Home | Bulletin Communiste FICCI 12 | 

IV- Des camarades écrivent à la Fraction

Nos lecteurs trouveront ci-après 3 lettres que nous avons reçues dernièrement. Nous ne publions ici que des extraits du texte du camarade JLR car ce texte est très long et traite de questions diverses. Il s'intitule : « le cadavre et le croque-mort ». Nous aurons l'occasion de revenir (probablement dans les prochains bulletins) sur certaines des autres questions que soulève ce camarade. Cependant, au cas où certains de nos lecteurs voudraient avoir connaissance de l'intégralité de ce document, nous sommes disposés à leur expédier, moyennant un timbre pour frais d'envoi.

Si nous évoquons dans ces quelques lignes les courriers reçus des camarades RC ('Présence Marxiste') , JLR (qui publie 'le Prolétariat Universel' ) et J-LO (qui est proche du groupe 'N+1' de l'aire 'bordiguiste'), ce n'est pas que nous tirions un trait d'égalité entre les trois ou que nous confondions leurs démarches. C'est simplement parce qu'il nous semble que, en dépit des différences entre ces démarches, un aspect leur est commun et nous voulons répondre à cet aspect commun. Il s'agit de leur incompréhension (ou de leur désaccord) sur le fait que nous nous revendiquions Fraction INTERNE du CCI et n'ayons pas le moins du monde l'intention – du moins dans la période actuelle – de constituer une nouvelle organisation.

Ainsi quand le camarade RC dit :

« J'espérais, sans trop y croire, qu'après votre exclusion du 'CCI' vous vous présenteriez en tant que nouveau groupe politique .»

JLO, lui, répond en échos :

« Sur le plan politique, jusqu'à présent, la Fraction n'a pas rompu avec son passé dans le CCI ni avec la méthode de celui-ci. »

C'est un peu différent pour le camarade JLR, cependant il se désole :

« Les groupes politiques distincts au programme révolutionnaire et à la pratique communiste sont trois fois rien (par ex. le PCI) ou comme le CCI à enterrer. »

Face à ces formulations différentes d'un point de vue à peu près semblable, nous défendons l'idée que le premier combat qu'il faut mener quand on constate que l'organisation dans laquelle on milite (et donc, dont on revendique et défend les positions fondamentales) prend une orientation dangereusement fausse, c'est de tenter de redresser cette organisation en rejetant l'orientation fausse. Le travail de fraction, historiquement, c'est d'abord un travail de redressement de l'organisation ; un combat contre la dégénérescence au sein de l'organisation. C'est tout le combat des Gauches dans les années 24/28.

Il ne s'agit pas, alors, de chercher à 'construire' une nouvelle organisation, mais de tenter de conserver l'ancienne à la classe ouvrière. Il ne s'agit même pas de se considérer comme le pont entre l'ancienne organisation et celle à venir ; pas tant qu'il est encore possible – même si improbable – de sauver tout ou partie de celle qui est en train de mourir.

Nous n'entendons pas donner naissance à 'un nouveau groupe politique', comme le 'pensait' et le souhaite RC. Et, si nous faisons en sorte de 'donner de l'oxygène au bébé', comme dit JLR (c'est à dire que nous nous efforçons d'ouvrir et de mener le débat au sein du MPP), nous ne redoutons absolument pas 'l'ouverture trop grande' ni ne formons de plan sur la voiture balai du BIPR. Par contre, nous ne voulons pas 'rompre avec notre passé dans le CCI ni avec la méthodologie de celui-ci' avant d'être certains que ce que nous rejetons de ce passé ou de cette méthodologie est faux et non prolétarien. Il nous paraît, pour le moment au moins, que l'essentiel de ce passé et de cette méthodologie est juste, et nous nous y tenons.

Notre démarche est beaucoup plus simple : confrontés à la dérive de notre organisation, nous avons d'abord tenté de mener le combat à l'intérieur pour la redresser ; en butte à des sanctions disciplinaires incessantes, nous avons été amenés à nous constituer en 'collectif', puis en fraction pour pouvoir simplement continuer de mener le combat. Exclus, nous continuons ce combat qui consiste maintenant à faire le bilan politique de la dérive du CCI.

