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Un an. Un an déjà que nous nous sommes constitués en fraction interne du CCI et que nous avons publié notre premier bulletin. Celui-ci est le 13e. A l'origine, nous n'avions pas pensé publier un bulletin par mois. Ce sont les circonstances et notre propre dynamique de travail et de combat politiques qui ont déterminé ce rythme de publication. Ne nous considérant pas comme un groupe politique à part entière, en particulier avec une expression publique au moyen d'une publication, nous ne pensions pas, et ne pensons toujours pas, être tenus par un rythme particulier. Néanmoins, ces treize bulletins existent et sont déjà un acquis, un maillon, certes tout petit, mais un maillon réel de l'histoire du prolétariat et de ses organisations politiques (sans oublier les contributions politiques faites par des membres de la fraction et parues dans les bulletins internes du CCI avant que la censure ne s'abatte sur eux).
Un an déjà depuis que nous avons été contraints de nous regrouper en minorité organisée pour faire face au processus de dérives et de remises en cause des principes et des pratiques organisationnelles du CCI, processus que nous avions prévu et annoncé dès le lendemain du 14e congrés (mai 2001) au sein de l'organisation par écrit. Les nouvelles méthodes et nouvelles pratiques organisationnelles internes introduites étaient "justifiées" aux yeux des militants de notre organisation par une analyse surgie de nulle part sur l'existence d'un clan maléfique, "le plus dangereux des clans", et d'une "secte aux méthodes nazis et staliniennes" : le "clan-pavillon-bis". Ce prétendu"clan" qui s'était organisé autour de Simon et qui avait été déjà identifié et "éliminé" en 1993-1995, aurait resurgi "malicieusement et sournoisement" à travers le soit-disant guru Michel manipulant tout le SI et tous les militants parisiens ; et finalement tout le CCI. Un véritable complot. Et surtout une remise en cause complète de tous les bilans d'activités internes depuis 1996 qui affirmaient le contraire. Cette "analyse" d'un "clan-pavillon-bis" qui était, et reste, sans aucun élément concret réel, qui contredit la véritable histoire interne du CCI, qui est sans fondement politique, rompait, et rompt inévitablement avec toutes les orientations politiques internes, organisationnelles, passées du CCI qui avait été adoptées à l'unanimité depuis 1996.
Deux visions et deux pratiques du militantisme se sont affrontées au sein du CCI
En particulier, l'orientation passée combattait une tendance croissante à une vision et une pratique "mystique", "fusionnelle", sectaire, du militantisme communiste, défini comme le "militantisme intégral" car mélangeant et fusionnant toutes les dimensions politiques et personnelles (y inclus sentimentales et surtout psychologiques dans ce cas précis) de la vie des militants communistes. Et cette politique menée de manière systématique dans tout le CCI en était arrivée à remettre en cause directement la pratique militante de certains membres "éminents" de l'organisation ; et d'autre part des comportements militants manoeuvriers et manipulateurs d'un de ces militants qui allaient être inévitablement posés devant toute l'organisation. C'est cette critique et remise en cause d'un certain militantisme que l'accusation du clanisme régnant dans le CCI surgissant soudainement et à la grande surprise de tous les militants, a réussi à étouffer puis à éliminer. Mais en imposant sans discussion contradictoire l'analyse du clanisme, on a ouvert la porte à une véritable "lutte pour le pouvoir", à une véritable politique du "coup de force permanent", du "coup d'Etat" où tous les coups bas et toutes les manoeuvres, provocations et manipulations gauchistes étaient permis(1); pire encore, on a ouvert la porte à un processus inéluctable de remise en cause opportuniste des pratiques et des principes organisationnels internes du CCI.
C'est à cette "analyse" clanique, à vrai dire psychologisante, manifestant clairement l'abandon du terrain politique, que nous nous sommes opposés. Et cette opposition politique devenait à son tour pour la nouvelle "majorité" familiale, véritable "faction secrète" depuis des années dans l'organisation, une "preuve" supplémentaire du clanisme avec une logique imparable et ubuesque : "ne pas reconnaître le clan, c'est en faire partie" ou "c'est bien connu, on ne voit jamais le cheval sur lequel on est assis". Quiconque dans les sections exprimait des désaccords sur les textes "théoriques" de la nouvelle direction fondant la nouvelle orientation (les différents rapports de la commission d'investigation créée pour débusquer dans tous les coins et recoins les manifestations du soi-disant clanisme, le Texte d'orientation sur la confiance (2) était accusé de clanisme ou d'être guidé par des sentiments de sympathie ou d'antipathie personnelle dans ses choix politiques. Il n'était pas question pour la faction "nouvellement au pouvoir" de répondre sur le terrain politique aux arguments politiques des militants en désaccord. Il fallait d'abord qu'ils reconnaissent leur tort clanique et avouent leur volonté de nuire à des personnes. C'est-à-dire qu'ils capitulent sur leur conviction. Et surtout il n'était pas question que cette analyse fumeuse soit combattue et contredite par des faits concrets et des arguments politiques. Dès le 9 mai 2001, au lendemain du 14e congrès où éclate au grand jour la crise qui mûrissait depuis au moins 1998-1999, la politique de la "nouvelle orientation" n'a eu qu'un objectif : faire taire et étouffer les désaccords politiques conséquents. Soit en faisant capituler les opposants sommés de reconnaître leurs torts claniques et de faire leur "autocritique". Soit pour ceux qui s'y refusaient, en les discréditant, en les démoralisant, en les poussant à la démission pour certains ; et pour les autres en montant différents coups et provocations pour les isoler et les faire taire à coup de sanctions, de suspensions sans limite de temps sous les prétextes les plus farfelus(3) ; enfin en les excluant, puisqu'ils se refusaient à capituler et persistaient à vouloir mener le combat au sein du CCI comme minorité organisée et reconnue, comme fraction interne du CCI.
Pourquoi continuons-nous à nous revendiquer encore aujourd'hui comme "fraction interne" du CCI ?
Un an déjà et nous continuons à considérer que nous sommes toujours dans la phase de "fraction interne" telle que l'ont connue les Oppositions de gauche dans l'IC au cours des années 20 - loin de nous l'idée de nous comparer aux oppositions d'alors et le CCI d'aujourd'hui à l'IC d'hier, mais les processus présentent des similitudes troublantes. C'est d'ailleurs cette phase que l'article de la Revue internationale 110 sur les fractions et la discipline gomme complètement afin de nier l'existence de notre fraction et la possibilité d'un processus opportuniste aujourd'hui... qui pourrait affecter le CCI. Nous y répondons dans ce numéro et montrons comment la "faction liquidationniste" liquide l'histoire du mouvement ouvrier et ses acquis au profit de ses intérêts immédiats. N'est-ce pas le propre de l'opportunisme ?
