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Compte rendu de la reunion du 17/03/2002 entre la fraction et le BIPR

Avertissement : nous n'avons pu comme nous le souhaitions envoyer à temps ce CR au BIPR afin qu'il en corrige les erreurs éventuelles que nous pourrions commettre dans la retranscription des interventions de ses militants. Si tel était le cas, nous nous engageons à publier les correctifs sur cette réunion qu'il jugerait opportun.

Cette réunion a eu lieu à la demande de la Fraction ( ). Elle concrétise sa volonté de s’adresser au MPP ( ) suite à ce qu’elle estime être une crise majeure du CCI et une dérive gravissime de celui-ci sur le plan de son fonctionnement interne, et, les deux étant intimement liés, sur le plan d’une dérive dans ses conceptions politiques notamment dans sa nouvelle manière d’appréhender la question du règlement de divergences politiques ou de situations de crise en son sein.

Cette réunion est historique car elle confirme que quelque chose est en train de se passer dans le milieu politique révolutionnaire. Nous l'avions déjà souligné auparavant. Mais le CCI actuel l'a oublié. Un processus de réflexion souterrain est engagé en profondeur dans notre classe. Cette réunion en est le témoin ; quand une volonté sérieuse de discussion s'engage; les organisations du milieu se mobilisent. Aujourd'hui, la tâche de rassembler les énergies révolutionnaires est de la responsabilité du BIPR, puisque le CCI a failli dans cette politique de regroupement des énergies révolutionnaires. Il est trop engagé dans une politique d’expulsion de ses rangs des éléments qu'il « juge » comme « dangereux ou parasites ».

La démarche qu’a eue notre fraction de s’adresser au MPP est inédite : jamais une minorité du CCI en divergences sur un ensemble de points n’avait eu le réflexe d’interpeller le MPP. Pourtant, cette démarche s’inscrit dans la tradition et les principes dont se revendique le CCI :

Ce sont en outre, ces mêmes principes que le CCI avait mis en œuvre à chaque fois qu’il a identifié en son propre sein, que des problèmes risquaient d’entraver son fonctionnement et par conséquent, son activité et sa capacité à remplir sa fonction au sein de la classe ouvrière. C’est ainsi que nous avions commencé à poser les termes d’un débat portant sur la confiance et la solidarité au printemps 2000 suite à diverses manifestations (notamment au sein de l’OC de RI) de « repli sur soi », d’attitudes conduisant à tourner en rond autour des difficultés au sein du SE (Secrétariat de l'organe central, la CE, de RI) s’accompagnant d’un refus d’en informer la CE (Commission Exécutive) et de l’associer à la réflexion collective sur ces difficultés, ou encore de comportements militants manifestement destructeurs qu’il importait d’identifier et de combattre collectivement et politiquement…. Et si dans un premier temps, ce débat fut clairement compris comme un débat nécessaire et vital par l’ensemble de l’organisation (cf. les rapports d’activités de la fraction), sa validité fut rapidement contestée plus ou moins ouvertement par trois camarades dans un premier temps, avant que cette orientation ne soit finalement abandonnée et même combattue comme expression de l’existence d’un « clan » dont les « gourous » successifs étaient curieusement identifiés en la personne des camarades les plus déterminés à défendre la politique « d’ouverture du débat à l’ensemble du CCI ». Cette vision qui voit dans une organisation révolutionnaire l'existence de gourou n'a rien à voir avec le mouvement ouvrier mais, au contraire, elle tend à calquer ce qui se passe au sein des organisations bourgeoises et n'est qu'une vision sectaire. Effectivement dans les "sectes" il existe des "gourous".

En ce sens, la démarche de notre fraction s’inscrit pleinement dans l’orientation et la pratique qu’a toujours eues le CCI, à l’intérieur comme vis-à-vis de l’ensemble du milieu politique, d’ouverture et de confrontation des positions et analyses. Cette politique étant ici, d’autant plus vitale que :

Contrairement au diagnostic purement méprisant du CCI consistant à affirmer que le BIPR « ricanerait » ou ne pourrait traiter notre démarche que par le mépris, c’est exactement le contraire que nous avons pu enregistrer. En effet, le débat a été très ouvert et lucide sans "langue de bois"; il n'y a pas eu la volonté de développer "ses" positions "ex cathedra" mais de les expliquer de part et d'autre, et encore moins la volonté de dire "nous avons raison", ou de chercher à recruter.