Si nous faisons ce bilan, ce n'est pas pour notre propre compte, c'est en direction de notre classe, et donc des organisations (et militants isolés) qui s'en revendiquent avec un certain sérieux. Il est donc évident que nous nous adressons à ces groupes et organisations. Jusqu'à aujourd'hui, le BIPR s'est montré le groupe le plus conséquent et nos relations avec lui sont les plus avancées. Nous espérons bien continuer de travailler avec lui et de façon encore plus étroite, bien sûr.

Par ailleurs, il nous paraît clair que la fraction n'a pas pour but de se maintenir comme telle pendant un temps infini. Nous souhaitons ardemment que la fraction disparaisse :

Face à cela, le camarade RC, part, lui, du principe que le CCI n'est pas et n'a jamais été une organisation révolutionnaire et marxiste. Nous lui laissons l'entière responsabilité de ses propos mais nous ne comprenons pas pourquoi, dans ce cas, lui qui a participé à la fondation de RI en 68/69 et qui a milité dans le CCI pendant des années n'a pas jugé bon de mener le combat pour redresser cette organisation. Ou, au moins, tenter d'en dégager une partie des militants pour les amener sur les positions qu'il juge les seules correctes (il faut dire que les positions qu'il défendait au moment où il a quitté le CCI ne sont pas celles qu'il défend aujourd'hui !).

En tout cas, et quelles que soient les positions du camarade, cela ne l'autorise pas à ignorer superbement le combat réel qu'ont mené les révolutionnaires dans les années 20 en se constituant en fraction dans le but de redresser l'IC dégénérescente. Car, avant d'en arriver à la cohérence des groupes comme Bilan, il y a eu tout un travail de tâtonnement, d'hésitations, d'erreurs, même, qui sont tout autant notre héritage. Et cet héritage nous enseigne que c'est à l'intérieur du parti qui dégénère qu'il faut d'abord mener le combat. Rejeter l'ancien parti, en sortir pour en constituer un nouveau, c'est, dans certaines circonstances, ni plus ni moins que de la désertion.

Le camarade JLO propose, en somme, de clore l'épisode 'bilan critique de la dérive du CCI' pour passer aux 'outils admirables et grandioses' offerts par 'la Gauche italienne' 'pour répondre aux impératifs de l'heure'. Il nous semble que les outils offerts par la Gauche comprennent notamment cette position selon laquelle on doit d'abord combattre pour essayer de sauver ce qui peut l'être de l'ancienne organisation.

Le camarade JLR, lui, a une démarche radicalement différente. En nous apportant son soutien politique (auquel nous sommes très sensibles), il montre que sa 'fibre militante' est bien vivace et qu'il est capable, au-delà des désaccords, de participer au travail de compréhension et de bilan de la dérive du CCI. Si sa vision du milieu politique nous paraît marquée par un certain désenchantement, voir une certaine démoralisation, elle révèle aussi un point de vue politique qu'il est nécessaire de débattre. Et de débattre dans ce milieu politique.

Contrairement à lui, nous ne pensons pas que « le milieu politique cela ne veut plus rien dire ». Paradoxalement, il rejoint là la vision sectaire du CCI pour lequel, tendanciellement, tous les groupes en dehors de lui sont des 'parasites'. Il nous semble, quant à nous, que le CCI ayant été pendant des années le groupe le plus important du MPP, le pôle de regroupement de celui-ci, sa dégénérescence entraîne un certain bouleversement. Il s'agit donc de travailler à la reconstitution d'un pôle de regroupement sur des bases 'non sectaires et non monolithiques' comme le dit JLR. C'est ce à quoi travaille la Fraction, c'est ce qu'elle s'efforce d'initier.


Lettre à la fraction expulsée du CCI - « Le cadavre et le croque-mort » 

(15 juin 2002, extraits)

Après avoir lu votre bulletin n°11, j'ai ressenti le besoin de vous apporter mon soutien politique et physique, non parce que vous êtes intègres comme militants du prolétariat, ce dont je n'ai jamais douté, mais surtout contre les vilenies dont vous avez été l'objet de la part des apparatchiks du CCI […]. Par son action impulsive et apache, le CCI a perdu toute crédibilité : la brutalité physique contre votre camarade malade, les visites menaçantes dans vos domiciles privés, sont inqualifiables. Le processus de sectarisation était déjà ancien et à votre insu, et vous êtes passés à la trappe à votre tour. Je ne crois pas que ma contribution ni vos longs textes n'éclaireront plus le lecteur lambda sur notre histoire compliquée, même si je pense, en m'adressant au lecteur, qu'il n'est pas besoin d'avoir été dans la mare pour savoir qu'elle contient des caïmans.