Nous estimons que la phase de "fraction interne" ou de "lutte pour le redressement de l'organisation", loin d'être une "étiquette organisationnelle", loin d'être un "jeu tactique" avec l'actuel CCI, correspond et impose, nous impose, une méthode et des orientations d'action et de réflexion bien précises et bien délimitées. Beaucoup nous écrivent, ou nous ont écrit, pour exprimer leur désaccord ou leur incompréhension avec cette orientation. C'est même un débat en notre sein puisqu'un des membres de la fraction pense aussi que nous devrions nous atteler plus directement à une critique plus radicale, "sans ostracisme", des positions du CCI. Nous avons déjà abordé cette question avec les militants isolés qui nous écrivent (cf. nos précédents bulletins). Par contre, le BIPR d'une part, et les militants du PCInt-Le Prolétaire avec qui nous avons discuté, comprennent - évidemment à partir de leur point de vue respectif - la nécessité de mener un combat interne pour lutter contre la dérive opportuniste, et cela jusqu'à son terme.
Notre méthode est certainement moins brillante et moins attrayante à la première impression mais c'est la "méthode d'organisation". Elle avance pas à pas. Elle consiste à partir du problème identifié, de l'examiner, de l'analyser et de remonter la pelote, c'est-à-dire de reprendre, en tant que "méthode historique", le processus concret qui a amené au problème politique posé. Dans le cas du CCI, le point de départ de la crise a été un problème d'organisation. Deux lignes politiques inconciliables se sont heurtées sur l'attitude militante, sur la question de comment militer, sur le "militantisme intégral" et sur la méthode de la discussion politique. Il existait des questions moins conflictuelles mais qui étaient aussi présentes depuis déjà un certain temps : à propos de la situation internationale, de la question du cours historique et de la raison des guerres impérialistes et de leur lien avec la "décomposition" ; et enfin la question de l'ouverture en direction du MPP au sens large (organisations politiques et individus en recherche).
L'autre méthode qui nous est opposée est celle de Karl Korsch et de Pappalardi dans les années 1920, voire de Souvarine par la suite. Ces derniers ont cherché à remettre tout en cause d'un bloc. Cette méthode a fini par mener au rejet de la révolution russe d'octobre 1917 et de l'expérience du parti bolchévik puisque, selon eux, la vague révolutionnaire avait échoué et avait vu l'avènement du stalinisme. En voulant brûler les étapes, ils se sont finalement perdus. Souvarine et Pappalardi avaient fait un excellent travail politique, un travail d'authentiques révolutionnaires. Nous les saluons pour ce qu'ils ont fait avec brio. Mais ils ont voulu remettre en cause la méthode du "redressement", la méthode "fraction-interne", contre les "redresseurs", disaient-ils en parlant de l'Opposition et de la Fraction italienne.
"La première scission nous a dégagé du bigotisme disciplinaire où pataugent encore, centristes piteux, les redresseurs du Comintern. Mais cette première scission dont nous sommes redevables aux éléments de Prometeo et qui nous a permis de découvrir un horizon plus large, n'était pas suffisante" (éditorial de l'Ouvrier communiste n°1, août 1929). Ce groupe découvre alors la Gauche allemande et se sépare de quelques éléments comme Piero Coradi qui rejoignent Prometeo de la Gauche italienne, car ils comprennent où risque de se perdre le groupe (le changement de nom du journal montre bien le changement d'orientation politique : de Réveil communiste, il devient l'Ouvrier communiste de tendance korschiste). Et, nous savons où en sont arrivés Souvarine et Pappalardi. L'un dans le travail au service de la CIA après la deuxième guerre mondiale et le deuxième dans l'anarchisme puis le néant politique.
Par contre la méthode patiente et moins spectaculaire de Bilan (de la Fraction de Gauche du PCI) a porté ses fruits. Elle consistait, à partir des organisations existantes : l'IC et les PC, à en faire la critique tout en défendant les principes politiques qui les avaient fondés et le programme communiste. Elle s'est avérée être la voie juste : elle a permis à la Gauche communiste de survivre. Elle a donné naissance au CCI, au PCint-BIPR et aux PCI-bordiguistes. C'est pourquoi, nous mêmes, comme fraction "interne" du CCI, même exclus, nous ne pouvons faire l'impasse sur la défense des principes politiques du CCI que nous estimons en voie d'être abandonnés et liquidés. Plus encore, c'est dans cette défense même que nous pourrons faire un bilan critique du processus qui a vu le CCI déboucher sur sa dernière crise organisationnelle.
Nous considérons que, malgré sa dérive opportuniste, le CCI n'a pas encore trahi le camp prolétarien. Le lecteur peut se rapporter à notre critique dans ce bulletin de l'article de la Revue internationale 110 sur le conflit Indo-pakistanais pour comprendre la réalité et le rythme du processus opportuniste dont souffre le CCI et des contradictions internes, politiques, auxquelles il est nécessairement et inévitablement confronté. Ce qui est en jeu sur ce plan n'est pas que le CCI trahisse aujourd'hui ouvertement, d'un coup, mais qu'il, et avec lui ses membres, soit de plus en plus affaibli, désorienté, désarmé, confus face à l'accélération croissante de la situation historique et face aux événements de plus en plus dramatiques. Le lecteur pourra voir dans notre texte critique comment le CCI d'aujourd'hui est de plus en plus impuissant à comprendre les événements historiques actuels et comment il commence à ouvrir la porte aux trahisons les plus graves de demain. Mais ce processus n'est pas un processus linéaire et il existe toujours une contradiction, un affrontement politique latent, entre deux tendances dans le CCI même si le rapport de forces déjà existant avant le 14e congrès a été complètement, et peut-être à jamais, renversé. Il y a donc justement encore un combat à mener pour enrayer et éliminer sa dynamique opportuniste actuelle et pour sauver ce qui peut être encore sauvé tant au plan organisationnel, militant que politique, théorique et principiel. Si notre texte sur cet article dans ce bulletin pouvait servir aux militants du CCI actuel pour au moins prendre conscience de la dérive sur ce plan, à défaut d'y mettre un terme définitif, et pour essayer d'être plus vigilants, nous en serions les premiers satisfaits.
Aujourd'hui, c'est-à-dire pour le moment, ce combat nous impose de faire un bilan de la crise organisationnelle du CCI que nous avons largement entamé (cf. dans nos bulletins 1 et 6 les deux rapports d'activités que nous avions présentés et L'Historique du SI) d'une part et, d'autre part, de défendre ses acquis et principes politiques tant sur le plan organisationnel (cf. nos textes dans notre bulletin sur l'expérience organisationnelle de la Gauche italienne et des oppositions des années 1920 et 1930) que politique (cf. notamment nos prises de position sur la situation internationale dans nos bulletins).
D'ailleurs dans ce bulletin n°13, nous continuons notre effort sur ce dernier plan en publiant une contribution individuelle du camarade Jonas sur la signification du résultat des élections en Allemagne. Nous publions ce texte comme contribution individuelle dans la mesure où nous n'avons pas eu le temps de le discuter à ce jour dans la fraction. Nous pensons néanmoins important de le mettre de suite à la disposition de tous les militants du milieu politique prolétarien sans attendre notre prochain bulletin.
