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AUTOUR DE LA REUNION PUBLIQUE DU CCI du 4 MAI 2002

I. INTERVENTION DE LA FRACTION A LA REUNION PUBLIQUE DU CCI A PARIS DU 4 MAI 2002

SUR LE THEME : "LA DEFENSE DES ORGANISATIONS COMMUNISTES, UNE TACHE DIFFICILE MAIS INDISPENSABLE"

Nous publions ici l'intervention orale que nous avons faite lors de cette réunion. Alors que l'exposé introductif avait duré 1 heure et demi, et alors que la salle était exceptionnellement louée pour 6 longues heures (!) devions nous apprendre par la suite, notre intervention – la première – était coupée une première fois au bout de 10 minutes par le présidium pour qu'elle soit abrégée. Elle fut ensuite coupée à deux autres reprises sous le même prétexte. Nous avons dû l'écourter. Nous prenons donc la liberté de la compléter – plus longuement que ce qui était prévu oralement – par des parties supplémentaires. Nous les indiquons par des crochets. Par la suite, de nombreuses interventions dureront beaucoup plus longtemps, mais elles avaient le mérite aux yeux du présidium de revenir encore et encore sur "la petite cuisine" interne, la supposée indiscipline de la fraction sur son clanisme, et surtout de revenir encore et encore sur les calomnies sur le camarade Jonas afin de le condamner encore plus. Dans ces conditions, il était clair que le présidium n'était nullement intéressé à ce que la discussion se centre sur les questions politiques de fond sur l'organisation telles que celles qu'aborde notre intervention. Pour le CCI d'aujourd'hui, cette réunion publique n'avait pour objet que notre condamnation, n'était qu'un tribunal comme nous en avons vécu plusieurs en interne. Le présidium a bien essayé de nous embarquer sur ce terrain, nous et les sympathisants en désaccord en "exigeant" que l'assemblée se prononce sur les mensonges et les calomnies portés contre nous, et particulièrement contre le camarade Jonas. Mensonges et calomnies auxquelles répondre lors de cette réunion, c'est-à-dire démentir à coup de "c'est-pas-nous-c'est-vous" – nous le ferons dans le cadre qui convient –, n'avait aucun sens sinon de participer à notre tour, "au côté" de l'opportunisme actuel du CCI, à déconsidérer et à discréditer encore plus la position politique du CCI, et derrière lui de toute la Gauche communiste, sur l'organisation communiste et le Parti.

Avant d'aborder directement le thème de cette réunion, nous voulons faire deux observations préalables.

1) Présentation rapide de notre fraction et du sens de ses interventions

Nous voulons d'abord nous présenter face aux militants et sympathisants présents. Nous nous considérons comme une fraction du CCI. A ce titre, nous inscrivons notre combat politique dans la défense même du CCI et de ses positions sur les plans organisationnels, politiques, théoriques et principiels qui souffrent, à notre avis, d'un processus de remise en cause. Aujourd'hui exclus du CCI, après avoir été discrédités, calomniés et isolés de l'ensemble de nos camarades durant plusieurs mois au sein même de notre organisation à coup de sanctions disciplinaires, nous connaissons le risque et le danger pour nous de tomber dans un anti-CCI "de principe", dans une attitude "négative", qui ne pourrait que nous jeter dans le néant et le parasitisme politiques. Nous appuierons le CCI quand il défendra des positions que nous estimons justes, et nous le critiquerons quand nous penserons le contraire. Enfin, nous rejetons notre exclusion et nous demandons notre réintégration dans le CCI comme fraction interne.

2) L'exclusion de la fraction et l'impasse politique du CCI

Ensuite, avant d'aborder le sujet de cette réunion, nous voulons relever la démarche complètement contradictoire et incohérente de la majorité du CCI à notre endroit. Nous avons reçu chacun une lettre d'invitation à cette réunion de la part du CCI pour "pouvoir y défendre tes positions sur cette question" (lettre du 28/04/02, soulignée par nous). Précisons que nous avions décidé de venir participer à cette réunion de toute manière. La lettre parle de "nos positions" et donc reconnaît explicitement que nous sommes porteurs de divergences politiques.

Cette reconnaissance écrite que nous aurions des positions politiques particulières sur la question de l'organisation est évidemment en contradiction avec l'affirmation répétée depuis plusieurs mois à l'intérieur de l'organisation, et maintenant à l'extérieur, selon laquelle il n'y aurait pas de divergences politiques et que nous serions seulement animés d'animosité personnelle et "clanique". Ce petit mot vient donc confirmer ce que nous n'avons eu de cesse de répéter en interne depuis le mois de mai 2001.

Mais surtout, elle montre une incohérence et une inconséquence qui, au-delà du ridicule et de l'argumentation "politique" délirante et caricaturale digne des sectes (cf. Revolution internationale 323, mai 2002) , sont particulièrement révélatrices de l'impasse politique dans laquelle s'est mis l'actuel CCI en niant la réalité du combat politique entre deux orientations politiques opposées et en y substituant la lutte entre les clans et l'analyse des difficultés par les caractéristiques psychologiques des uns et des autres.

En effet, il invite à discuter et à débattre avec des militants :

Pire même, il appelle à discuter avec des militants :

Pourquoi inviter de tels "gens" ? D'autant qu'ils rejettent les accusations contre l'exclu Jonas, accusé d'être un agent provocateur, et revendiquent haut et fort, publiquement, qu'ils sont fiers d'avoir milité avec lui durant 30 ans. Et qu'ils ont invité le camarade Jonas à participer avec eux au travail de leur fraction dont il fait maintenant partie.

Comment une organisation communiste conséquente et responsable pourrait-elle inviter à débattre et à discuter des éléments qu'elle accuse d'être "des voyous et des gangsters complotant, sabotant, provoquant, calomniant, volant l'argent, exerçant des chantages, menant une guerre totale et détruisant l'organisation, animés de haine et de vengeance, fous et suicidaires, aventuriers et staliniens" et qui militent et défendent un militant présenté comme un agent provocateur ? Comment une organisation, conséquente et responsable, ne pourrait-elle pas exclure de tels individus de ses rangs et ne pas défendre, revendiquer même, le principe même de cette exclusion ouvertement et publiquement devant tout le prolétariat ? Et pourtant le CCI d'aujourd'hui nous invite à ses réunions publiques et nie nous avoir exclus. Soit il a raison sur notre compte et alors il est inconséquent et irresponsable. Soit… il a tort sur notre compte et dans ce cas-là, il a exclu des militants communistes pour des désaccords politiques et a ouvert la porte à une remise en cause de ses principes organisationnels.

Dans les faits, le CCI et l'ensemble de ses militants ne croient pas aux calomnies qu'ils ont lancées contre nous et ils prouvent que l'actuelle majorité du CCI n'a pas voulu du débat politique et qu'elle nous a bien exclus pour nos divergences et parce que nous nous étions organisés en fraction interne – comme le prévoient les statuts du CCI dans ce type de situation – pour défendre de manière conséquente les désaccords politiques.

LA QUESTION DE LA DISCIPLINE AU SEIN DES ORGANISATIONS COMMUNISTES

Notre exclusion a été justifiée par notre supposée indiscipline. Nous rejetons cette accusation et démentons les faits et les interprétations des faits qui nous sont reprochés. Nous n'allons pas ici répondre à tous les éléments mensongers donnés dans l'exposé introductif. Mais même si les faits qui nous étaient reprochés, étaient justes, même si nous avions fait preuve de la plus grande indiscipline – ce qui n'est pas le cas répétons-le -, il n'en resterait pas moins que la méthode organisationnelle, "disciplinaire", qu'a utilisée le CCI depuis maintenant plus d'un an, tourne le dos à tous les acquis du mouvement ouvrier et sa méthode dans cet éventuel type de situation.

Pour nous, la discipline de l'organisation révolutionnaire est une question politique qui ne peut se réduire au respect formel et en soi des règles organisationnelles même si elle comporte cette dimension bien évidemment. Nous avons essayé de la poser tout au long des 9 bulletins que nous avons publiés au sein du CCI ( ). Cette question n'est pas nouvelle pour le mouvement ouvrier. En particulier, l'expérience russe et des bolcheviks, et celle de l'Internationale communiste, ont vu Lénine, Trotsky, Zinoviev, Victor Serge – pour ne citer que ceux-là – aborder le problème de la discipline dans les mêmes termes et avec la même préoccupation, et cela, malgré les contradictions et les difficultés liées à l'expérience et à l'échec de la vague révolutionnaire de 1917-23. C'est surtout la Gauche italienne, et tout particulièrement Bordiga, qui a développé la vision la plus systématique et cohérente sur le sujet. Il existe une continuité et une unité d'approche sur la question de la discipline, unité et continuité auxquelles le CCI aujourd'hui tourne le dos.

Lénine, l'Internationale Communiste, et la discipline

Voyons d'abord comment Lénine aborde la question en 1920 dans la situation de difficultés que vivait le prolétariat international alors avec l'isolement et l'épuisement de la révolution russe. C'est-à-dire dans les moments les plus dramatiques et où la moindre divergence au sein du parti semblait porter en elle l'explosion même, voire la disparition, du parti au point qu'en 1921, les fractions seront interdites au sein du parti communiste russe.

"Et tout d'abord la question se pose: qu'est-ce qui cimente la discipline du parti révolutionnaire du prolétariat? qu'est-ce qui la contrôle? Qu'est-ce qui l'étaye? C'est, d'abord, la conscience de l'avant-garde prolétarienne et son dévouement à la révolution, sa fermeté, son esprit de sacrifice, son héroïsme. C'est, ensuite, son aptitude à se lier, à se rapprocher et, si vous voulez, à se fondre jusqu'à un certain point avec la masse la plus large des travailleurs, au premier chef avec la masse prolétarienne, mais aussi la masse des travailleurs non prolétarienne. Troisièmement, c'est la justesse de la direction politique réalisée par cette avant-garde, la justesse de sa stratégie et de sa tactique politiques, à condition que les plus grandes masses se convainquent de cette justesse par leur propre expérience. A défaut de ces conditions, dans un parti révolutionnaire réellement capable d'être le parti de la classe d'avant-garde appelée à renverser la bourgeoisie et à transformer la société, la discipline est irréalisable. Ces conditions faisant défaut, toute tentative de créer cette discipline se réduit inéluctablement à des phrases creuses, à des mots, à des simagrées. Mais, d'autre part, ces conditions ne peuvent pas surgir d'emblée. Elles ne s'élaborent qu'au prix d'un long travail, d'une dure expérience; leur élaboration est facilitée par une théorie révolutionnaire juste qui n'est pas un dogme, et qui ne se forme définitivement qu'en liaison étroite avec la pratique d'un mouvement réellement massif et réellement révolutionnaire" (La maladie infantile du communisme, 1920).

Lénine, celui-là même qui, dans Un pas en avant, deux pas en arrière (1904) défend avec brio et profondeur la nécessité de la discipline, du respect des statuts et de la "vérification" de la confiance dans l'organisation et ses militants, définit clairement comment les conditions pour une véritable discipline " ne peuvent pas surgir d'emblée" comme un point de départ. Il y a d'autres interventions ou contributions de Lénine qui développent dans le même sens revendiquant pour les communistes la discipline et aussi à d'autres moments l'indiscipline d'organisation, et même le fractionnisme (le "bloc" secret Lénine-Trotsky contre Staline par exemple fin 1922). Il y a là toute une conception à se réapproprier qui va bien au-delà de la vision d'un Lénine pronant la discipline pour la discipline – même si il a pu aussi se contredire dans le déroulement des événements historiques - et sa vision d'une "discipline de fer", tout comme celle de sa "discipline de fabrique" (1904) est contraire, opposée, à celle dont ses épigones bolchévisateurs se feront les porteurs par la suite.

Bordiga, le parti communiste italien, et la discipline

En opposition à la bolchévisation, le PC italien, puis sa Gauche, vont reprendre la vision déjà avancée par Lénine et la définir de manière beaucoup plus précise.

" D'un point de vue marxiste, la question de la discipline doit être posée d'une manière complètement différente et beaucoup plus complexe. On nous dit : Que voulez-vous ? Que le parti ressemble à un parlement dans lequel chacun a le droit démocratique de lutter pour le pouvoir et de conquérir la majorité ? Mais c'est une erreur de poser ainsi la question, parce qu'ainsi posée, elle n'admet qu'une seule réponse naturellement, nous sommes contre un système aussi ridicule!

C'est un fait que nous devons avoir un parti absolument homogène, sans divergences d'idées et sans regroupements différents. Mais ce n'est pas un dogme, ce n'est pas un principe a priori ; c'est un but pour lequel on peut et on doit combattre, au cours du développement qui conduit à la formation d'un véritable parti communiste, mais à la condition que toutes les questions théoriques, tactiques et organisationnelles aient été posées et résolues correctement.

Lorsque des divergences surgissent, cela prouve que la politique du parti est erronée, qu'il est incapable de combattre victorieusement les tendances déviationnistes qui, à certains tournants de l'histoire, se manifestent dans le mouvement ouvrier. Lorsqu'on enregistre des cas d'indiscipline, c'est encore un symptôme de cette incapacité du parti. La discipline est donc un point d'arrivée et non un point de départ, une plate? forme inébranlable. L'adhésion au parti étant volontaire, le remède aux manifestations d'indiscipline ne peut pas résider dans une sorte de code pénal du parti" (intervention de Bordiga à la 6e session de l'Exécutif élargi de l'IC, 23 février 1923, repris dans notre bulletin n°5).