[…] Par cette lettre je vais essayer de vous fournir mon interprétation de ce pourrissement, mais en critiquant les mauvaises voies que vous empruntez. Je ferais des critiques nécessaires même si je ne me sens plus directement concerné et que je trouve indécents tous ces anciens compagnons de route et autres croque-morts qui se permettent de juger – voire de refaire – de l'extérieur la vie et la destinée du CCI, comme tout observateur qui ne se mouille pas et qui observe à la longue vue.

Seuls ceux qui veulent faire oublier leur propre faillite, et éviter d'être rattrapés par leur passé de militants dilettantes, peuvent faire équivaloir les crises successives du CCI. Il n'y a pas de commune mesure entre le combat politique de 1993 contre l'esprit de cercle pour que les rapports personnels ne dominent pas sur les rapports politiques entre militants communistes, comme vous le rappelez, et la pratique sectaire d'un «militantisme intégral» qui a finalement triomphé en 2002[…]. J'ai été victime moi-même en 1996 de la chasse au «vieil homme», sous couvert de lutte contre l'individualisme, et n'ai eu que le tort d'avoir été victime trop tôt […]. Je n'avais que le tort de mener le même combat que j'avais en grande partie initié contre le clan-pavillon contre une autre clique entraînée non par une «communauté» mais par un « couple » ; c'est évidemment ce couple qui a sonné l'hallali contre moi, y voyant une dangereuse alerte face à leur manipulation sophistiquée de l'Organe Central de France et de ses représentants en province.

[…]

La longue préparation de l'élimination sélective et policière de la majorité des membres fondateurs au profit d'un seul signifie la mort d'une organisation, comme chacun en garde la triste mémoire pour tous les exemples du passé et évidemment la référence russe : on se souvient que, à la fin des années 1970, l'exclusion des anciens fondateurs du PCI à Marseille et l'intronisation de jeunes activistes gauchistes tiers-mondistes avaient scellé la fin du PCI bordiguiste, en France tout au moins, sous sa forme organisée.

[…] Le «milieu» révolutionnaire cela ne veut plus rien dire. On peut parler de retraités prématurés de la révolution, de zozos imbus de leurs lectures marxistes suffisantes, de cénacles ultra-gauches sans influence même au quartier latin. Les groupes politiques distincts au programme révolutionnaire et à la pratique communiste sont trois fois rien (par ex. le PCI) ou comme le CCI à enterrer. Loin d'eux et aucunement parasitaire de leur action, de micro-cénacles d'intellectuels ou des individus ex-militants déçus, moines des tables rondes inutiles, colportent les ragots sur les uns et les autres à la manière des grenouilles […]

Vous n'avez pas vu venir la nouvelle charrette où l'on vous a jeté. Vous avez donné des bâtons pour vous faire battre. Vous auriez dû continuer à payer vos cotisations et ne pas utiliser les adresses des sympathisants. Vous êtes allés chercher midi à quatorze heures en essayant de justifier cela par les tâtonnements des fractions du passé. Mais, somme toute, vu la tournure des événements ces incartades ne sont pas très graves, en face ils en tiennent une couche (leurs actions de récupération foireuses et l'interdiction de prendre des notes, c'est à mourir de rire). Dans toutes les organisations du mouvement révolutionnaire cela a toujours été une hérésie de créer une fraction, malgré les ronds de jambe, les meilleurs statuts du monde. Une fraction exprime que quelque chose ne va pas ou ne va plus et, en tout cas que, dans le rapport de force entre les classes, la pression de la bourgeoisie est la plus forte. La bourgeoisie est à l'initiative dans la période actuelle. Le CCI, comme une mère protectrice a réagi de façon débile par la surprotection de l'enfant en l'étouffant. La fraction a parfaitement senti qu'il fallait donner de l'oxygène au bébé mais tombe dans l'ouverture trop grande de l'hydrogène au «milieu» vague et indistinct, composé d'éclopés et de hérauts désenchantés, avec un optimisme volontariste sur un possible ramassage par une voiture-balai conduite par le minuscule BIPR.