Pour conclure sur ce plan, la phase actuelle de "fraction interne" est celle du combat pour le redressement de notre organisation. Ce combat ne peut être qu'en défense des positions classiques du CCI et en critique des "nouvelles positions" qui sont des déviations et même des trahisons par rapport aux premières. Que nous puissions l'assumer "de l'intérieur" ou "de l'extérieur" ne change rien à l'affaire et au fait que nous sommes et que nous restons "fraction interne du CCI". Et ce n'est que dans ce processus de défense et de critique d'une part, et de bilan d'autre part, que nous serons peut-être amenés à revenir - ou à ne pas revenir - sur telles ou telles positions "classiques" du CCI et à développer certaines positions. Cela peut paraître insuffisant, ou trop lent, à certains camarades. Pour nous c'est un choix politique conscient et totalement dans la tradition des fractions et oppositions qui ont combattu, notamment dans la 2ème moitié des années 1920, contre la dégénérescence de l'IC. Nous sommes convaincus qu'il n'est pas d'autre chemin.
Un an et nous pouvons déjà présenter un premier bilan, ou plutôt un premier constat critique du CCI qui saute aux yeux de tous ceux qui veulent bien regarder, tant sur le plan militant et organisationnel que sur le plan politique et théorique, comme sur le plan de son intervention et de son rôle dans le processus et le combat pour le regroupement des révolutionnaires. Ce bilan-constat est particulièrement négatif. Le lecteur peut se référer au rapport d'activités que nous avions présenté lors du BI plénier de janvier 2002 (cf. notre bulletin 6 que l'on peut lire sur notre site Internet) qui annonçait déjà ce qui allait se produire et qui montre la continuité de notre ligne politique depuis... 1996 au moins.
La perte, la démission ou l'exclusion de militants
Sur le plan interne, militant et organisationnel, le bilan de la politique actuelle du CCI est particulièrement négatif.
La perte de 7 militants expérimentés à Paris et de 4, parmi les plus, sinon les plus, actifs au Mexique en est une expression particulière. Mais plus significatif encore est le constat de la perte de presque 20 militants à Paris depuis 1993 dont la grande majorité était des militants expérimentés.
Il est certes une grande différence entre ces militants et nous-mêmes. Pour leur part, au sein du CCI, ils n'ont pas mené de combat politique significatif au sein de l'organisation contre l'existence du "clan-pavillon" lors de la crise précédente. Ils ont même, pour la plupart, adopté et voté cette analyse, à l'époque, reconnaissant la réalité du clanisme (que ce soit à tort ou à raison n'est pas notre propos ici). Pour notre part, nous nous sommes toujours opposés à "l'analyse" d'un clan pavillon-bis à l'intérieur de l'organisation et avons même voulu et essayé - malgré l'interdiction qui nous était faite dès le SI mensuel de juillet 2001 - de présenter une analyse "alternative" à la crise interne. Pour leur part, ils ont fini par démissionner du CCI et ne veulent pas y revenir. Pour notre part, nous avons été exclus et nous demandons à revenir dans le CCI comme fraction.
Mais quels que soient nos désaccords politiques avec la plupart d'entre eux, et aujourd'hui nous croyons qu'ils sont profonds, il n'en reste pas moins une question à laquelle nous n'avons pas de réponse pour le moment : pourquoi une telle hémorragie d'énergie militante ? Pourquoi et comment le CCI - donc aussi nous-mêmes à l'époque - n'a-t-il pas été capable de sauver tous ces militants ? Ou au moins une partie d'entre eux. Le BIPR donne une réponse que nous ne partageons pas mais sur laquelle il faut réfléchir(4). Nous avons pour notre part quelques éléments partiels de réponse et quelques pistes que nous nous proposons de creuser et de présenter à terme. Notre Historique du SI pose un certain nombre de questions et ouvre un certain nombre de pistes(5) sur le sujet.
Le déboussolement, l'absence de conviction et d'enthousiasme des militants toujours membres
Mais peut-être plus grave encore est l'état de déboussolement des militants toujours membres du CCI par rapport :
- à l'orientation passée de 1996 à 2001 (entre autre contre le "militantisme intégral") aujourd'hui rejetée en silence ;
- leur absence de conviction sur l'analyse du clan et les méfaits de la fraction (doit-on rompre tout lien personnel et militant avec les membres de la fraction, tous anciens militants et jusqu'alors "honorablement" respectés, et les considérer comme des ennemis à abattre au risque de tomber dans le sectarisme ?) ;
- leur passivité devant l'abandon ouvert des principes (la constitution d'une commission d'enquête permanente, la non-reconnaissance de la fraction, la censure dans les Réunions Publiques...) ;
- leur peur d'exprimer leurs doutes sur les innovations théoriques (la grande majorité des militants était en désaccord profond avec le Texte d'orientation sur la confiance fondant la nouvelle orientation, mais il est vrai qu'exprimer ce désaccord était, et doit être encore, aussitôt dénoncé comme une marque de clanisme et de méfiance vis-à-vis des organes centraux) ;
- les auto-culpabilisations et les autocritiques individuelles sur leur sentiments personnels (en particulier le malaise général provoqué par les comportements militants, donc politiques, d'une militante(6) manifestant l'abandon du terrain politique ;
- la volonté manifeste pour un grand nombre de "baisser la tête en attendant que l'orage passe" avec le sentiment de ne pas avoir défendu ses convictions ;
- la peur devant le combat politique et la confrontation des idées (vu et compris comme ne pouvant être que des expressions de conflits personnels - il s'agit là sans aucun doute d'un effet particulièrement pervers, destructeur, de la théorie du clanisme posée comme catégorie absolue, travers dans lequel le CCI est finalement tombé) ;
- la confusion généralisée sur l'analyse de la nouvelle situation internationale (11 septembre, Argentine) qui s'exprime de plus en plus dans l'hétérogénéité et les contradictions des articles de la presse.
Toutes ces caractéristiques - sans doute en oublions-nous - qui traversent les forces militantes du CCI depuis plus d'un an sont à la fois porteuses et expression d'un processus de destruction de la conscience politique et de la conviction militante des membres honnêtes(7)- la très grande majorité - du CCI.
