes est moins important que le 13, même s'il reste encore considérable. La manifestation parisienne est encore massive. Des cortèges significatifs de la Santé et des impôts sont présents. Mais c'est surtout l'enseignement qui constitue la majorité du défilé. Une nouvelle fois, les professeurs du 93 et d'autres collèges se sont placés en tête de cortège(6). Ils sont accompagnés de nombreux autres ouvriers pour la plupart non badgés, venus individuellement, et qui se placent à leurs côtés. Ils sont bien au nombre de 3000. A la fin du parcours, ils forment une nouvelle fois la haie d'honneur pour le reste de la manifestation en scandant le slogan "grève générale, public-privé" . Ils appellent aussi à une assemblée ouverte après la manifestation pour préparer cette "grève inter-professionnelle" de tous les secteurs. C'est en fait un véritable petit meeting qui se tient à la fin de la manifestation et une guerre des slogans entre les cortèges CGT opposés à la grève reconductible et ces travailleurs véritables militants de la lutte. Dans certaines AG du lendemain (aux impôts par exemple), cette manifestation sera examinée à la loupe : on se reconnaît pleinement dans la dynamique impulsée par les enseignants (dont des délégations sont accueillies avec chaleur), on discute des possibilités de les rejoindre et de les soutenir avec la certitude qu'ils "ne pourront pas tout seuls faire reculer le gouvernement".

Même si la manifestation ne nous semble pas porteuse d'une dynamique pouvant s'opposer et rompre avec celle imprimée par les syndicats; ces quelques faits sont significatifs de la réalité de la combativité et de l'expérience que certains secteurs de la classe ouvrière sont en train de se réapproprier.

Bien que le mardi 20 mai ne débouche pas sur des grèves significatives qui auraient pu cristalliser une unification du combat, nous assistons à une situation mouvante qui voit des grèves s'arrêter, et d'autres commencer, voire reprendre. Il y a une véritable ébullition dans la classe ouvrière. Depuis le 14, nous assistons à une multitude d'initiatives locales, intersectorielles, souvent à l'initiative de militants gauchistes bien sûr, qui semblent rompre avec les schémas passés des "grèves françaises". Il y a tout un tas de contacts entre syndicats locaux, particulièrement en province, qui vont maintenir des agitations dans différents secteurs. Le sabotage des syndicats depuis la fin avril, et particulièrement après le 13, n'a pas réussi à éteindre la combativité ; au contraire, il est souvent l'occasion de discussions et de réflexion, parmi les ouvriers, sur les syndicats et leur rôle dans la lutte.

Dans Le Monde en date du 18 mai, nous apprenons que "la fédération de cheminots CFDT a signé avec la CGT, FO, SUD-rail et les autonomes de la FGAAC, un texte proposant « la mise en débat de la perspective d'une grève reconductible à partir du 26 mai » ", c'est-à-dire après la manifestation du 25. Cette annonce révèle que la question posée aux syndicats, à ce jour, est toujours la même, qu'ils y apportent globalement la même réponse. Elle vient confirmer à la fois la persistance de la combativité ouvrière et, en même temps, la volonté syndicale de fermer la porte à toute perspective immédiate de lutte unie et généralisée, donc à la fois la maîtrise globale de la situation par les syndicats et leur difficulté à éteindre la combativité et les initiatives ouvrières.

Cette situation de combativité et de bouillonnement, mais malheureusement sans perspective claire, se maintient tout au long de la semaine qui va du 19 au 25 mai. A l'heure où nous écrivons, le soir du 25, la manifestation a été bien sûr massive - entre 600 000 à 1 million à Paris. Différentes grèves locales ou sectorielles (hôpitaux) sont annoncées pour demain. La grève à l'Education nationale continue. La journée du 27 mai devrait être "un temps fort" avec des grèves dans la santé, les impôts, les aéroports, La Poste, France-Telecom... et une manifestation. Le jeudi 29 est à nouveau férié et tous les syndicats ont appelé à une grève reconductible des cheminots de la SNCF et des travailleurs de la RATP à partir du 3 juin.

Il est clair que cette dernière date avait été fixée par la CGT avec l'espoir que la combativité serait alors retombée dans les autres secteurs. Ce qui n'est pas le cas. Par contre, il est difficile d'envisager, dans l'immédiat, la possibilité que le mouvement se dégage de l'emprise des centrales syndicales qui, jusqu'à maintenant, conservent globalement le contrôle des décisions essentielles, des échéances, donc de l'organisation de la lutte. Même si nous n'excluons pas totalement un événement, une initiative, qui vienne rompre ce processus. Et sans cette rupture, cette mobilisation est vouée à l'échec au moins par épuisement.