[…]

Ne vous éloignez pas de ce qu'a été le CCI par les sirènes des politiques conciliatrices petites bourgeoise car la dynamique de reconstruction d'organismes révolutionnaires non sectaires et non monolithiques viendra, non du rassemblement des veuves de l'anarchisme et du conseillisme, mais des exigences des énergies nouvelles et des événements, et surtout de la fidélité aux principes organisationnels pour lesquels nous avons combattu ensemble.

JL


Correspondance avec 'Présence marxiste'

Présence Marxiste - Marseille

à la Fraction Interne du CCI - Paris

Le 21/26/02

Camarades,

Le numéro 11 du 'Bulletin de la Fraction Interne du CCI' m'est parvenu en début de semaine, ainsi que me l'avait promis le camarade M.R.

Je pensais, sans trop y croire, qu'après votre exclusion du 'CCI', vous vous présenteriez en tant que nouveau groupe politique. Mais non ! Tout au contraire, votre décision de pratiquer le fractionnisme reste inentamée. Plus loin, nous verrons pourquoi il en est ainsi.

C'est dans le passé du mouvement révolutionnaire que vous avez cru trouver de quoi légitimer votre existence. Le 'Comité d'Entente' par ci, 'Bilan' par-là, Bordiga-ci, Souvarine-là. La litanie continue avec V. Serge, A. Rosmer et F. Loriot pour autres acteurs d'un film, où fraction de gauche et fraction de droite sont mélangées, sans discernement de leurs plates-formes respectives : communistes et syndicalistes.

Quelque pénible que ce soit à formuler, car j'ai conservé de l'estime tant sur le plan humain que sur le plan politique avec ceux d'entre vous que je connais comme bons militants, la vérité m'oblige à dire que votre constitution en fraction est une parodie de l'original, un acte de romantisme déplacé. Je m'explique.

Il allait de soi que, vous croyant artisans de construction de 'la plus grande organisation de la Gauche Communiste – baratin d'estrade pour gogos -, d'une part ; estimant que celle-ci se déformait, d'autre part, vous identifiez votre action à celle d'une fraction communiste. Evoluant dans un monde fictif, échafaudé avec des analogies tirées par les cheveux, vous vous mystifiez par un mimétisme poussé jusqu'à l'absurde.

Votre détermination serait admirable, si elle s'exerçait en direction d'une organisation communiste qui, ayant dévié de la ligne révolutionnaire, se trouverait engagée dans un cours de dégénérescence opportuniste et révisionniste. Or, le 'CCI' n'est pas une organisation révolutionnaire qui serait sortie des rails de la révolution prolétarienne. Oh !, il y a la déclaration 'Nos principes', au dos de la 'Revue Internationale', par laquelle le 'CCI' se prétend continuité de la 'Ligue des Communistes' et des trois Internationales ouvrières. Ce ne sont que des paroles trompeuses, qui ont été déversées par des centaines de tonnes de paperasse. Et, vous aussi vous participez de ce bluff, qui a été à la source d'une 'Komvantardise' inouïe.

Vous crevez d'envie de faire revivre une 'aventure merveilleuse qui a pris naissance à la fin des années 60'. Demeurés aveugles devant les faits, vous ne vous êtes pas rendus compte que cette 'aventure' a tourné à l'aventurisme, où ont fait leur miel gourous, théosophes, catins séducteurs, lanceurs de ragots, manoeuvristes, écrivassiers calomniateurs des luttes à Celatex, en Kabylie, en Argentine. Qu'avez-vous fait contre cette attitude de 'jaune' ? C'est avec de pareils individus que vous entendez vous retrouver dans les combats futurs ?

Contre toute réalité, vous présentez le 'CCI' comme fils de la 'Gauche Communiste'. De quelle 'Gauche Communiste' ? Certainement pas de la Gauche Communiste d'Italie. Car, c'est la petite chapelle réunie par M.C. ; lequel

Lui a donné des bases constitutives étrangères au marxisme de la 'Sinistra'. Sa date de naissance, quelque peu postérieure à Mai 68, permet de voir qu'elle a surgit du mouvement contestataire des classes moyennes prises de rage contre le capitalisme lui restreignant sa part de gâteau, et, non d'une poussée révolutionnaire du prolétariat. Voilà qui est premier, fondamental à retenir pour comprendre la suite de la trajectoire proprement ahurissante du 'CCI'. Quelques barricades au Quartier Latin, une poussée réformiste des travailleurs et le mot est lâché : fin de la contre-révolution. La reprise prolétarienne va aller crescendo.

