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III - REFLEXIONS SUR LA SITUATION EN FRANCE

Dans nos précédents bulletins (9 et 11) nous avons pris position sur la résolution adoptée par le CCI concernant la situation internationale. Nous poursuivons notre réflexion sur l'évolution de la situation par l'intermédiaire du présent texte à propos de la situation en France et des premières réflexions que nous inspire les dernières élections.

Les faits et leur compréhension

Le 1er tour des présidentielles doit d'abord être compris comme une volonté affichée de la bourgeoisie d'empêcher absolument Jospin de l'emporter, donc la gauche d'être au pouvoir.

La prétendue 'surprise' Le Pen est en réalité un épiphénomène à ce niveau car l'important réside dans la défaite programmée et réussie de Jospin. Le score important de Le Pen est bien évidemment significatif d'une faiblesse grandissante des partis politiques traditionnels ; cependant, il ne s'agit pas tant d'une manifestation de la décomposition (qui est l'explication que donne quasi systématiquement le CCI à tout ce qui se passe aujourd'hui) que celle de l'affaiblissement, de l'usure historique de la bourgeoisie. Cette notion d'usure historique, qui est liée à la période de décadence du capitalisme et qui connaît une nouvelle accélération depuis l'ouverture d'une nouvelle phase de crise économique à la fin des années 1960, est un concept que le CCI a toujours défendu depuis sa fondation et qui, surtout ces dernières années, a été 'oublié, voire écarté et 'remplacé' par celui passe-partout de décomposition ().Il faut, pour comprendre le score de l'extrème-droite, revenir à ce concept d'usure et d'affaiblissement historique de la bourgeoisie, sans oublier que ce phénomène, pour l'instant, ne rend, en aucune manière, celle-ci impuissante face à son principal ennemi, la classe ouvrière. La classe dominante parvient à maîtriser ce phénomène et même à l'utiliser pleinement à son profit () : dans le cas de ces élections, le score de Le Pen au premier tour a été le moyen de relancer la mystification électorale et a occasionné une « victoire » triomphale de la démocratie bourgeoise au 2ème tour ; de plus, elles ont permis, à la classe dominante, de développer contre la classe ouvrière spécifiquement une campagne idéologique visant à la diviser et à la démoraliser : n'a-t-elle pas souligner que c'est dans le milieu ouvrier que l'extrème-droite fait ses meilleurs scores ?

Le 2ème tour est venu confirmer largement la volonté exprimée par la bourgeoisie au 1er tour et asseoir encore plus solidement sa stratégie. La 'peur' Le Pen et la campagne de la gauche sur le thème «tous aux urnes» et «vote massif pour la démocratie» ont été particulièrement efficaces. Après s'être servi de Le Pen et en avoir tiré le maximum, elle le remet au placard, ce qui montre à quel point elle maîtrise ce phénomène qui est aujourd'hui, pour elle, une arme redoutable (par l'utilisation de repoussoir qu'elle en fait) et plus du tout un handicap (comme ça a été le cas durant les 20 dernières années par la division que ça entretenait au sein de la droite). De plus, la gauche, et notamment le PS, malgré sa défaite électorale, a montré sa grande capacité à mobiliser derrière elle et à entraîner surtout la classe ouvrière sur le terrain bourgeois. La bourgeoisie dispose ainsi, dans l'opposition, d'un dispositif anti-ouvrier renforcé.

Les élections législatives soulignent, encore plus s'il en était besoin, les desseins de la classe dominante :

Les leçons principales

  • A travers ces élections, la bourgeoisie française vient globalement de « solder ses comptes ». Elle est en train de régler les faiblesses de son appareil politique qu'elle traîne depuis plus de 20 ans et qui se sont révélés et aggravés le 10 mai 81 : problèmes de divisions et même dissensions graves au sein de la droite et, en conséquence, affaiblissement de ses forces de gauche, au niveau de leurs capacités mystificatrices, qui ont été contraintes d'assumer, durant de longues périodes, les responsabilités gouvernementales et donc ouvertement des politiques anti-ouvrières. L'appareil politique français présentait ainsi un handicap si on le comparait à celui des autres « grandes bourgeoisies ». C'est ce que la classe dominante française est en train de régler aujourd'hui.

    Elle renforce son appareil politique dans le même sens que les bourgeoisies anglo-saxonnes. On assiste à un processus de réunification de la droite pour assurer, dans les meilleures conditions, les responsabilités gouvernementales, à un replacement de la gauche dans l'opposition, avec un PS fort et apte à jouer un rôle mystificateur central et à l'élimination progressive des petits partis qui tendaient à disperser les forces dans les 2 camps (l'UDF, DL et autres petites formations à droite ; PC, Verts et autres Chevènementistes à gauche).

  • Mais cette remise en ordre de l'appareil politique () est, aujourd'hui, d'autant plus nécessaire qu'il s'agit pour la bourgeoisie française, comme pour l'ensemble des « grandes bourgeoisies », de donner la meilleure réponse à la situation qui s'est ouverte le 11 septembre 2001. Comme nous le disions dans notre prise de position du 15/12/01 :« Avec le 11 septembre, la guerre impérialiste - mode de vie du capitalisme décadent et réalité permanente sur la planète depuis la seconde guerre mondiale -, est revenue comme un boomerang au cœur des pays développés, et ce pour la première fois depuis 1945 (en tout cas avec un tel degré, une telle violence). Depuis le 11 septembre 2001, la guerre n'est plus seulement, pour les prolétaires des pays centraux, quelque chose de « lointain » dans l'espace, ni quelque chose de « lointain » dans le temps hantant la mémoire de leurs grands-parents. Elle est désormais terriblement présente, ici et maintenant. Telle est la nouvelle donne de la situation mondiale. (…) Si la brutale accélération mondiale de la situation (…) révèle et confirme quelque chose, c'est d'abord et avant tout : la nature impérialiste de tous les Etats, la faillite du mode de production capitaliste, sa plongée dans une crise mortelle face à laquelle la bourgeoisie n'a qu'une réponse, qu'une politique possible : la marche à la guerre, et enfin le fait que pour imposer la guerre à la société, notamment dans les pays centraux, la classe dominante doit affronter son ennemi mortel : la classe ouvrière. »

    Cette situation nécessite donc :

    1. une orientation guerrière renforcée : budget de l'armement en très forte augmentation, politique impérialiste plus agressive avec des actions diplomatiques et surtout militaires de plus en plus fréquentes.

    2. une politique volontaire en direction de la classe ouvrière qui a pour objectif de faire passer la 'marche à la guerre' sur le plan idéologique et sur le terrain des luttes. Ces luttes devant inévitablement surgir, elles constituent la 'seule entrave' au développement de l'orientation guerrière. Le rôle de contrôle, de sabotage et de dévoiement de ces luttes incombe essentiellement à la gauche dans l'opposition.

    3. une politique de renforcement des appareils de répression, indispensable complément à la politique assumée par la gauche et ses syndicats.

    C'est dans le cadre de la mise en place de ce dispositif qu'il faut comprendre les élections.

    La Fraction interne du CCI (le 10/08/02)


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