Les premières leçons de ce mouvement de lutte

Si nous tirons des leçons en prenant en considération le mouvement d'un point de vue immédiat, c'est-à-dire en fonction du rapport de force immédiat qu'il a instauré face à la bourgeoisie et en fonction des résultats qu'il a obtenus par rapport aux mesures antiouvrières du gouvernement, on doit se rendre à l'évidence : malgré sa massivité et sa très importante combativité, il n'a pas réellement réussi à opposer un front organisé et uni qui, seul, aurait permis de faire reculer la bourgeoisie ; cette dernière en effet, grâce notamment au travail des syndicats (par leur "division" entre centrales et entre la base et le sommet, par leur maîtrise concrète de l'organisation de la lutte, par leur pratique plusieurs fois renouvelée du "contre-feu", etc.), a pu, jusqu'à maintenant, contrôler globalement le mouvement ; malgré la tendance au bouillonnement général, elle a pu éviter que "la cocotte explose" en laissant échapper régulièrement la vapeur.

Se contenter de cette analyse immédiate ne peut mener, à notre avis, qu'à une compréhension superficielle et, en fin de compte, faussée de la situation. Ce mouvement de lutte, qui dure depuis plus d'un mois, a permis à la classe ouvrière de faire, sur plusieurs plans, une avancée très importante ; et, dans une certaine mesure, il est en rupture avec tout ce que l'on a connu au niveau des luttes depuis plus d'une décennie :

- par l'importance de la combativité ouvrière ainsi que par sa tendance à se confirmer et même à s'étendre à de nouveaux secteurs malgré toutes les intimidations, les manœuvres et tentatives de sabotage que lui a opposées la bourgeoisie avec ses syndicats ;

- par l'extension de fait du mouvement à un nombre croissant de secteurs, essentiellement dans le public mais aussi dans le privé ; dans une mesure non négligeable, cette extension a été bien comprise et assumée par les ouvriers ainsi qu'on l'a vu à travers certaines AG intercatégorielles et même intersectorielles ; AG où il est aussi arrivé que les délégués syndicaux ont été hués et désavoués pour avoir voulu refuser ou faire taire les délégations ouvrières des autres entreprises ;

- par la multiplication des initiatives prises ici et là par les ouvriers afin de chercher à généraliser le mouvement ; initiatives dont la nature est propre au prolétariat et qui se sont très souvent opposées à la politique syndicale (les manifestations locales de débordement des syndicats ont été nombreuses) ;

- par la tenue de nombreuses AG, fréquemment massives dans les entreprises (mais aussi, parfois, dans la rue à la fin des manifestations), qui ont été l'occasion de débats sur la conduite et les perspectives de la lutte, souvent houleux face aux syndicats, mais aussi l'occasion d'une riche réflexion, parmi les ouvriers, sur la situation générale et ses enjeux ;

- par le fait que, globalement et contrairement à ce qui s'était passé notamment en décembre 1995, la bourgeoisie et ses syndicats n'ont cessé de courir après le mouvement.

Cependant, la faiblesse majeure dont fait preuve la classe ouvrière dans ce mouvement, et dont la classe dominante sait tirer profit, tient essentiellement à son manque de confiance en elle-même qui fait qu'elle n'a jamais réellement pris en mains ses luttes, à travers ses délégués élus et révocables et ses propres comités de grève qui organisent et mettent en pratique les décisions qu'elle prend dans ses AG. C'est ainsi qu'elle continue d'abandonner cette responsabilité, qui est la sienne, aux syndicats et qu'elle laisse entre leurs mains le soin d'organiser la lutte, c'est-à-dire le soin de la saboter. C'est une des leçons essentielles que doivent tirer rapidement les ouvriers pour que leurs prochaines luttes expriment pleinement leur détermination, leur volonté et leur force.

