Internationalisme (GCF) - N° 11 - Juin 1946 | Retour |
La théorie vercesienne de l'économie de guerre et sa réponse dans les bulletins de la Fraction italienne :
– "Notre réponse" du mois de mai 1945 (N° 5) avait pour but de se délimiter d'avec le courant politique qui s'y rattachait. (1)
– "La critique de l'économie de guerre" de Sadi a également été publiée dans le bulletin N° (…) de (…).
Deux courants politiques existent donc dans la GCI et cela depuis déjà avant la guerre. La victoire momentanée du courant vercesien n'a été permise que grâce au boycott de toute discussion politique permettant d'affronter les deux courants et de leur donner par la suite une solution organisationnelle. Incapable de lutter sur le plan politique, on a préféré le jeu d'influences personnelles, le traficotage et la mise devant le fait accompli. On a savamment organisé et orchestré des querelles de ménages pour défigurer le vrai caractère des divergences.
Il n'y a pas chez les vercesiens "une" ligne politique ; ce qui les caractérise au contraire c'est de ne pas en avoir. Il y a une théorie érigée en système, une boite trop étroite pour contenir la réalité vivante. A l'aide de cette découverte magique, on justifie toutes ses fautes politiques en les érigeant en principes.
Ce système extrêmement pratique permet de faire de la situation italienne une situation où doit être créer le Parti pendant qu'en Belgique la situation n'y est pas.
Quand nous affirmons aujourd'hui que les vercesiens ont fait une théorie qui justifiait leur non–activité pendant la guerre, on nous traite de calomniateurs. Il faut en finir une bonne fois pour toutes avec ces fourberies. Les documents sont là où le contrôle peut être opéré et les discussions en cours vérifiées.
Un morceau de choix est constitué par les prêches de Lucain du haut de la chaire de L'Internationaliste. Dans l'Internationaliste 8° année – N° I–I/I/45 –, Lucain, sous le titre "Le schéma de Lénine en 1917 et EN 1945", dit (1ère col. 2ème ligne) :
"Nous avons certainement été le seul courant dans la classe ouvrière internationale à affirmer que (dans les conditions de fonctionnement de l'économie de guerre qui existait jusqu'ici) le prolétariat ne pouvait paraître en tant que classe luttant pour ses intérêts propres que lorsque l'économie de guerre ne pouvait plus matériellement fonctionner. Nous avons opposé pendant la guerre cette opinion à tous les aventuriers qui voulaient nous entraîner dans des actions inconsidérées."
La suite de l'article de Lucain n'est qu'un vaste tiraillement du "schéma de Lénine" destiné à faire avaler "ça".
Lucain, du haut de sa chaire, prend évidemment le ton qui convient pour débiter de tels "raisonnements". Il ne sait même pas se servir adroitement de son "système" et toute sa "théorie de l'absence" n'est qu'un tissu de contradictions. Il poursuit (2ème col.) :
"Et les événements nous ont donné absolument raison. C'est seulement (en Italie) lorsqu'en 1943 l'économie de guerre avait épuisé ses possibilités que le prolétariat y apparaît."
Ne cherchez pas pourquoi "l'économie de guerre avait épuisé ses possibilités". C'est parce qu'on est obligé momentanément de reconnaître que "le prolétariat réapparaît". Quant à l'affirmation elle–même que "l'économie de guerre avait épuisé ses possibilités", elle n'a ni queue ni tête. En Italie c'est l'impérialisme allemand qui se heurte à l'impérialisme anglo–américain et "l'économie de guerre avait" si peu "épuisé ses possibilités" que la guerre s'est prolongée encore pendant plusieurs mois.
Mais tout cela n'a pas d'importance. Il ne s'agit pas pour Lucain de défendre une position politique mais de se justifier. On a besoin pour l'instant de justifier une non–activité et on traite les "activistes" "d'aventuriers". Puis on leur dit : si "… le prolétariat réapparaît en Italie en 1943…", c'est parce que "… l'économie de guerre avait épuisé ses possibilités…", ce qui n'empêchera pas O d'écrire et d'affirmer plus tard le postulat suivant :
"… 1943 vit la chute du fascisme alors que la guerre impérialiste battait encore son plein…" (Internationaliste N° 3 – 15/2/46 – "La situation italienne" – 1ère col. En bas)
"… le fascisme est tombé comme un fruit pourri…" (2ème col. 39ème ligne)
Ou bien "… l'économie de guerre… 'n'avait pas'… épuisé ses possibilités…" et le prolétariat ne "réapparaît pas" ou bien, si le prolétariat "réapparaît", il le fait en faisant une sale blague à Lucain.
Lucain poursuit : "C'est seulement (en Amérique et en Angleterre) lorsque l'économie de guerre bat de l'aile que le prolétariat apparaît sur scène."
De 1940 en Angleterre, et de 1941 en Amérique, jusqu'en 1944, l'indice de production pour les armées a monté dans des proportions de 360% environ. Ce qui "bat de l'aile" depuis la cessation des hostilités c'est la "RECONVERSION" ! ! !
Ainsi, de deux choses l'une, ou bien les prolétariats anglais et américains sont "absents" encore aujourd'hui ou ils étaient PRESENTS aussi pendant la guerre. Mais du fait que Lucain était à la pêche, il ne peut pas savoir qu'il y a eu des grèves aux EU et en GB et des désertions dans les armées de ces pays. Lucain continue : "Et, par contre (!), dans aucun pays le prolétariat n'a fait ce que le prolétariat a fait en Russie en 1917, lutter d'abord pour la défaite de sa propre bourgeoisie."
En 1943 ? "Le prolétariat réapparaît…", "… l'économie de guerre avait épuisé ses possibilités."
En 1943 ? Lucain vient de vous le dire : "Nous avons opposé pendant la guerre cette opinion à tous les aventuriers qui voulaient nous entraîner dans des actions inconsidérées…" Qui étaient les "aventuriers" ? La FI à Marseille ! Quelles étaient les "actions inconsidérées" ? Poursuivre pendant la guerre le travail politique de la Fraction en axant l'activité sur le mot d'ordre "Transformation de la guerre impérialiste en guerre civile" et de "défaitisme révolutionnaire" dans tous les pays, y compris la Russie ; et aussitôt que se présente une situation révolutionnaire, tenter de reconstituer le parti de classe (au cours du développement du cours révolutionnaire en tentant de prendre de l'influence dans les masses).
En 1943 ? Lucain est à la pêche ! Et si le prolétariat "réapparaît" d'une façon ou d'une autre, il manque sinon "ce que le prolétariat a fait en 1917" mais… ce que les bolcheviks ont fait en 1917 (! !), qu'il y ait la Fraction de Gauche !
Cela est tellement vrai que les camarades de la Gauche revenus d'Italie nous disent que, depuis 1943, les anciens camarades de la Gauche restés en Italie cherchaient à se regrouper. Au feu de l'action, le processus de formation du parti se fait ; les cellules cherchent un corps mais la tête n'est pas là. La tête, la FI, est séparée en deux tendances dont l'une prêchant "l'absence" traître, l'autre "l'aventurisme".
Il y a eu effectivement ouverture d'un cours révolutionnaire en 1943 ; et si ce cours n'a duré qu'un feu de paille et que, depuis, s'est progressivement rouvert le cours vers la 3ème guerre impérialiste, ce n'est pas parce que "l'économie de guerre joue à cache–cache avec le prolétariat mais pour les deux raisons suivantes :
la trahison de la 4ème Internationale et l'absence d'une avant–garde ;
la bourgeoisie, qui a fait l'expérience de 1917, organise (principalement en Allemagne) la destruction systématique du prolétariat.
Et Lucain de poursuivre : "Il faut replacer le problème sur son véritable terrain (! ! !." "Il faut écarter la confusion généralement répandue entre le côté schéma «transformation de la guerre impérialiste en guerre civile» et le mot d'ordre de «défaitisme révolutionnaire».
En réalité ce n'est pas la "confusion" qu'il s'agit "d'écarter" mais de défigurer l'idée fondamentale de Lénine pour la mettre à la sauce vercesienne. Lucain, le jongleur avec les phrases, le prestidigitateur, continue ses manipulations avec une souplesse verbale qui n'a pas son égal. Il s'empare du "schéma". Qui va–t–il en faire ?
"Le «schéma» découle de la perception (qui est apparue en premier lieu chez Lénine) qu'après la crise de 1912–13 le capitalisme est entré dans sa phase de décadence." [et Rosa Luxemburg ?] "Dans cette époque (il s'agit de l'autre époque), le besoin d'expansion du capitalisme, qui demeure constant malgré la décadence, ne peut se manifester dans la prise de possession d'un monde vierge. Au contraire, le monde entier, étant sous mandat colonial, ce besoin d'extension amènera fatalement une collision violente des impérialismes rivaux pour un nouveau partage du monde. Et comme, d'autre part, la décadence contient la possibilité d'apparition d'un nouveau type de société, une société dirigée par le prolétariat (? ? ?), la guerre impérialiste, le choc des impérialismes rivaux, dégénérera en une lutte où le prolétariat interviendra avec ses revendications propres, en transformant la guerre impérialiste pour un nouveau partage du monde en guerre civile du prolétariat."
C'est, d'une manière "schématique", l'idée de Lénine. Mais croyez–vous que Lucain l'ait comprise ? C'est plutôt entre ses mains un objet embarrassant !
"De ce schéma, Lénine concluait à la nécessité de lancer le mot d'ordre du «défaitisme révolutionnaire», c'est–à–dire d'appeler les ouvriers de l'arrière et les soldats des fronts militaires à lutter pour la défaite de leur propre bourgeoisie, pour transformer cette défaite en lutte révolutionnaire pour le pouvoir."
Voilà donc Lucain qui tourne schéma et mot d'ordre entre ses mains avant de poursuivre. Il convient de dire que, pendant que Lucain théorisait sur "l'absence du prolétariat", la FI à Marseille défendait le "mot d'ordre" qui découlait du "schéma" et le "schéma" lui–même. Ce qui n'empêche pas Lucain, par un tour de passe–passe oratoire remarquable, de traîner dans la boue, au début de cet "article", "tous ces aventuriers qui voulaient nous entraîner dans des actions inconsidérées."