Une méfiance généralisée
La faction liquidationniste est bien consciente de la défiance politique et militante qu'elle inspire à la plupart des membres du CCI - plus fortes, plus nombreuses, plus solennelles, sont les déclarations de confiance, plus le doute s'installe après ce qui vient de se passer. Elle est bien consciente aussi de l'absence de conviction sur la nouvelle politique chez les militants. Sinon pourquoi aurait-elle fait adopter une motion - pourquoi ne la publie-t-elle pas ? - ordonnant à tous les militants du CCI de rompre tout lien, même personnel ou familial, avec les membres de notre fraction ? Et nous interdisant de parole dans ses réunions publiques ? Si la faction liquidationniste avait confiance dans sa politique et dans les militants du CCI, elle n'aurait pas besoin de faire adopter de telles mesures typiques des sectes et semblables à ce qu'imposait à ses militants les PC stalinisés des années 1920 et 1930. Mais la réduction de toute divergence politique et de toute difficulté organisationnelle à la catégorie "clanisme", autre innovation théorique du CCI, mène inévitablement à la défiance envers et entre militants. C'est exactement la justification qui a été donnée à la proposition de changement des statuts sur la constitution d'une commission d'enquête permanente, autonome - c'est-à-dire nommée par la faction liquidationniste - et indépendante - c'est-à-dire sans contrôle et sans mandat de l'organisation comme un tout.
La commission d'investigation (CI)
"L'organisation doit lutter avec la plus grande détermination pour la confiance dans ses propres rangs. Les Commissions d'investigations sont des outils pour rétablir cette confiance (...). Elles doivent aussi servir comme instrument pour détecter les idéologies étrangères et les comportements" (rapport d'activités adopté en septembre 2001, souligné dans le texte, traduit par nous de l'anglais). C'est-à-dire que les "CI" se substituent au corps collectif que constitue l'organisation et à la vie collective la plus large possible par le débat ouvert. C'est le contraire de la tradition de tout le mouvement ouvrier. Nous ne développons pas ici. Continuons.
"Une commission d'investigation ne peut poursuivre sa tâche que si elle jouit d'une totale indépendance (...) ne peut être responsable devant un organe central tel le BI ou le SI mais seulement devant le congrès". Elle n'a donc pas de mandat et n'est responsable devant personne dans les faits, sauf lors des congrès, soit deux ou trois jours tous les deux ans. Entre temps, elle fait ce qu'elle veut(8).
L'incroyable logique suit son cours : "C'est pourquoi l'organisation doit avoir confiance dans la méthode utilisée par la commission". Par principe, il est interdit d'être en désaccord avec sa méthode, et donc par conséquent avec ses conclusions. Pourquoi ? Parce que ! "Soyons réalistes. Nous devons nous attendre à ce que l'élément qui est sous enquête se défende lui-même et attaque la commission". Kafkaïen ! Soit "l'élément sous enquête" n'argumente pas pour se défendre et donc il est coupable. Soit il se défend et argumente contre la commission et donc met en cause sa méthode et ses conclusions, et alors c'est une preuve supplémentaire qu'il est coupable ! Evidemment, pour notre part, "l'acte d'accusation" était d'autant plus chargé que nous avons rejeté et démonté la "méthode" utilisée (cf. notre rapport d'activités, bulletin 6).
La conclusion de ce rapport d'activités adopté par le BI de septembre 2001 ? "Nous devons institutionaliser un tel organe et adapter nos statuts en conséquence". Constituer donc en permanence un organe de "contrôle", de surveillance, inscrit dans les statuts, de surveillance, hors de toute critique, indépendant du reste de l'organisation et surtout des organes centraux pourtant nommés et mandatés par l'ensemble de l'organisation et responsables devant elle des orientations politiques adoptées. Est-il besoin de dire qu'il s'agit là d'une trahison de toute l'expérience et la tradition du CCI, de la Gauche communiste et de tout le mouvement ouvrier ?
La liquidation des principes et des pratiques organisationnels
Le combat contre les opposants, puis contre notre fraction, a amené la nouvelle "direction" à entraîner le CCI dans une remise en cause chaque fois plus profonde de ses acquis et de ses pratiques organisationnelles. Pour la première fois, une minorité organisée n'a pas été reconnue dans l'organisation ; pour la première fois, des militants ont été interdits de publication dans les bulletins internes tant qu'ils n'auraient pas fait leur autocritique ; pour la première fois, des textes (le texte d'orientation sur la confiance -SI mensuels de juin, de juillet 2001-, des résolutions d'activités -BI plénier de septembre 2001- ont été adoptés, votés avant même d'avoir été écrits, sur simple présentation orale et donc sans réelle discussion, etc...) ce qui constitue de véritables coups de force ; pour la première fois, des sanctions contre des militants ont été décidées sans que ces militants aient été entendus ; pour la première fois, un militant (Juan) a été condamné et menacé d'exclusion, déjà, pour avoir présenté un rapport d'activités alternatif (SI mensuels d'août 2001 comme l'attestent les notes - ce rapport est publié dans notre bulletin n°1) ; pour la première fois, des militants ont été suspendus pour "prise de notes"(9); pour la première fois, vouloir vérifier la confiance, pour reprendre l'expression et la position de Lénine, dans les organes centraux était une manifestation de déloyauté envers l'organisation ; pour la première fois, une commission d'enquête permanente, autonome et indépendante, chargée de débusquer toute manifestation de... clanisme et de déloyauté a été décidée (BI plénier de septembre 2002, cf. plus haut) à l'instar des sinistres Commissions de contrôle des PC stalinisés. Preuve qu'elle rompt avec la tradition du CCI en la matière : sa proposition était accompagnée d'une proposition de changement des statuts ! Inutile de dire ici que les faits que nous citons ici sont réels et que nous nous basons uniquement sur les documents écrits, rapports, bulletins internes et notes de réunion. Inutile donc de nous dénoncer publiquement comme menteurs et calomniateurs, comme le font régulièrement les « liquidateurs ». Nous pouvons prouver tout ce que nous avançons. Bien évidemment, il y a derrière cela toute une série d'autres pratiques qui vont avec ce processus. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
C'est une véritable liquidation des principes et des pratiques organisationnels du CCI et de toute la Gauche communiste qui a eu lieu. C'est pour cela que nous avons appelé la faction familiale et leurs amis, la "faction liquidationniste". Il ne s'agit pas d'une insulte mais d'une caractérisation politique.
La théorisation de cette liquidation
Il a bien fallu essayer de justifier politiquement et théoriquement cette liquidation. Il est vraiment regrettable que le CCI n'ait toujours rien publié de ses dernières brillantissimes et nombreuses innovations. Outre le Texte d'orientation sur la confiance qui ne fait que justifier "théoriquement" les comportements secrets, manoeuvriers, manipulateurs, de militants, et d'un en particulier(10), outre les rapports d'activités adoptés en septembre 2001 et en janvier 2002, d'autres contributions éminentes et qui resteront dans l'histoire, nous n'en doutons pas, ont vu le jour. Certaines mettaient en avant une nouvelle théorie : certains militants seraient plus aptes à représenter le "fil rouge", celui de la continuité théorique et politique du prolétariat(11) tels Marx, Lénine, MC et... (la courte liste s'arrêtait là tout en laissant fortement entendre qu'il y avait un suivant). Alors que d'autres par contre seraient plus fragiles, s'useraient plus vite, et seraient plus enclins à tomber dans le... clanisme sauf s'ils sont sauvés par les... premiers. En particulier un certain Michel du SI était particulièrement couvert de "cicatrices" claniques non refermées et était congénitalement appelé à s'user (cf. un des pré-rapports de la commission d'investigation pour le congrès)...
