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C'est en effet sous ce titre combien suggestif que le Libertaire du 27 novembre publie un article, énumérant la longue liste des trahisons bolchéviques. Nous apprenons, par cet article, d'étonnantes histoires de trahison depuis 1917. Entre autres :
"1920 - À l'est, les partisans ouvriers et paysans et les gardes rouges sont maîtres d'une partie de la Pologne. Ouverture de négociations avec l'Entente : arrêt général sur la ligne Curzon et reflux des forces révolutionnaires. La ligne Curzon est reconnue par l'entente comme frontière occidentale de la Russie bolchévique : abandon par l'Entente des interventions immédiates en Russie."
Il s'agit de l'agression de la Pologne en 1920 contre la Russie, l'avance de l'armée rouge et sa défaite aux portes de Varsovie et de la paix imposée aux soviets. On peut difficilement déformer plus cyniquement les événements que le fait intentionnellement ici le Libertaire pour qui l'agression polonaise se transforme en révolution prolétarienne, où "les ouvriers sont maîtres d'une partie de la Pologne", pour qui "l'ouverture de négociations avec l'Entente" précède et détermine l'arrêt général sur la ligne Curzon et le reflux des forces révolutionnaires alors que c'est exactement le contraire qui est vrai. Le tout aurait été manigancé par ces fourbes de bolcheviks pour obtenir que "la ligne Curzon est reconnue par l'Entente comme la frontière occidentale de la Russie bolchévique."
Dans le même style, est présentée cette autre trahison qui est la paix de Brest-Litovsk qui, pour les besoins de la propagande anarchiste, devient une "alliance militaire" germano-russe conclue entre "Lénine et Hindenbourg". C'est éventuellement pour faire pression sur le gouvernement allemand et en vue d'aboutir à cette alliance que "les nouveaux gouvernants russe menacés font appel au défaitisme révolutionnaire des spartakistes allemands". Les anarchistes ne se sont pas gênés pour ressortir de la poubelle de la propagande de tous les gouvernements bourgeois et de nous servir, toute réchauffée, cette trouvaille de la "trahison bolchévique de Brest-Litovsk". Leur seule originalité consiste à dire que les bolcheviks font appel au défaitisme révolutionnaire des spartakistes parce que menacés dans leurs postes de nouveaux gouvernants. Ceci est une demi-vérité et une calomnie entière propre aux anarchistes, qui savent bien que l'appel au défaitisme révolutionnaire lancé par les bolcheviks aux prolétaires du monde date des premiers jours de la guerre de 1914, alors que Kropotkine et autres idoles anarchistes se vautraient dans la boue de la défense nationale et de l'union sacrée aussi bien du côté de Guillaume que du tsarisme.
La haine quasi irraisonnée des anarchistes contre le marxisme et les bolcheviks et l'identification qu'ils en font avec la Russie et le stalinisme les mènent à une position spécifiquement anti-russe. Imperceptiblement, ils alimentent leur colère sacrée anti-bolcheviks, devenue anti-russe, de matériaux provenant de l'arsenal idéologique nationaliste et chauvin. Citons en exemple la fin de l'article :
"Il s'agit de barrer la route aux anglo-saxons et en France et en Italie de se sacrifier pour que l'URSS puisse faire de l'Allemagne une forteresse industrielle et nationaliste contre les pays occidentaux."
Ces lignes en majuscules qui concluent l'article sont en même temps la dénonciation de l'ultime trahison russe. Abomination de la trahison ! Faire de l'Allemagne une forteresse industrielle contre l'occident, quel crime ! Mais les anarchistes passent sous silence les intentions identiques vis-à-vis de l'Allemagne du bloc anglo-américain. Et cela laisse présager de l'attitude des anarchistes dans la prochaine guerre contre les "éternelles trahisons russes."
M.
[Fraction de la Gauche Communiste International]
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