"Il est visible du premier coup d'œil…" Lucain emploie souvent de telles formules : "Il saute aux yeux que…", "Donc…", "Il apparaît très clairement que…" Ce sont des formules magiques qui lui servent à escamoter. Quand il dit : "Il est visible du premier coup d'œil que…" ou "Cela saute aux yeux que…", c'est qu'il passe du monde réel, concret , au rêve éveillé et tente d'endormir son lecteur. C'est somme toute le signe qui doit nous mettre en éveil. Donc :
"Il est visible du premier coup d'œil que…(attention !) si le mot d'ordre de défaitisme révolutionnaire ne peut jouer que lorsque les armes s'affrontent sur les fronts militaires, qu'il ne peut plus jouer lorsque les opérations militaires sont terminées…"
En effet, "il est visible du premier coup d'œil que…" quand Lucain était à la pêche et la FI à Marseille en train de faire de "l'aventurisme" et d'essayer de l'entraîner, lui et les vercesistes, "dans des actions inconsidérées" ; "il est visible du premier coup d'œil que…" lorsque "l'économie de guerre" eut "disparue", que le prolétariat eut "réapparu" et que le fascisme fut "tombé comme un fruit pourri" ; "il est visible du premier coup d'œil que…" Lucain, en retard de plusieurs mois sur la situation et sur son mûrissement, trouve le mot d'ordre de Lénine du "défaitisme révolutionnaire" inutilisable et le rejette comme un fruit pourri. Il ne se contente pas de théoriser son absence par l'absence du prolétariat mais il porte le cynisme jusqu'à jeter l'anathème sur ceux qui étaient restés dans la voie du "schéma" et du mot d'ordre de Lénine – qu'ils considéraient comme seuls justes dans cette guerre comme dans la précédente.
Lucain essaie alors de neutraliser son retard et poursuit : "… le schéma, par contre (! !), a une portée beaucoup plus vaste…"
De l'art de déformer en jonglant avec la signification d'une phrase, sa signification réelle et l'idée qu'elle exprime. Mais Lénine est mort. Et Lucain n'est pas le premier à interpréter ses œuvres et ses pensées : Lénine repose dans un cercueil de verre en face du Kremlin d'où Staline et Molotov, se couvrant de son nom et déforment ses œuvres, poursuivent sans merci, depuis plus de 10 ans, la contre–révolution en Russie et dans le monde entier.
Comment Lucain va–t–il "arranger" Lénine ?
"La période de l'impérialisme est une lutte permanente entre les impérialismes rivaux. Cette lutte prend parfois des formes militaires, parfois des formes de guerre de tarif, de guerre de crédit."
C'est également notre avis que "la guerre militaire" n'est qu'expression des rivalités inhérentes au système capitaliste, "guerre militaire" qui correspond en réalité à l'exacerbation d'une longue et violente lutte économique entre les différentes expressions anarchiques de la société capitaliste.
Mais, dans ce cas–là, Lucain prend sa théorie dite de "l'économie de guerre" et la fait disparaître après avoir fait disparaître, en son nom, le prolétariat ; et, après avoir mis la clé sous la porte, il part à la pêche en attendant que "tout ça finisse" et que l'on puisse faire paisiblement de la politique, construire des partis, crier "Vive la Révolution", "Les usines aux ouvriers", chanter avec allégresse des "Internationales" aux prolétaires affamés et, au besoin, les rudoyer et les traiter "d'imbéciles" s'ils ne lisent pas assez vite : le Capital, l'Hist. des Doc. Ec., les Œuvres Phil., les Œuvres Pol., l'Hist. des Doc. Ec., (illisible), l'Anti–Dühring, Herr Vogt, les Œuvres complètes de Vlad. Ill., de Trotsky, de Boukharine, de Victor Serge, de Souvarine, de Rosa, de Labriola, de Bordiga, BILAN, les Œuvres complètes de Vercesi (philosophiques, politiques, économiques, JOURNALISTIQUES… Demandez, lisez "L'Italie de Demain", demandez "l'oxygène" culturel du Vercesi du Comité Antifasciste de Bruxelles ! ! !).
Mais reprenons avec Lucain qui, revenu de la campagne, reste là indécis avec son "économie de guerre" momentanément :
"La lutte entre les impérialismes pour un nouveau partage du monde durera autant que le capitalisme lui–même."
Et oui ! Lucain, pour quelques secondes, s'est souvenu qu'il avait lu les Œuvres prolétariennes et ce qui a été affirmé il y a 30 ans par des peuples entiers soulevés l'a effleuré tout de même. Malheureusement, chez Lucain, ces "éclairs" n'ont aucune signification que de montrer que de montrer un peu plus leurs contrastes avec la somme imposante de ses élucubrations et contradictions. Nous reviendrons avec Lucain, plus tard, sur la période de "Décadence du capitalisme" où celui–ci se laisse aller à un économisme galopant et sautillant, vague brouet vercesien jeté aux visages de Marx–Engels.
Et voici une fois de plus "l'arrangeur" à l'œuvre ; il était normal que l'enfoncement de quelques portes ouvertes, la défense de quelques positions que personne ne met en contradiction, prépare un "repli sur des positions préparées à l'avance" :
"Mais… (que ce "mais" est insidieux !) … même si l'on ne veut pas reporter le schéma sur l'ensemble de la période décadente…"
Et pourquoi il "ne" veut pas reporter le schéma sur l'ensemble de la période décadente ? "Mais…" parce que, pendant la guerre, "on" fait des petits bateaux avec le schéma de Lénine pour aller à la pêche. Pendant ce temps–là, des "aventuriers"… voulaient nous entraîner dans des actions inconsidérées… pour la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile et pour le défaitisme révolutionnaire. Mais même si l'on ne veut pas reporter le schéma sur l'ensemble de la période décadente "… même si l'on ne veut considérer que la période d'opérations militaires elle–même comme guerre impérialiste…"
Lucain nous permet d'appeler les choses par leur nom, il nous permet d'appeler "la période d'opérations militaires" d'exacerbation des rivalités impérialistes : guerre impérialiste ! Lucain prend effectivement ses lecteurs pour des imbéciles ; il vient de nous dire :
"La période de l'impérialisme est une lutte permanente entre les impérialismes rivaux. Cette lutte prend parfois des formes militaires, parfois des formes de guerre de tarif, de guerre de crédit…" et quelques lignes plus loin "… même si l'on ne veut considérer que la période d'opérations militaires elle–même comme guerre impérialiste…"
Lucain ne peut appeler une chose par son nom, une guerre impérialiste :"guerre impérialiste!" ; les différents phénomènes qui amènent les fluctuations et agissent sur le cours de la valeur, sur le marché des marchandises : "guerre des tarifs!". La circulation fiduciaire et l'accaparement du marché du crédit par un capital financier puissant créancier – sur ce marché du crédit où, comme dans la mer, le plus gros mange le petit et est lui–même dévoré par un plus gros – , Lucain appelle cela "la guerre du crédit !
Un fait "qui saute aux yeux", qui "est visible du premier coup d'œil" "même si «on» (Lucain) ne veut pas…", c'est que Lucain est un sophiste éclectique à l'esprit fumeux et à l'expression tortueuse. De ce fait, il y a toujours place pour "un recul stratégique", pour le "on n'a pas compris, on a déformé ma pensée", pour le "j'ai dit ça «mais» je voulais dire ça !" "Mais (!) même si l'on ne veut pas reporter le schéma sur l'ensemble de la période décadente, même si l'on (Lucain) ne veut considérer que la période d'opérations militaires elle–même comme guerre impérialiste (un Lucain est un Lucain) et rentrant par conséquent (!!!) dans le cadre du schéma de Lénine de la transformation…"
Quand la guerre n'est pas militaire mais se fait par le dumping ou par l'inféodation des petits pays ruinés aux grands impérialismes créanciers, Lucain ne voit pas la nécessité d'appliquer le schéma de Lénine. En temps de paix, Lucain ne voit pas la nécessité de proclamer "la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile" ! Il ne la voit pas non plus pendant la guerre? Alors quand peut–il la voir ?
"… il est néanmoins évident… (que Lucain se moque de ses lecteurs) …qu'il faut considérer non seulement la période même des opérations militaires mais aussi (!!!) la période qui lui succède et qui subit (!) le déséquilibre apporté dans la domination traditionnelle (!) du capital par le changement du rapport de forces consécutifs à la guerre."
Tout cela pour dire qu'immédiatement après la guerre il y a une période d'instabilité, que tout ne redevient pas normal du fait de la cessation des hostilités. Qui le conteste ? Mais il ne suffit pas d'affirmer une chose "en soi".
En réalité, pendant "l'absence" des Lucain, le prolétariat qui, selon le Lucain, "… ne pouvait apparaître en tant que classe luttant pour ses intérêts propres que lorsque l'économie de guerre ne pouvait plus matériellement fonctionner…" est opprimé, surexploité, (illisible) comme soldat, sacrifié comme civil et c'est du fait de l'exacerbation des contrastes sociaux produite par la guerre et poussée au paroxysme par la prolongation de la guerre, la généralisation de la guerre et l'acharnement croissant des antagonistes à se détruire pousse le prolétariat à donner de force une réponse quelconque à la guerre : d'abord ce sont les désertions dans les armées malgré les fusillades pour l'exemple allant en se multipliant et en se généralisant ; les officiers sont tués d'une balle derrière la tête ; le nombre des prisonniers croît malgré la propagande qui fait croire à la répression des adversaires "barbares" ; dans les villes, les ouvriers font la grève perlée, sabotent leurs machines, se mutilent volontairement pour ne pas aller au front.
"Le prolétariat ne pouvait apparaître en tant que classe luttant pour ses propres intérêts…" que lorsque les Lucain proclament que "… le fascisme est tombé comme un fruit pourri…", "…l'économie de guerre a épuisé ses possibilités…", "l'économie de guerre bat de l'aile…"
En effet, pendant que Lucain "hivernait", tout un processus a eu lieu, une immense tragédie, la plus sanglante de l'histoire de l'humanité.