La discipline est donc vue, comprise, comme "le point d'arrivée" et non comme "le point de départ" dans le même sens que Lénine. Dans un texte antérieur de 1924, Organisation et discipline communiste (Programme communiste 23 repris dans notre bulletin n°2), Bordiga défend qu'il faut rejeter la discipline "comme moyen infaillible" au profit d'une discipline "comme résultat à atteindre" car "les ordres que donnent les hiérarchies centrales, ne sont pas le point de départ, mais le résultat du mouvement tout entier fonctionnant comme une collectivité". Autrement dit, elle est le résultat, le produit, de l'homogénéité politique atteinte par la clarification politique, la vie politique, le débat et la confrontation des positions. Il va même jusqu'à préciser que la remise en cause de la discipline peut être justifiée par l'incohérence des directives des organes centraux.

Trotsky, l'opposition de gauche, et la discipline

Cette compréhension de la discipline communiste n'est pas propre à Lénine et à Bordiga. Elle apparaît aussi chez Trotsky – en particulier dans Cours nouveau écrit en 1923 autour de la question des fractions dans le parti. Voilà ce que dit en 1928 Trotsky dans Qui dirige l'internationale ? : "Moins il y a d'autorité et de cohésion, plus il y a de contrainte. La discipline, nécessaire comme le sel aux aliments, a été ces dernières années substituée à la nourriture elle-même. Mais personne n'a encore réussi à se nourrir de sel. La sélection [des membres du parti en 1928] s'opère conformément à l'orientation et aux méthodes du parti : les combattants communistes sont de plus en plus remplacés par l'état-major bureaucratique du communisme".

Bilan, la fraction italienne de la Gauche communiste, et la discipline

Bilan va appliquer concrétement cette compréhension, cette vision, face à sa minorité lors de la guerre d'Espagne (cf. notre bulletin n°9 ainsi que Bilan n°36 et 37) qui rompt avec les positions et les principes de la Gauche sur l'anti-fascisme et qui, pire encore, rompt toute discipline organisationnelle. La majorité de Bilan fait alors des concessions énormes sur le plan organisationnel, tant au niveau politique que principielle, pour que sa minorité reste dans la fraction et défende ses positions. La majorité était convaincue de la nécessité absolue, et de la primauté, du débat et de la confrontation des positions, non par un principe abstrait de démocratie mais par nécessité de la clarification politique. La validité du degré même des concessions organisationnelles accordées par Bilan reste à discuter et pour notre part, en l'état actuel de notre réflexion, nous ne savons pas s'il fallait aller aussi loin. Mais peu importe, bien au contraire. Il y a là un débat politique et des questions à clarifier – débat et clarification qui auraient dû avoir lieu dans le CCI et qui lui fera défaut. Au-delà de la justesse ou non des mesures adoptées par la fraction, ce qu'il importe de relever dans cet épisode, c'est l'esprit et la méthode qui sont utilisés. Ce sont les mêmes que ceux avancés par Lénine, définis par Bordiga, pointés par Trotsky. La politique de Bilan par rapport à sa minorité "indisciplinée" et scissionniste est la continuité de la tradition et des acquis du mouvement ouvrier en la matière.

D'ailleurs aujourd'hui, nous pouvons dire que le refus de cette minorité d'assumer la confrontation politique au congrès de la fraction a sans doute eu des conséquences négatives handicapant sérieusement la constitution du PCInt en 1943-1945 en Italie. En effet, la clarification et la stricte démarcation politiques des deux lignes en présence au sein de la fraction en 1936 aurait sans doute permis d'éviter une grande partie de la confusion principielle et politique qui a régné, selon nous, lors de la dissolution de la fraction et de la formation du parti en 1945. Le débat de 36 a fait cruellement défaut en 43-45.

Internationalisme, la Gauche communiste de France, et la discipline

Cette continuité politique sur la question de la discipline est revendiquée par Internationalisme et la GCF. Dans un article rédigé par le camarade MC qui allait être le principal fondateur du CCI, il est rappelé "que Lénine a plus d'une fois dénoncé violemment le recours à la «discipline librement consentie», comme d'une trique de la bureaucratie. S'il employait le terme de discipline, il l'entendait toujours – et il s'est maintes fois expliqué là-dessus – dans le sens de la volonté d'action organisée, basée sur la conscience et la conviction révolutionnaire de chaque militant" (Internationalisme n°25, aout 1945, Problèmes actuels du mouvement ouvrier, «la discipline… force principale…», republié dans la Revue internationale n°34 du CCI).

Voilà ce que développe l'article sur la question de la discipline :

"On n'apporte pas le socialisme par la trique. Non parce que la trique est un moyen immoral, comme le dirait un Koestler, mais parce que la trique ne contient pas d'élément de la conscience (…). Quand on a recours à la trique, et la discipline est une trique morale – pour suppléer au manque de conscience, on tourne le dos au socialisme, on réalise les conditions du non-socialisme. C'est pourquoi nous sommes catégoriquement opposés à la violence au sein de la classe ouvrière après le triomphe de la révolution prolétarienne, et sommes des adversaires résolus du recours à la discipline au sein du Parti" (idem).

L'article peut même apparaître aujourd'hui, en tout cas pour nous militants du CCI en minorité et à la lumière de notre réflexion actuelle, comme frisant le conseillisme, voire même l'anarchisme. En tout cas, notre fraction ne pense pas qu'il faut s'opposer et abandonner toute discipline. Par contre, il importe de bien comprendre le sens et le contenu de cette discipline de l'organisation communiste qui n'a rien à voir, comme le montrent clairement l'histoire du mouvement ouvrier et ses acquis politiques, avec la discipline bourgeoise, la discipline aveugle ou comme "point de départ".

On le voit, l'affirmation de l'exposé défendant que "les sanctions sont inséparables de la discipline" n'est pas seulement extrêmement réducteur, mais est même, tel que c'est posé aujourd'hui concrètement dans la crise du CCI, complètement opposé à toute l'expérience du mouvement ouvrier et surtout à sa compréhension de la question. Par ailleurs, son affirmation qu'il s'agit de "sanctions morales" est à la fois mensonger et surtout révélateur d'une vision particulièrement réductrice et méprisante du militant communiste compris comme un éleve qu'il faut parfois réprimander pour son bien !

En effet, et bien évidemment sans subir les sanctions de type stalinien comme dans les années 20 ou 30, l'interdiction qui nous était faite de toute publication dans les bulletins internes du CCI, l'interdiction de tout contact, de toute discussion particulière, individuelle, avec les autres militants, l’interdiction de toute activité militante - y compris des diffusions de la presse et des tracts après les attentats du 11 septembre 2001 - et même l’interdiction de participer aux réunions de section , ne sont pas des sanctions "morales" sans conséquence pratique, organisationnelle, et politique, tant pour l'organisation, que pour l'ensemble de ses militants, et évidemment aussi pour le militant mis en quarantaine, censuré, de fait, exclu. Jusqu'alors, dans ce type de situation, la politique que menait le CCI, ou qu'essayait de mener le CCI, était tout le contraire. En effet, il essayait à tout prix de rompre l'isolement du, ou des, camarade en désaccord, voire en "difficultés militantes", et favorisait autant qu'il était possible sa participation à la vie de l'organisation et les rencontres à la fois dans le cadre collectif de l'organisation, que dans le cadre individuelle, fraternel, ou même amical, à la condition bien évidemment que cela soit formellement répercuté devant l'organisation.

NOTRE SUPPOSEE "INDISCIPLINE" ET NOTRE CONTINUITE HISTORIQUE AVEC LA TRADITION DES GAUCHES COMMUNISTES

Nous avons déjà dit que nous n'allions pas ici revenir sur les faits réels qui ont vu le développement de la crise du CCI jusqu'à notre exclusion et qui démentent les affirmations du CCI et confondent aujourd'hui, et encore plus devant l'histoire, la "faction liquidationniste" des militants qui s'en sont fait les porteurs. Nous serons amenés à y revenir.

Notre exclusion serait due au fait que nous nous sommes "mis en dehors du CCI" en ne payant pas l'intégralité de nos cotisations, en tenant des réunions secrètes, en ayant des correspondances secrètes, en utilisant les adresses des militants et des sympathisants, en utilisant et gardant les notes de réunions internes.

Nous nions et rejettons toutes ces accusations soigneusement mises en scène grâce à une man?uvre sordide consistant à taire le contexte et certains faits. Mais avant même de prononcer de telles accusations, il convient d'examiner ces questions, ces supposées "indisciplines", à la lumière de l'expérience historique du mouvement ouvrier et voir qui, de la fraction ou de la majorité actuelle du CCI, se situe dans la tradition, l'expérience et l'esprit des Gauches communistes (). Sans argumenter sur la validité politique de chaque supposée "infraction" de notre part, nous voulons juste montrer comment la politique opportuniste actuelle – au service de la défense de la mainmise d'une "faction" de militants sur l'ensemble du CCI que nous aurons l'occasion de démontrer – amène inévitablement l'ensemble du CCI et de ses militants au positionnement contre la tradition de toute la Gauche communiste et à la liquidation – c'est pour cela que nous les appelons la faction liquidationniste – des acquis organisationnels de cette Gauche et du CCI lui-même.

La question des cotisations

Vis-à-vis de sa minorité lors de la guerre d'Espagne en 1936, Bilan non seulement n'avait pas pris de sanction contre sa minorité qui ne payait plus de cotisations, mais avait même proposé de financer la publication de ses positions. Etait-il juste d'aller aussi loin dans les concessions organisationnelles ? C'est une question politique à débattre. Par contre, le CCI s'est toujours revendiqué de l'esprit et la vision qui animaient ces concessions.

Pour notre "cas", ce n'est qu'après avoir été interdit de toute publication dans le bulletin du CCI ( )tant que nous n'aurions pas fait notre auto-critique "clanique", ce que nous ne pouvions accepter puisque c'était aller contre notre conviction politique, que nous avons décidé de publier un bulletin de la fraction. Et c'est dans ces conditions que nous avons proposé une réunion avec l'organe central du CCI pour discuter ensemble des modalités de fonctionnement de la fraction au sein du CCI. Devant le refus d'une telle réunion, nous avons été obligés de financer notre propre activité de fraction avec une partie de nos cotisations. Et c'est sous l'impulsion des organes centraux qu'il a été décidé de refuser d'accepter le reste de nos cotisations afin de provoquer un scandale et d'émouvoir les militants pour essayer de justifier les sanctions à notre égard.

Quand la fraction défend son positionnement sur la question des cotisations, elle est du côté de Bilan. La politique actuelle du CCI y tourne le dos.

Les réunions soi-disant secrètes

Nous avons tenu des réunions dont l'objet était de discuter de quelle forme d'organisation nous devions adopter comme minorité dans le CCI, pour présenter justement ouvertement devant toute l'organisation notre opposition organisée. Rien de secret là-dedans. D'ailleurs le scandale des soi-disant réunions secrètes a été "révélé" après que l'ancêtre de la fraction, le "Collectif", se soit ouvertement déclaré devant tous les militants de l'organisation. Passons.

La constitution en 1925 du comité d'Entente par la Gauche dans le PC italien est "secrète". De même, les réunions des oppositionnels russes en 1926 dans les bois sont tout aussi secrètes – ce qui n'empêchera pas les mouchards dans les deux cas de les dénoncer aux directions opportunistes d'alors.

L'expérience de la Gauche nous enseigne donc qu'il peut parfois être nécessaire de se réunir "secrètement" – ce que nous n'avons pas fait – pour pouvoir intervenir devant toute l'organisation. Le CCI s'est toujours revendiqué de cette nécessité et de cette tradition. Quand la direction actuelle du CCI provoque tout un scandale et prend des sanctions sur nos soi-disant réunions secrètes, elle tourne le dos à l'expérience et la tradition des Gauches et se situe historiquement du côté des bolchévisateurs et du stalinisme. Pour notre part, nous sommes fidèles à la Gauche.

La correspondance soi-disant secrète

Dans la mesure où nous n'avons plus accès aux rapports de la "Commission d'Investigation" créée de toute pièce pour l'occasion par le CCI dans des conditions particulièrement confuses, sinon douteuses, il nous est difficile de savoir à quoi cette accusation se réfère puisqu'elle n'existait pas du temps où nous recevions encore les documents internes. Mais dans sa logique, le CCI d'aujourd'hui doit condamner aussi Bordiga qui termine sa lettre du 8 novembre 1924 en demandant à ses correspondants de considérer cette lettre comme une communication personnelle, c'est-à-dire secrète vis-à-vis de la direction opportuniste du parti. La direction actuelle du CCI est encore une fois du côté des bolchévisateurs. Et trahit la tradition et l'histoire des Gauches.

L'utilisation des adresses des militants pour l'envoi des documents

Là aussi, la politique opportuniste actuelle du CCI condamne, 80 ans après, l'utilisation des adresses des militants et des sympathisants par le Comité d'Entente pour l'envoi de ses documents et prises de position. Elle condamne, comme les bolchévisateurs zinoviévistes, l'envoi par Souvarine de son Bulletin communiste et justifie l'exclusion de Monatte et Rosmer du parti pour la diffusion de textes que la direction opportuniste du PC français refusait de publier. Le CCI actuel se positionne encore du côté de la bolchévisation et contre les oppositionnels et la Gauche communiste.