Bien que se plaçant sous le haut patronage de Marx et de Lénine, bien qu'affirmant sa fidélité à la 'Gauche Communiste', le 'CCI' les renie tous sur le plan théorique et ne s'en sert pas de guide pour sa pratique. Il a blackboulé les textes de Bordiga, caviardé ceux de Vercesi (sur lequel M.C. a craché tant et plus, puis s'est revendiqué impudemment de 'Bilan'), manipulé certains passages de 'Bilan' qui, hélas, se prêtait à ce détournement hétérodoxe. Il nie les thèses de Lénine sur l'aristocratie ouvrière, base vitale de l'opportunisme et du révisionnisme. Il piétine celles sur la conscience de classe, sur la fonction du Parti et de l'Etat prolétarien comme formes essentielles de la révolution communiste, sur le cours de l'impérialisme mondial, sur les guerres inter-capitalistes. C'est tout le marxisme que le 'CCI' a déformé, trituré, castré – opération qualifiée d'. 'enrichissement'.

Vous dénoncez un mode de fonctionnement caporaliste, la discipline 'perinde ac cadaver' qui étouffe les capacités de critique révolutionnaire et bloque le développement organisatif, là où elle s'est imposée. C'est une prise de conscience bien tardive. Et, je passe sur le fait que vous êtes un tantinet, sinon beaucoup, responsables de cette situation. Vous n'élucidez pas, vous n'approfondissez pas pourquoi un tel phénomène a pu se produire et se reproduire régulièrement dans le 'CCI'. Selon vous, dont certains ont été aux manettes de commande, le 'CCI' va mal parce que les 'centristes' se sont emparés des organes centraux, et non parce que ses théories économiques et ses présupposés politiques sont chassés à coups de pied par l 'histoire concrète.

Pour montrer que vous concevez la question de la discipline comme une question politique, vous vous servez de Bordiga. Soit. Mais ne le mettez point en parallèle avec M. Chyrik. Ce que Bordiga pensait de la discipline communiste est tout à fait différent à ce qu'en pensait Chyrik. Car, Bordiga rejetait toute application d'une banale démocratie ; antinomique encore en ceci qu'il proposait que l'organisation parti soit fondée sur le centralisme organique (l'article 'Organisation et discipline communiste' (mai 1924) n'a pas été publié dans 'Programme Communiste' n°23 comme vous le dites page 23, mais dans le n°31, puis un tout petit extrait dans le n°34). Vous empruntez à Bordiga les armes de votre refus des méthodes disciplinaires, mais vous ne voyez pas du tout que la position de Bordiga est sous-tendue par le principe de l'organicité, de l'invariance du programme communiste, de la dictature des principes. Quant à votre fameux 'Pas de violence dans la classe', Bordiga laissait cette pétition de principe aux démocrates et aux anarchistes ; il n'en a jamais fait sa tasse de thé et l'auteur de ces lignes non plus.

Bannis sous le chef d'accusations calomnieuses, qui signent la forfaiture de ceux qui les ont lancées contre vous, vous réclamez haut et fort votre réintégration dans les rangs du 'CCI'. En attendant l'heure de ce très improbable retour au bercail, vous vous engagez avec solennité à défendre le 'CCI' quand il défendra des positions estimées justes par vous. C'est ce qu'on appelle du vulgaire 'soutien critique', typiquement trotskiste. Bref, vous vous accrochez aux basques du 'CCI' en bon partisans de l'unité à tout prix avec vos 'centristes'. En cela votre démarche est semblable à celle du 'Leninbund' de R. Fischer et consorts. Donc, vous n'êtes qu'une opposition qui voudrait retourner au giron, avec l'intention bien arrêtée d'y réoccuper quelques postes décisionnels. C'est normal. Vous avez les mêmes positions essentielles, faites partie d'une même famille idéologique. Vous ne divergez que sur les détails.