1943 ! Les mesures d'exception, l'année terrible dans les camps de concentration, des millions d'hommes sont massacrés : juifs, prisonniers politiques, prisonniers de guerre…
1943 ! Les désertions dans les armées, les bombardements des agglomérations ouvrières…
1943 ! Le réveil du prolétariat italien, le front qui "stationne" pendant plusieurs mois pour laisser le nord de l'Italie sous l'occupation nazie et pour permettre la neutralisation d'un secteur particulièrement effervescent…
1943 ! Le prolétariat n'était pas absent et sa tentative insurrectionnelle, sa réaction contre la guerre, il l'a payé par un bain de sang. La répression préventive des bourgeoisies a été d'autant plus féroce qu'elles avaient encore présent à l'esprit les expériences de 1917 et d'après l'autre guerre. C'était pour elle une question vitale.
Mais où étiez–vous en 1943 Mr Lucain ? Nonchalamment vous attendiez que "l'économie de guerre batte de l'aile" sans jamais vous demander quel pouvait être le seul facteur déterminant la fin de la guerre.
Si le capitalisme, au lieu d'avoir des hommes de chair, avait disposé d'armées de robots et d'armées industrielles de robots, professeur Lucain, la guerre– qui a pris fin en Allemagne en 1944 et au Japon en 1945 – ne se serait pas arrêtée avec l'élimination des impérialismes allemand et japonais mais (et c'est là où Lucain ne comprend rien au "capitalisme décadent") les contrastes nés chez les "alliés" – et qui n'ont cessé de se développer depuis – se seraient réglés immédiatement et la guerre n'aurait cessé que le jour où plus aucune mécanique ne serait restée utilisable. Les hommes, professeur Lucain, ne sont pas des mécaniques et c'est pour cela qu'une fois la guerre terminée vous avez pu vous présenter et dire : "L'économie de guerre a épuisé ses possibilités…"
Alors que de 1943 à 1944 il y a eu l'écrasement du cours révolutionnaire, depuis on assiste à la mobilisation du prolétariat dans le cadre idéologique de la 3ème guerre impérialiste. En somme, un cours révolutionnaire – qui s'était développé sur une grande échelle de 1917 à 1923 et qu'il a fallu presque 20 ans pour détruire idéologiquement – a été détruit en 1943–44 et quelques années à peine suffisent à le détruire idéologiquement. Certes, la plus grande part de responsabilité repose sur la trahison des partis "ouvriers" de la 2ème et de la 3ème Internationales ainsi que sur le trotskisme mais, à nos yeux, les "théoriciens de l'attente" en porte une également lourde. Leur absence qu'ils justifient à l'aide de théories et de phrases creuses, tortueuses, vides de sens, le retard causé par leur "poids" dans le travail politique dans la GCI, la trahison ouverte d'un des "grands théoriciens" de ce courant dans le Comité Antifasciste de Bruxelles, les yeux trop nombreux qui se sont volontairement fermés sur cette affaire, la résistance passive devant la protestation énergique de camarades sincèrement et justement révoltés, sont autant de faits qui préparent les pires aventurismes et promet à cette tendance, si elle est victorieuse, d'avoir la gloire de porter en terre les restes du travail de la Gauche pendant 20 ans.
Mais revenons aux élucubrations de Lucain : "… il faut considérer non seulement la période même des opérations militaires mais aussi la période qui lui succède…"
Cela peut être vrai mais ne peut l'être "en soi". Il faut que cela soit appliqué à une période historique donnée et démontré "de façon claire et convaincante… (Lucain dixit)".
Voyons plutôt Lucain à l'œuvre, armé de "sa vérité" :
"Il est, par exemple, absolument normal de considérer la révolution allemande de 1918–23, les luttes révolutionnaires en Italie en 1920–21, la grève d'Angleterre en 1926 et la révolution chinoise de 1927, comme des conséquences de la guerre 1914–18…" (de l'art de déformer les faits pour servir de justification à ses propres trahisons) "… ces événements relèvent en conséquence du schéma de Lénine au même titre que la Révolution d'octobre 1917, bien que dans plusieurs cas il n'y ait pas eu de défaitisme révolutionnaires pendant les opérations militaires."
Décidément ou bien Lucain n'a rien compris ou bien c'est dans le but unique de se justifier qu'il cherche à tirailler le "schéma" à hue et à dia, Lénine ne pouvant remettre à sa place ce triste Lucain–là, et pour cause "… ces événements relèvent en conséquence du schéma de Lénine au même titre que la révolution russe de 1917…"
Après avoir fait le prestidigitateur et le jongleur avec les phrases, Lucain fait de l'exhibitionnisme : il fait les pieds au mur et voit les événements historiques et le monde à l'envers.
Non Lucain, "…ces événements…" ne "relèvent" pas "du schéma de Lénine au même titre que la révolution russe de 1917…", car ce que ce lecteur à l'envers de l'histoire ne voit pas c'est que si le prolétariat russe et la Révolution d'octobre avaient été écrasés en Russie en 1917, "… ces événements" qui "relèvent…" d'une fausse analyse de Lucain n'auraient pas eu lieu, ou du moins auraient été atténués très sensiblement, "… et de ce fait…" "… il apparaît clairement que…" la guerre impérialiste de 1939–45 aurait eu lieu plus tôt.
"Il faut donc ( ? ? ) établir le schéma de la transformation non dans les limites trop étroites (pour Lucain) des opérations militaires mais dans le sens plus large qui englobe aussi les changements de rapports de forces impérialistes consécutifs à la guerre."
"Donc" se rapporte à la marche sur les mains que Lucain a pratiqué plus haut ; de ce fait, sa dialectique renversée lui retombe sur le nez et prouve exactement le contraire de ce qu'il voulait essayer de faire avaler au public, à savoir : "Il faut donc établir le schéma de la transformation non dans les limites trop étroites…" pour Lucain, celui–ci se réveillant "après la bataille" "mais dans le sens le plus large…" lui permettant de justifier son absence de l'arène politique pendant la guerre par la théorie que le prolétariat n'existait pas et de dire ensuite ce qui suit : "Et alors…", comme Lucain a "élargi" pour lui le schéma de Lénine et "donc…", comme la période révolutionnaire de l'après–guerre et de la Révolution d'octobre 1917 en Russie sont toutes deux "des produits directs…" du schéma de Lénine (! ! !), Lucain peut maintenant jouer à pile ou face avec Lénine et son schéma.
"Et alors nous verrons que, bien qu'aucun prolétariat n'ait pratiqué le défaitisme révolutionnaire pendant cette guerre, nous assistons (nous Lucain) aujourd'hui au début de la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile (? ? ? ! ! !)."
Le Roi est mort ! Vive le Roi ! La guerre impérialiste est finie. Vive sa transformation en guerre civile ! ! ! Ou le processus d'escamotage du schéma de Lénine par les tours de passe–passe de l'Internationaliste.
Si la lutte de l'après–guerre de 1918 a soulevé comme une vague de fond dans le monde entier et ébranlé un moment le capitalisme c'est parce que le cours de la guerre est rompu ouvertement par les soldats et ouvriers russes en 1917 et les soldats et ouvriers allemands en 1918, et que la bourgeoisie est tenue effectivement en échec pendant plusieurs années. C'est grâce à l'escamotage pur et simple de certains faits historiques que Lucain se paie de luxe de "proclamer", "après la bataille", la nécessité de "la transformation de la guerre" qui vient de se terminer "en guerre civile" ; mieux, il affirme : "… nous assistons à cette transformation…".
Nous avons déjà défini plus haut notre position sur cette guerre et sur les situations en 1943 et présente. Il convient tout de même de dénoncer cette jonglerie, ces sauts périlleux qui permettent à un Lucain de s'abriter derrière le schéma de Lénine :
Lucain rejette le mot d'ordre de "défaitisme révolutionnaire" alors que, pour Lénine, les deux choses, schéma et mot d'ordre, sont absolument inséparables.
Ils sont applicables non après la fin de la guerre mais en plein cours pour "transformer" celui–ci (comment Lucain peut–il en effet affirmer que "l'économie de guerre bat de l'aile…" et que c'est quand elle a "épuisé ses possibilités" que le prolétariat apparaît "en tant que classe luttant pour ses intérêts propres…", et concilier ce galimatias avec la position conséquente de Lénine ?). Que veut en effet "transformer" Lucain une fois la guerre terminée ? Il veut en réalité faire prendre des vessies pour des lanternes, des Lucain pour des marxistes.
"Les événements d'Italie en 1943–45, les grèves aux USA et en Angleterre, les luttes en Indochine, en Indonésie, en Iran, en Palestine, en Syrie, au Maroc démontrent la justesse du schéma de Lénine."
Lucain dit "les événements d'Italie en 1943–45…" mais il les a déjà dénaturés en affirmant l'inverse de ce qui s'y est présenté, à savoir que "… l'économie de guerre y avait épuisé ses possibilités" alors que c'est le prolétariat qui est entré violemment sur l'arène historique. Cela n'empêchera pas le courant vercesien d'affirmer plus tard qu'il n'y a jamais rien eu en Italie en 1943, que tout ce qu'on a dit est le simple produit de l'imagination de certains camarades, que "le fascisme est tombé comme un fruit pourri…" ; tout cela pour justifier au moment opportun 1 – "l'absence" pendant la guerre, 2 – la formation, à notre avis prématurée, du Parti en Italie.
"… les luttes en Indochine, en Indonésie, en Iran, en Palestine, en Syrie (…) démontrent la justesse du schéma de Lénine." Les grèves et les luttes ne "démontrent" rien du tout ; mais toute cette phraséologie, toutes ces jongleries, toutes ces entourloupettes, tous ces tours de passe–passe "démontrent" catégoriquement que Lucain prend ses lecteurs pour des imbéciles. Il prend "les événements d'Italie en 1943/'45 (…), les grèves aux EU et en Angleterre (…)" et les luttes de partout, il les met dans un sac sans en examiner seulement les tenants et les aboutissants, la nature de chacun. Il prend ce sac d'une main, de l'autre le schéma de Lénine et il dit : "Ceci démontre cela !"
Lucain est un impressionniste, il veut endormir son lecteur avec des phrases labyrinthes. C'est une tactique comme une autre.
Il n'y a qu'un seul fait qui démontre la justesse du schéma de Lénine : ce sont les événements d'Italie en 1943 et d'Allemagne en 1944. Eux ont une signification et peuvent démontrer que Lénine avait raison contre les Lucain qui, en 1917, attendaient la fin de la guerre pour reprendre l'activité "révolutionnaire". Les grèves aux EU n'ont pas une très grande signification encore :
L'écart entre les salaires et le coût de la vie n'a cessé de s'accentuer depuis la guerre ; les ouvriers ont accepté des sacrifices parce que c'était la guerre ; maintenant ils entrent en conflit avec le patronat qui veut garder la marge bénéficiaire acquise pendant la guerre.
