Internationalisme (GCF) - N° 20 - Avril 1947 | Retour |
Au moment d'achever notre bulletin nous parviennent des nouvelles sur des convulsions sociales dans la Ruhr.
Nous n'avons plus le temps ni la place pour en faire une étude approfondie mais nous ne saurions passer sous silence ces événements que nous considérons, du point de vue de classe, comme les plus marquants depuis la cessation des hostilités et l'étouffement, par les impérialismes vainqueurs, des premières manifestations de révolte sociale des ouvriers allemands au début de 1945.
Nous avons, à plusieurs reprises, analysé et insisté sur le rôle décisif que joue le prolétariat allemand dans la lutte internationale de classes. Par ses traditions, par son expérience, par sa concentration et sa cohésion, par la situation particulière qu'occupe l'industrie allemande dans l'économie mondiale et de par sa position géographique, le prolétariat allemand est l'axe du mouvement d'émancipation international des ouvriers, le foyer central de la révolution socialiste.
Anéantir toute velléité de lutte, briser toute possibilité d'action de classe, enfermer le prolétariat dans une camisole de force était la préoccupation première des alliés à la veille de l'effondrement du régime hitlerien. En y parvenant, le capitalisme a réussi à écarter la menace de troubles révolutionnaires et à ouvrir largement la voie à l'aggravation du chaos économico-politique dans le monde, à la continuation des massacres et des destructions, sous la forme de guerres localisées, déclarées ou non, en attendant et en préparation de la 3ème guerre généralisée inter-continentale.
Le fait que les masses ouvrières de la Ruhr ont pu se manifester dans des actions d'envergure, par des manifestations spontanées et la grève générale est, pour nous, d'une très haute importance.
Il signifie que les impérialismes vainqueurs n'ont pas réussi à anéantir complètement la force, la volonté et la combativité des ouvriers allemands. Bien sûr, les forces politiques du capitalisme, la social-démocratie et les staliniens, influencent largement les masses ouvrières et leurs actions dans la Ruhr. Cette influence se manifeste dans les revendications sur les "dénazifications", les "démocratisations" et autres slogans mensongers. Mais il faut discerner, dans les manifestations de la Ruhr, l'élément spontané, à un très haut point populaire, débordant la volonté des partis politiques et des directions syndicales.
Les mineurs de la Ruhr ne partent pas avec des revendications corporatistes, économiques, professionnelles. Au contraire, ce sont les revendications essentiellement sociales, le ravitaillement - non le ravitaillement préférentiel dont ils bénéficient mais le ravitaillement général de la population travailleuse - qui est à la base de leur mouvement.
Face à la diminution du ravitaillement (qui est tombé à 700 calories par jour) les ouvriers ripostent en diminuant le rendement du travail qui est à 50% de celui d'avant-guerre. Sans se préoccuper de la possibilité ou non pour les classes dirigeantes d'augmenter le rationnement, ils ripostent à la politique d'affamer les masses ouvrières par la menace d'arrêter la production, la production des pays capitalistes.
Pour toutes ces raisons, les événements de la Ruhr ont une importance autrement significative que les grandes grèves de masses qui ont eu lieu en Amérique. La presse mondiale a ressenti cette importance et les gouvernements s'inquiètent à juste raison.
Rien ne permet de statuer sur le développement ultérieur de ces événements mais, dès maintenant, une attention des plus vigilantes doit être portée sur toute lutte de classe en Allemagne et appeler à la solidarité internationale des ouvriers de tous les pays avec la reprise de lutte des ouvriers d'Allemagne.
J. Marcou
[Fraction interne du CCI]