Immergés de la tête aux pieds dans la bataille fractionnelle contre la 'faction liquidatrice' (y-a-t-il une guerre civile dans le 'CCI' pour que vous utilisiez ce mot de 'faction' ?), vous ne dites rien sur les dernières élections en France, rien sur le drame des masses palestiniennes, rien sur la situation à Madagascar (est-ce parce que la 'Grande Ile' n'est pas un pays central ?), rien sur les préparatifs de plus en plus visibles d'une guerre américaine contre l'Iraq, rien sur les tensions guerrières indo-pakistanaises. Vous vous contentez de commenter, certes avec à-propos, les prises de position du 'CCI'. N'avez-vous pas l'impression d'être à sa remorque ? Ce qui fait qu'on voit mal comment vôtre bulletin pourrait servir de tribune de discussion et de confrontation au milieu politique révolutionnaire.

Si pour vous ce qui se passe dans le 'CCI' est un 'drame, un désastre', il en va autrement pour les militants d'autres groupes. On a mieux à faire que de nous polariser sur la secte 'CCI', dont les turpitudes ne regardent absolument en rien la classe ouvrière. A lire vos 'Eléments d'explication de la crise du CCI', qui montrent surtout qu'il n'y a absolument rien de politique dans vos bisbilles, je me suis demandé si vous, vous ne seriez pas un peu….. merdeux.

Le 'CCI' donne du gîte, alors même qu'il n'y a pas de tempête sociale. A la différence des partis communistes qui dégénérèrent, sa crise finale sera sans nulle conséquence pour la vie du prolétariat en tant qu'il n'aura jamais joué de rôle historique, quoique vous en pensiez. C'est ce dont vous ne voulez pas convenir. Tant qu'il en sera ainsi, vous ne serez pas en conformité avec la réalité, ni à la hauteur des tâches militantes. Au lieu d'agir de façon claire et positive en vue de la reformation du Parti Mondial, vous resterez prisonniers d'une position rien moins qu'ambiguë, courant ainsi le risque d'être considérés, à juste titre, comme l'appendice d'un corps putride que tout révolutionnaire sincère doit déserter.

A vous lire ou à vous entendre (…).

Salutations communistes


Notre réponse

La Fraction, 26 juin 2002

A "Présence marxiste"

Cher camarade,

Nous avons bien reçu ton courrier du 21/06/2002, nous t'en remercions.

Nous souhaitons te faire une première réponse rapide car nous ne méprisons aucune participation au débat mais surtout pour t'éviter de fausses interprétations et ensuite permettre de réaffirmer un certain nombre de choses.

"C'est dans le passé du mouvement révolutionnaire que vous avez cru trouver de quoi légitimer votre existence".

Tu critiques notre volonté de nous référer à la méthode des fractions du passé pour mener un combat dans le CCI. Nous ne connaissons qu'une seule méthode, la méthode historique et critique pour faire le bilan de ce qui vient d'arriver au CCI. C'est effectivement la méthode que nous avons utilisée et que nous continuerons à utiliser. C'est la méthode que nous a enseignée la Gauche communiste, la gauche communiste italienne et la GCF. Toute autre méthode est empirique, elle cherche à brûler les étapes. Nous rejetons aussi toute méthode qui voudrait jeter les acquis par-dessus bord pour faire du neuf. Nous rejetons, par-dessus tout, toute méthode qui consiste à faire un nouveau groupe politique, notamment sur de mêmes positions politiques, et aussi dans la précipitation. Sur quoi ? Sur quelles positions politiques "nouvelles" ou autres devrions-nous le former ? C'est la raison pour laquelle nous demandons notre réintégration dans le CCI. (cf.: notre article sur les fractions dans le Bulletin de la fraction numéro 8, dont nous demandons la publication par le CCI). D'ailleurs, il nous semble un peu incohérent de ta part de dire à la fois que le CCI n'est pas et n'a jamais été une organisation révolutionnaire, tout en attendant de nous (qui avons, pour la plupart, milité dedans pendant 30 ans et plus) que formions un nouveau groupe sans partir de la critique de ce passé militant.

Par contre nous nous reconnaissons dans la méthode patiente qui cherche d'abord à faire un bilan de la crise du CCI à partir de ses acquis, les examiner pour en faire la critique s'il y a lieu pour les approfondir et les enrichir.