Activité des défenseurs de l'URSS à l'intérieur du COI.
Impossibilité pour le capitalisme américain d'opérer sa "reconversion".
Déséquilibre moral dans la classe ouvrière américaine crée par la crainte du chômage et de la crise économique.
Les grèves en Angleterre ont une plus grande signification. Elles sont faites en rupture directe d'avec les organisations syndicales inféodées au gouvernement travailliste.
Quant à ce que Lucain appelle "les luttes" en Indochine, en Indonésie, en Iran, en Palestine, en Syrie, au Maroc (on peut ajouter en Chine pendant qu'on y est), là Lucain laisse à son lecteur la liberté d'interprétation. Il faut bien que cet "imbécile" de lecteur ait un petit travail aussi à faire : la somme des devinettes que contient un article de Lucain en fait un morceau de choix, une sorte de "mots croisés".
De quelles natures sont les luttes dont il parle ? Il ne le dit pas. Mais comme il ajoute plus loin : "La guerre impérialiste de 1939–45 pour un nouveau partage du monde entre les trusts est en train de se transformer en guerre civile.", dans ce cas–là, il doit considérer les luttes dont il parle plus haut comme des manifestations du phénomène qu'il découvre, à savoir que la guerre se transforme en guerre civile.
La fausse analyse de la situation a conduit Lucain à l'inactivité pendant la guerre, sa fausse analyse actuelle le fait assister au schéma de Lénine d'un cours vers la guerre civile. Ainsi, lorsque apparaîtront les premiers bruits de guerre impérialistes, il pourra la prendre effectivement pour la révolution et y participer activement.
Pour l'instant, et bien qu'il vienne d'affirmer : "… la guerre impérialiste est en train de se transformer en guerre civile…", Lucain poursuit : "Dans celle–ci, la revendication prolétarienne se posant comme protagoniste de lutte pour le socialisme, n'apparaît pas encore avec la netteté qu'elle avait en 1917–23."
Lucain – qui se souvient après la bataille qu'il existait quelque part un schéma de Lénine et après avoir dit : "Après tout, puisque nous n'y avons pas appliqué le schéma 'pendant' la guerre, appliquons le 'après'…" – est tout étonné qu'un de ses tours ne réussisse pas.
"L'économie de guerre bat de l'aile…", "… l'économie de guerre avait épuisé ses possibilités…", "… le prolétariat apparaît…" Mais tout à coup un ressort est cassé dans la magie oratoire de Lucain. Il dit "le prolétariat réapparaît" mais c'est juste au moment où celui–ci se cache à ses yeux et est en train de disparaître. Alors le camelot, jamais embarrassé et qui a plus d'un tour dans sa valise, dit simplement : "Il ne réapparaît pas avec la netteté…" de son apparition… de 1917–23.
Lucain joue à cache–cache avec le prolétariat. Quand celui–ci "apparaît", il est à la pêche et ne le voit pas. Quand il revient, le prolétariat, lui, s'en va. De quoi faire pâlir un prestidigitateur. Mais cela ne trouble pas un Lucain, il en a vu d'autres !
Pour nous qui avons vu effectivement le prolétariat présent, pour nous qui, à ce moment–là, voulions tenter l'ultime acte que tout vrai révolutionnaire devait tenter, c'est–à–dire "être" avec le prolétariat, pour nous qui étions les "aventuriers qui voulaient entraîner" les Lucain "dans des actions inconsidérées…", pour nous qui avons suivi pas à pas les défaites du prolétariat, pour nous qui avons lancé aux Lucain tous les avertissements dus au tragique de la situation, pour nous le "1917–23" a été écrasé en 1943–45 impitoyablement par les bourgeoisies.
Le cours ouvert est vers la guerre impérialiste et s'accentue. Il est donc normal que Lucain, bien qu'il écarquille les yeux de toutes ses forces, ne puisse pas voir le prolétariat "réapparaître" avec "netteté".
"Et elle ne pourra apparaître avec netteté (sans doute la revendication ?), le prolétariat ne pourra faire naître (de l'anarchie qu'envahit lentement et sûrement la société) une lutte cohérente dirigée vers la destruction de la société pourrie que s'il parvient (au feu des luttes) à forger son parti de classe qui pose la question du pouvoir."
Fin de chapitre. Lucain, après avoir "… replacé le problème sur son véritable terrain (…) et écarté la confusion…", conclue cette partie de son article en disant : "La revendication prolétarienne se posant comme protagoniste de la lutte pour le socialisme (…) ne pourra apparaître avec netteté (…) le prolétariat ne pourra faire naître une lutte cohérente dirigée vers la destruction de la société pourrie que s'il parvient à forger un parti de classe…"
Heureusement il ajoute : "…(au feu des luttes)". Mais… au feu de quelles luttes ? De celles de la nature de 1943 en Italie ? Des "événements de Grèce en 1944–45…" ? Ou bien des "luttes en Indonésie, en Iran, en Palestine, en Syrie, au Maroc, en Indochine…" ?
Au feu de quelles luttes forme–t–on le parti ? Au feu des luttes sociales ? 1943 en Italie ! Ou au feu des luttes inter–impérialistes ? Indonésie, Iran ! ! ! Palestine ! Syrie ! Maroc ! Indochine ! Grèce ! ! ! Lucain oublie tout simplement de nous en parler.
"Comment se fait–il que non seulement un petit groupe de militants a été capable de lancer le mot d'ordre du défaitisme révolutionnaire mais que des masses, des millions d'hommes en Russie et en Allemagne ont pratiqué le défaitisme révolutionnaire en 1914–18 alors que le prolétariat n'a pu le pratiquer en 1939–45 ?"
Parce que la bourgeoisie ne disposait pas d'un appareil coercitif aussi puissant, aussi violent et permettant une intervention aussi rapide en 1917 qu'en 1943, ce qui a permis à la bourgeoisie d'écraser l'insurrection avant qu'elle n'ait pris CONSCIENCE d'elle–même.
Parce que, en 1917, les Lénine ont réussi à faire entendre raison aux Lucain et qu'ils ont été "présents" lorsque les premiers sont "apparus".
Parce que, cette fois–ci, le prolétariat avait un effort idéologique bien plus grand à faire pour se libérer des trahisons des partis "ouvriers", du trotskisme et du "lucanisme".
Mais ce la voulait–il dire que les révolutionnaires devaient "aller aux fraises" ? Les vrais révolutionnaires devaient tout tenter ! Le faible poids qu'ils étaient dans la balance, ils devaient l'y mettre. Dans l'histoire, il suffit parfois de si peu pour changer tout un cours. La VOLONTÉ humaine a tant de force créatrice quand elle agit sur un terrain aussi fécond que celui de la lutte de classe. Mais à quoi bon ! Une telle "aventure" demandait des hommes et non des Lucain !
Alors les Lucain ont le cynisme de dire : "Il faut bien retenir ceci de 1914–18, c'est qu'en 1939–45 il était possible (tout autant que pendant l'autre guerre) que quelques militants lancent le mot-d'ordre."
"Mais…", mais Lucain, qui n'était pas là, dit : nous n'étions pas là parce que le prolétariat n'y était pas. Il dit :
"Il nous était impossible pendant cette guerre de lancer le mot–d'ordre, MAIS les conditions historiques (…) n'étaient pas réunies."
Les "conditions historiques" qui mettent fin à une guerre, Lucain les découvre dans la magique boite de "l'économie de guerre" ; et "de ce fait", "il saute aux yeux que… " Lucain ne peut pas voir ce que le prolétariat vient faire là–dedans.
"Quelles sont donc ces conditions historiques qui ont empêché le prolétariat de rompre l'Union sacrée tant que l'économie de guerre pouvait fonctionner ?
Et quelles sont "ces conditions" qui permettaient à l'économie de guerre de fonctionner ? Et celles qui pouvaient l'empêcher de fonctionner sinon le prolétariat lui–même en tant que facteur déterminant du "fonctionnement" économique du capitalisme ?
"En 1914–18, la guerre avait éclaté comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Les prolétaires opposèrent pendant quelques jours des manifestations de rue à la guerre. Dans le Reichstag allemand, Liebknecht sauva l'honneur du prolétariat allemand en votant contre les crédits de guerre. Tout au long de la guerre, Luxemburg et Liebknecht menèrent la lutte. Des grèves éclatèrent en 1917 en Allemagne. En Russie existait un Parti bolchevik cohérent et révolutionnaire. Dans cette guerre, rien de pareil. La guerre ne s'est déclenchée que lorsque, au travers d'une lutte de 20 ans, la bourgeoisie était parvenue à désarmer complètement le prolétariat, à le détourner complètement de son chemin de classe, à lui faire partager à l'avance l'idée de la guerre."
"En 1914–18 la guerre avait éclaté comme un coup de tonnerre dans un ciel serein." ? C'est Lucain qui est un serein ! En 1914, comme en 1939, c'est grâce à l'embrigadement idéologique du prolétariat que la bourgeoisie a pu faire la guerre. En 1914 c'est la trahison de la 2ème Internationale qui permit aux bourgeoisies de mobiliser les ouvriers pour la défense de la patrie – les partis sociaux–démocrates étant pour la défense des patries et l'arrêt de la lutte de classe pendant la guerre.
"Dans cette guerre, rien de tout cela" ? En 1939, c'est effectivement au bout d'une lutte de 20 ans que le prolétariat est mobilisé dans la guerre. Mais alors qu'en 1914 les recrues partent au front avec "la fleur au fusil", "faire la guerre en dentelles", dans un délire d'enthousiasme, sûres que "ça ne durera pas plus de 15 jours", en 1939 les hommes qui partent savent quelle signification a la guerre ; et français et italiens ne font pas de "bons soldats". En 1940 les soldats français ne se battent pas ; quant aux italiens il fallait toujours plus de divisions "alliées" pour les soutenir que de divisions ennemies pour les faire battre en retraite. Dès 1943 apparaissent dans les armées russes, allemandes et américaines les premières grandes désertions. Dès 1943 les ouvriers ne travaillent plus qu'à un rendement qui diminue sans cesse.