Pour nous, tous ces éléments indiquent clairement que la classe ouvrière est engagée dans une nouvelle dynamique de reprise des luttes et qu'elle est en train de sortir de la période de recul qu'elle connaît depuis près de 15 ans. Cette nouvelle dynamique qui se manifeste en France et dans plusieurs autres pays d'Europe, c'est-à-dire au cœur du capitalisme, est bien sûr une conséquence de l'aggravation violente de la crise économique ; mais elle est surtout la réponse de la classe ouvrière à la politique que mène la bourgeoisie mondiale pour faire face à la faillite de son système. Ce que nous disions déjà, suite aux luttes ouvrières de la fin 2001 en Argentine, se confirme pleinement aujourd'hui en France et en Europe :

"Les événements d'Argentine, qui ont éclaté alors que se terminait cette terrible année 2001, répondent comme un écho à l'accélération brutale de la situation mondiale ouverte par le 11 septembre et par le déchaînement militariste capitaliste auquel ils ont donné le signal. En face de la fuite en avant vers la guerre du capital mondial en crise, les luttes en Argentine révèlent que cette même crise en s'approfondissant porte en elle, encore intacte et pleine de potentialités, une autre dynamique, une autre perspective que la guerre. Et cette dynamique n'est autre que le second terme de l'alternative historique : celle du développement des luttes ouvrières, celle de la radicalisation de la conscience dans notre classe, celle de la révolution prolétarienne."

Avec les luttes qui sont engagées actuellement en France et en Europe, on peut dire que la classe ouvrière commence à donner sa réponse à la situation ouverte par la classe capitaliste au lendemain du 11 septembre 2001.

Notre intervention

Notre intervention comme "fraction", c'est-à-dire comme regroupement de militants communistes, a bien évidemment été très limitée à la fois par notre situation particulière de fraction exclue et par nos faibles forces matérielles. Par contre, nos militants ont assumé au quotidien une intervention et une présence politique permanente. A La Poste, en l'absence d'un quelconque regroupement d'ouvriers préalable, d'un "comité de lutte" par exemple, et dans l'urgence, nous diffusons un tract "local" signé de la fraction dès le 24 avril face à la grève des facteurs qui commencent le 28 avril. Le 30, nous reprenons les éléments essentiels de ce tract et le généralisons à l'ensemble de la classe ouvrière. Il appelle à la lutte tous ensemble, tous secteurs confondus. Cette orientation se justifie pleinement, à notre sens, durant les premiers jours qui font suite à l'annonce de l'attaque du gouvernement contre les retraites. Durant cette courte période, la stratégie des syndicats consiste à envoyer quelques secteurs bien choisis et bien isolés, comme les facteurs, dans la bagarre et cela alors que commence à se poser un peu partout la nécessité d'une riposte massive et générale. Le but évident de leur appel à "une grand journée d'action" pour le 13 mai (laquelle, c'est promis, doit être suivie de plusieurs autres) a pour but de "calmer les ardeurs", au moins momentanément, d'un nombre croissant d'ouvriers et, en attendant, d'épuiser des secteurs les uns après les autres. Notre tract se veut être une réponse à cette situation bien précise au sein de la classe. Nous le diffusons à la manifestation du 1 e mai, particulièrement aux cortèges de professeurs. Il nous semble que ce tract reste globalement valable quant à la perspective qu'il trace jusqu'à la manifestation de l'Education nationale du 6 mai. A ce moment, la question de la lutte "tous ensemble" ne se pose plus selon les mêmes termes, d'autant qu'elle va être récupérée et faussement réalisée par les grandes centrales syndicales lors de la journée de grève et de manifestation du 13 mai.

Avec le 13 mai, que ce soit avant, pendant et au lendemain, est posée bien sûr la question de la "reconduite de la grève dans tous les secteurs". Il y alors une véritable bataille, une véritable opposition ouverte entre principalement la CGT et les ouvriers. Mais le vrai enjeu qui se pose alors, après le 13 mai, est la capacité de la classe ouvrière à assumer ses décisions et ses volontés de combat, à prendre en main la direction de sa lutte, de ses grèves, contre les décisions et les échéances qu'imposent les syndicats. C'est dans ce sens que nos militants vont intervenir dans les assemblées - évidemment en adaptant aussi aux conditions locales et particulières vue la diversité des situations locales. D'une part, ils interviennent pour la reconduite de la grève, là où c'est possible. Mais surtout, ils interviennent par des propositions concrètes sur la nécessité des assemblées souveraines et décisionnelles face au sabotage des syndicats et à leur faux terrain, mis en avant principalement par SUD, de lutte pour l'unité syndicale et pour "obliger les confédérations" à suivre les décisions des assemblées. Là où les assemblées et les ouvriers restent relativement passifs vis-à-vis des échéances et du terrain imposés par les syndicats, nous défendons la nécessité de la prise en main. Là où les assemblées ont déjà pris des décisions, souvent de grève, et face au sabotage des syndicats de ces décisions, nous poussons les ouvriers et les assemblées à assumer concrètement leurs décisions, par exemple par la nomination de comité de grève.