La défense de l'organisation, le danger de l'opportunisme et la période historique, autre Texte d''orientation(12) adopté par le BI de janvier 2002 est venu avaliser la théorie des "militants fil-rouge", approuver une vision élitiste du militant apparue quelques mois plus tôt. Il revient aussi, une fois de plus, sur les explications psychologiques de l'existence du soi-disant clan et de la "jalousie" de ses membres. "L'expression caractéristique de cette dégénérescence [définie précédemment comme "la décomposition interne du clanisme" (?)] est le rejet ouvert du principe de la responsabilité individuelle, cet aspect central du militantisme communiste (...). En particulier, le fait que MC (13) n'a jamais caché le fait que, pour certaines tâches organisationnelles d'élaboration théorique ou de défense de l'organisation, il avait plus confiance dans certains camarades que dans d'autres, était un facteur cristallisant les ressentiments claniques" (traduit de l'anglais par nous).
Laissons de côté l'explication psychologique de cuisine qui rejoint l'autre affirmation que "les membres du SI étaient jaloux de l'affection particulière de MC à l'égard du même militant". Laissons aussi de côté nos propres souvenirs personnels des discussions et des réflexions diverses, variées et parfois contradictoires que MC, comme tout un chacun dans la vie quotidienne et dans un contexte donné, pouvait être amené à faire auprès de tel ou tel camarade. A ce jeu du "MC m'a dit" comme nous l'avons dénoncé en interne, les liquidationnistes seraient surpris.
Plus importante est la vision politique du militant qui apparaît ici à la suite d'autres textes. Cet enfermement ad vitam eternam de tel individu communiste dans telle ou telle "qualité" est totalement étrangère à la conception d'origine du CCI (et de MC), et de toute l'histoire du mouvement ouvrier. C'est justement la saine compréhension de l'importance de la réflexion et du combat dans un cadre organisé, c'est-à-dire collectif, qui fonde la possibilité et la lutte pour que les militants puissent justement tendre vers un maximum de capacités militantes. Et les exemples sont nombreux, dans le CCI et dans l'histoire du mouvement ouvrier, de militants qui ont su tirer, au prix d'efforts à la fois collectifs et individuels, les leçons des débats et combats collectifs passés pour pouvoir justement dépasser leurs difficultés ou erreurs passées et assumer toute leur responsabilité dans les combats collectifs suivants.
Nous aurions encore beaucoup à dire sur ce texte et ses élucubrations pseudo-théoriques. Nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir.
Enfin, une des dernières oeuvres internes que nous ayons eue l'occasion de connaître et que nous gardons précieusement dans nos archives vaut son pesant de cacahouètes. Elle s'intitule : Sur la nécessité de l'indignation révolutionnaire dans la défense de l'organisation. Ce texte visait d'abord à justifier les insultes, menaces, scandales et autres cris, que les liquidationnistes parisiens opposaient à nos arguments dans les réunions de section de Paris au mépris de toute régle organisationnelle, de débat et de tenue des réunions. Il est aussi une violente critique de tous les militants qui, pour le moins, n'étaient pas d'accord avec ces dérapages (c'est un euphémisme !), critique qui ne cherche qu'à les culpabiliser. Enfin, il est un encouragement (une obligation ?) à en faire de même et pourquoi pas à développer la délation. Morceaux choisis :
"Le SI mensuel de décembre 2001 a décidé d'attirer l'attention du CCI sur un des effets des plus dangereux et des plus sous-estimés de l'opportunisme en général, et en particulier du clanisme et de l'affinitarisme : l'érosion qu'il provoque de la nécessaire ferveur dans la défense de l'organisation. Le signe le plus visible de cette érosion est dans le fait qu'il a fallu si longtemps pour que les activités outrageuses du clan actuel provoquent de véritables explosions d'outrage prolétarien (...). Mais le fait que beaucoup de camarades aient écouté ces calomnies sans réaction d'indignation, et que quelques camarades hésitent encore à rapporter à la Commission d'investigation sur de telles pratiques, sape l'ardeur révolutionnaire sans laquelle aucune lutte prolétarienne contre le capitalisme n'est possible (...). Une des récentes manifestations de ce problème est le malaise de certains camarades face à l'indignation du camarade Peter à la réunion extraordinaire de RI-Nord [Paris](...).
Il est politiquement nécessaire, même indispensable, d'être indigné face à ce que le clan est en train de faire (...). Pour le prolétariat, la conscience révolutionnaire et la passion ne se contredisent pas ni se distinguent ["blur" en anglais], mais se conditionnent et se renforcent l'une l'autre (...).
Il est frappant que nos faiblesses sur cette question aujourd'hui ne s'expriment pas seulement en pratique mais ici et là même au niveau théorique - par exemple dans le haussement d'épaules face à l'affirmation du Texte d'orientation sur la confiance de 2001 que les questions de confiance et de solidarité - et avec elles celle de la défense de l'organisation - sont non seulement des affaires de l'esprit mais aussi du coeur (...). Dans la lutte actuelle, les deux pôles, le prolétarien et l'anti-prolétarien, se distinguent clairement aussi au niveau émotionnel. La mentalité anti-prolétarienne s'exprime dans la haine aveugle du clan. La mentalité prolétarienne s'exprime d'abord et avant tout dans l'indignation face à la transgression des principes de classe. Il y a un monde de différence - une différence de classe - entre ces réactions émotionnelles. L'une est purement négative et destructrice, caractérisée par la haine des personnes vues comme des rivaux ou des ennemis. L'autre est positive et constructive, caractérisée par un attachement profond à la cause du prolétariat et une opposition radicale au système capitaliste" (Texte traduit par nos soins de sa version anglaise, décembre 2001).
Outre que cette longue citation en dit long sur l'ambiance "fraternelle" et la tenue des réunions - on voit les résistances des militants et leur passivité qui est stigmatisée ici, en particulier ils ne "rapportent" pas assez à la Commission d'investigation -, elle permettra au lecteur d'avoir une idée des arguments et du terrain imposés par la faction liquidationniste au "débat". Elle permet aussi de vérifier la faiblesse de la conviction des militants dans le combat contre le supposé clan. Il s'agit là de justifier, comme dans le Texte d'orientation sur la confiance, un certain nombre de comportements militants et d'attitudes dont les camarades présents aux réunions publiques de Paris et du Mexique, c'est-à-dire face à notre présence, ont pu avoir un léger aperçu. Quant à qui est porteur de haine, de calomnies, d'insultes, et voit l'autre comme un ennemi, il suffira au lecteur de lire les articles du CCI sur notre fraction et les qualificatifs à notre endroit et de les comparer aux textes de notre bulletin. Ou bien de comparer les attitudes dans les réunions publiques(14).