Il ne faut pas faire fausse route, quand nous nous revendiquons du combat des Oppositionnels c'est parce qu'ils expriment notre continuité politique et historique, notre tradition historique et notre patrimoine commun. Ils devaient en passer par-là dans les années 24-25-26-27 pour arriver ensuite en 1928 à la décantation et à la fondation de la Fraction italienne. Quand nous disons cela, ce n'est pas pour se revendiquer des positions politiques de Souvarine ou de Loriot ou de X ou Z . Nous revendiquons uniquement leur combat organisationnel contre le stalinisme. Si tu rejettes ce combat, tu ne peux pas comprendre les combats des années 30 et la filiation historique qui va de l'IC aux Fractions de Gauche. A moins que, en dehors de toute méthode historique et marxiste, tu te revendiques uniquement de la GI une fois formée. Mais encore, de quelle GI te reconnais-tu ? Il faut être précis et expliquer le cheminement. La Fraction se fonde en 1928 quand il n'y a plus d'espoir d'être réintégré dans l'IC. Quant à nous, c'est de son combat tout entier, comme un bloc, et des difficultés qu'elle a franchies depuis 1925 jusqu'en 1944 que nous nous revendiquons.

Il ne faut pas confondre notre filiation qui passe même par les erreurs qui ont pu être commises ici ou là et les positions politiques acquises aujourd'hui par les différents groupes de la Gauche communiste. Dans ce cadre nous nous revendiquons intégralement de toute leur histoire et de leur combat.

Par contre, il est clair que quand nous nous revendiquons du combat des oppositionnels, puis de la fraction italienne, nous ne retenons pas toutes leurs positions politiques et théoriques, en bloc. Il y a une histoire de ces combats. Les positions politiques se sont clarifiées et précisées au cours de toute cette période et l'on ne peut pas en faire l'impasse au risque de croire à la génération spontanée des positions politiques.

Si tu agis et défends un autre point de vue,, tu ne peux avoir une vision historique et marxiste du combat de notre classe mais une vision idéaliste que tu tends à posséder et, en cela, tu rejoins la position conseilliste qui ne se reconnaît plus, par exemple, dans la filiation à la Troisième Internationale. Nous le répétons, les idées politiques n'arrivent pas claires, un beau jour ; ainsi; il y a eu tout un combat qui a pris corps pendant plusieurs décennies.

"Or, le CCI n'est pas une organisation révolutionnaire qui serait sorti des rails".

On peut dire, comme tu l'affirmes que le CCI n'est pas une organisation prolétarienne, mais sur quelles bases la considères-tu comme non révolutionnaire (et alors, est-elle une organisation bourgeoise, petite-bourgeoise, opportuniste, etc.) ? Aurait- telle trahi et surtout sur la base de quoi l'affirmes-tu ? Elle reste une organisation internationaliste même si un processus de dégénérescence est engagé. Si c'est le cas, il faut donc prouver sa trahison de façon rigoureuse. Quant à nous nous estimons que le CCI est encore une organisation révolutionnaire. Elle a su défendre l'internationalisme prolétarien dans les derniers conflits qui ont suivi le 11 septembre. Il y a des éléments sains dans le CCI qu'il faut gagner à notre classe. C'est un combat que tu abandonnes.

Par contre, à partir de quoi tu détermines sa trahison. Qu'elles sont tes positions politiques ? Elles sont, on ne plus floues.

Par ailleurs, tu sembles aujourd'hui te reconnaître dans les positions politiques de Bordiga. De quel Bordiga ? Celui des années 20 ? Celui des années 30 qui s'est retiré dans ses “ pantoufles ” ? Celui des années 40 ?50 ? etc.…. Et aujourd'hui ? Es-tu membre d'un PCI ? Il nous faut juger à partir de critères précis. L'on ne peut pas se déclarer "grand juge" de l'histoire à partir de principes éternels dont on ne connaît même pas quels ils sont.

Voilà quelques éléments de réflexion qui devraient te faire réfléchir et surtout penser à comment faire pour reconstruire sans excommunier trop vite tel ou tel ou telle organisation. L'heure est à la réflexion et à la discussion sans répéter les vieilles formules d'il y a 10 ou 20 ans. Nous avons la faiblesse de croire que la situation a changé au sein du milieu qui se réclame de la Gauche communiste et qu'une nouvelle réflexion est possible entre tous ces éléments.

Enfin tu nous reproches de ne pas prendre position sur les élections en France. Nous le ferons soit sans crainte comme nous le ferons sur tous les événements politiques si les prises de position des autres groupes de la gauche communiste le font de façon insuffisante.