Déjà, dans la réponse rapide que le BIPR nous avait donnée lors de notre première lettre d’alerte, nous avions pu constater le fait qu’il partageait, de façon très responsable, notre préoccupation sur la gravité des difficultés qui touchaient le CCI et leur possible répercussion sur l’ensemble du milieu politique et des éléments en recherche ; la réunion n’a fait que confirmer à nos yeux, cette constatation.

Nous participions donc à cette réunion convaincus que le BIPR partagerait notre souci d’ouverture et de débat. Il en fut ainsi : il a manifesté et soutenu tout au long de la discussion le principe d’une discussion large et sérieuse, le souci de contribuer, à son niveau, contre le processus destructeur que connaît le CCI.

La discussion s’est déroulée essentiellement autour de plusieurs points notamment :

I. Comment analyser la crise actuelle du CCI

Notre fraction faisait dans un premier temps, un historique des faits ayant conduit à ce que nous identifions comme une crise grave dans le fonctionnement et la compréhension du régime intérieur de l’organisation. Nous faisions également un historique, dans ce cadre, de notre constitution en fraction.

Sur les raisons de cette crise, le BIPR n’a manifesté aucune surprise. Il soulignait qu’il serait erroné d’isoler la crise actuelle des crises précédentes. C’est donc bien un processus qu’il faut analyser et dont les raisons profondes se trouvent dans les conceptions politiques du CCI. Le BIPR nous avait au préalable, adressé un texte présentant son analyse et intitulé « Eléments de réflexion sur les crises du CCI » (publiée dans le bulletin n° 7 de la fraction). Il évoquait ce texte afin de rappeler que, selon lui, la raison la plus évidente des difficultés que connaît le CCI depuis plusieurs années et le caractère répété de ses crises est à rechercher dans son incapacité à analyser la dynamique du capital. Cet aspect de la discussion n’a pas été développé par la suite.

L’état actuel de notre réflexion ne nous permet pas de trancher aussi rapidement sur l’explication tendant à faire remonter les causes des difficultés du CCI (dont la multiplication de crises successives et sérieuses) à ses origines et sa constitution en Courant. Il y aurait là le risque, dont nous sommes conscients, de rejeter le tout au nom de la dérive actuelle, si grave soit elle. Dans l’histoire du mouvement ouvrier, nous pouvons constater que cette tendance qui faisait dériver la dégénérescence de l’IC… des erreurs du Parti bolchevik, non seulement traduisait une erreur de méthode (consistant à isoler les phénomènes de leur contexte historique général) mais conduisait elle-même à de graves dérapages qui amenaient à amputer largement les leçons à tirer pour le futur.

Mais dans cette partie de la discussion, le BIPR attirait surtout notre attention sur un certain nombre de phénomènes à prendre en compte :

Pour le BIPR, ces phénomènes s’expliquent en partie par la conception du fonctionnement et l’importance attribuée par le CCI aux règles de fonctionnement comme garant de l’unité politique d’une organisation révolutionnaire. Mais ils posent également d’autres questionnements sur lesquels nous ne pourrons faire l’impasse. C’est une des tâches de la fraction que de replacer ces éléments dans un cadre de compréhension global en vue d’en tirer les leçons pour l’avenir.

Par ailleurs, concernant l’avenir de notre fraction et compte tenu du degré atteint aujourd’hui dans la dérive politique, le BIPR nous mettait en garde : « la démarche sera courte, la tendance à exclure est déjà enclenchée de manière irréversible » : la conférence sera le prétexte à entériner ce processus. Etre conscient de ce phénomène irréversible est vital pour notre propre orientation en tant que fraction.