L'usage des notes de réunions

La fraction aurait commis l'acte d'indiscipline incroyable d'avoir voulu garder et utiliser les notes de réunions internes qui sont la "propriété exclusive de l'organisation". Nous revendiquons haut et fort cette "incroyable et scandaleux" supposé acte d'indiscipline car la fraction se retrouve du côté de Lénine – Un pas en avant, deux pas en arrière (1904) est une mise en forme de notes du 2e congrès du POSDR -, du côté du combat de Trotsky et Victor Serge pour qu'ils puissent garder et faire sortir d'URSS leurs archives (dont les notes de réunions), du côté des oppositionnels des années 20 qui ont publié des extraits de notes des réunions des organes centraux de l'IC et du PC russe tel que les revues A contre courant, Le bulletin de l'opposition qui ont publié par exemple les extraits d'intervention de Zinoviev au plénum du PC russe d'octobre 1927. C'est-à-dire que Staline n'avait pas pu s'opposer à ce que ces notes soient gardées et utilisées par les oppositionnels. La direction actuelle du CCI est du côté de Staline. Elle réussit même à faire ce qu'il n'avait pas pu faire sur cette question des notes. Elle tourne le dos et trahit la tradition et l'expérience du mouvement ouvrier en la matière. Pour notre part, sur cette question, nous sommes du côté de Lénine, de Trotsky, des oppositions de gauche contre les bolchévisateurs et l'opportunisme d'hier et d'aujourd'hui.

Nous pourrions encore allonger la liste de nos illustres prédécesseurs dans la politique d'indiscipline telle qu'elle est comprise et présentée aujourd'hui par le CCI. Inévitablement, la politique de la "faction liquidationniste" qui est suivie par la majorité des militants du CCI ne peut amener ce dernier, et amener l'ensemble de ses militants, qu'à tourner le dos à toute l'expérience du mouvement ouvrier et à empêcher toute réflexion sérieuse, tout débat conséquent, sur les questions politiques qui sont posées. C'est cela qui est un drame et non pas l'exclusion de notre fraction. En étouffant tout débat contradictoire conséquent, que seule la "forme" et la "méthode" de fraction comme minorité organisée face à un tournant opportuniste, pouvait assumer en interne, le CCI se prive de l'arme du débat, de la confrontation, politique pour clarifier les questions et faire face aux exigences actuelles de l'activité révolutionnaire – en particulier au plan de la question du militantisme communiste et de l'organisation révolutionnaire.

[la partie qui suit et qui était prévue, n'a pas été présentée dans la mesure où le présidium insistait pour que notre intervention s'interrompe]

Comme le dit Bordiga dans sa lettre "personnelle et secrète" du 8 novembre 1924, "la politique de bolchévisation passe du terrain politique et tactique au terrain personnel et disciplinaire". C'est exactement ce qui s'est déroulé au sein du CCI et ce qu'il réalise aujourd'hui publiquement, y compris dans cette réunion publique. Sous le prétexte ridicule de l'existence d'un supposé "clan-pavillon-bis" au main du supposé guru Michel () d'abord, puis aujourd'hui le guru Michel ne faisant plus l'affaire, sous le nouveau prétexte monté ad hoc du supposé "agent provocateur Jonas" à la tête "d'une secte fanatique aux méthodes nazis et staliniennes" – argument utilisé en interne dans un texte officiellement adopté mais jamais encore utilisé publiquement sans doute par peur du ridicule -, la même politique opportuniste et liquidatrice des acquis politiques de la Gauche communiste est menée dans le CCI. C'est pour cela que nous appelons la faction opportuniste qui détient la majorité maintenant, la faction liquidationniste.

Notre exclusion est venue confirmer ce que les membres de la fraction avaient individuellement exprimé dès le lendemain – le 9 mai 2001 – du 14e congrès du CCI : l'appréciation de l'existence de deux lignes politiques opposées et irréconcilables d'une part, et la dénonciation de pratiques et de méthodes opportunistes en matière organisationnelle aux conséquences catastrophiques s'il n'y était pas mis un terme rapidement. Tout cela s'est largement confirmé et vient valider notre démarche et notre combat de fraction du CCI qui ne fait que commencer. La seule inconnue reste notre capacité, notre force, collective et individuelle, pour pouvoir assumer la responsabilité historique énorme qui nous incombe comme partie intégrante du milieu politique prolétarien. C'est l'enjeu de la situation.

4 mai 2002


II. PRISE DE POSITION DE LA FRACTION SUR LA RP DU CCI DU 4 MAI 2002

« Un dicton répandu dans les milieux révolutionnaires russes dit ‘Pourvu qu’on tienne l’homme, il y a toujours moyen de monter une affaire’. Monter une affaire c’est trouver des prétextes formels, des témoignages (qui peuvent être faux, peu importe), une interprétation de textes permettant de motiver une condamnation sans y mettre en toutes lettres « En raison de ses convictions… ». Depuis 2 ou 3 ans on s’évertue à ‘monter des affaires’. Dans un très grand nombre de cas des hommes ne sont en réalité (…/…) frappés que pour avoir été des combattants de la révolution sous l’ancien régime et pour avoir été socialistes, anarchistes ou communistes opposants, il y a de longues années. » V. Serge dans « Mémoires d’un révolutionnaire »

La « défense de l’organisation des révolutionnaires… », tel était le thème proposé. Les participants pouvaient dès lors s’attendre à un débat politique concernant la difficile construction d’une organisation communiste, il n’en fut rien.

Le CCI se lançait en fait dans une attaque tous azimuts contre 9 militants qu’il vient d’exclure, (prenant bien soin d’éluder la réalité de leur regroupement antérieur en fraction) et plus particulièrement il dénonçait publiquement comme « agent provocateur » l’un de ses ex-militants, Jonas, membre de notre fraction.

L’histoire du mouvement ouvrier nous enseigne que, devant l’évidence d’une crise organisationnelle, les révolutionnaires authentiques posent toujours les questions en termes politiques car c’est le seul moyen de défendre les organisations. Ici on pose les questions en termes d’individus et on élude les questions politiques et, en l’absence d’arguments, le CCI monte des procès dans lesquels il désigne, une fois de plus après Pé, un individu « louche ». Mais qui va, encore une fois, croire et suivre le CCI ?

En fait de débat politique, c’est à un véritable procès public qu’ont assisté les participants à cette réunion. Un procès ordurier digne des plus sinistres procès engagés par l’IC stalinisée contre ses oppositionnels dans la fin des années 20.

Ordurier parce que basé sur le mensonge et la calomnie. Parce que basé sur la pire des méthodes empruntée au stalinisme : on fait un amalgame de faits que l’on a au préalable et dans les coulisses, soigneusement interprété, et que l’on présente bout à bout, en prenant bien soin de les extraire de leur contexte. Tout cela dans l’espoir que de cette masse de faits assénés, il restera bien quelque chose : le spectateur médusé en conservera bien une suspicion, un doute, un malaise. Ce sont ces mêmes méthodes que le CCI mettait en ?uvre lors de la Conférence extraordinaire destinée à exclure les militants de la Fraction : ce sont les mêmes qu’il reproduit aujourd’hui pour nous dénoncer publiquement. Telle est la méthode affichée par le CCI actuel pour faire valoir SA vérité.

SA vérité ? C’est qu’il a été contraint :

- d’exclure un de ses ex-militant, Jonas. Exclusion qu’il « justifie » publiquement en dénonçant cet élément comme «élément trouble » et « agent provocateur » ;

- d’exclure 9 militants. Exclusion qu’il justifie en les accusant tous de s’être rendus coupables d’infractions successives à la discipline et de refus de « renoncer au travail commun avec un individu louche » ; le seul fait de revendiquer ce travail commun étant lui-même interprété comme une provocation, tout comme le fait de s’être adressé au milieu politique prolétarien.

En tant que fraction interne, nous avons mis en garde à plusieurs reprises et avec insistance, tant les OC que l’ensemble des militants, contre le danger d’une polarisation excessive autour de la question des intrigues et du montage d’ "affaires" de toutes pièces, dont le seul but était de détourner les militants du CCI des vrais questions politiques qui se posaient et dont ils ne pourraient longtemps repousser le traitement. Nous avons de même fait part de notre volonté de nous centrer sur les questions et désaccords politiques et leur règlement affirmant que le terrain pourri des intrigues, des calomnies infondées, des mensonges, des affaires, des faux-procès ne solutionnerait rien. Nous avons fait part de notre refus de substituer au débat politique le terrain des querelles de personnes. Ces différents terrains, nous affirmions les laisser bien volontiers aux nouveaux organes décisionnels du CCI qui, eux, aimaient à s’y vautrer.

Ce terrain nous l’avons donc toujours rejeté. Mais aujourd’hui, même si nos objections et notre conviction que le CCI fait fausse route en continuant à se fourvoyer sur un terrain pourri, un terrain de dévoiement des véritables questions politiques, c’est la crédibilité de notre travail en tant que fraction qui est menacé.

Aujourd’hui, le CCI a décidé de « déballer » SA « vérité » sur la place publique. Il a décidé d’ériger la calomnie en force théorique. S'il cherche à perdre ce qui lui reste encore de crédibilité politique, c'est son affaire. Mais de fait, il a surtout décidé de porter un coup décisif à tout élément, tout regroupement susceptible de le critiquer, actuellement et dans l’avenir. Dans ces conditions nous sommes contraints de répondre aussi sur ce terrain, en vue de rétablir la vérité des faits, la logique des événements et leur contexte : ce n’est que sur cette base que le lecteur pourra forger son jugement puisque "jugement" il y a (.).

Il nous revient donc de fournir les éléments permettant de dissiper les préventions bien légitimes que les participants à cette RP, et les lecteurs du CCI peuvent éprouver. Nous mènerons donc aussi ce combat là, dans le but de contribuer à ce qu’ils puissent se forger une opinion objective, fondée et sérieuse.

UNE RP EN FORME DE PROCES

Un procès sur le « cas Jonas »

Le CCI a fait de l’ex-militant Jonas un cas suspect. Dans la RP il posait comme présupposé de départ incontestable, ce fait que Jonas se serait rendu coupable de « calomnie à l’égard d’une militante », calomnies qu’il « serait allé distiller en sous-main, courant partout (ce sont les termes indiqués) pour répandre insidieusement cette calomnie ». Au fil de la réunion, le CCI insistait d’ailleurs pour que chaque intervenant se prononce sur « les agissements de Jonas » ; il interrompait même les participants qui se refusaient à entrer dans ce petit jeu malsain.

Mais des questions se posent : quelles calomnies ? Et comment se fait-il que Jonas ait rencontré autant d’oreilles complaisantes pour écouter ses propos ? Qui est ce militant subitement taxé d’individu louche et quelle a été son attitude réelle dans cet épisode ?

Nous ne développerons pas longuement ici concernant cette prétendue « calomnie ». Nous aurons l’occasion d’y revenir en détail ultérieurement en replaçant cette question dans son contexte. Qu’il nous suffise de dire que rien n’est plus malhonnête que de taxer de « calomnies » ce qui n’était en fait qu’une thèse-hypothèse de travail à destination du CCI dans un contexte de crise organisationnelle majeure de celui-ci. Nous ne jouons pas sur les mots. Il s’agissait d’une thèse basée à la fois sur les expériences dans le mouvement ouvrier, sur un certain nombre de faits et comportements non épisodiques ou conjoncturels, sur la propre expérience enfin du CCI.

Il nous suffit de dire que, se basant sur les comportements malsains et destructeurs de longue date d’une camarade, et en se référant à l’histoire du mouvement ouvrier sur ce type de comportements, Jonas avait acquis la ferme conviction que l’organisation était menacée sournoisement. Jonas n’était pas le seul d’ailleurs, à émettre des doutes sur la probité militante de cette camarade et à caractériser comme malsain et destructeur son comportement ; pas le seul à constater qu’un tel type de comportement finit toujours pas détruire le tissu organisationnel. Mais justement, son point de vue était que pour juguler les rumeurs et clarifier cette question, mieux valait une prise en charge politique et collective des problèmes posés par ces comportements.

Jonas n’a jamais caché sa profonde conviction. Et contrairement à ce qui est aujourd’hui avancé par le CCI, il a proposé son analyse sous forme d’un document officiel remis aux organes responsables de l’organisation afin qu’ils examinent cette hypothèse. Organes responsables qui préfèrent aujourd’hui mentir et faire le silence sur sa démarche.

L’hypothèse ne fut pas traitée. Mais au contraire on assista à une subite volte-face : l’accusation était retournée contre l’accusateur lui donnant alors le statut d’accusé. Alors, les bulletins internes ne furent pas assez épais, les résolutions pas assez nombreuses pour contenir le flot d’injures dont fut affublé Jonas de la part des organes centraux et d’une commission nommée « commission d’information » (printemps 2001) décrétée souveraine sur ces questions. Moyen efficace pour dissuader tout récalcitrant à se lancer dans de telles hypothèses et même à oser poursuivre ses propres interrogations devenues coupables. Man?uvre aussi pour l’obliger à « se défendre » puisqu’il était devenu l’accusé. Alibi poudre aux yeux pour pouvoir conclure : « Voyez bien, il refuse de se défendre, c’est donc bien la preuve qu’il est coupable ». Et le tour était joué.