La Fraction

PS : nous reviendrons sur ces questions qui nous paraissent être centrales. Nous te renvoyons également à notre contribution sur les fractions dans l'histoire du mouvement ouvrier parue dans notre Bulletin n° 9. C'est la seule méthode possible. Toutes les autres scissions du CCI qui n'ont pas utilisé cette méthode n'ont pas pu donner naissance à un véritable pole de référence au sein de la Gauche communiste. Nous aurons l'occasion d'y revenir plus longuement.


Correspondance de JLO

Une mise au point

Après la publication dans le Bulletin de la « Fraction Interne » du C.C.I. n°11 d'une note relative à la réunion publique de ce même C.C.I. intitulée « Un Procès de Moscou Porte de Choisy », son auteur souhaite apporter quelques précisions pour éviter tout mauvaise interprétation toujours possible et due à d'éventuelles et malheureuses ambiguïtés.

Tout d'abord, je tiens à clarifier la nature du “soutien” que je voulais apporter lors de cette réunion dite publique. En fait, il s'agissait uniquement d'un soutien moral et personnel aux membres de la Fraction en tant qu'individus et, en aucune façon, d'un quelconque soutien politique.

Sur le plan politique, jusqu'à présent, la Fraction n'a pas rompu avec son passé dans le CCI ni avec la méthodologie de celui-ci. De plus, et malgré son exclusion, elle s'intitule toujours “Fraction Interne du CCI” !

Cette structure parle d'une crise du CCI qui aurait commencé en … 1993 ! Si on compte bien, les membres de la Fraction comme ceux qui ont démissionné récemment ou furent exclus ont mis neuf ans pour réagir et réaliser la sinistre réalité de la secte dans laquelle ils vivaient. Bon, on peut compter huit années si on se réfère à la constitution de la Fraction l'an dernier et au dernier développement de la dite crise…

Comme élément fédérateur, ou unifiant si l'on préfère, il semble bien que seule la référence au soi-disant Cci des origines, le CCI “authentique” et pur – origine certifiée pur MC – soit prise en considération.

Mais, les événements extérieurs fondamentaux comme la grève générale de décembre 1995, comment sont-ils pris en compte ? N'était-ce point là la véritable raison, les circonstances adéquates pour une rupture véritablement politique ?

La Fraction, jusqu'à présent, semble s'enfermer dans une querelle de personnes ; si ce n'est pas volontaire, en tous cas, elle tombe dans le piège du CCI et reste au niveau de polémiques mesquines et misérables.

Reconnaître l'existence d'une crise, c'est bien ; reconnaître la nécessité d'en découvrir les causes, c'est mieux mais encore insuffisant. Il faut mener à bien ce travail indispensable de compréhension et d'explication, non par autosatisfaction, mais pour aller à la racine même des problèmes. Il ne faut pas avoir peur de reconnaître ses erreurs et de réaliser que l'on a pu emprunter un faux chemin.

Reprendre à l'identique des positions et attitudes antérieures à la crise identifiée, cela ne peut mener qu'à une nouvelle succession de crises ou bien à une sclérose totale, à une nouvelle attitude de secte fossilisée.

Le marxisme et la Gauche Italienne nous offrent des outils admirables et grandioses pour répondre aux impératifs de l'heure. Il faut bien sûr savoir les utiliser et savoir se hisser à la hauteur des tâches historiques qui se présentent devant ceux qui prétendent vouloir s'en emparer.

Il n'y a pas de voie royale vers la réappropriation du programme communiste et de ses instruments. Mais il faut savoir déblayer le chemin de tous les obstacles qui peuvent l'encombrer.

Il est plus que temps, si ce n'est déjà trop tard, pour tirer un bilan définitif et nécrologique de ce qui fut le soi-disant “milieu politique prolétarien ou internationaliste” dont le CCI faisait et fait encore partie, mais sans en être l'expression la plus intéressante.

Une génération de militants –arrivée pas par hasard dans la période de mai 1968 ou juste après – s'est fourvoyée dans des chemins de traverse ou même dans des impasses dramatiques.

Heureusement, la dynamique même de la société actuelle va pousser vers le militantisme et la reprise du flambeau communiste de nouveaux jeunes et notre confiance en l'avenir doit rester intacte.

15/06/2002 – JLO


Home | Bulletin Communiste FICCI 12 |