Concrètement ce texte signifie qu'il n'y a plus de régles organisationnelles communistes, ni même dans la tenue des réunions. Ceux qui ont le rapport de forces favorables ont le droit de s'indigner, de couper la parole aux autres, d'orienter le contenu des interventions par le jeu de questions "tu ne réponds pas à la question, réponds à la question !", et d'insulter les autres camarades... Après la RP du CCI de mai 2002 à Paris, le lecteur pourra voir dans le compte-rendu que nous publions ici l'application de cette orientation "politique" dans la réunion publique de México en août.
Evidemment, les grands indignés révolutionnaires sont très doués et particulièrement courageux devant un public acquis d'avance. Mais nous avons constaté en deux, trois, occasions, qu'ils se font tout timides et piteux lorsqu'ils se retrouvent isolés face à nous. C'est que l'indignation révolutionnaire connait ses limites "objectives" et, consciente du rapport de forces politiques - physiques ? - immédiat, elle abandonne lâchement le terrain et laisse tomber alors nos indignés qui n'ont plus à leur disposition que leur petite et faible conviction et que leurs pauvres arguments. Est-il besoin de dire qu'il n'y a rien de communiste dans cette courageuse indignation-là et, beaucoup de lâcheté politique et de gauchisme ?
Enfin, l'actuel CCI est inévitablement amené à nier l'histoire réelle, à en gommer certains passages, et à en inventer une nouvelle. C'est ce qui s'est passé évidemment, comme le prouve notre Historique du SI vis-à-vis de l'histoire interne. Mais c'est aussi ce qui se passe vis-à-vis de l'histoire des fractions de gauche des années 1920 et 1930. Nous invitons le lecteur à prendre connaissance de notre critique de l'article sur les fractions de la Revue internationale 110 dans ce numéro.
En "interne" donc, le constat est particulièrement catastrophique que ce soit sur les plans militants, organisationnels, politiques et théoriques. Vis-à-vis de l'extérieur, c'est-à-dire sur le plan de l'intervention dans la classe, la situation n'est pas meilleure.
La fétichisation de la décomposition sociale ou l'idéalisme spéculatif du CCI
Tout lecteur attentif de la presse du CCI aura relevé l'hétérogénéité et la confusion des articles sur la situation internationale, au moins depuis le 11 septembre 2001 (cf. nos bulletins). Les positions du CCI sur la situation sociale en Argentine sont particulièrement contradictoires. D'un côté il n'y a rien à attendre de ses luttes, de l'autre il y aurait des expressions de la classe ouvrière. La prise de position du BIPR dans Internationalist communist 21 fait une critique dont nous partageons certains aspects même si notre cadre d'analyse reste celui, d'origine, du CCI. Nous renvoyons notre lecteur sur nos prises de position dans nos bulletins. La critique que nous faisons dans ce bulletin de l'article de la Revue internationale 110 sur le conflit indo-pakistanais démonte une fois de plus la méthode idéaliste et spéculative qui domine chaque fois plus dans les analyses du CCI actuel. Cette méthode fait de la décomposition sociale un concept absolu auquel tout événement, quel qu'il soit, est nécessairement réduit. Inutile de développer ici. Ce qui fait que le CCI a de plus en plus de mal à appréhender et à prendre en compte la réalité historique qui se déroule sous ses yeux. Et à assumer ses responsabilités vis-à-vis du prolétariat et du milieu politique prolétarien.
L'abandon du combat pour le regroupement des forces révolutionnaires
Que l'on partage ou non sa conception du regroupement des forces révolutionnaires, nous sommes certains que le CCI "d'avant" aurait tout fait pour inviter les autres groupes de la Gauche communiste à s'inscrire dans une démarche internationaliste unie face au 11 septembre 2001, face à la guerre en Afghanistan, voire même face à la révolte sociale en Argentine. De même, il est sûr que le CCI "d'avant" serait en train d'inviter les groupes de la Gauche communiste à se préparer à une riposte internationaliste commune face à la guerre contre l'Irak. Le CCI "d'aujourd'hui" défend sa politique sectaire actuelle par le fait que le sectarisme des autres groupes rend inutile de telles initiatives. Il prend donc acte de leur supposé "sectarisme" - acquis à jamais sans doute à ses yeux - et déserte le combat contre ce mal du mouvement ouvrier. C'est tout le contraire de la politique traditionnelle du CCI.
Mais surtout, par son traitement public de sa crise actuelle - et nous serons amenés à revenir sur son traitement public de la crise de 1993, en particulier de la publication de sa brochure la paranoïa retirée de la vente d'ailleurs -, il discrédite l'idée même d'organisation communiste, donne du crédit aux confusions conseillistes et anti-partis, et affaiblit l'ensemble de la Gauche communiste. Comme le remarque Internationalist Communist 21, la revue du BIPR, "la condamnation par le CCI de ses scissionnistes(15) comme parasites provoque beaucoup d'amertume et peu de clarification politique. Et elle risque de porter l'opprobre sur toutes les minorités politiques de la Gauche communiste internationaliste". C'est exactement ce qui est en train de se passer. En particulier vis-à-vis des nouveaux éléments en recherche et qui s'approchaient du CCI. Les textes que nous publions dans ce numéro du sympathisant mexicain du CCI dont la lettre de solidarité a été publiée dans Revolución Mundial de juillet, illustrent l'évolution du camarade et la dynamique de destruction de la conscience et de la conviction des sympathisants que provoque la politique actuelle du Courant. Nous invitons le lecteur à lire avec attention ses prises de position et à réfléchir sur les résultats de la réunion publique du CCI à la fois sur ce camarade qui, écoeuré, risque de se démoraliser et de s'éloigner des groupes politiques de la Gauche communiste, ainsi que sur les sympathisants du Nord du Mexique qui tombent dans tous les travers caricaturaux des militants gauchistes et qui tournent le dos à l'esprit d'ouverture et de confrontation politique des militants communistes.
D'autres courriers que nous recevons - nous ne pouvons tous les publier - de sympathisants du CCI sont aussi assez significatifs. Nous aurons l'occasion d'en reproduire certains. En 1993, un grand nombre de sympathisants et d'anciens militants avaient spontanément apporté leur solidarité au CCI, tout comme le camarade mexicain aujourd'hui. C'était dans les deux cas, et avec les éléments que les camarades avaient à leur disposition, des réactions justes, saines et positives que nous avons saluées et que nous continuons à saluer. Aujourd'hui, la confiance que d'anciens sympathisants ou militants mettaient dans le CCI a disparu, ou tend à disparaître, provoquant chez eux une méfiance croissante vis-à-vis de toute organisation politique. Voilà un des résultats, externe palpable, vérifiable, de la politique liquidationniste du CCI. Elle liquide aussi sa tradition d'ouverture et de référence, de pôle de regroupement. Et ce ne sont pas les quelques intégrations que le CCI a, ou va accélérer, aujourd'hui, qui vont y changer quelque chose vu les conditions et les bases politiques de ces intégrations.