Faute de pouvoir alerter les organes responsables, Jonas, fatigué et affaiblis physiquement, démissionne. Ce n’est qu’aux délégations envoyées par l’organisation et aux militants qui le contactent individuellement et le questionnent à ce sujet, qu’il confie son intime conviction, ses questionnements, ses doutes. Et il prit ses responsabilités dans ce sens. C’est ce courage politique que d’autres n’ont pas eu (ceux qui préfèrent faire le dos rond, ravaler leur doutes et leurs désaccords, tourner le dos à la clarification, attendre que « çà se passe », voire aller moucharder dans le secret de commissions occultes) qu’on lui renvoie à la face aujourd’hui sous la forme « il a poursuivi ses calomnies dans les couloirs » ? ? !.

Qui est ce militant subitement banni et dénoncé publiquement comme « agent provocateur » ?

La dignité politique du camarade Jonas ne saurait être mise en doute. Jonas a milité pendant plus de 25 ans au sein du CCI qu’il a largement contribué à construire tant sur le plan organisationnel que politique. Jusqu’à ce qu’il « ose » poser sa démission en mai 2001, il a toujours été reconnu pour sa rigueur et sa rectitude politique. Son apport sur les plans politique et organisationnel, son expérience militante, son humilité, son profond respect pour les militants, quels qu’ils soient, lui ont toujours été unanimement reconnus, dans et hors du CCI. Durant ses années de militance, il s’est toujours dévoué sans retenue aux tâches que l’organisation lui confiait. C’est ainsi qu’il fut durant de longues années membre de divers organes centraux avec les plus hautes responsabilités (journal, trésorerie,…). Et lors de moments de difficultés organisationnelles importantes, ce fut lui que l’organisation appela (notamment sous l’impulsion de MC) pour contribuer à régler ces difficultés.

Jonas a toujours bénéficié de la plus large confiance de l’organisation, sans qu’aucune réserve ne s’exprime jamais sur la qualité de son militantisme. Il n’a jamais fait l’objet d’aucune méfiance ou même d’aucune rumeur malsaine. C’est parce qu’il bénéficiait de cette confiance, de ces qualités militantes que l’ensemble du CCI approuva sa nomination à la commission d’information de 1993 chargée d’examiner les problèmes rencontrés par le CCI à cette époque.

Il ne s’agit pas ici de dresser un tableau idyllique de ce camarade. Mais une question se pose : comment le CCI qui avait jusqu’ici unanimement apprécié les qualités militantes de ce camarade décide-t-il subitement de le bannir et de l’exclure. Et qui plus est, quelques temps seulement après qu’il ait posé sa démission pour cause de maladie grave ?

Quant à notre Fraction, nous continuons à revendiquer fièrement le fait de compter le camarade Jonas dans nos rangs.

Ce que l’histoire nous enseigne réellement

Lors de cette RP, le CCI est passé au cran supérieur. S’appuyant sur « l’Histoire et l’Expérience » (celle que préfère retenir le CCI actuel), à savoir que « la police infiltre toujours ses agents par paire », on nous suggérait que Jonas était peut être bien, depuis le début de la création de RI, le deuxième élément d’un complot policier de la bourgeoisie contre le CCI ; le 1er, -proche de RI à ses débuts- s’étant dénoncé à l’époque, non sans avoir « révélé » cette pratique des « agents par paire ». Argument dérisoire et mesquin autour duquel on cherchait l’adhésion des auditeurs.

Laissons le CCI partir à la recherche du « 2è agent provocateur » après JJ. C’est son jeu préféré, son activité devenue favorite. Mais n'oublions pas cela et mettons en garde les militants et sympathisants qui se laisseraient séduire par cette explication : sur ce terrain le CCI a par deux fois au moins, fait une erreur lamentable qui s’est transformée en désastre pour deux au moins de ses propres militants :

- ce fut le cas de l’ex-militant, Pé. Accusé d’être un « agent provocateur » (sous l’impulsion de certains militants dont le comportement était alors mis en cause, et qu’on retrouve curieusement aujourd’hui dans le rôle des accusateurs principaux de Jonas, alors qu’à nouveau, leur comportement militant menaçait d’être mis en discussion), il quitta le CCI en 1995. Par la suite, on revint sur cette accusation, les OC envoyèrent une délégation à cet ex-militant pour l’informer qu’il y avait eu un dérapage, que cette accusation n’était pas fondée etc… Mais lorsqu’il demanda qu’un jury d’honneur statue sur son cas ou qu’un document écrit lui confirme le véritable « verdict » de l’organisation, on laissa tomber son cas aux oubliettes : « pas la peine ». Le « cas » restait en interne, mais on ne se souciait pas de réhabiliter cet ex-militant, ce qui permet, quand cela arrange, de relancer la rumeur.

- ce fut le cas de Michel, plus récemment. Accusé au printemps 2001 d’être le « gourou » du prétendu clan « pavillon-bis », d’être un « aventurier », « responsable des difficultés du CCI » et de toute sorte de nom d’oiseau dont nous épargnerons le lecteur, il démissionne en octobre de la même année. Ces accusations tomberont d’elles-mêmes et la thèse de « l’existence d’un clan le plus dangereux de toute l’histoire du CCI » sera de fait abandonnée officieusement au profit des accusations plus spectaculaires contre Jonas. Mais Michel quant à lui, ne fut jamais réhabilité, le CCI actuel ne pouvant reconnaître qu’il a fait une nouvelle erreur dramatique. Et là encore, on conserve la rumeur pour mieux la faire ressurgir au moment le plus opportun, si d’aventure, Michel souhaitait militer à nouveau.

Ce type de procédure contre Jonas et contre notre fraction, nous en retrouvons des exemples dans l’histoire des organisations prolétariennes du passé. La contre-révolution est passée par là et a fini par faire oublier et dénaturer ces épisodes dramatiques. Mais les témoignages et les écrits restent.

Souvenons-nous qu’à ce jeu, l’Internationale communiste en pleine dégénérescence s’est amplement laissée aller. Rappelons les témoignages dénonciateurs de Souvarine dans « Staline » ( ), de Victor Serge témoignant dans « Mémoires d’un révolutionnaire » : à la fin de cet épisode dramatique, l’ouverture des archives de l’Okrana révélait que X agents provocateurs avaient navigué dans les couloirs de l’IC sans la moindre inquiétude. Et qu’ils y avaient fait un travail fort intéressant pour l’Etat sans jamais avoir pu être démasqués. Par contre la chasse aux « agents provocateurs » et aux « agents contre-révolutionnaires » instituée en activité de parti s’est traduite par une atmosphère invivable de suspicion, de proscription de militants, d’exclusions en chaîne, d’envoi en exil ; elle fut un outil précieux pour faire taire les contradicteurs et tous les éléments oppositionnels à la ligne du Parti. Cela tandis que les vrais éléments destructeurs eux, poursuivaient leur sale besogne au service de l’Etat ennemi et montaient même dans l’estime des organes dirigeants d’alors. Elle a largement contribué à détruire l’esprit de camaraderie et de confiance qui doit être la base indispensable sur laquelle repose une véritable organisation communiste.

Plus près de nous, rappelons l’exemple du camarade MC lui-même victime et exclu en 1945 de la fraction italienne pour « indignité politique » après avoir subi un assaut d’attaques inqualifiables fondées sur de pures calomnies. ( )

Par contre nous relèverons au passage ce constat lui bel et bien réel : des éléments constitutifs du regroupement auquel participait Jonas bien avant la constitution formelle de RI, la plupart ont aujourd’hui disparu, soit sous forme de démission plus ou moins volontaire, soit sous forme d’exclusion. Cela ressemble bien à l'histoire du PCF où les principaux membres et secrétaires du "Comité pour la Troisième internationale": Souvarine, Loriot et Monatte () c'est à dire les fondateurs du parti, ont été exclus du Parti à la fin des années 20 pour que n'y reste que les "ouvriers de la dernière heure".

Nous relèverons également ce phénomène que nous livrons à la réflexion des militants du CCI, des lecteurs et sympathisants de notre Fraction ainsi qu’au Milieu politique prolétarien. C’est qu’entre 1993 et 2002, le CCI a connu deux crises majeures. Ciblées au c?ur de la plus ancienne des sections territoriales du CCI, sa section en France. Et au c?ur de celle-ci, à Paris, lieu où sont concentrés l’essentiel des OC du CCI (secrétariat international, secrétariat de RI et comité de rédaction du journal). Ces deux crises se sont traduites par la perte de 20 militants dans la section de Paris : 13 ont quitté le CCI pour des motifs « officiels » divers, durant ou suite à la crise de 1993 (à l’exception de JJ exclus en 1993), dont RV, membre fondateur. Avec la crise actuelle, 2 militants démissionnaient et 5 ont été exclus. Dans cette vague, 3 militants étaient des membres fondateurs. A cela il faut ajouter 4 militants exclus dernièrement au Mexique.

Cette hémorragie militante n’est pas banale et doit trouver des explications. Elle pose en tout cas des questionnements qui ne peuvent rester sans réflexion politique. Ce phénomène est à verser au dossier des « exclusions-démissions » et crises organisationnelles à répétition que connaît le CCI ces dernières années, dossier que nous ne refermerons pas, quant à nous, en tant que fraction et sur lequel nous comptons bien pousser notre réflexion. Et nous réfutons totalement comme irresponsable la thèse de l’actuel CCI visant à minimiser ce phénomène au nom de : « c’est le résultat du clanisme, de l’affinitaire ; c’est une sélection-décantation inévitable et salutaire ». Concluons ici sur cet aspect.

Un « procès de la fraction »

Cette RP transformée pour les besoins de la cause, en procès contre Jonas et contre notre fraction, constituait un véritable piège :

On commençait par faire le catalogue des faits que l’actuel CCI reproche à la fraction et à ses membres. Dans quel but ? Un des intervenants l’avoue : « l’exposé a cité tous les mensonges, menaces, chantages, vols. Il faut que cela se sache ». Voilà bien un argument révélant le sens profond de cette réunion : asséner une masse de faits hors contexte, partiels, partials, ou bien carrément mensongers, simplement pour que « ça se sache » à l’extérieur. En espérant convaincre et emporter l’adhésion des participants.

Dans la foulée, on reconnaissait : certes, le « CCI a pris des sanctions : blâme, suspensions… mais ce sont des sanctions morales ». On voudrait nous faire croire que ces sanctions étaient donc purement verbales, « morales ». Rien n’est plus honteusement faux : ces sanctions appliquées sans rémission contre les militants de la fraction et systématiquement depuis le 14è Congrès ont bien eu des implications dans la vie militante des camarades sanctionnés, notamment celle de réduire au silence ces mêmes militants. Les suspensions à répétition ( ) ont signifié concrètement une privation de toute activité militante : interdiction de diffuser la presse, interdiction de publier des textes dans les bulletins internes, interdiction de participer aux réunions de section. Tout cela assorti d’une « interdiction de discuter » avec d’autres militants. Et par exemple lorsque ces militants, exclus de réunions de section depuis décembre 2001, certains depuis octobre 2001, persistaient à se présenter néanmoins à celles-ci pour y présenter motion et interventions écrites…. ils trouvèrent porte close : le lieu de la réunion avait été modifié en secret. Voilà pour les sanctions « morales » sur lesquelles il y aurait tellement à dire.

Le vrai problème c’est que le CCI actuel s’est toujours refusé à discuter des divergences bien réelles qui se manifestaient, bien avant d’ailleurs que notre fraction ne se constitue en octobre 2001. Tout comme il refusera par principe et sous de multiples prétextes, de reconnaître l’existence de notre fraction contrairement aux statuts dont ose se revendiquer l’actuel CCI. D’ailleurs, l’un des militants du CCI avouait au cours de cette RP : « Comment reconnaître une fraction qui n’existe pas et qui est la plus nulle de l’histoire du CCI » ( ). Passons sur ce dernier qualificatif sur lequel seule l’histoire tranchera. Il y a là l’aveu d’une volonté catégoriquement affirmée qu’il n’est pas question en soi de reconnaître cette fraction.

On se répand en colonnes dans RI pour dénoncer un camarade qu’on vient d’exclure, dénoncer des « militants indignes » regroupés en fraction, on organise une Réunion publique-procès dans laquelle on accumule injures et calomnies, on promet une brochure (une Paranoïa-bis sans nul doute () destinée à « dénoncer » (entendez discréditer et déshonorer notre fraction). Et toute cette campagne diffamatoire contre une fraction qui, paraît-il n’existe pas ? Qu’eut-ce été si on avait fait au préalable, « l’erreur » de la reconnaître, l’erreur de reconnaître bel et bien l’existence de divergences, l’erreur de reconnaître à cette fraction une histoire qui plonge ses racines dans la propre crise de l’organisation. Mais alors, il eut fallu oser confronter non seulement cette fraction, mais également les questions qu’elle avait « osé » soulever.

Et comment expliquer que 9 militants, tous expérimentés, pour la plupart d’anciens militants, pour la plupart nommés à l’unanimité pendant des années dans les organes centraux, tous ayant des responsabilités militantes importantes, comment expliquer que ces 9 militants subitement se retrouvent sanctionnés, amenés à se constituer en collectif puis en fraction ? Comment expliquer de tels phénomènes ?