II. Le fonctionnement d’une organisation revolutionnaire et les regles de fonctionnement

Pour le BIPR, et nous partageons sans réserve son argumentation, « les questions organisationnelles si graves soient-elles dans leur expression immédiate, cachent toujours un problème politique ». Ceci est une position que l’on retrouve dans l’ensemble des groupes de la gauche dans le mouvement communiste. A partir de là il importe d’en mesurer les implications y compris dans la pratique quotidienne des organisations communistes. C’est tout le sens du combat mené par les gauches, notamment la Gauche italienne et la fraction autour de Bordiga. C’est ce que le CCI actuel se refuse à reconnaître lorsque par exemple il refuse dans sa pratique quotidienne de débattre avec la fraction (quels que soient d’ailleurs les arguments avancés pour justifier cette pratique) et lorsqu’il se refuse à reconnaître l’existence d’une fraction en son sein.

C’est fort de ce principe qu’à la source de toute difficulté existe un problème politique mal posé, mal cerné, mal résolu, que le BIPR nous faisait part de son expérience propre : « c’est pour cette raison que nous n’avons pas quant à nous, la prétention de résoudre les problèmes par des règles disciplinaires formelles. Cette vision du CCI consistant à mettre en avant la "discipline pour la discipline" à tout bout de champ et notamment dans ses crises organisationnelles pose problème». A ce moment de la discussion, le PCInt a mis en avant un point sur lequel il faudra approfondir : le fait que les statuts du CCI voulaient tout traiter, étaient trop développés et, de ce fait au lieu d'être une aide pour la discussion, faisaient place à un juridisme excessif et devenaient une entrave. «Pour nous, tant que le problème n’est pas réglé, nous prônons la discussion. Et si en bout de processus, il s’avère que nous sommes face à deux positions inconciliables, alors la séparation se pose ».

Le BIPR comme un tout, ne rejette pas pour autant la discipline organisationnelle et la défense d’un certain nombre de règles de fonctionnement : la CWO reconnaît par exemple un droit de tendance et de fraction. Cependant, c’est unanimement que le BIPR comme un tout fait largement passer la discussion comme priorité pour résoudre les problèmes au sein d’une organisation révolutionnaire.

III. Quelles perspectives?

La préoccupation émise dans cette partie par chaque intervenant était prioritairement : quelle politique avoir pour permettre que se développe la discussion, tant au sein du CCI avec la fraction, qu’entre le milieu politique au sens large du terme.

Nous avons situé ces perspectives à deux niveaux :


Nous avons soutenu notre volonté de tout faire pour mener le combat au sein du CCI afin :


Le BIPR a approuvé cette orientation : « Vous devez poursuivre votre combat contre les dérives actuelles» et la restauration des acquis organisationnels et politiques du CCI. Il nous mettait cependant en garde dans notre démarche : le problème actuel posé à l’ensemble du milieu révolutionnaire c’est celui « de construire pour et dans l’avenir ». « Vous risquez de vous heurter à vouloir faire œuvre du travail passé. »

Nous sommes intervenus affirmant que le BIPR devait pleinement mesurer qu’il a, dans la situation actuelle, une responsabilité politique fondamentale : non seulement à l’égard de l’ensemble du milieu politique, du CCI, mais également (et nous étions tous d’accord sur cela), vis-à-vis des éléments en recherche de clarification et hésitants face à la question du regroupement (plus largement du Parti).

En ce sens il manifestait sa détermination à s’impliquer dans le processus en cours :

Le BIPR nous a rappelé que, pour lui, jusqu'à maintenant, le CCI fait partie du milieu prolétarien et en représente l’aile idéaliste. Cependant, en tant que telle, cette organisation ne peut, en aucun cas, participer au processus menant à la formation du futur parti. Pour le BIPR, la crise actuelle n’est pas un phénomène qui éclate dans un ciel d’azur, elle fait partie d’un processus vérifiable, sur le plan politique, dans des dérives de plus en plus marquées vers l’idéalisme et un enfermement dans des « solutions organisationnelles ».