Mais la bourgeoisie sait que la transformation de la guerre en guerre civile en Europe à cette époque, avec la force qu'aurait représenté un tel mouvement et la dynamique révolutionnaire qu'il était capable de transmettre à tous les peuples opprimés voisins, la bourgeoisie sait que le seul moyen qui peut la sauver est l'écrasement complet et rapide avant même qu'il n'ait le temps de s'étendre et surtout de se révéler en tant que mouvement conscient et organisé.
"Dans cette guerre, rien de pareil" (qu'en 1914–18), affirme Lucain.
Au contraire, dans cette guerre –ci, les grandes lignes du processus qui avait eu lieu pendant l'autre se sont reproduites à peu près. Les seules différences c'est qu'en 1917 ce processus a duré 6 ans, et cette fois–ci environ 1 an et demi, c'est que cette fois–ci il y avait beaucoup plus de Lucain que de Lénine, de Liebknecht et de Luxemburg. Enfin tout ce processus a eu lieu pendant que Lucain étudiait le "vercesisme".
Et voilà Lucain content de lui ! Après avoir débité de telles sornettes et mandé tout cru de "l'aventurier", il se retourne fulminant contre les trotskistes auxquels il envoie ses dernières cartouches.
"Le cheval de bataille de la guerre impérialiste de 1939–45 a été le front unique politique.
Celui–ci a été accepté par les ouvriers au nom de la défense de l'URSS… (…) Et le parti «le plus à gauche», les trotskistes, était précisément pour le front unique et pour la défense de la Russie."
Lucain passe sous silence les fronts uniques que la FB a fait elle–même et ceux sur lesquels elle est en grande partie responsable (le moins qu'on puisse en dire) : la proposition d'un journal en commun faite par la FB aux mêmes trotskistes et le Comité Antifasciste de Bruxelles dont Vercesi (dont Lucain est un sous–produit) était le président et rédacteur du journal antifasciste "L'Italie de Demain". Ce qui n'empêche pas Lucain de dire sans ambiguïté :
"La guerre n s'est déclenchée que lorsque, au travers de 20 ans de lutte, la bourgeoisie est parvenue à désarmer complètement le prolétariat, à le détourner complètement de son chemin de classe, à le faire partager à l'avance l'idée de la guerre."
"En Allemagne et en Italie ce la se fit par le massacre physique dans les camps de concentration, par la suppression des syndicats et des partis. Ailleurs cela se fit par l'antifascisme, par la politique du front unique politique."
D'un côté (pour "la masse des imbéciles"), on affirme des positions politiques et on accuse les autres, tels les trotskistes, d'avoir aidé idéologiquement la bourgeoisie à embrigader le prolétariat dans la guerre et, de l'autre, on pratique cette même politique ! Inutile de dire que les critiques venant de telles sauterelles doivent faire trembler les trotskistes de Belgique. Il est vrai que ces derniers sont eux–mêmes incapables de répondre à des Lucain.
Au royaume des Lucain les girouettes sont reines !
"Ainsi, conscients de la justesse du schéma de Lénine qui est en train de se réaliser sous nos yeux…" et sortant de son "chez moi", Lucain invite les ouvriers belges à former le Parti de classe du prolétariat !
(Il s'agit de la "Décadence du capitalisme" de l'Internationaliste – 8ème année, N° 2, février 1946)
"D'une façon générale, on s'en réfère aux chiffres de production de 1913 comme base de comparaison. Ce n'est pas par hasard. Dès 1910, l'impérialisme avait réduit le monde en esclavage. La crise de 1912–13 est le signal de la décadence du capitalisme.
Depuis ce moment, le monde entier est soumis au rapport capital–travail. Depuis ce moment, dans le monde entier, c'est la masse des salaires des ouvriers qui constitue le pouvoir d'achat global.
Or, comme l'ouvrier produit une valeur supérieure à son salaire, la masse des produits représente le double ou le triple du pouvoir d'achat. Depuis ce moment, le capitalisme est en état de crise permanente."
Pauvre Lucain ! Tout ça danse, danse dans sa tête et voilà le résultat : "Depuis ce moment (depuis la crise de 1912–13), le monde entier est soumis au rapport capital–travail. Depuis ce moment, dans le monde entier, c'est la masse des salaires des ouvriers qui constitue le pouvoir d'achat global."
Sur quoi repose la crise permanente du capitalisme ? Sur le fait, d'après Lucain, que les ouvriers produisent deux ou trois fois la valeur de leur pouvoir d'achat et que le pouvoir d'achat, "le pouvoir d'achat global…", est constitué par la masse des salaires des ouvriers. C'est pourquoi, "… d'accord entre eux…", les capitalistes se font la guerre.
En effet, "… les ouvriers produisant deux ou trois fois plus que leur pouvoir d'achat…", le surplus ne pouvait être accumulé sans cesse ; il fallait bien en faire quelque chose. Alors Lucain nous montre comment d'abord le capitalisme "brûle le café et le blé, arrache des centaines de milliers de plans de cotonniers pendant qu'on tuait des centaines de milliers de têtes de bétail pour les laisser pourrir sur place…" (les têtes !) et c'est sans doute parce que le procédé n'est pas assez violent que la capitalisme "d'un commun accord s'est décidé à armer «les ennemis héréditaires» (…) pour qu'on en finisse une fois pour toute avec ce surplus de travail produit par les ouvriers et qu'ils ne peuvent consommer avec leur pouvoir d'achat.
C'est pour cela, c'est parce que l'économie de guerre était le seul moyen de sauver le capitalisme après 1929 que tous les pays ont armé l'Allemagne et le Japon. Malgré qu'il y a des rivalités inter–impérialistes entre eux, les capitalistes ont été d'accord pour armer les «ennemis héréditaires»."
Comme le dit Lucain : "Un système qui aboutit à de telles abominations doit disparaître de la surface de la terre…"
Malheureusement toute cette lucanerie ne tient pas debout. Où Lucain a–t–il vu que :
Les capitalistes qui font produire les ouvriers n'ont d'autre possibilité que de détruire tout ce qui n'est pas consommé par la "masse des salaires des ouvriers" ?
En réalité, les capitalistes ne détruisent pas pour le plaisir de détruire. La destruction est un produit du capitalisme et on peut dire la contradiction la plus grande qu'il contienne ; le capitalisme étant à l'origine créateur de richesses.
Enfin, l'affirmation : "c'est la masse des salaires des ouvriers qui constitue le pouvoir d'achat global" est la négation même des enseignements du "Capital". C'est la non compréhension de l'alpha–béta du Marxisme.
Il est absolument nécessaire, pour nous, de nous arrêter encore une fois sur ce problème fondamental et cela aussi longtemps que des Lucain enseigneront à la classe ouvrière un Marxisme "arrangé", "interprété" et "mis en cause". Tout d'abord Lucain fait une découverte formidable qui bouleverse le Marxisme et Lucain lui–même : "Depuis ce moment, le monde entier est soumis au rapport capital–travail (depuis 1912–13)."
Les phrases éthérées et vaporeuses de Lucain prêtent à confusion :
Veut–il dire par là que, depuis la crise de 1912–13, le monde est conquis par le système de production capitaliste et que plus un pouce de terrain, de sol ne reste vierge de la domination du capital ? Dans ce cas–là, pourquoi ne le dit–il pas plus clairement ?
Lucain ne voit en réalité rien du tout ; il ne voit que des vapeurs, que de l'éther et il le couche sur le papier. Cela donne, pour le début de sa "Décadence du Capitalisme", une indication aussi précise que celle qui dirait : depuis l'autre guerre, les rapports humains sont essentiellement soumis aux rapports sexuels.
Marx a dit il y a un siècle : "Considéré comme une partie d'un tout, le procès de production capitaliste, en tant que procès de production, ne produit donc pas seulement des marchandises ni de la plus–value, IL PRODUIT ET REPRODUIT LE RAPPORT CAPITALISTE LUI MEME, TEL QU'IL EXISTE ENTRE LE CAPITALISTE ET LE SALARIÉ." (Le Capital – Tome IV, p. 28 –) ; et cela, pas seulement depuis la crise de 1912–13 ou la crise d'économisme de Lucain mais depuis que le système bourgeois capitaliste a remplacé effectivement le système féodal. Mais Lucain, bien qu'il ait mis 3 ans à lire "Le Capital", n'a rien vu de tout cela.
"Depuis ce moment (toujours depuis 1912–13), dans le monde entier, c'est la masse des salaires des ouvriers qui constitue le pouvoir d'achat global.
Or, comme l'ouvrier produit une valeur supérieure à son salaire, la masse des produits représente le double ou le triple du pouvoir d'achat. Depuis ce moment, le capitalisme est en état de crise permanente."
Que vient faire ici "le pouvoir d'achat" dont il parle ? Et pourquoi est–il constitué par "la masse des salaires" ? Ne cherchez pas ! Cela "découle" de "l'économie de guerre", la machine à hacher le Capital, l'éther de Lucain.
Dans la réalité des faits, "la masse des salaires des ouvriers" est une chose et "le pouvoir d'achat global (? ? ?)" dont parle Lucain est une autre. L'un ne "constitue" pas l'autre et ne "produit" ni "la décadence du capitalisme" ni rien du tout de ce que Lucain nous jette à la figure.
Marx perd son temps, pendant plusieurs livres du Capital, à démontrer que "la masse des salaires des ouvriers" est uniquement destinée à faire reproduire la force de travail de ces ouvriers, comme le fourrage qu'on donne aux vaches leur sert à se nourrir pour donner leur lait, faire leur veau et avoir, si besoin est, la force de traîner la charrue ; et cela jusqu'au jour de leur transformation en viande de boucherie. Marx insiste là–dessus avec force. De même qu'il dit que ce qui primitivement est un échange entre le capital et le travail (d'une force de travail avec sa valeur comme moyen de reproduction) devient une fiction par la suite. La valeur réelle de la force de travail devenant elle–même une fiction, le salaire devient uniquement un entretien de la force de travail par la classe capitaliste.