La fraction propose aujourd'hui une orientation politique conséquente et résolue pour le CCI contre sa dérive opportuniste
Le bilan, un an et demi après l'explosion de la crise du CCI, est déjà assez catastrophique et la dynamique actuelle ne pourra que s'accélérer. Sauf si émergeait une opposition politique conséquente au sein même du CCI ce qui est peu probable aujourd'hui. Il n'est qu'une force, notre fraction, qui, sur la base d'une continuité politique et organisationnelle, sur la base de la politique menée depuis 1996, ait une orientation positive, concrète, réaliste, à défendre et à proposer à l'actuel CCI et à ses militants. Elle passe par :
- la réintégration de la fraction comme minorité organisée au sein du CCI et le retrait de toutes les mesures disciplinaires à son encontre ;
- par la réhabilitation publique de l'honneur de tous les militants exclus ou démissionnaires, membre ou non de la fraction, qui ont été sans raison, injustement et précipitamment salis dans la presse interne et externe du CCI ;
- par la confrontation ouverte dans le cadre organisationnel et devant tout le milieu politique prolétarien des deux lignes politiques antagonistes et irréconciliables que nous avions relevées dès le lendemain du 14e congrès (publication dans la Revue internationale de nos textes critiques du Texte d'orientation sur la confiance; publication des rapports de la Commission d'enquête avec notre prise de position, etc...) ;
- par la défense des orientations politiques défendues par l'ancienne majorité du CCI qui sont cristallisées dans nos deux rapports d'activités, en opposition frontale et irréconciliable avec les orientations adoptées et présentées dans les rapports de la majorité) ;
- par la discussion la plus large de notre Historique du SI pour revenir sur les origines et les racines de la crise ;
- par l'ouverture réelle, fraternelle, au milieu politique prolétarien et l'abandon de la politique sectaire et des polémiques stériles et par la prise en compte de ses critiques et analyses ;
- par la prise en compte de la nouvelle situation qu'a ouvert le 11 septembre 2001 : une marche consciente et déterminée des grandes puissances à la guerre impérialiste et leur détermination pour imposer cette issue au prolétariat international, en particulier à celui des grandes concentrations ouvrières d'Europe et d'Amérique du Nord ;
- par la critique approfondie de la démarche idéaliste et spéculative qui est devenue dominante dans le CCI aujourd'hui sur toutes les questions tant organisationnelles que politiques.
L'intervention de la fraction vis-à-vis du milieu politique prolétarien
Depuis que nous avons décidé d'ouvrir nos bulletins internes à l'ensemble du milieu politique prolétarien, organisations et contacts, sympathisants de ces dernières, nous considérons que notre espace de discussion interne ne se limite plus au seul CCI mais à l'ensemble du milieu politique qui devra être le facteur actif et déterminant de la construction du futur parti communiste mondial. Nous estimons que les questions soulevées par la crise du CCI, sa dérive opportuniste, intéressent et "appartiennent" à l'ensemble des composantes de ce milieu. Par ailleurs, si nous estimons être encore dans la phase de "fraction interne", de "redressement", du CCI avec sa méthode et ses exigences politiques bien précises, nous avons aussi la responsabilité de suppléer aux responsabilités que le CCI abandonne, tel le combat pour l'unité et la défense de la Gauche communiste. Ou encore, si le cas se pose, face à un événement crucial (du type 11 septembre(16), la guerre contre l'Irak, ou des luttes ouvrières significatives) qui nécessiterait une intervention la plus large et la plus unie possible des révolutionnaires.
Le CCI abandonne aujourd'hui toute intervention conséquente "unitaire" vis-à-vis du milieu politique prolétarien. Tous les groupes et éléments révolutionnaires sont vus comme des ennemis. N'est-il pas en train d'accuser le BIPR de "conspiration contre le CCI" (Revolution internationale 326 de septembre 2002) ? Que va-t-il dire suite à la réaction du Prolétaire devant les injures et l'agression physique du CCI contre un de ses militants ? Encore un complot ? Un mensonge ? Une calomnie ? C'est la raison pour laquelle nous défendons l'orientation que le CCI "d'avant" avait vis-à-vis des autres groupes mais en adaptant celle-ci à la réalité d'aujourd'hui : ce n'est plus le CCI d'aujourd'hui qui peut jouer le rôle de pôle de référence et de regroupement - il devient plutôt un repoussoir et donne l'image d'une secte. Nous pensons au contraire que le BIPR en particulier, sur la base d'une attitude et d'une dynamique qu'il a développées depuis quelques années maintenant, est l'organisation qui a la possibilité et la responsabilité historique de jouer ce rôle.
Cela signifie pour notre fraction l'étude et la discussion des positions développés par les autres groupes et militants isolés tout comme leur critique des positions du CCI non pas pour "amasser des cartouches" contre ces groupes comme aimaient à le dire certains dans le CCI, mais comprendre réellement le sens et l'historique de leur positionnement. Soit pour les combattre politiquement quand nous estimons qu'elles sont erronées, soit pour les prendre en compte dans notre propre réflexion.
En parallèle, cette orientation passe par ouvrir à tout le milieu l'expérience organisationnelle que nous venons de vivre et par présenter les leçons politiques que nous allons en tirer. Cela passe concrètement par :
- une brochure, en cours de réalisation, sur la période 1925-1929 avec notamment les leçons organisationnelles de la dégénérescence du PCF valables pour toutes les organisations communistes et révolutionnaires ;
- finir de tirer les leçons de la crise du CCI ;
- la défense des acquis du CCI durant plus de 30 ans d'existence ;
- le débat sur toutes ces leçons dans la Gauche communiste ;
- par la discussion sur les questions d'actualité ;
- par notre soutien actif et pratique à l'intervention des groupes de la Gauche communiste, y compris du CCI quand nous serons d'accord avec ses prises de position, en particulier face à des événements historiques de premier ordre.
Tant que nous estimerons être dans la période de "fraction interne", celle où le "redressement" de l'ancienne organisation est possible, nous nous attacherons à ces perspectives de travail. Pour l'heure, il ne peut être question pour nous de constituer un nouveau groupe politique qui ne ferait que rajouter à la division, à la dispersion, et au discrédit des groupes de la Gauche communiste provoqué par la politique liquidationniste actuelle du CCI.
Nous avons dit en préambule de cette introduction du bulletin, que nous la considérions comme un rapport d'activités pour le CCI. C'est comme tel, et bien qu'il soit incomplet évidemment puisque nous sommes exclus des discussions internes du CCI, que nous le présentons "officiellement" au CCI et à ses militants. Nous proposons une politique alternative à la dérive opportuniste, sectaire et "liquidationniste" qui prédomine dans notre organisation aujourd'hui.
Nous exigeons donc que ce rapport soit présenté au prochain congrès du CCI - quitte à ce que nous y joignons des annexes par la suite.
Nous exigeons aussi notre réintégration dans le CCI comme fraction interne.
2 octobre 2002
Notes:
(1) Nous aurons l'occasion de revenir sur cette période afin qu'il en reste une trace dans l'histoire.