De façon plus générale, notre fraction a l'intention de diffuser un tract, avec l'objectif de tirer les premières leçons de la lutte, dès qu'il apparaîtra que ce mouvement arrive à son terme. Nous sommes convaincus qu'un tel document aura toutes les chances, dans la période actuelle, d'être bien reçu et compris par les ouvriers d'autant que, selon nous, ils reprendront le travail, certes fatigués, mais avec un mécontentement et une colère intacts, voire redoublés, et surtout riches d'une expérience de lutte précieuse.

31/05/2003


Notes:

1 Ces derniers présentent l'avantage de travailler dans des entreprises importantes dans cette mobilisation (impôts, transports parisiens, Poste) et dans des endroits centraux (géographiquement - Paris -, socialement - grosses concentrations ouvrières -, politiquement - en particulier au principal centre postal de Paris qui réunit toutes les forces politiques gauchistes et syndicales).

2 Ce n'est pas un hasard si ce secteur va être amené à jouer un rôle de « locomotive » dans la suite du mouvement : une contestation plus ou moins sourde des syndicats « traditionnels » y est sensible sur un fond de conditions de travail de plus en plus difficiles. Voici notamment ce qu'en disait RTL, éminent représentant des médias bourgeois en France, à l'occasion de la manif du 22/05 à Paris : «… La LCR, l'anarchiste CNT et les militants SUD s'immiscent de plus en plus visiblement dans les cortèges. Certains rejoignent le collectif 'Etablissements en lutte' né spontanément dans les établissements et qui regroupe de nombreux enseignants non syndiqués de collèges et lycées. Car s'il y a 15 ans, un enseignant sur 2 était syndiqué, ils ne sont plus que 30 à 35 %. D'où les risques de débordements. Les syndicats craignent tous de se faire dépasser par la base. Ils ne contrôlent pas toujours les mouvements spontanés qui caractérisent les grèves tournantes et perlées. C'est d'ailleurs visible : dans les manifestations, les enseignants ne défilent plus sous la bannière de leurs syndicats. Les banderoles prennent l'identité de leur école, collège ou lycée. Une situation qui fragilise les syndicats, au moment où ils sont les seuls interlocuteurs du gouvernement ».]

3 Allusion au dirigeant CFDT qui a signé l'accord sur les retraites.

4 Le 15 mai, parmi les délégués syndicaux SUD, circulent les informations suivantes :
-Equipement : C'est un peu l’événement de cette journée. Une partie des 100 000 agents de ce ministère entrent dans la grève reconductible dans quasiment toutes les régions, ce phénomène doit s'accélérer dès mardi. Au centre des préoccupations, les retraites, l'emploi et l'avenir des missions de l'équipement.
- Impôts :
45 département touchés aujourd'hui par la grève reconductible, taux de grève entre 25 et 82 % selon les sites
- Trésor public :
Grève dans 25 départements. Intervention des flics contre les grévistes à Créteil, grévistes qui bloquaient pour la deuxième journée consécutive les camions de la poste chargés de chèques pour le paiement du tiers provisionnel. Le personnel décide de boycotter la saisie des chèques. FO 94 Trésor craignant la confrontation appelle à reprendre le travail, la CGT se tait, seul SUD au Trésor 94 appelle à l'action.
- SNCF Forts remous à la CFDT qui défend une entrée rapide dans la grève reconductible avec FO et SUD Rail, la CGT piégée est écartelée entre la temporisation on attend le 3 juin et la demande d'action de nombre d'équipes dans les services. Une reprise de la généralisation de la grève à échéance du 26 mai semble se préciser.

5 Le syndicat visé est SUD. Et parmi les "personnes" visées se trouvent nos militants. Il est pour le moins cocasse de relever que la CGT reprend exactement les mêmes termes à notre endroit que le nouveau CCI, "chantage, agressions, menaces"

6 Cette pratique consistant à se placer ostensiblement devant le cortège des grands "pontes syndicaux" en bravant leur service d'ordre musclé est non seulement significative de la détermination des grévistes mais inconcevable il y a peu de temps.


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