Internationalisme (GCF) - N° 22 - 15 Mai 1947 | Retour |
Une première question vient de suite à l’esprit à propos de la grève de Renault. Cette grève marque-t-elle la fin du cours réactionnaire ? Est-elle l'indice nouveau d'un cours de reprise des luttes du prolétariat ? On serait tenté de répondre à première vue par l'affirmative. Cependant, rien n'est moins certain.
La grève fut absolument une réaction spontanée de classe. Aucune continuité entre cette grève et celle des postiers ou celle de la Presse parisienne. Ces dernières grèves furent exclusivement corporatistes, menées dans le cadre syndical et, si elles furent anti-staliniennes, elles n'en furent pas moins exploitées et orientées, dès le début par une autre formation politique de la bourgeoisie, en l'occurrence le Parti socialiste. Il faut se rappeler les déclarations de loyalisme des postiers, assurant un service d'urgence pour les nécessités de l'État et de la "conférence de la paix" qui a eu lieu au même moment, il faut se rappeler les interventions des députés socialistes à la Chambre en faveur du comité de grève. I1 faut se souvenir de la déclaration du syndicat de la Presse, mettant fin à "la grève, pour comprendre qu'il n'y a rien de commun entre elle et celle de Renault.
La grève de Renault n'est pas corporatiste. Le fondement est bien moins la revendication économique d'augmentation des salaires que le mécontentement général qui s'est emparé des ouvriers, en apprenant la réduction de la ration de pain. C'est le mauvais ravitaillement, un terrain social général qui est à la base de cette grève et c'est ce qui la rend si populaire parmi toute la population travailleuse.
C'est ce caractère-là qui fait que la grève de Renault se heurte instantanément â toutes les forces anti-ouvrières : les partis politiques de la bourgeoisie, le patronat et les organisations syndicales de l'État. Mais il est encore trop tôt pour donner une réponse définitive à la question posée. La manifestation du 1er mai où des centaines de milliers d'ouvriers clament leur sentiment nationaliste et "républicain", s'attaquent ou laissent attaquer les grévistes diffusant leur appel à la solidarité de classe, est l'envers de la médaille. La grève de Renault contient une possibilité de reprise des luttes. Mais il est peu probable que cette possibilité perce l'obscurité épaisse qui entoure les ouvriers.
Le passage des staliniens à l'opposition, qu'il serait erroné d'attribuer à la pression ouvrière et de considérer comme conséquence du conflit de Renault, servira remarquablement au capitalisme français pour dérouter les ouvriers. Déjà, la facilité avec laquelle la CGT a fait son tournant et a repris en main la grève montre la fragilité de la possibilité d'un cours montant des luttes de classe incontestablement contenue dans la grève de Renault.
La grève de Renault paraît être, pour le moment, une éclaircie de classe dans le ciel sombre et de plomb du capitalisme.
La grève de Renault démontre une fois de plus l'impossibilité d'asseoir désormais les luttes du prolétariat sur une base économique. Les staliniens peuvent reprendre en main d'autant plus facilement le mouvement qu'il se confine dans les revendications économiques. C'est là une voie d'impasse uniquement favorable à la bourgeoisie qui, au travers des tractations et des marchandages, parvient à fourvoyer le mouvement. C'est sur ce terrain que le syndicat a ses racines solidement accrochées et sur lequel il est irremplaçable.
C'est en voulant se maintenir uniquement sur ce plan de revendications économiques que le comité de grève, influencé par les trotskistes, a commis une lourde faute et devait être finalement et facilement évincé par le syndicat.
La grève ne pouvait vaincre qu'en s'élargissant sur le plan général social. Cette possibilité existait parfaitement. Avant Renault, les ouvriers de chez Unic ont fait une grève contre la diminution de la ration de pain. Dans d'autres usines, un même mécontentement et une même agitation régnaient parmi les ouvriers. C'est de cette revendication qu'il fallait faire l'axe du mouvement. Ne l'ayant pas compris et ayant hésité, le comité de grève a perdu du temps et a compromis son succès.