Mais aujourd’hui, au vu de la répétition des crises internes qu’il connaît depuis plusieurs années et au vu du type de réponses qu’il y apporte, notamment par les politiques qu’il mène vis-à-vis de ceux qui, en son sein, expriment des désaccords, il peut y avoir un doute sur ce plan et la question qui peut se poser est : est-ce que le CCI n’est pas en train de devenir une entrave au développement du MPP et en particulier vis-à-vis de la réflexion parmi les éléments et minorités en recherche qui se dégagent de la classe ouvrière ? En fonction de la réponse que l’on donne à cette question, laquelle dépend de l’évolution du processus de dérives que connaît le CCI, le BIPR pourra être amené à trancher, à adapter son attitude et éventuellement à modifier sa politique en direction du CCI.

« C’est actuellement un problème auquel sont confrontés les militants du CCI. Mais si nous sommes amenés à conclure que le CCI est devenu une organisation ‘non valable’, alors notre but sera de tout faire pour pousser à sa disparition. »

Contrairement aux mensonges colportés par le CCI sur la vision « sectaire » du BIPR, toute la discussion a été traversée par une réelle volonté de confronter les points de vue avant que de trancher sur d’éventuelles actions communes. Le BIPR a ainsi marqué un souci très net de confronter les points de vue notamment sur les questions de fonctionnement et plus largement sur la question de la formation du Parti. « On ne prétend pas être le Parti communiste international » (le CCI serait bien inspiré de réfléchir à ces propos). « On peut faire un travail avec d’autres organisations. ».

Dans ce sens, le BIPR a soutenu l’idée de poursuivre les échanges entamés avec notre Fraction notamment au niveau de l’organisation de prochaines rencontres communes et régulières.

C’est dans ce cadre que nous lui soumettrons régulièrement l’avancement de notre réflexion concernant le bilan de la (des) crise (s) du CCI car nous sommes convaincus que le BIPR saura enrichir ce travail grâce au recul dont il bénéficie, mais également parce qu’il est un des groupes les plus au fait des difficultés et des crises qui ont parcouru le CCI, l’un des mieux armés dans la tradition des groupes de la gauche communiste.

C’est également dans ce cadre que le BIPR a accepté le principe de la publication éventuelle dans ses colonnes, d’articles en provenance de notre fraction, si le CCI s’opposait à de telles publications. Il s’engageait sur ce plan avec certaines conditions que nous partageons pleinement : introduire ces articles ou les accompagner de leurs propres analyses et commentaires.

Conclusion

Nous saluons les efforts faits par le BIPR car c’est dans une atmosphère fraternelle et de grand sérieux que cette réunion s’est tenue. Cette première rencontre doit se poursuivre et ne peut que donner naissance à un travail fructueux.

Nous nous présentions à cette réunion également pour écouter ce que le BIPR pensait de cette crise. Convaincus qu’il ne s’était jamais situé en extérieur aux diverses crises passées que le CCI a connues et convaincus qu’il saurait faire appel à l’histoire du mouvement ouvrier sur ces questions.

Nous ne nous sommes pas trompés dans l’orientation que nous avions adoptée de nous adresser au milieu politique le plus conséquent.

Le BIPR n’a pas renvoyé dos à dos le CCI et notre fraction, ni n’a cherché à poser un « jugement » extérieur sur les problèmes exposés. Il s’est au contraire impliqué sans concession, contribuant de façon essentielle à la réflexion que nous avons entamée.

En ce sens cette réunion n’était pas une démarche « inédite » de part et d’autre ; elle relève d’une démarche historique et de première importance pour le mouvement ouvrier. Elle renoue avec les traditions du mouvement ouvrier passé. Elle confirme la validité de la politique de discussion et de confrontation au sein du mouvement révolutionnaire en vue du regroupement des énergies militantes. Elle fait cruellement défaut encore, mais cette expérience confirme que cette politique est possible et nécessaire. C’est en tout cas la conviction qui s’est exprimée tout au long de cette réunion de la part de l’ensemble de ses participants.


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