Internationalisme (GCF) - N° 25 - Août 1947 Retour 

LA FIN DE LA VAGUE DE GRÈVE

La classe ouvrière, après deux mois de mouvements revendicatifs de grève, a non seulement rien gagné mais a épuisé des forces considérables dans des luttes qui l'ont surtout plus enfoncée et enracinée dans le régime capitaliste actuellement en décomposition.

Au début, cédant à l'activisme de certains groupes trotskistes croyant trouver une issue au mécontentement généralisé et à la politique de famine du gouvernement, les travailleurs se sont rejetés dans une lutte revendicative de salaire où la surenchère des partis dits ouvriers devait jouer.

Les mouvements du début de la vague - la grève Renault - ne puisaient pas leur combativité dans les mots d'ordre économiques avancés par les trotskistes ou la CGT, mais essentiellement dans la situation sociale aggravée au lendemain des décrets de réduction des denrées alimentaires contingentées. N'importe quel prétexte pouvait provoquer une grève à ce moment, mais l'issue de cette grève était dépendante de la possibilité de concrétiser le mécontentement général, en liant toutes les masses travailleuses, indépendamment de la corporation, sur un objectif qui oblige le gouvernement à céder ou à manifester son vrai rôle de répression au service de la bourgeoisie.

Par là même, la lutte revendicative devait s'écarter du terrain purement économique et syndical pour se poser sur le plan social comme cela eut lieu à Lyon et à Toulouse.

Pour les grèves qui se déclenchèrent après la grève de Renault, nous ne prétendons pas qu'elles ont été créées de toutes pièces par le parti stalinien, mais ce parti démissionnaire du gouvernement a profité du mécontentement général pour diriger et fomenter au besoin les grèves, dans le seul but de créer des ennuis à la clique gouvernementale et l'obliger à composer politiquement avec lui. De là la synchronisation parfaite de ces grèves par paquet. Commençant par les fédérations syndicales les plus stalinisantes, les revendications se succèdent les unes aux autres. C'est la métallurgie, puis les gaziers-électriciens avec M. Paul en tête, ensuite la première grande grève générale des cheminots, les banques, enfin la grève avortée des services publics. Mais cette dernière tentative de grève trouve non seulement une classe ouvrière épuisée et lasse, mais le PCF se rend compte que sa politique d'intimidation envers le gouvernement n'a pas pris.

Les masses ouvrières lassées par ce jeu de grève stérile et épuisant, le PCF voyait son influence sur les masses ouvrières diminuer non par une cristallisation de ces dernières vers un autre parti, mais de guerre lasse. Le bureau politique du PCF prenant conscience de cet état de fait nouveau, n'ayant en rien obligé le gouvernement à un compromis politique – surtout étrangère - votait une résolution rancardant une fois de plus l'arme de la grève. Même les trotskistes, ces activistes impénitents qui remuent du vide, parlent de pause.

La grève des services publics avorte, les conversations deviennent interminables et la classe ouvrière s'en remet encore une fois à la mansuétude du parlement bourgeois, qui ne fait qu'entériner les décisions du gouvernement sans avoir, comme d'habitude, oublié de faire de la démagogie – se rappeler la résolution présentée par le groupe socialiste et retirée en dernière minute.

Mais si la lutte de classe piétine, s'épuise et se perd sur le terrain que lui présentent la bourgeoisie et son État, les rivalités impérialistes ne s'en développent que plus. Après les discours acrimonieux des trois grands sur l'échec de la conférence de Paris, où chacun brandit les foudres de la guerre en rejetant la responsabilité sur les autres, le plan Marshall s'élabore entre treize nations occidentales à Paris, tandis que la Russie - après avoir jeté l'interdit sur ce plan et empêcher ses satellites d'y participer - tente, elle aussi, de mettre sur pied un plan économique pour les nations de L'Europe orientale et centrale. Les deux blocs impérialistes se séparent de plus en plus. Si la menace de guerre est à l'horizon, nous ne devons quand même pas penser qu'elle est pour très bientôt. Le prétexte existe déjà ; nous passerons encore par des moments de grands flirts entre les deux blocs impérialistes, mais le déclenchement de la guerre dépend en dernier ressort de l'attitude de soumission de la classe ouvrière à la bourgeoisie.

Toute lutte à venir de la classe ouvrière devra donc être dirigée dans le sens de la lutte contre les préparatifs de guerre des deux blocs impérialistes. À la base, dans tous les conflits quotidiens, il faut rattacher les objectifs immédiats à la lutte contre la troisième guerre mondiale. C'est là la seule possibilité de salut.

Sadi.


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