Les faits sont là : notre fraction existe. Elle s’est organisée pour survivre matériellement tandis que le CCI faisait tout pour l’en empêcher par ses sanctions répressives. Derrière les référence aux « réunions secrètes », on lui reproche de se réunir et de discuter. Derrière les sanctions on lui reprochait de chercher à vivre tout simplement. Et de chercher à s’assumer financièrement pour pouvoir fonctionner c’est-à-dire se donner les moyens de faire connaître ses positions, ce que le CCI lui refusait. Et comment s’obstiner encore a affirmer comme un aveugle que « cette fraction n’existe pas » lorsqu’elle a distribué 9 bulletins contenant une information de sa correspondance avec les organes centraux (OC), mais également des textes d’approfondissement (question des fractions dans l’histoire, danger du centrisme…) et des textes du mouvement ouvrier, des rapports d’activités alternatifs à ceux proposés par l’organisation lors de diverses échéances. Ces derniers publiés et repris au compte de notre fraction, les OC ayant refusé leur discussion au sein du CCI.

Jusqu’à présent, le CCI s’est toujours revendiqué du travail des gauches qui se sont opposées à la dégénérescence de l’IC. Il s’est toujours revendiqué de leurs apports théoriques politiques et organisationnels et de leurs méthodes, en particulier de la gauche italienne. Mais aujourd’hui il se retrouve du côté de ceux qui ont refusé le débat et tout fait pour l’empêcher par les pires des méthodes. Du côté de ceux qui ont condamné ces oppositions. Cela, tel que ne cessaient de le dénoncer déjà les oppositionnels dans les années 24-30 :

« Lorsque des divergences surgissent, cela prouve que la politique du parti est erronée, qu'il est incapable de combattre victorieusement les tendances déviationnistes qui, à certains tournants de l'histoire, se manifestent dans le mouvement ouvrier. Lorsqu'on enregistre des cas d'indiscipline, c'est encore un symptôme de cette incapacité du parti. La discipline est donc un point d'arrivée et non un point de départ, une plate? forme inébranlable. L'adhésion au parti étant volontaire, le remède aux manifestations d'indiscipline ne peut pas résider dans une sorte de code pénal du parti" (Bordiga à la 6e session de l'Exécutif élargi de l'IC, 23 février1923).

«…Les véritables responsables de l’opposition et des fractions ne sont pas ceux qui les font mais ceux qui les rendent inévitables » (Souvarine dans « A contre-courant »

Le CCI actuel se retrouve du côté, non du combat des oppositionnels contre la dégénérescence de l’IC mais du côté de l’IC dégénérescente reprenant ses mêmes méthodes pour faire taire les divergences et exclure ses propres oppositionnels.

Tout en prétendant lutter contre la calomnie, le CCI s’en fait aujourd’hui le porte-voix respectable. Il l’érige en principe théorique, en arme pratique contre ses militants. Il prétend lutter contre la calomnie mais son arme essentielle c’est la calomnie, c’est la culture de l’intrigue, de la basse man?uvre. Avec cette méthode, il entend bien que chaque individu se rangera de manière disciplinée, sans se poser de question, sans mener à bout une réflexion qui ne pourrait être considérée que comme suspecte.

CONCLUSION

La seule défense qui vaille la peine c'est la défense des principes révolutionnaires. Et le CCI, au cours de cette réunion, n'a pas défendu les principes révolutionnaires et prolétariens. La défense des principes aurait été : la défense de la méthode et le développement de la discussion politique et, au pire, s'il y avait eu des actes d'indiscipline, cela aurait été de faire comme Bilan : les mettre à leur juste niveau pour aborder les questions politiques et théoriques, cela dans un seul souci : délimiter les désaccords politiques.

Nous dénonçons le procès indigne qu’a constitué cette réunion publique  ; nous dénonçons les organes dirigeants actuels du CCI pour avoir fomenté une spectaculaire affaire contre un de ses militant qui n’a comme seul tort que d’avoir le courage politique de défendre ses convictions sans concession, fermement mais dignement.

Nous dénonçons comme irresponsables et désastreuses les pratiques actuelles du CCI visant à exclure et discréditer ses propres militants en désaccord avec sa ligne actuelle. Car au-delà de la fraction actuelle, ce sont toutes les divergences qui à l’avenir seront traitées selon cette même ligne par le CCI, qu’elles proviennent de militants ou d’organisations constituées.

Nous mettons en garde les militants révolutionnaires, sympathisants et contacts en recherche, les organisations communistes contre cette tendance se développant au sein de l’actuel CCI qui porte seul la responsabilité de ces ravages, actuels et à venir. Mais comme Boris Souvarine, aux Surréalistes venus le voir avant d'adhérer au PCF en 1928/29, nous ne les décourageons pas pour aller rencontrer le CCI et discuter avec et nous leur disons, comme lui : "Faites votre expérience!"

La Fraction. (04/06/2002)


III. INTERVENTIONS DE CONTACTS DURANT LA REUNION PUBLIQUE. QUEL BILAN EN TIRENT-ILS ?

Nous publions ci-après quatre documents qui nous ont été communiqués par quatre participants de la réunion publique du 4 mai. Il se trouve que leurs auteurs sont les camarades honteusement et lamentablement calomniés comme individus par l’article paru dans RI n°324/ WR n°225 de juin 2001. Deux de ces documents constituent le texte de l’intervention des camarades ST et P. dans la réunion même. Le lecteur pourra juger si l’intervention de ST était, comme le prétend l’article, « une suite de jérémiades totalement mensongères » et si celle de P consistait en « des leçons de morale ». Il pourra, en outre, prendre la mesure du refus opiniâtre du CCI, dans la réunion comme dans l’article de répondre sur le plan des idées politiques à ses contradicteurs.

Le troisième texte est la prise de position que nous fait parvenir le camarade JL (celui qui est attaqué dans l’article du CCI en tant que « ex-membre du BIPR »). Nous partageons avec lui son appréciation quant au véritable « procès de Moscou » que constitua cette RP ainsi que son évitement de tout réel débat sur les questions politiques concernant le travail militant communiste et la conception du mode de fonctionnement interne des organisations communistes. Par contre, nous voulons soulever ici un désaccord important que nous avons avec lui, lorsqu’il avance, dans les premières lignes de son texte, que, pour lui, « il ne s’agissait pas de débattre avec le CCI, dans la mesure où le débat ( ) lui-même n’est jamais d’aucune utilité : le débat c’est l’affrontement de thèses s’appuyant sur des effets oratoires et qui ressemble plus à un match de tennis où le spectateur finit par compter les points décernés, non pas au fond mais à la forme ». Ici le camarade semble rejeter, par principe et en général, toute utilité à la confrontation des idées dans le cadre d’une réunion publique, point de vue que nous ne pouvons que rejeter. S’il est bien sûr évident que la contradiction entre des thèses défendues par différents courants de la gauche communiste depuis des décennies ne sauraient trouver leur dépassement dans une seule réunion publique, cela ne veut absolument pas dire que leur confrontation publique soit condamnée forcément à se réduire à des « effets oratoires ». Si tel est le cas malheureusement aujourd’hui, cela vient de ce que la défense de sa propre chapelle prend le pas sur l’effort de clarification sur le fond des désaccords, et que pour cela on préfère déformer le point de vue « adverse » plutôt que de chercher à en comprendre le sens réel. Nous continuons pour notre part à défendre la conception des réunions publiques qui est celle, « en principe » du CCI depuis le début de son existence : constituer autant de moments vers une telle clarification, en relation étroite avec les questions pratiques posées par l’évolution de la situation et les préoccupations d’éléments prolétariens à la recherche d’un point de vue révolutionnaire authentique. Dans ce cadre, si le CCI avait toujours jusqu’à présent estimé très importante la participation de représentants d’autres groupes, ce n’est nullement au nom d’un « démocratisme ». C’est parce qu’il voulait faire de ses réunions non seulement l’occasion pour des éléments inorganisés (comme le dit d’ailleurs justement JL) « d’y voir plus clair » dans ce qui divise les groupes du milieu internationaliste, mais aussi, pour ce milieu lui-même, de se clarifier quant aux désaccords qui se maintiennent et à ceux qui peuvent être éventuellement dépassés. Nous pensons en effet, en nous réappropriant en cela « l’esprit pionnier » qui caractérisait le CCI des premières années (), que l’évolution du mouvement historique rend de tels dépassements possibles et nécessaires parce qu’il oblige le prolétariat à reformuler et à apporter des réponses à des questions théoriques non résolues et qui s’étaient cristallisées en différents courants à tel ou tel moment de l’histoire passée. De ce point de vue, la confrontation des points de vue de ces différents courants n’a rien d’un match de tennis, car il ne s’agit pas de « marquer des points » contre l’adversaire, mais d’oeuvrer à un enrichissement mutuel via une élaboration politique et théorique toujours vivante. Que la direction actuelle du CCI ait totalement renoncé à faire de ses réunions publiques un tel lieu de clarification et qu’elle ?uvre désormais à décourager de toute participation tous ceux qui ne partagent pas son point de vue n’est pas pour nous étonner. Quant à nous, comme fraction, nous continuerons à lutter, malgré la politique actuelle du CCI et donc malgré le présidium, à tout faire pour que les RP du CCI parviennent à remplir ce rôle. A ce titre nous invitons le camarade JL et tous les éléments et groupes prolétariens d’avant-garde à continuer à participer à ces RP, car il leur appartient à eux d’en faire ce que le CCI actuel ne veut plus en faire. A ce titre d’ailleurs, les différences d’appréciation que nous avons, à première vue, avec le camarade JL sur certaines questions (comme par exemple celle de la crise du PCI de 82) ne demandent qu’à être clarifiées et nous comptons bien continuer à mener cette discussion partout où cela est possible, dans les RP du CCI ou dans les pages de ce bulletin.

Enfin, pour en finir avec cette RP, le dernier texte que nous publions est la lettre que le camarade Al (quatrième et dernier « individu » attaqué par l’article pour « dérive vers le parasitisme ») a adressé au CCI dès qu’il a eu connaissance de l’article de RI. Nous estimons important que tous les militants du CCI ait connaissance de cette lettre. De plus, nous en partageons totalement l’esprit et le contenu et nous ne saurions en retrancher ni ajouter un mot, si bien que le lecteur peut la considérer comme représentant le point de vue de notre fraction sur cet article de RI/WR, qui ne mérite franchement pas qu’on s’y étende plus longtemps. Ce courrier nous permet de clore ce sujet. Et nous laissons le CCI se vautrer dans la fange qui dorénavant semble lui tenir lieu de débat politique et d’approfondissement théorique.

1. Intervention de Péd. (militant du CCI de 1976 à 1995)

J’ai un sentiment de «déjà vécu». Je ne sais pas si tout le monde, ici, comprendra ce que je veux dire, mais je peux rappeler qu’il y a 5 ou 6 ans, se tenait déjà une RP sur le même thème et avec en gros le même contenu.

Le CCI connaissait alors, ou venait de connaître, une de ces crises dont il semble avoir le secret depuis 1 dizaine d’années. Déjà, un horrible complot avait été ourdi contre lui par les forces coalisées de la police, de la franc-maçonnerie et que sais-je encore !

Cela l’avait amené à exclure (déjà) un militant dans des conditions plus ou moins confuses à mes yeux et cela avait entraîné le départ d’un nombre non négligeable de militants dont certains parmi les plus anciens et les plus expérimentés (y inclus un des principaux membres fondateurs en la personne de RV).

Mais, nous dit-on par la suite, cela avait permis au CCI de comprendre bien des choses et la crise avait été dépassée. Le CCI avait désormais un tissus organisationnel sain et repartait de l’avant. En toute sincérité, j’en fus très content, même si un peu dubitatif.

Or, voilà qu’aujourd’hui, le CCI nous annonce qu’il est de nouveau amené à exclure un autre de ses militants fondateurs, pour des raisons qui me semblent tout aussi obscures. Là encore, un nombre important de militants anciens et expérimentés quittent le CCI, sous la forme d’exclusions déguisées d’après ce que je comprend. Des départs tels qu’on en arrive à la situation où il ne reste plus qu’un ou deux des éléments fondateurs d’après ce que j’ai compris. Sans être obnubilé par des questions de personnes, le fait est troublant et ramène à la mémoire un passé funeste – la chasse à la vieille garde bolchévik dans l’IC. Je ne tire pas de trait d’égalité entre les 2 situations et je ne parle pas de stalinisation du CCI, cela va sans dire.

Il y a cependant certaines différences avec la période et la crise de 93/96. J’ai appris l’existence d’une Fraction au sein du CCI. J’ai lu certains documents écrits par cette F et les questions qu’elle pose méritent débat à mon avis. Il va sans dire que pour mener ce débat, il faut 2 interlocuteurs au moins. Si je n’ai pas à juger de la pertinence du regroupement en tant que fraction dans ce cas précis, je sais que toute l’histoire du mouvement ouvrier montre que ce n’est pas à la majorité de l’org. de décider du bien ou du mal fondé de la décision de militants de se déclarer fraction.

L’existence de cette Fraction est significative. Que le CCI la reconnaisse ou pas, elle existe et son existence révèle plusieurs choses.

- Soit la crise de 93/96 n’a pas été résolue et le CCI s’est trompé à cette époque en croyant l’avoir dépassée et, probablement sur la nature même de cette crise et donc la façon d’y faire face.

- Soit elle avait été dépassée et il faut se demander à quoi est liée cette propension du CCI à faire naître en son sein des crises organisationnelles à répétition.

- Soit les militants les plus expérimentés du CCI sont généralement pas très solides.

- Soit enfin, il existe d’autres causes à ces crises que des questions de fonctionnement et il est urgent de se pencher dessus.