(2) Notre introduction est déjà écrite lorsque sort la Revue internationale 111 du CCI avec la publication de ce texte "sur la confiance". Nous y reviendrons sans doute.
(3) Par exemple, les camarades Olivier et Juan ont été suspendus pour prise de notes manuscrites dans une réunion.
(4) Nous attirons l'attention du lecteur sur le dernier numéro d'Internationalist communist n°21 qui vient de sortir.
(5) Nous ne pensons pas mettre en libre disposition ce document qui pourrait être utilisé par des forces hostiles à la Gauche communiste. Néanmoins, nous pensons le faire parvenir aux groupes du milieu politique prolétarien et aux militants intéressés non pas tant pour qu'ils prennent position pour ou contre la fraction, ou le CCI. Ce n'est pas notre objet. Mais pour que ce document qui relate concrètement, à partir des notes du SI, c'est-à-dire à partir de faits vérifiables et à partir de la vie concrète quotidienne d'une organisation, puisse servir de référence et donner une expérience concrète sur les méthodes, conscientes ou inconscientes peu importe ici, pour faire imploser une organisation par des manoeuvres, des pratiques, des magouilles, des mensonges, des ragots, par la manipulation psychologique, etc... A ce titre, nous considérons ce document comme un document historique important sur une expérience organisationnelle concrète. Pour notre part, nous avons toujours regretté que le même type de travail n'ait pas été fait sur l'explosion du PCInt-Programme Communiste de 1982. Nous sommes certains qu'elle aurait pu nous être d'une grande utilité.
(6) cf. notre rapport d'activités pour le BI plénier de janvier 2002, la partie "L'usage destructeur du «tout clanisme»", bulletin 6, disponible sur notre site internet ou encore notre texte "Poids et mesures", bulletin 6, non disponible pour l'instant sur notre site.
(7) Vu l'image et la caractérisation qui est faite des membres de la fraction aux yeux des militants du CCI desquels ils ont été isolés systématiquement depuis maintenant un an, il faut affirmer une nouvelle fois aux militants du CCI, même ceux qui ont finalement appuyé directement et activement la politique des liquidationnistes, et sans qu'ils se sentent coupables de "déloyauté" vis-à-vis de notre organisation le CCI, ni nos "complices", que nous n'avons à leur égard aucun grief personnel, aucun sentiment de trahison à notre endroit comme certains ont pu l'exprimer, et que nous leur gardons respect et fraternité comme militant ce qui ne va pas sans une critique forte de leur positionnement politique. Nous leur gardons toute notre amitié personnelle. Pour notre part, quand nous les rencontrerons, nous continuerons à les saluer - question de principe de classe bien sûr - même s'ils s'y refusent avec, pour certains, des "airs indignés" qui sont du plus grand ridicule, mais passons...
(8) Nous aurons l'occasion de revenir sur l'application concrète de cette vision avant, pendant et après le 14e congrés du CCI.
(9) Dans ce type de processus, l'accélération de la dérive peut être particulièrement rapide. Olivier et Juan, membres de la fraction et toujours membres du BI étaient invités après plusieurs mois de suspension au BI plénier de janvier 2002 qui devait exclure Jonas. C'est pour cela d'ailleurs qu'ils avaient été invités. D'entrée ils ont exigé de pouvoir prendre des notes et de pouvoir les garder comme cela s'était toujours fait dans le CCI auparavant. Sinon ils refusaient de participer à la réunion. Au cours de la foire d'empoigne qui s'en est suivi, il a été proposé de constituer encore une nouvelle commission, une de plus, chargée à la fin de la réunion de vérifier toutes les notes des participants et de décider ce qu'ils pourraient garder et ce qu'ils ne pourraient sortir de la salle ! Les deux membres de la fraction ont défendu notre principe jusqu'au bout malgré la pression "collective"et "l'indignation révolutionnaire" de certains. Finalement, il a été décidé d'accepter leur exigence "afin qu'ils participent à la réunion". Il est vrai qu'il s'agissait par la suite d'essayer de les compromettre dans l'exclusion du camarade Jonas (cf. bulletin 6).
(10) Nous ne savons pas au moment de sortir ce bulletin, si la Revue internationale 110 va publier la version initiale de ce texte ou s'il va "l'arranger". Toujours est-il que nous nous basons sur la version adoptée en septembre 2001.
(11) Certains n'allaient-ils pas jusqu'à présenter l'un des militants comme le plus grand marxiste de notre temps face aux critiques politiques qui lui étaient portées ? Précisons que nous n'avons pas de preuve écrite de cette affirmation qui n'était qu'orale.
(12) C'est dans ce texte adopté par le BI, officiel donc, que nous sommes traités "de secte satanique aux méthodes du nazisme et du stalinisme".
(13) vieux militant aujourd'hui décédé, membre de Bilan, puis de la GCF, et principal fondateur du CCI, et dont les liquidationnistes s'arrogent l'héritage exclusif - ce qui en dit long sur leur conception
(14) Ou pire encore, l'attitude contre tous les militants en désacord, y compris ceux membres d'autres groupes communistes, cf. l'article du Prolétaire reproduit dans ce numéro
(15) Erreur du BIPR qui fait ici référence à l'ensemble des crises organisationnelles du CCI : nous ne sommes pas scissionnistes. Nous avons été exclus et nous demandons à réintégrer comme fraction le CCI.
(16) A la dernière réunion publique du CCI à Paris, de septembre 2002, le présidium a encore osé affirmer que nous avions refusé d'assumer l'intervention de l'organisation après les attentats du 11 septembre et la guerre en Afghanistan. Nous avons démenti énergiquement devant les présents à cette réunion. Cependant, il suffit à ces derniers de considérer la manière dont la nouvelle direction du CCI traite, depuis plus d'un an, notre fraction et ses membres (« méthodes de voyous » dignes du « nazisme et du stalinisme » ) pour être assurés qu'elle ne nous a jamais, et pour cause, sollicités pour une telle tâche. Il est utile de savoir que, depuis que nous avons exprimé notre opposition, nous avons très vite été écartés de toute activité organisationnelle. Mais nous ne doutons pas que ce dernier mensonge, parmi d'autres, est propagé un peu partout auprès des sympathisants du CCI qui n'ont aucun moyen de vérifier. Il s'était passé la même chose en interne vis-à-vis de tous les militants non-parisiens qui ne pouvaient vérifier non plus. Ce n'est qu'au BI plénier de janvier 2002, la dernière réunion à laquelle nous ayons pu participer, que devant nos démentis et nos arguments, la faction liquidationniste avait dû concéder que cette affirmation ne correspondait pas à la réalité. Nous n'argumentons pas ici. Mais ce mensonge est repris aujourd'hui publiquement. Un de plus. .L'escalade mensongère continue ! A la réunion publique qui s'est tenue à Mexico en juillet 2002, il a été dit que les membres de la Fraction désiraient abandonner toute activité politique et ne plus militer.
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