"A l'origine il ne s'agissait que d'un échange d'équivalents. Actuellement cet échange n'est plus qu'apparent : la partie du capital échangée contre la force de travail n'est qu'une simple partie du produit fini par le travail d'autrui et approprié sans remise d'équivalent ; en outre, l'ouvrier, le producteur de cette partie du capital, doit la remplacer par un nouveau surplus de travail. Le rapport d'échange entre le capitaliste et l'ouvrier n'est donc qu'une simple apparence faisant partie du procès de circulation ; ce n'est plus qu'une forme absolument étrangère au fond et constituée par l'achat et la vente sans cesse renouvelés de la force de travail." (Le Capital, tome IV)
Le capital variable, part de capital investie dans l'entretien et la reproduction de la force de travail, perd tout caractère d'échange d'une valeur à une autre pour devenir uniquement l'entretien et la reproduction de la machine humaine : force humaine de travail.
Dans le procès de reproduction, les capitaux réinvestis, la plus–value capitalisée se grossissent d'une manière de plus en plus rapide du fait de la multiplication par eux–mêmes de ces capitaux dans leur réinvestissement ininterrompus, pendant que le capital variable n'augmente d'abord que d'une façon très peu sensible et finit par rester à peu près identique à lui–même. Pendant ce temps–là, c'est le cours ininterrompu de l'accumulation et de la reproduction capitaliste qui produit un écart grandissant entre d'une part le capital variable et d'autre part la plus–value.
Le travail produit par l'ouvrier est approprié entièrement par le capitalisme, le capital variable étant extirpé aux ouvriers au cours d'un cycle de production donné en vue de servir à l'entretien et à la reproduction de la force de travail au cours du cycle suivant. Dans ces conditions, le capitalisme n'attend pas après le pouvoir d'achat constitué par la partie de capital variable qu'il paie en salaire aux ouvriers pour subsister en tant que système.
[Une autre partie du capital variable, qui tend à augmenter dans la période présente, étant investie en dispensaires, terrains de sport, etc. Cela ne change rien à la chose en soi. Au contraire, elle permet sous ce prétexte de réduire plus que de mesure l'autre partie versée sous forme de salaires.]
Le capitalisme n'attend pas après "la masse globale des salaires" pour vendre ses marchandises sur le marché et cela pas plus depuis "la crise de 1912–13" qu'avant. NON Lucain ! Le marché du capitalisme n'est pas conditionné par la présence "d'une masse globale des salaires". La "masse des salaires" est, grâce au marché, au contraire, récupérée en partie. En effet, l'ouvrier touche un salaire en monnaie dévaluée. Quand il achète sur le marché les produits nécessaires à l'entretien et à la reproduction de sa force de travail, il fait une opération qui permet au capitalisme de récupérer une partie de ce salaire à l'aide d'impôts directs ou indirects, de taxes, etc. Il faut donc chercher ailleurs "le pouvoir d'achat global".
Des Lucain, tenant un raisonnement inverse et cherchant également d'où vient "le pouvoir d'achat global", le trouvent constitué par la plus–value consommée par la classe bourgeoise capitaliste. Ce raisonnement ne tient pas plus debout que le précédent et perd de vue un tout pour une de ses innombrables parties. "La masse globale des salaires" en système capitaliste est une partie, une infime partie de ce tout ; la plus–value dépensée par les capitalistes et la classe bourgeoise, pour ses plaisirs et ses fastes, une autre partie. Mais ces parties sont encore tout à fait insuffisantes à la constitution de ce tout, de ce "pouvoir d'achat global". Ce terme même de "pouvoir d'achat global" est impropre et doit être de suite rejeté comme il sera démontré par la suite.
A)– PROCES DE PRODUCTION SIMPLE
Ce schéma est une abstraction mais est nécessaire à la compréhension du procès de reproduction et de reproduction élargie. La production capitaliste se divise en deux secteurs :
1– la production des moyens de productions ;
2– la production des moyens de consommation.
Dans les deux secteurs il y a le même processus capitaliste de la production :
CAPITAL CONSTANT (machines–outils, matières transformables, usines, etc.)
CAPITAL VARIABLE (part de capitaux investie dans l'entretien de la reproduction de la force de travail)
PLUS–VALUE (travail non payé et approprié par la classe bourgeoise capitaliste).
B)– PROCES DE LA REPRODUCTION
Dans le procès de reproduction, et dès que l'on fait mettre ce schéma abstrait en mouvement, qu'on fait vivre les différentes branches du système capitaliste, on s'aperçoit que :
1– les deux secteurs de la production sont complémentaires et vivent l'un de l'autre. Les capitalistes et les ouvriers du secteur moyen de production achètent dans le secteur moyen de consommation ce dont ils ont besoin. Les capitalistes du secteur moyen de consommation achètent dans le secteur moyen de production ce qui est nécessaire à l'entretien de leur capital constant.
2– Dans chaque secteur :
les capitalistes du secteur moyen de production achètent eux–mêmes ce qui est nécessaire au renouvellement de leur propre capital constant ;
les capitalistes et les ouvriers du secteur moyen de consommation achètent eux–mêmes les produits nécessaires à leur propre consommation.
La reproduction capitaliste consiste à faire vivre et se compléter les différents secteurs de la production.
C)– REPRODUCTION ELARGIE
"Considérée au point de vue concret, l'accumulation n'est que la reproduction du capital sur une échelle progressive. Le cercle de la reproduction simple se modifie et, suivant l'expression de Sismondi, se change en spirale." (Le Capital, tome IV)
Tout le secret de la crise permanente du capitalisme est contenu dans cette spirale. Cette spirale qui a tendance à se développer à l'infini et qui rencontre un jour les limites de la surface de notre globe terrestre.
Le système capitaliste c'est la recherche sans cesse accrue de profits et de sources de profits. C'est, partant de cette recherche de profit par tous les moyens, (ce qui fait) que la société bourgeoise a pu être, pendant un temps, un facteur progressif. Mais elle a été un progrès d'une façon indépendante de sa volonté, parce qu'elle n'a pas recherché le progrès pour le progrès mais pour s'enrichir avec une rapidité sans cesse accrue. Cela a permis à la société de s'enrichir indépendamment de la volonté de la bourgeoisie, comme cela amène aujourd'hui la destruction de la société de la bourgeoisie indépendamment de sa volonté, mais comme produit de sa course folle vers l'enrichissement anarchiste des capitalistes. Aujourd'hui cette course effrénée vers l'enrichissement n'est plus tellement la volonté de capitalistes individuels que les besoins pléthoriques crées par une classe capitaliste pléthorique. Dans la période décadente, les bénéficiaires du régime ne sont plus tant quelques individus mais une masse d'individus parasites qui vivent du maintien du régime lui–même. Quoi qu'il en soit, rien de changé à la nature capitaliste de la société et à la recherche sans cesse accrue de profits.
Primitivement l'élargissement de la reproduction n'a été possible que grâce à cette course infinie vers la réalisation de profits. Le Capital Social Total (considéré avec ses secteurs dépendants) produit une partie de plus–value qui ne sert pas à l'entretien de la classe capitaliste. Cette part de plus–value grandit au fur et à mesure de l'élargissement de la (production) reproduction, comme la spirale s'élargit sans cesse vers l'infini. Cette part de plus–value est accumulée et réinvestie dans la production. Mais, (c'est là que commence la course illimité) à chaque réinvestissement d'une part accrue de plus–value accumulée il faut de nouvelles machines, de nouvelles usines, il faut un élargissement équivalent de capital constant et de capital variable des deux secteurs de la production capitaliste.
Tant que le capitalisme est à la conquête du monde, qu'il est pionnier et trouve de nouvelles possibilités d'élargissement de sa production, il sert la société parce qu'il défriche des secteurs encore incultes. Mais du jour où la spirale du Capital Social Total, défrichant et envahissant toutes les parties du monde, rencontre ses limites, il cesse d'être constructif et devient destructif. La construction s'est faite pendant le premier stade grâce à la force de travail non payée extirpée à des couches de travailleurs sans cesse grandissantes.
Voyons la deuxième période ! Si la société capitaliste était une société organisée non pour la recherche exclusive de profits mais pour le bien de l'humanité et pour la civilisation, elle aurait compris que cette course devait se ralentir puis s'arrêter au profit de la société toute entière.
Mais le Capital Social Total n'est qu'une abstraction, la totalité d'efforts anarchiques complémentaires (dans une certaine période) dans une certaine mesure, tant que le tout ne se heurte pas dans sa course vers l'infini à une limite d'une surface fermée. Dès ce moment, les efforts qui ont pu paraître complémentaires continuent tous, se redoublent du fait des difficultés naissantes. Dès ce moment, le heurt se produit entre les différentes individualités qui constituent ce monde anarchique. Ce qui n'était primitivement qu'une spirale, ce qui paraissait n'agir que comme un tout explose en des centaines de petites spirales qui essaient de se développer l'une au détriment de l'autre, qui se mangent entre elles mais qui poursuivent jusqu'au bout et malgré leur tendance à l'élargissement sans cesse accru. Les blocs se forment, les rivalités inter–impérialistes (qui s'étaient déjà produites dans cette course à l'enrichissement) se heurtent ce coup–là avec une violence décuplée. La vie des une est conditionnée par la disparition des autres. Le plus fort mange le plus faible. Quand celui–ci se laisse faire, il est happé sans bruit ; quand il pense avoir la force de résister, quand il refuse, c'est la guerre.
Ce n'est pas tant, comme le pense Lucain, parce que le régime capitaliste aboutit "à de telles abominations" qu'il "doit disparaître de la surface de la terre", mais bien parce qu'il s'avère incapable de gérer la société, les "abominations" n'étant qu'un produit indépendant de sa volonté, un produit de l'anarchie capitaliste.
Du fait que Lucain n'a rien compris au procès d'accumulation et de reproduction élargie, il en vient à prêter au capitalisme des intentions que seul un être organisé et conscient pourrait avoir : "Le capitalisme n'a pu sortir de la crise de 1913 et plus tard de 1929 qu'en instaurant l'économie de guerre."
L'économie de guerre n'est "instaurée" par personne. Le militarisme et la production de guerre ne sont que des effets de l'exacerbation de plus en plus grande et de plus en plus aiguë des contrastes inhérents au capitalisme : des contrastes inter–impérialistes et de contrastes sociaux. L'accroissement des contrastes produit l'accroissement des appareils militaires. La puissance des blocs produit la violence des chocs. La destruction est le produit de l'anarchie des volontés qui subsistent de perpétrer un système d'exploitation d'une classe pour l'enrichissement d'une autre.