Dernière chose.

- Le thème de la RP est la défense des organisations communistes. Et je suis en parfait accord avec l’idée qu’il est essentiel de les défendre.

Défendre les organisations communistes, c’est défendre leur existence concrète, c’est aussi défendre leurs principes organisationnels, leurs fondements théoriques et programmatiques, leurs bases politiques ainsi que le fait que selon des délimitations précises, il existe un Milieu politique prolétarien (MPP).

C’est pourquoi je ne comprend pas que pour cette RP, le CCI n’ait pas fait en sorte que les groupes de ce MPP soient présents. Il y a peut-être eu une initiative ….. ? ? ? ?

Le CCI, tel que je l’ai connu dans les années 70, 80, aurait pris une telle initiative.

D’après ce que je sais, la Fraction, elle, face aux problèmes que connaît le CCI a pris l’initiative de se référer au MPP. C’est là une attitude cohérente et responsable dont la majorité du CCI aurait dû s’inspirer.

- Afin de me présenter succintement : j’ai été militant du CCI, de 76 à fin 95. J’ai quitté cette organisation lors de la crise de cette période, ne pouvant supporter le fait d’être accusé d’être un «probable agent de l’Etat», d’être un « guru », d’« avoir cherché à constituer une bande à ma dévotion au sein de l’organisation ». A ma demande formelle, en 97, d’être confronté à un jury d’honneur, le CCI a opposé une fin de non recevoir.


2. Intervention de ST (militant démissionnaire en octobre 2001)

Je tiens à faire un commentaire sur la dernière livraison du CCI sur la fraction où entre autres inepties il est allégué :

« Deux autres militants que Jonas présentés comme des « centristes » et qui avaient également participé aux réunions secrètes du « collectif », ont préféré démissionner plutôt que d’adhérer à la « fraction » et de suivre la lamentable trajectoire de ce regroupement parasitaire. »

Les remarques suivantes :

Le fait que le camarade Jonas émette une caractérisation politique du positionnement de camarades tranche avec les caractérisations données par le CCI qui ne parle que d’orgueil blessé tant sa vision n’est pas politique mais individuelle.

La méthode qu’utilise le CCI pour diaboliser la fraction en induisant que je ne n’en serais pas membre car il s’agirait d’une lamentable trajectoire de ce regroupement parasitaire est une pure spéculation. Par contre la réalité est celle de ma démission du CCI.

En fait ce sont les conditions dans lesquelles est remise en cause la politique du CCI et sont produites les nouvelles orientations qui ont d’une part annihilé ma volonté militante et d’autre part ont rendu impossible ma présence en son sein du fait des pratiques organisationnelles.

Ces pratiques consistent notamment :

- à faire voter des rapports ou résolutions d’un organisme de circonstance sans qu’il soit possible d’en connaître les éléments ni d’en apporter d’autres dans une discussion collective et ouverte au sein de l’organisation. L’adoption des conclusions devant nécessairement précéder la discussion. Ainsi le CCI entérine une nouvelle méthode : la croyance remplace l’existence.

- à exercer des pressions sur des camarades allant même jusqu’aux affirmations telles que « le refus de voter mériterait l’exclusion » pour faire adopter des résolutions contenant volontairement des points centraux de désaccords que les organes centraux de l’organisation refusent de mettre en discussion. Cette politique de pression et de provocation à l’égard de divers camarades est clairement une politique destructrice.

La nouvelle politique du CCI s’est également caractérisée par un début de théorisation de la question des individus ayant une place particulière au sein de l’organisation en adoptant un texte d’orientation sur la question de la « confiance » et s’appuyant pour partie sur l’analyse de l’existence d’un clan, alors qu’il est interdit de discuter de ce point. Par ailleurs et contradictoirement, la nouvelle orientation prétend adroitement et tactiquement que cela « reste à discuter » !

Toute cette politique n’est pas nouvelle et relève du fonctionnement des partis bourgeois ou opportunistes comme le montre Lukacs . Citant Max Weber (Wirtschaft und Gesellschaft) dans ses Remarques Méthodologiques sur la Question de l’Organisation, sept 1922, Histoire et Conscience de l’histoire, page 258, qui définit très correctement ce type d’organisation : « toutes ont ceci de commun qu’à un noyau de personnes qui ont la direction active, s’associent des «membres» ayant un rôle essentiellement plus passif, tandis que la masse des adhérents ne joue qu’un rôle d’objet ». Lukacs ajoute que « ce rôle d’objet n’est pas supprimé par la démocratie formelle, la « liberté » qui peut régner dans ces organisations, il est au contraire fixé et rendu éternel. »

C’est ce qu’on retrouve dans la pratique organisationnelle actuelle du CCI. Cela est plus particulièrement vérifié dans sa manière de traiter le droit de la fraction de se présenter devant un congrès. Le noyau de personnes ayant la direction active enjoignant de reconnaître les raisons avancées de leur condamnation pour pouvoir se présenter non pas devant le congrès mais devant une commission d’appel (création de circonstance) composée des dits membres ayant un rôle essentiellement plus actif.

En fait je suis frappé par Lukacs qui décrit un phénomène qui se développe au sein du CCI :

En conséquence, se manifestent nécessairement entre eux les deux conceptions également fausses sur le cours de l’histoire qui sont interdépendantes et apparaissent toujours en même temps : une surestimation volontariste de l’importance active de l’individu (du chef) et une sous-estimation fataliste de l’importance de la classe (de la masse). Le parti s’articule en une partie active et une partie passive, et la seconde ne doit pas être mise en mouvement qu’occasionnellement et toujours au commandement de la première. Lukacs Remarques Méthodologiques sur la Question de l’Organisation, sept 1922, Histoire et Conscience de l’histoire, page 359

L’illustration est la politique du scandale du CCI, celle-là même que nos devanciers ont déjà dénoncée. « La chasse aux fractions, l’orchestration de scandales, la surveillance policière, la méfiance entre les camarades, toute cette méthode (...) constitue en réalité le pire fractionnisme (...) Discours du représentant de la Gauche à la V° séance -26 février 1926- de la 6° session de l’Exécutif élargi de l’IC. Bordiga

Cela à pour but de faire appel non pas à la conscience des militants mais a insuffler le « patriotisme de parti » tel que le constate Victor Serge dans ses Mémoires d’un Révolutionnaire.

Comme toutes les formes sociales de la « civilisation », ces organisations reposent sur la division du travail la plus précise et la plus mécanisée, sur la bureaucratisation, sur une mesure et une distinction précises des droits et devoirs. Les membres ne sont attachés à l’organisation qu’avec des parties abstraites de leur existence, et ces attachements abstraits s’objectivent sous forme de droits et de devoirs distincts. Lukacs Remarques Méthodologiques sur la Question de l’Organisation, sept 1922, Histoire et Conscience de l’histoire, page 359

Ce passage donne un cadre à la politique organisationnelle du CCI contre sa fraction qu’il cherche à contenir dans ses devoirs ou prétendus tels, sans lui donner de droits ne serait celui d’être tel que le prévoient les Statuts mêmes du CCI en référence aux combats menés par les organisations prolétarienne du mouvement ouvrier.

Enfin pour le CCI « le militant honnête et courageux que [j’ai] été pendant plus de dix ans n’est pas encore devenu un cadavre » (lettre du SE de RI du 8 octobre 2001). Cette vision largement est pour moi une expression caricaturale du caractère sectaire qui a envahi le CCI. Parti d’une expression de MC par rapport à un camarade démissionnaire ce thème a évolué dans une pratique sectaire digne du « Patriarche ». En effet cela est devenu le modus operandi de la démission que de couper tout lien personnel avec un camarade démissionnaire, particulièrement et consciemment pour lui faire ressentir le « manque que représente le CCI dans sa vie » dixit l’actuel Patriarche du CCI. Ainsi on en arrive à la situation où, même dans une discussion sur la question de ma démission avec une délégation, on m’interdise toute prise de notes car « il y a une prise de notes sur micro », puis qu’à la fin de l’entretien on affirme péremptoirement que « les notes appartiennent à l’organisation ». On veut par ces procédés :

ST le 4 mai 2002


Correspondance de JL. (ex-militant du BIPR)

Le 4 mai 2002

Un « Procès de Moscou », Porte de Choisy !

Ayant noté que le C.c.i. – courant communiste international – organisait une réunion publique ayant pour thème « La Défense des Organisations Communistes », l’auteur de ces lignes crût relativement utile d’y aller. Utile, en fait, pour deux choses : tout d’abord, exprimer sa solidarité à l’égard des militants de la « Fraction Interne » exclue du Cci le mois précédant après tout un processus interne particulièrement incroyable dont même la presse publique du Cci traduit le niveau, ensuite, affirmer les principes du travail militant communiste. Par rapport à ce dernier point, précisons tout de suite qu’il ne s’agissait pas de débattre avec le Cci dans la mesure où le débat en lui-même n’est jamais d’aucune utilité : le débat, c’est l’affrontement de thèses, des analyses opposées s’appuyant sur des effets oratoires et qui ressemble plus à un match de tennis où le spectateur finit simplement par compter les points decernés non pas au fond, à la substance relative au traitement du sujet, mais à la forme, à la manière plus ou moins habile de défendre son analyse. Le Cci est bien connu pour sa volonté de se confronter à d’autres tendances et, en particulier, celles supposées appartenir à un supposé « milieu politique prolétarien » regroupant toutes les organisations se référant à la Gauche Communiste historique mais à condition d’avoir été labellisées par le Cci lui-même sous peine d’être rejetée comme «groupe parasitaire »… Mais, ces soi-disant confrontations ne sont que la mise en place de tribunes partagées qui ne peuvent qu’apporter la confusion et la remise en place des mécanismes démocratiques que les héritiers de la Gauche Communiste sont supposés avoir rejetés !

Qui arriva un peu en avance par rapport à l’heure annoncée – 17 heures – fut surpris de voir que la salle choisie était bien plus grande que d’habitude et que, surtout, celle-ci était déjà presque pleine ! Pourtant, après vérification, il s’agissait de la salle où devait avoir lieu la réunion du Cci et il n’était que 16h45… Il restait quelques sièges au fond de la salle où l’on pouvait donc s’installer. Après quelques regards circulaires sur l’assistance, il fallut bien se rendre à l’évidence : la salle était totalement composée de membres ou de sympathisants du Cci venant non seulement de toute la France mais aussi de toute … l’Europe ! Des militants d’autres organisations, des jeunes intéressés par l’énoncé de points fondamentaux du marxisme : point ! Heureusement, arrivèrent peu après quelques membres de la « Fraction Interne » puis quelques anciens membres du Cci en ayant démissionné dans les années précédentes ou en ayant été exclus récemment et, enfin, deux personnes en contact avec le milieu internationaliste cherchant à y voir plus clair dans la confusion de ce dernier.

Qui pouvait avoir encore le moindre doute se trouva définitivement fixé sur ses intentions en entendant le rapport présenté par le Cci. Ce rapport dura près d’une heure et demi et fut stupéfiant même pour un militant habitué au milieu internationaliste et au Cci en particulier. Le discours présenté à l’assistance, disons spéciale, se trouva être en fait une présentation des vicissitudes internes du Cci avec une très faible référence aux éléments historiques pouvant leur être reliés ! Autrement dit, ce rapport fleuve ne pouvait être compris que par un membre ou un sympathisant du Cci ou par une personne ayant bien suivi les circonstances ayant menées à la constitution de la « Fraction Interne »et à son exclusion.

S’agissait-il d’une « réunion publique » ou bien d’un réunion interne ? La réunion était-elle destinée à des prolétaires ou à des jeunes cherchant à savoir comment doit être constituée une organisation communiste, comment elle s’organise et comment elle se « défend » en période de contre-révolution et de relative passivité du prolétariat ? Ou bien, ne s’agissait-il pas plutôt d’une conférence interne européenne ?

Mais, après le rapport – disons introductif – il fallut se rendre compte que l’on n’avait pas encore assisté au pire ! Comme d’habitude, le Cci donna la parole à la salle. Après une première intervention d’un militant convaincu du Cci, un membre de la Fraction prit la parole pour essayer, tant bien que mal, de défendre l’intégrité de celle-ci. Parlons d’intégrité car, aussi incroyable que cela paraisse, l’essentiel du rapport introductif comme les premières interventions du Cci depuis la salle comme toutes celles qui suivirent ne firent qu’attaquer la Fraction non pas sur le plan de positions politiques mais sur les faits, les petites histoires, les relations individuelles qui d’abord amenèrent à la création de la Fraction puis à l’exclusion de celle-ci en commençant par la fameuse – si on peut dire – affaire Jonas !

Espèrant qu’il puisse y avoir quelqu’un de sensé dans l’assistance, le seul militant n’étant ni du Cci ni de la Fraction ni un ex de l’un ou l’autre – enfin, pas récemment – effectua une intervention pour affirmer le caractère anormal de la présente réunion et la nécessité d’aborder les véritables questions de fond. Celui-ci, auteur des présentes lignes, essaya de rappeler que les organisations révolutionnaires n’étaient pas à l’abris de toute dégénérescence et que même les grandes figures de l’histoire du mouvement ouvrier avaient souvent abandonné les structures organisationnelles qu’ils avaient contribuées à faire surgir : par exemple, Marx et Engels appelèrent à la dissolution de la Ligue des Communistes car elle ne servait plus au renforcement et à la défense du programme communiste. Pour utiliser un exemple plus récent, je rappelais que l’éclatement du Parti Communiste International (Programme) en 1982 n’était pas dû à des circonstances ponctuelles mais au résultat d’un long dépérissement ayant commencé au moins autour de 1972 ; cet éclatement fut positif en ce qu’il libéra la voie au développement d’un véritable travail communiste et à une authentique défense du programme communiste. C’est d’ailleurs, entre autres éléments, ce qui m’amena – depuis quelques mois – à travailler avec le collectif militant organisé autour de la revue n+1 dont l’origine remonte à l’ancienne section de Turin du Pci-Programme.