La grève de Renault vient une fois de plus de mettre en évidence la nature anti-ouvrière des organisations syndicales dans la période présente. Il ne suffit pas de dire que le caractère de classe de la lutte n'est pas une question de forme d'organisation mais de contenu idéologique. C'est là un moyen élégant de ne pas répondre à la question et, avec une demi-vérité, commettre une erreur grossière. Le contenu de classe ne peut pas s'exprimer dans n'importe quelle forme d'organisation, de même que les buts de classe ne peuvent pas s'accommoder de n'importe quels moyens. On ne peut ensemencer n'importe quoi dans n'importe quel terrain. On ne doit pas s'étonner alors qu'avec une telle pratique la meilleure semence de blé continue à reproduire des ronces.
En réalité, il existe une unité interne, un tout inséparable entre le but et les moyens, entre le contenu et le contenant. De même que la dictature du prolétariat ne peut s'exprimer au travers du parlementarisme bourgeois, la lutte de classe ne peut plus s'exprimer au travers des syndicats, les syndicats étant les pendants, sur le plan économique, de ce que sont les parlements sur le plan politique.
Les luttes ouvrières ne peuvent se mouvoir et se faire qu'en dehors des syndicats, par la constitution, dans chaque lutte, d'organismes nouveaux que sont les comités de grève, les comités locaux de luttes, les Conseils Ouvriers. Ces organismes ne vivent qu'autant que subsiste la lutte elle-même et disparaissent avec elle. Dans la période présente, il est impossible de construire des organisations de masses permanentes. Cela ne deviendrait possible que dans la période de la lutte généralisée du prolétariat posant à l'ordre du jour la révolution sociale. Vouloir maintenir une organisation permanente actuellement sous la forme de minorité ou de fraction dans les anciens syndicats, ou en formant de nouvelles centrales syndicales ou des syndicats autonomes et syndicats d'usine, ne mène à rien et trouble le processus de prise de conscience des ouvriers ! Finalement, les nouveaux syndicats ne se maintiendront qu'en devenant des organisations autant anti-ouvrières que les anciennes ou deviendront simplement des sectes.
Dans la grève de Renault, on doit en fin de compte distinguer deux phases : la première, celle d'une lutte ouvrière qui se fait non seulement sur un plan extra-syndical mais nécessairement et directement anti-syndical ; la seconde, où la grève retombe sous le contrôle et la direction syndicale, devient inévitablement anti-ouvrière.
On peut peut-être tirer des expériences des dernières années cette règle presque absolue, à savoir : toute action menée sans une direction syndicale et dans le cadre syndical ne peut, en définitive, être qu'une lutte contre la classe ouvrière.
C'est en cela que réside la différence fondamentale entre l'attitude des révolutionnaires face aux syndicats réformistes d'hier qu'ils pouvaient chercher transformer et à faire servir pour la défense des intérêts immédiats des ouvriers et les syndicats dans la période présente du capitalisme d'État qui ne sont et ne peuvent être que des organismes de l'État et qui, tout comme l'État capitaliste, doivent être dénoncés et combattus par les révolutionnaires et brisés par l'action de classe de prolétariat.
MARCOU
Surfaces ensemencées, pendant les années 1937 à 1946, en céréales panifiables et pommes de terre (en milliers d'ha)
Produits 1937 1946 % de baisse
Céréales panifiables |
4520.7 |
388.1 |
14 |
Pommes de terre |
2184.5 |
1.88 |
13.8 |
Pour les mêmes années, la récolte de céréales panifiables et pommes de terre (en milliers de tonnes)
Céréales panifiables |
8743 |
6028 |
31 |
Pommes de terre |
41291 |
24971 |
39.5 |
Cette baisse de récolte des produits agricoles de première nécessité n'a rien de surprenant quand on sait qu'en plus de la diminution déjà sensible de 14% de la surface ensemencée, le rendement par Ha a fortement diminué. Il est de 20% pour les céréales et de 30% pour les pommes de terre. Elle a pour cause le manque de matériel agricole qui n'a pas été renouvelé depuis I938 et est fortement usé, et la pénurie d'engrais.
La production pour l'année I946-47 par rapport à 1931 est de 40% pour les engrais azotés et de 26% pour les engrais phosphatés.
L'Allemagne couvrait, avant la guerre, par ses propres ressources, 83% de ses besoins alimentaires. Elle en couvre aujourd'hui péniblement 50%.
1Statistique reproduite d'après "ÉTUDES ET CONJONCTURE" de mars 1947.
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