"Le capitalisme n'a pu sortir de la crise de 1913 et plus tard de 1929 qu'en instaurant l'économie de guerre." Le capitalisme, quand il est entré dans la crise permanente, n'a pu sortir d'une crise que pour retomber dans une plus grave et plus profonde. La production de matériel de guerre n'est pas une tentative du capitalisme pour résoudre sa crise mais un effet de sa crise et ne correspond à aucune volonté du capitalisme, qui n'est pas un individu "en soi" possédant une volonté.
"Dans celle–ci (l'économie de guerre de Lucain), le manque de pouvoir d'achat est supplée par l'intervention de l'Etat. Celui–ci crée du crédit et de la monnaie papier pour remettre l'économie en marche." Somme toute, si nous devons croire Lucain, "le pouvoir d'achat global étant insuffisant, l'Etat capitaliste fait de la monnaie papier pour acheter le produit du travail des ouvriers. Curieuse façon d'envisager, en le regardant à l'envers, un phénomène qui porte nom : inflation !
"Quand l'Etat capitaliste achète, il ne peut acheter n'importe quoi." "Il doit acheter du matériel industriel. Ce n'est pas en plantant des choux que le capital fait des bénéfices. C'est en faisant tourner ses machines. L'Etat ne peut acheter n'importe quel matériel industriel : il doit acheter du matériel qu'il puisse employer, du matériel de guerre." Pourquoi "doit"–"il" ? Lucain ne nous en souffle mot. Il se contente de dire : "… ce n'est pas en plantant des choux que le capital fait du bénéfice…" N'en déplaise à Lucain, certains capitalistes réalisent des profits en faisant planter des choux. Et si l'Etat pousse à fond la fabrication de matériel de guerre, ce n'es pas "pour faire tourner ses machines", qui pourraient aussi bien faire des clous, des ustensiles de ménage ou des boites de lait condensé, mais parce que l'exacerbation des contrastes, des rivalités inter–impérialistes obligent l'Etat capitaliste à la production presque exclusive de matériel de guerre au dépend de toute autre production. L'Etat capitaliste qui achète du matériel de guerre pour le jeter dans la guerre impérialiste, c'est–à–dire dans la destruction, pourrait aussi bien, n'en déplaise à Lucain, acheter des choux et les laisser pourrir. Ce dont Lucain ne parle pas trop c'est que l'Etat capitaliste, qui achète du matériel de guerre, a un mobil dans cet acte : c'est dans le but d'imposer sur le marché sa production ; c'est pour vendre sa production de choux, de boites de conserves, de clous, de canons, de machines–outils, de pièces de tissu, de tanks, que l'Etat capitaliste entretient un appareil militaire. C'est pour défendre le placement sur le marché de cette production qu'il engage la guerre impérialiste avec un autre bloc qui, lui–même, veut y imposer la sienne.
"C'est pour cela, c'est parce que l'économie de guerre était le seul moyen de sauver le capitalisme après 1929 que tous les pays ont armé l'Allemagne et le Japon. Malgré qu'il y a des rivalités impérialistes entre eux, tous les capitalistes ont été d'accord pour armer les «ennemis héréditaires»."
Que penseriez–vous de l'image suivante ? Trois bandes de gangsters se disputent dans une ville le marché de la contrebande. Leur concurrence devient intolérable. Ils ont respectivement des stocks qu'ils ne peuvent écouler et qui ne cessent de s'accumuler. La lutte devient chaque jour plus âpre entre eux et prend un caractère violent. Des coups de feu partent.
Lucain, l'humoriste incompris, verrait le conflit se développer autrement. Il verrait les chefs des 3 bandes se réunir et se dire : "Il n'y a qu'une méthode de nous sauver, c'est de nous vendre mutuellement des armes et de nous faire la guerre. De cette manière nous atteindrons deux buts (les principaux que nous cherchons à atteindre) : réaliser des bénéfices et nous détruire réciproquement «d'un commun accord»."
Les faits en réalité se passent autrement entre nos 3 bandes. Si des armes sont vendues et des bénéfices réalisés avec, ce n'est pas d'un "commun accord". Mais il peut très bien arriver que l'une des 3 bandes, dans le but de réaliser des bénéfices, fasse de la contrebande d'armes et en vende également aux "ennemis héréditaires", non "d'un commun accord" mais dans le but principal de faire se détruire entre elles les deux autres bandes. Dans ce cas–là, le but à atteindre a toujours été : réaliser des bénéfices sur la vente des armes et la destruction d'un adversaire ; mais au lieu de se réaliser "d'un commun accord" des 3 bandes entre elles, le "commun accord" momentané et apparent de deux des bandes entre elles ne fait que cacher le jeu de leurs rivalités et leurs calculs tendent toujours vers les deux buts : réaliser des bénéfices et éliminer ses adversaires du marché.
Passons du domaine de l'image au domaine concret ; Lucain, l'humoriste es-économie, voit :
C'est pour cela, c'est parce que l'économie de guerre était le seul moyen de sauver le capitalisme après 1929 que tous les pays ont armé l'Allemagne et le Japon."
"Malgré qu'il y a des rivalités impérialistes entre eux, tous les capitalistes ont été d'accord pour armer les «ennemis héréditaires»…".
La sauterelle humoriste saute l'histoire compliquée de 20 ans de rivalités inter-impérialistes et, se moquant de toute vérité, déclare : "tous les capitalistes ont été d'accord".
Lucain ne se moque pas que de l'histoire et de la vérité, il se moque aussi et surtout de ses lecteurs. L'analyse de l'histoire "lui donne des vapeurs" (Lucain dixit – voir "Lucain et les «imbéciles»") ; trancher et dire que "tous les capitalistes ont été d'accord" simplifient énormément le travail de son cerveau et empêchent ainsi les "bouillonnements" de se produire.
Après la guerre de 1914-18, l'Allemagne est secouée par les spasmes d'une crise économique et sociale. Le prolétariat allemand victorieux signifierait pour la bourgeoisie une défaite peut-être irrémédiable. La bourgeoisie - qui n'a pas réussi, malgré tous ses efforts, à empêcher la victoire du prolétariat russe – comprend l'ampleur du désastre qui pourrait résulter pour elle d'une victoire du prolétariat allemand. Mais là n'est pas une raison suffisante. Si la bourgeoisie a contribué au relèvement économique de l'Allemagne (de la puissance industrielle allemande et, par là, de la bourgeoisie allemande), il y a de multiples raisons ; et le but d'écraser le prolétariat allemand n'en est qu'un parmi tant d'autres. Ce but n'était d'ailleurs pas le fruit d'un "commun accord" entre les bourgeoisies mais le produit de l'instinct de conservation d'une classe qui est capable de tout quand elle sent inconsciemment sa puissance en danger.
Quelles étaient ces raisons multiples ?
L'Angleterre ne veut pas avoir sur le continent un impérialisme français fort. Elle le veut à sa merci. Après 1918 l'impérialisme français redresse la tête et, malgré ses pertes colossales, devient d'une arrogance dangereuse. "Diviser pour régner" est la devise des grands impérialismes. Une Allemagne forte était nécessaire en Europe pour contrebalancer la puissance française qui redressait la tête. Avec cela, l'Angleterre espérait pouvoir contrôler la vassalité d'une Allemagne social-démocratique. (Quand nous disons Angleterre nous sous-entendons que l'Angleterre est la succursale en Europe du bloc financier anglo-américain.)
Le jeu du capitalisme financier a permis le relèvement de l'Allemagne parce que celui-ci y voyait une "bonne affaire". La "bonne affaire" s'est ensuite retournée contre lui : le capital financier, par ses investissements en Allemagne, permet le relèvement de son capital industriel qui se libère violemment de son contrôle par l'arrivée de Hitler au pouvoir. Le capitalisme financier a contribué au relèvement de l'Allemagne mais l'Allemagne s'est relevée plus qu'il ne l'aurait voulu, au point de devenir un réel danger pour lui.
Le capitalisme industriel allemand avait à lutter contre les "ploutocraties" d'une part et de l'autre contre le "géant de l'Est", "le rouleau compresseur russe". Dans cette lutte il rencontrait en Europe des communautés d'intérêts avec tous les capitalistes industriels. Le capitalisme financier au contraire avait à s'inquiéter et de la puissance du "rouleau compresseur russe" et de celle du "fascisme allemand" allié spirituellement aux autres fascismes européens. Dans ce cas-là, il n'y a pour lui qu'une solution : amener les deux antagonismes à leur autodestruction.
L'Allemagne commence alors à mettre la main sur l'Autriche et la Tchécoslovaquie. Elle rencontre dans tous les pays de la part d'une certaine partie de la bourgeoisie "un complet accord" et même un soutien. Il s'agit du capital industriel européen qui étouffe et qui voit dans une victoire de l'Allemagne une possibilité d'écoulement de sa production. Le danger allemand se précise. La collision entre la Russie et l'Allemagne va-t-elle se produire ? L'accord germano-soviétique sur le partage de la Pologne vient encore une fois bouleverser les plans établis. Wall-Street est obligé d'avancer deux pions. L'Angleterre et la France déclarent la guerre à l'Allemagne. La situation prend alors pour le capital financier une tournure tragique. La Belgique et la France sont envahies sans coup férir après un hiver de "drôle de guerre". Une partie de la bourgeoisie grosse-indistrielle française avait effectivement "préparé" l'arrivée des "barbares teutons".
L'Angleterre mal armée court en 1941 un danger de mort. L'Amérique comprend qu'elle doit s'armer rapidement pour faire face à toute éventualité. En Angleterre, succursale de Wall-Street, pas de "trahison" ; au contraire, résistance opiniâtre, acharnée. Il ne s'en faut que de très peu pour que les SS débarquent à Londres et y défilent en chantant le "It's a long way to Tipperary…"
Hitler - qui avait d'abord compté sur l'accord des anglais pour écraser la Russie, puis qui est obligé de composer avec elle contre les anglais – compte faire comme il a fait jusqu'à présent : il compte sur la surprise et sur la rapidité de ses panzer-divisionen pour envahir la Russie et se servir contre les anglo-américains des ressources de son sol, ressources qui lui font défaut.