Après un nouveau déluge d’insanités déversé par divers membres du Cci, je décidai de m’inscrire à nouveau, comme il faut le faire pour pouvoir parler, pour rappeler quelques principes de base complètement passés sous silence, c’est le moins que l’on puisse dire.

A 20 heures, le fameux « praesidium » – c’est ainsi que se qualifie la tribune du Cci – précise qu’il y a treize « inscrits » pour prendre la parole ! Je commence à m’inquiéter sérieusement : peu, après, le Cci ajoute que ce n’est pas grave, la salle est louée jusqu’à 23 heures ! Je rappellerai simplement que le spectacle a commencé à 17 heures…

Cerise sur le gâteau : une intervention surréaliste ; un individu prend la parole, c’est un ancien militant du Cci démissionnaire il y a quelques années, du vivant encore de Marc Chyrik – dit M.C. ou pour les intimes, Marc, principal fondateur et inspirateur du Cci – et à qui ce dernier avait dit qu’il serait « lobotomisé » en quittant l’organisation. Dixit cet individu : effectivement, quand j’ai quitté le Cci j’étais bien été lobotomisé ! mais apparemment la situation n’a pas changé ! Donc, tout « lobotomisé » qu’il est, eh bien, monsieur est revenu tout récemment au Cci et se trouve maintenant en position de « sympathisant » ! Ah ! sous quelles fourches caudines ne faut-il pas passer pour rentrer en grâce au yeux des nouveaux maîtres !

Il est 20heures 35 . Je commence à « craquer ». Bien que je me sois inscrit dans les premiers, je ne suis toujours pas « autorisé » à prendre la parole : il y a toujours 13 ou plus inscrits ; je ne sais quand est-ce que j’aurai la « chance » de passer et de pouvoir m’exprimer. Je n’en peux plus, je quitte la salle…

Il aurait, pourtant, bien été nécessaire de parler des modes d’organisations, de la discipline, du centralisme démocratique, du stalinisme, et de ce qui – à mes yeux – est le seul mode de fonctionnement acceptable par les communistes aujourd’hui – le centralisme organique. J’aurais voulu évoquer ces textes fondamentaux que sont – entre autres – « Le Principe démocratique » et « Organisation & Discipline communistes » ainsi que l’expérience de la Gauche « Italienne ».

Mais, le sourds ne peuvent entendre et à l’impossible nul n’est tenu !

Puisse cette nouvelle crise du Cci – peut-être bien la dernière dans le sens où maintenant l’état de secte desséchée et impuissante devient une réalité – libérer l’horizon pour l’émergence d’une authentique organisation révolutionnaire qui lève bien haut l’étendard du programme communiste et soit en prise avec la réalité du mouvement social et historique !

Voilà donc comment il fût possible d’assister à un petit, tout petit – au sens mesquin et misérable – procès de Moscou en plein Chinatown parisien !

Qui a dit que le stalinisme était complètement mort ?

Merci au Cci de nous montrer justement et si grossièrement ce qu’il ne faut pas faire !

1er juin 2002

J-L O.


Lettre d’Al (ex-militant, démissionnaire en 1993) au CCI suite à la publication d’un compte-rendu de la réunion publique dans RI n°324

        

Le 01/06/02

Camarades,

Je viens de recevoir le dernier n° de R.I.et avant même de l’avoir lu en entier il me paraît tout à fait prioritaire de vous répondre sur votre appréciation de la R.P.du 04/05/02.

Tout d’abord sur la forme :

Tout au long de l’article, vous prétendez vous situer en tant qu’organisation, à un niveau de nature politique différente donc de ‘la camarilla des amis de Jonas’. Mais si il est parfaitement juste qu’une organisation se distingue nécessairement de ses éléments, et de tous les individus qui l’entourent ne serait-ce que par les tâches historiques qui sont les siennes et que ne sauraient assumer en tant que tels des individus, même les plus brillants d’entre nous, vous apportez la preuve dans ce long article de dénigrement que vous êtes malheureusement loin d’assumer une telle distinction. Comme je vous le disais dans tous mes couriers de 2001, je suis le premier à le regretter croyez le bien !

Ce qu’on attend d’une organisation même lorsqu’elle est en bute à des difficultés internes, c’est de nous donner un avis politique de la situation et non une série d’invectives dont la vacuité politique est directement proportionnelle à la haine de ses auteurs.

En premier lieu vous vous en prenez à l’ex-militant du BIPR, en qualifiant son intervention de « hauts cris » alors que celle-ci avait un ton des plus posés. Ensuite vous rappelez qu’à une RP précédente vous avez jugé « irresponsable de la part de ce militant d’avoir quitté le BIPR parce qu’il avait des désaccords avec son organisation sur l’analyse des événements du 11 septembre » mais qu’en saviez-vous au juste ? Avez-vous pris le temps de lui demander pourquoi il avait quitté son organisation ? Même pas ! Vous l’avez invectivé d’irresponsable dès lors qu’il vous est apparu en désaccord avec vous-mêmes dans la façon dont vous avez traité vos propres militants en les excluant après leur avoir interdit de parler.

C’est pour mieux cacher votre combat contre tout ce qui ne soutient pas votre politique qu’il vous paraît profitable de médire sur tout élément communiste qui présente une opinion différente. C’est avec l’irresponsabilité d’un éléphant dans un magasin de porcelaines que vous piétinez sans vergogne l’unité des communistes qui entendent participer à vos réunions publiques alors qu’une organisation responsable ne sèmerait pas ainsi la division dans un milieu censé unifier les forces prolétariennes, et s’efforcerait d’écouter les opinions politiques de tout un chacun pour y répondre afin de contribuer à clarifier les consciences. Est-ce vraiment ainsi que vous entendez être utile aux intérêts généraux du prolétariat ? Ne vous rendez-vous pas compte que ce faisant vous sacrifiez ce qu’on a de plus précieux dans nos rangs pour le bénéfice sordide de celui qui parle plus fort, qui frappe plus fort, qui insulte plus fort. Bénéfice qui s’envole aussitôt qu’on se trouvera tous mis au même rang d’avant-garde dès que la situation des classes va se tendre et prendre une tournure politique grave. Mais les dégâts seront faits.

La médisance ne vous quittera plus tout au long de cet article bien que vous prétendant la pourfendre et en être la principale victime.

Dans la note 2, avec l’usage malhonnête de la formule « qui se ressemble, s’assemble » vous identifiez la Fraction à l’avis personnel de ce camarade qui non seulement n’a jamais prétendu partager l’opinion de la Fraction à propos de l’éclatement du PCI en 1982 mais de plus a sans doute conscience que l’avis de cette dernière diverge du sien. Comment mieux avouer le fait que sa présence vous insupporte ? Et à quel titre une organisation devrait insupporter une opinion sur l’éclatement du PCI ? Au nom de quel principe prolétarien ?

Ensuite vous nous réservez ce plat qui commence à vieillir sérieusement selon lequel des ‘amabilités’ entre lui et la Fraction signent leur connivence dans une hostilité commune au CCI et à l’ensemble du MPP. Mais cela dévoile très nettement votre conception : une personne affirmant un avis personnel, participant simultanément à une même réunion, où une Fraction donne son point de vue sur un tout autre sujet et d’une façon toute différente, serait ainsi par la simple simultanéité de leurs propos et par ce que vous interprétez être un « échange d’amabilités » sont ennemis du CCI et du MPP. Il vous en faut décidément très très peu pour vous découvrir des ennemis mortels, au point qu’on se demande si c’est pas à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur que nichent les promoteurs de vos difficultés politiques, d’autre part il est désolant que votre importance politique ne soit plus que proportionnelle aux attaques et à l’animosité supposée de quelques individus somme toute bien peu hostiles.

Vous n’osez pas dire clairement que vous voulez chasser cet élément et tous les autres, ceux qui seront sympathisants avec la Fraction en premier lieu de toutes possibilités de discussions politiques, car ce serait avouer que vous ne tenez plus à ce que les RP du CCI soient un lieu d’échange et de polémique fidèle aux traditions du prolétariat, mais c’est ce que vous faites en pratique et c’est sans doute ce qui explique que vous y mettiez une telle hargne !

Vous dites avoir « donné la parole en priorité aux membres de la Fraction » c’est faux, il n’y a qu’un membre de celle-ci qui a demandé la parole. Ensuite, pour ce qui me concerne et bien que je ne sois pas membre de la Fraction, vous avez passé nombre de vos militants du CCI inscrits bien après moi dans le tour de parole, aussi vos scrupules démocratiques selon lesquels vous donnez généreusement la parole à vos contradicteurs ne sont que mensonges. Mais cela ne doit pas nous étonner dans une organisation à ce point hargneuse de tout ce qui la contredit politiquement.

Plus important est l’invective suivante : « nullité politique de ce clan parasitaire » pour désigner les sympathisants de la Fraction dans lesquels je me range. Comment pouvez-vous trouver nuls des arguments que vous ne faites pas figurer dans votre prétendue polémique ? Sur quelles bases nous traitez-vous d’éléments d’un clan ? enfin, sur quelles bases politiques nous jugez-vous être parasitaires ? Une seule réponse pour ces questions pourtant fort différentes se dresse dans votre article : vous n’êtes pas d’accord avec nos avis particuliers. Ainsi tout ce qui n’est pas d’accord avec le CCI prend le risque d’être invectivé de nuls, de clan et de parasites... C’est significatif de votre entêtement à exclure l’argument politique de vos jugements !

Vous traitez l’intervention de ST de « mensongère », alors que vous connaissez très bien l’intégrité de ce camarade qui a servi la cause du prolétariat sans jamais mettre en avant un quelconque intérêt personnel, mais cela pensez-vous, vous disculperait de devoir répondre à ses arguments, ils sont en effet très gênants puisqu’ils se fondaient exclusivement sur des faits incontestables, alors on dit à ses lecteurs que ce sont des mensonges et l’affaire est dans le sac !

Vous le traitez ensuite de « gros menteur et de gros vantard » n’hésitant pas à franchir la frontière de la vulgarité propre à ceux qui n’ont que la pirouette de la ridiculisation pour se donner une contenance politique.

Vous n’avez aucun scrupule à lui prêter une collusion « avec les copains de Jonas » alors qu’il vous exposait sa propre expérience bien avant que Jonas ne soit l’objet de la violence politique avec laquelle vous l’avez traité, et qu’il n’a pas plus été ni est un copain de Jonas que chacun d’entre-vous. Estimez-vous donc que les militants doivent être des copains ?

Avec celle de Péd., la hargne reprend tous ses droits et vous n’avez à opposer à ses arguments que les esquives suivantes :

Au titre qu’il n’est pas venu aux RP du CCI depuis des années vous vous estimez en droit de ne pas avoir à répondre à ses arguments. Drôle de logique qui révèle que ce que vous attendez de vos participants concerne bien plus une fidélité à vos cérémonies qu’une expression sincère de leur opinion personnelle.

Ensuite vous qualifiez son intervention de « leçon de morale » sans en citer un mot. Mais vraiment c’est l’hôpital qui se moque de la charité car en matière de leçon de morale vous êtes insurpassables. Quand bien même aurait-il voulu faire une leçon de morale, cela ne vous disculpe pas de l’obligation que toute organisation a de répondre, après avoir invité une assemblée à se prononcer, y compris de façon critique, aux arguments d’un opposant que vous les jugiez moralisateurs ou pas. Mais que devriez-vous dire de vos propres supporters qui tous, n’avaient qu’un souci moral à la bouche pour mieux prouver leur soumission au catéchisme organisationnel.

Mais peut-être le mot « d’honneur militant » vous est-il vraiment insupportable et c’est pourquoi vous le rabaissez à de la morale alors qu’il vous demandait de reconnaître que vous avez été les premiers et nous tous avec, à traiter vos propres militants de gourous, d’agents policiers, d’individus louches, et autres insultes devenues dramatiquement courantes chez vous pour qualifier vos anciens militants.

Répandez la calomnie il en restera toujours quelque chose...

Quant à mon intervention vous l’ignorez tout benoîtement au titre qu’elle vous a été ‘incompréhensible’... Piètre façon d’évacuer le politique pour le réduire à de l’hostilité gratuite. Toujours fidèles à vos thèses obscurantistes vous attribuez à Jonas, à travers mon exemple, le don de « transformer les sympathisants du CCI en ennemis de celui-ci » et on ne peut que se demander comment un militant qui avait un tel pouvoir magique à renverser les convictions a pu échouer à vous subjuguer (à moins d’une héroïque bataille que vous avez bien menée contre le mal, tel Mao écrivant après coup ses souvenirs héroïques). Mais puisqu’il vous semble que sa simple baguette magique suffit à transformer les amis en ennemis, sans doute pouvait-il aussi transformer les sceptiques en fidèles ! C’est là toute la faiblesse de votre raisonnement.

C’est ensuite avouer la bien piètre opinion que vous avez de la conscience politique de vos ‘supporters’ comme vous dites avec cette vulgarité de grand seigneur, puisqu’il suffit d’une opération hors de toute raison pour leur faire changer d’avis du tout au tout ! Voilà quelques phrases qui me confirment dans le désaveu de votre politique dès le jour où elle m’a semblé politiquement malsaine, les raisons de votre incompréhension étant à rechercher chez vous et non chez moi. Si la volonté de comprendre était vraiment vôtre, commencez donc à répondre aux arguments politiques de mes derniers courriers et publiez les en votre sein avec vos réponses, après seulement vous serez en droit de dire que mes opinions défient les lois du raisonnement et vous serez en droit d’estimer objectivement la surprise de vos militants de me voir parler comme je l’ai fait à cette RP. Si naturellement ils n’ont pas été mis au fait des convictions politiques que je défends, en temps utiles, ils ne peuvent qu’être surpris de le découvrir subitement, mais en aucun cas cette surprise est un argument sérieux pour expliquer le tournant pris par une ancien compagnon.

Sur le plan politique :

La première chose à constater est que le CCI préfère encore et toujours le procès des personnes plutôt que le procès des idées, par conséquent il n’est pas étonnant dès lors que des contradicteurs se réunissent vous criiez à l’hostilité, au danger d’encerclement et autres fantasmes persécutants selon lesquelles la bourgeoisie veut à cet instant présent et de façon immanente votre disparition définitive.

C’est la politique resucée qui a été celle des organisations dégénérescentes selon laquelle la négation des positions d’une organisation se résout à une négation des organisations elles-mêmes.

On voit bien avec désolation que cette politique contient la négation de la polémique politique et que le CCI au lieu de combattre efficacement contre ses contradicteurs, combat le débat politique dans le MPP au titre que celui-ci est animé nécessairement d’une intention destructrice.

Suite à cette RP il ne fait encore moins de doutes pour moi, comme je le relevais déjà dans la réunion à laquelle vous m’avez invité pour « me mettre en garde contre la constitution de la Fraction » (oct.2001), que c’est le CCI qui a intérêt à étouffer la discussion politique et qui génère ce climat d’oppositions des personnes que vous faites mine de déplorer.

Une telle politique se fonde sur l’objectif de démoraliser les contradicteurs plutôt que de les convaincre à évoluer en toute conscience. C’est ce qui explique que dans vos réponses votre premier souci consiste à dénigrer les individus plutôt qu’à vous opposer à leurs idées, vous cherchez ainsi à les impressionner, à faire entrevoir la menace d’une dénonciation de leur vie, de leur passé individuel, de leurs amitiés, de leurs inimitiés aussi, bref de leurs difficultés à vivre en tant qu’individus. Alors qu’ils viennent dans les réunions du CCI pour demander à ce qu’on entende leurs arguments, vous ignorez leurs idées et mettez les projecteurs sur leur individualité.

C’est une politique de terreur dont le maniement vous est devenu systématique : une dose franche pour Jonas avec dénonciation publique dans la presse, une dose relative pour Olivier dans la recherche sordide d’une hypothétique division, un rappel vicieux de ce qu’ont été les positions du passé en contradiction avec les leurs d’aujourd’hui, un rappel du soupçon sur Péd. tout en niant l’avoir fait, une caricature du parcours de J L dont votre critique ne prouve qu’une chose : c’est que la fidélité à une organisation est la seule qualité politique d’un communiste, enfin, l’usage de la moquerie vulgaire sur la physionomie de St pour faire oublier au lecteur votre incapacité à répondre à ses arguments.

C’est avec consternation qu’il nous faut constater que ces divers effets polémiques ont une même intention intime : semer la terreur dans les consciences, lutter bec et ongles contre toute contradiction politique, faire feu de tout bois contre l’affirmation des consciences, qu’elles soient politiquement contradictoires ou non avec vous d’ailleurs, puisque ce mode terroriste de gestion des confrontations politiques s’adresse tout autant à vos propres militants qu’à vos contradicteurs ; pour les uns comme vaccin pour les autres comme traitement curatif.

Même du point de vue de votre propre intérêt politique cette méthode produira des résultats désastreux et ne serait-ce qu’à ce titre il nous faut nous y opposer opiniâtrement.

En effet, vous faites reposer la cohésion politique interne non sur l’homogénéité des positions politiques acquise par le maximum de militants, selon le patient travail de conviction qui a toujours été le mode de développement du communisme, mais cette cohésion interne que vous semblez violemment désirer est devenue chez vous le produit de la terreur.

Par exemple pour St, vous raillez son « goût pour les pantoufles » mais croyez-vous que c’est ainsi que vous vous disculperez de la responsabilité d’avoir transformé les motivations de ce camarade en dégoût pour le militantisme ? Quel bilan tirez-vous de cette simple réalité qu’en à peine plus de dix années (depuis les théories du clanisme en fait) le CCI a dégoûté plus de camarades expérimentés, attachés pendant des décennies à la lutte organisée, qu’il n’en a intégré ? Pourquoi l’objectif de construire une organisation grandissant numériquement et se renforçant politiquement ne serait plus possible pour le CCI ? Ah oui j’oubliais : « parce que le CCI est truffé d’agents bourgeois qui oeuvrent à sa disparition » et comme cela ne saurait suffire à expliquer ces difficultés car, à ce que l’on sache, l’infiltration policière n’a jamais empêché le parti bolchévique ou toute autre organisation révolutionnaire d’être présente sur le terrain de classe aux moments décisifs, « c’est parce que depuis l’avènement de la décomposition sociale, les individus, même militants, même communistes depuis des décennies, se transforment soudainement en gourous, font du mobing et se regroupent au sein même du CCI en clans sans foi ni loi ».

Mais, ce faisant, vous détruisez le principe même du parti communiste, au bénéfice d’une idéologie petite-bourgeoise pseudo psychologisante dont il est facile de dévoiler les fondements en relevant simplement que le terme de ‘mobing’, élevé par le CCI au rang de concept social historique, décrit la terreur de la multitude que ressent la bourgeoisie, et s’apparente à la dénonciation de relations sociales soi-disant ‘atypiques’ pour les rapports d’exploitation capitalistes. Quelle plus belle preuve de votre dérive théorique que l’usage de ce terme dans votre article nous révèle, lorsqu’on sait que la bourgeoisie anglaise, connue pour son élitisme, utilise ce terme dans la formule « the mob rule » pour désigner péjorativement « la loi de la rue » ou « la loi de la foule » (cf. Robert et Collins dictionnary). Vous voilà désormais les répétiteurs de ce sentiment bourgeois par excellence fait d’un mélange de crainte et de mépris pour la foule, pour la multitude humaine qui entoure, telle une menace sourde et grandissante, les citadelles capitalistes.

Ce que la moins originale des critique communiste aurait vu dans ces phénomènes de constitution de bandes urbaines, ‘d’espaces de non-droit’ comme dit la bourgeoisie, et plus généralement de collusions sordides d’intérêts individuels dans les relations du travail, à savoir le rejet de masses humaines de plus en plus énormes des rapports productifs capitalistes ‘normaux’ suscité par une organisation inédite de la concurrence entre salariés, c’est-à-dire le produit normal de sa crise, le CCI y voit lui une dégénérescence du prolétariat, une décomposition sociale de celui-ci qui est à mettre à son actif - ou son passif ce qui revient au même - atteignant même les cours de récréation dans lesquelles le CCI y voit le germe du nazisme (cf. note 3), non content de cette généralisation le CCI attribue ce cancer des relations sociales à ses éléments les plus conscients et de façon réitérée (clans en 93, gourous en tous genres depuis, Fraction clan Jonas en 2001, mobing en 2002, etc.)... Belle radicalité anti-capitaliste en effet qui augure très mal de l’attitude du CCI dans le futur lorsque cette multitude qu’on n’a cessé de dénigrer et de vomir depuis des lustres se lèvera comme un seul homme pour renverser l’ordre établi !

Quant aux autres arguments que vous brandissez dans cet article et qui ne sont malheureusement que de pure forme, sachez que si le CCI avait pris soin de nous avertir que la salle était louée jusqu’à tard dans la soirée peut-être aurions-nous pu rester jusqu’à la fin de la réunion. Par conséquent lorsque vous faites mine de déplorer notre départ ce n’est là qu’aveu de l’hypocrisie avec laquelle vous avez organisé toutes les conditions de ce départ et il est vraiment pervers de le déplorer après coup.

Un objectif central de votre réunion a été d’obliger tout intervenant à dénoncer l’attitude de Jonas à partir de votre seule description non objective des faits. Comme si vous aviez procédé à une sorte d’organisation d’un tribunal populaire. Mais si l’on s’en tient à votre goût pour les simulacres de justice bourgeoise vous devriez savoir qu’un procès n’est valable que lorsque toute une série de procédures sont respectées, ce que vous étiez loin de faire. Que d’aucuns se soient prêtés à ce simulacre de rendu de justice, c’est surtout politiquement malheureux car les pauvres, dans le dilemme que vous leur imposiez : « soutien au CCI = dénonciation de Jonas » qu’ils ne connaissent pour la plupart de vos supporters ni d’Eve ni d’Adam, et dont ils ne disposaient que du tissu de mensonges que vous avez eu le bon goût de leur servir pour se déterminer, ils ne pouvaient que fragiliser encore plus leurs convictions politiques et amoindrir le réel soutien à votre organisation. Car enfin, qu’espérez vous qu’il se passe dans la tête d’un sympathisant qui voit combien on est prêt dans cette organisation à dénoncer publiquement et violemment des militants qui ont été parmi les plus fidèles, les plus opiniâtres, les plus brillants, dans la lutte communiste de ces trente dernières années ? Pensez-vous un seul instant que cela va les séduire pour remplacer le vide que les dernières exclusions ont produit ? Sur quelles bases politiques espérez-vous renforcer leurs convictions, parce-qu’ils ont bien été disciplinés dans le procès, parce qu’ils se sont soumis à l’exigence incongrue du praesidium ? Croyez-vous sincèrement que c’est là de bonnes bases pour produire des hommes dont les responsabilités seront immenses, et qui n’auront demain que leur conscience pour prendre de lourdes décisions ? Que voulez-vous à la fin, des hommes soumis tels des soldats à un bureau des récriminations ou des révolutionnaires dans lesquels s’enracine l’intelligence de la lutte ?

En substituant le soutien politique d’une organisation à la dénonciation de Jonas vous n’avez fait en réalité qu’appauvrir un peu plus encore, le soutien réel, politique, au CCI en tant qu’organisation du prolétariat dont la tâche est historique et non procédurière.

Quant à l’épisode de cet intervenant qui se plaignait que sa « boite aux lettres était encombrée des bulletins de la Fraction » pourquoi ne pas lui avoir suggéré qu’il écrive à la Fraction pour qu’elle cesse de lui envoyer son bulletin mensuel ? Cela aurait été une solution simple pour laisser toute la place requise dans sa boîte aux lettres aux publicités fébriles de la surproduction capitaliste et économiser du papier du temps et de l’argent pour la Fraction et par conséquent au prolétariat révolutionnaire.

Enfin, vous dévoilez votre conception sordide des finances de l’organisation en estimant que les descentes violentes que vous faites et que vous envisagez de poursuivre chez d’anciens militants, sont justifiées par le fait que l’argent dont ils disposeraient et ne leur appartenant pas en propre, appartient en fait aux militants et sympathisants du CCI. Ne voyant pas ainsi que vous vous fourvoyez tout seul dans les affres de la logique de la propriété privée, laquelle permet tout autant aux contributeurs individuels qu’à n’importe quel groupe d’individus de revendiquer légitimement sa part du gâteau.

Mais le plus grave n’est pas là dans cette question. Il est que vous colportez l’idée que ces camarades de la Fraction seraient des voleurs. Or, que je sache, les camarades de la Fraction ainsi même que ceux qui n’en font pas partie et que vous assimilez à une camarilla, vous ont remis les fonds qui étaient en leur possession, à commencer par Jonas, Michel il y a peu premier gourou en titre, St, moi-même, etc... nous vous avons remis chacun plusieurs dizaines de milliers d’euros qui appartenaient au CCI, osez donc dire le contraire en face !

Lorsque vous dites que « le CCI continuera à exiger que la camarilla de Jonas restitue cet argent volé à la classe ouvrière », lorsque vous traitez vos militants de « racketteurs », de « petits malfrats », de quel délit parlez-vous ? Du fait qu’ils ne vous auraient pas rendu tous les fonds en leur possession ou de la part de cotisations que vous avez refusé d’accepter en fin d’année dernière ? ou encore de la part qu’ils réservaient pour financer leur activité de Fraction ? Où est le délit ?

Quelqu’un qui a perdu autant que le CCI actuel la mesure de l’honneur ne peut savoir quel renforcement de notre conviction de lutter il nous donne là à se fourvoyer dans l’insulte publique la plus basse.

Alors que vous savez très bien que St par exemple, alors même qu’il ne ressent plus aucune espèce de sympathie politique pour votre activité, continue de verser de l’argent mensuellement pour respecter ses engagements passés, pourquoi vous abaisser à le traiter de ‘racketteur’ et de ‘petit malfrat’ ? N’est-ce pas là l’aveu de toute la haine que provoque dans votre conception sordide, la crainte de leur opposition politique ?

Dans l’espoir têtu d’une réponse politique,

A.L.


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