Hitler dans les bassins du Donetz, dans ceux du Caucase, Hitler maître des pétroles du Caucase et de la route des Indes, voilà ce que le capital anglo-américain ne peut accepter au risque de mourir. Les soldats russes ont montré qu'ils savaient mourir en défendant la patrie russe et le Kremlin puisqu'ils ne demandent que du matériel pour mourir pour Wall-Street ; il ne s'agit que de leur en fournir pour se servir d'eux contre l'ennemi public n° 1 : Hitler, champion de "l'Europe nouvelle", lire du capital industriel européen.
Un double but est atteint : l'usure d'un ennemi et la victoire sur un autre.
Hitler abattu, Lucain à la pêche, SEULS le défaitisme dans les armées et le réveil du prolétariat empêcheront les rivalités anglo-américaines/russes ; et la non-préparation de la Russie, fatiguée par la guerre, empêchera les antagonismes de se liquider immédiatement.
Quant au Japon, il vient là comme un cheveu sur la soupe. L'impérialisme japonais est en lutte contre l'impérialisme anglo-américain depuis que sa puissance industrielle lutte pour le marché asiatique contre le bloc anglo-saxon. La guerre sino-japonaise est la première étape de cette lutte et dure depuis 1932. La victoire momentanée de Hitler en Europe donne au Japon l'espoir de s'établir en maître incontesté de l'Asie, du Pacifique et de l'Océanie. Aujourd'hui nous voyons les américains faire du Japon, contre la Russie en Asie et dans le Pacifique, ce qu'ils ont fait en 1918 de l'Allemagne.
C'est ce que Lucain appelle "Malgré que…" (devant l'évidence des faits, il ne peut tout à fait les nier mais leur donner seulement un caractère secondaire) : Malgré qu'il y a des rivalités impérialistes entre eux, tous les capitalistes ont été d'accord pour armer les «ennemis héréditaires»." Nous ne savions pas que les sauterelles voyaient le monde à l'envers !
La soupe économique que Lucain nous sert et où il coupe en morceaux rivalités inter-impérialistes, rivalités entre les différentes formes de capital et la lutte de classes, il l'appelle "Economie de guerre" et il nous dit : "C'est pour cela, c'est parce que «l'Economie de guerre» était le seul moyen de sauver le capitalisme après 1929…" Ce qui amène l'autodestruction de la société, la sauterelle avec son système y voit le moyen de sauver le capitalisme "après 1929".
1929 ! Pourquoi 1929 ?
Parce que la guerre de 1914-18 - qui pour nous et pour les gens sérieux n'a été que le premier acte d'une tragédie dont cette guerre-ci n'a été qu'un deuxième acte et dont le troisième est en préparation – est pour Lucain autre chose.
En 1914-18 et en 1939-45, rien de commun pour Lucain ; en effet en 1914-18, c'est le "schéma de Lénine" qui est valable, tandis que grâce à la soupe "économie de guerre" qui ne commence, pour les besoins de sa cause, qu'en 1929 à "envahir le monde", c'est pour la guerre de 1939-45 le "chez moi de Lucain qui est seul raisonnable.
"Si, demain, les luttes que les ouvriers ont entamées aux quatre coins du monde peuvent être écrasées, il est peut-être possible que l'on connaisse une nouvelle période de prospérité artificielle comparable à celle de 1923-29. Mais elle se solderait beaucoup plus vite qu'alors par une nouvelle crise beaucoup plus grave et, à bref délai, par une nouvelle «économie de guerre»."
"Si demain…", quand ? – "les luttes…", quelles luttes ? – "que les ouvriers…", quels ouvriers ? – "ont entamées aux quatre coins du monde…", dans quels "quatre coins" de la sphère terrestre voit-il ces luttes et ces ouvriers ? Ces "quatre coins", ce sont Milan, Turin, Gènes et Venise ; le "monde , c'est l'Italie !
"… il est peut-être possible…" Les "si" et les "il est peut-être possible" sont les attributs du charlatanisme politique et sur lesquels on trébuche à chaque pas chez Lucain. C'est la "sortie de secours". "Si", par hasard, "je" m'étais trompé ; après tout, "il est peut-être possible que" même la sortie de secours de Lucain ne "sauve pas la face" de ses élucubrations.
Nous sommes en train de vivre non un 1923-29 mais un 1923-39 ; ce n'est pas la "Blitzkrieg", c'est la "Blitz-Paix". C'est parce qu'il y a une prospérité relative en Belgique que Lucain ne voit pas la famine qui règne en Europe et qui va en s'aggravant ; et qu'il croit à une prospérité comme celle de 1923-29. Il croit la famine d'Europe résorbable en régime capitaliste, en période de "décadence du capitalisme". Somme toute, les enfants croient bien au Père Noël, les vieilles femmes au "petit Jésus" et à la "Sainte vierge", les Lucain peuvent bien croire à la "PROSPÉRITÉ".
Les sauts acrobatiques précédents ne sont que des "raisonnements qui découlent…" de "l'erreur fondamentale" de Lucain. Ici nous en arrivons à "la porte de secours" qui donne sur un précipice. Lucain – qui a vu en 1943 "l'économie de guerre disparaître" en Italie, et en 1944-45 "l'économie de guerre battre de l'aile" en Angleterre et aux E.-U. – dit le 1er février 1946 sans transition : "…si demain… mais elle se solderait beaucoup plus vite qu'alors par une nouvelle crise beaucoup plus grave et à bref délai par une nouvelle économie de guerre?"
Lucain nous dit : "C'est seulement (en Italie) lorsqu'en 1943 l'économie de guerre avait épuisé ses possibilités que le prolétariat réapparaît…" (Inter. N° 1 – "Le schéma de Lénine") ; mais il ne nous dit pas plus pourquoi "l'économie de guerre avait épuisé ses possibilités", ni pourquoi ni comment "le prolétariat réapparaît", pas plus que plus tard il ne nous dit dans le N° 6 (1/4/1946 – "Les syndicats à l'époque impérialiste" – 64ème ligne) pourquoi et comment "… en réalité les conditions historiques pour de grands développements révolutionnaires existent aujourd'hui…" et (76ème ligne) pourquoi il y a "nécessité pour le capitalisme de recourir à l'économie de guerre et impossibilité d'y recourir dans les circonstances actuelles…"
Pourquoi ? C'est parce que Lucain pose des postulats qui "découlent" de sa "machine à hacher" le Marxisme. Les "pourquoi" et les "comment" sont des questions qui sont inconnues à "l'économie de guerre". Molière a ridiculisé la médecine de son temps dans "Le malade imaginaire", surtout dans la scène où Toinette, faux médecin, vient "soigner" Argan (scène X, acte 3). Lucain semble vouloir faire sur ce modèle de l'économie humoristique. Il applique à tous les phénomènes le nom de "économie de guerre", à peu près avec autant d'opportunité que Toinette médecin s'écrie "le poumon" à chaque symptôme décrit par Argan. Un Lucain se contente de postuler. S'abaisser à la fastidieuse analyse et à la démonstration lui "donne des vapeurs" (Lucain dixit).
Nous avons essayé de faire entendre raison à tous ces Lucain depuis l'Etincelle N° 5 nous en sommes au N° 12). Depuis la Conférence de juillet 1945, dans nos bulletins théoriques, nous avons essayé de définir le plus clairement notre position sur ce cours qui va à la guerre. Notre position a été affirmée avec continuité.
Aujourd'hui 1er mai, des millions de travailleurs – mobilisés derrière les syndicats bourgeois et derrière les partis traîtres à la classe ouvrière – disent OUI à la politique bourgeoise, OUI à l'asservissement de l'Etat bourgeois, OUI A LA GUERRE.
Nous sommes en 1936 ! A la veille de Munich ! Les 4 représentants des impérialismes sont arrêtés déjà sur TRIESTE !
Alors Lucain dit d'avance (Inter. N° 5 du 15/3/46 – "La formation du parti de classe en Italie est-elle prématurée ?") dans un article indigne d'un militant révolutionnaire : "Si le Parti se crée et que les luttes des classes ne se produisent pas sur une grande échelle, sa formation aura été prématurée. Si les luttes des classes se produisent, elle aura été faite à bon escient…"
Il finit par avouer qu'il n'a aucune position que celle d'une sauterelle qui, après avoir gambadé dans les plates-bandes de l'Economie et de l'Histoire matérialiste et après avoir regardé à l'envers les faits économiques et historiques, finit lamentablement par : "Où allons-nous ? Guerre ou Révolution ? Stabilisation du capitalisme actionnant une économie de paix ? Stabilisation du capitalisme actionnant une économie de guerre ? La situation est remplie d'inconnues." Toute la phraséologie de Lucain, son ton élevé et doctoral, ses sauteries économiques et historiques ne sont que les produits "bâtards de la fantaisie historique et logique" du fond même de sa position qui est pour une fois exprimée avec clarté ! Lucain ne voit rien. Lucain ne sait rien.
Pour lui une seule chose compte ; tout ce qui a été fait a été bien fait : le "chez moi" pendant la guerre, la construction prématurée du Parti en Italie, la fausse analyse du caractère de la guerre de 1939-45, de la période de "décadence du capitalisme", du 1943 en Italie, du 1943-44 en Allemagne, de la situation actuelle, du cours vers la guerre impérialiste. Toutes ses "connaissances" en "littérature prolétarienne" et vercesienne ne lui servent qu'à démontrer qu'il a eu raison de raisonner faux.
Dans la fin de sa "Décadence", Lucain proclame au prolétariat : "Le seul moyen de sortir l'humanité de la barbarie actuelle est de réaliser la révolution prolétarienne axée sur les deux mots d'ordre centraux : Les usines aux ouvriers ! Suppression des frontières !"
Ces mots d'ordre sont les mots d'ordre de l'anarchisme, de l'anarcho-syndicalisme et surtout du CONFUSIONNISME dont le lucanisme est un produit élevé.
Mais quoi qu'en pensent le ou les Lucain, nous sommes encore loin de la période révolutionnaire. La période révolutionnaire complique extraordinairement le travail fractionne de discussion et de formation des cadres militants. Que les Lucain traitent un peu moins les autres groupes, quels qu'ils soient, de "trotskistes" ou de leurs "sous-produits" et qu'ils abandonnent eux-mêmes leur politique de bluff, de manque de loyauté politique et qu'ils reviennent, pendant qu'il est encore temps, à l'élargissement de la discussion et à la participation réelle à un travail de construction pour le "Programme de la Révolution".
Les Lucain doivent, de leur chaire, descendre dans le prolétariat.
Nous n'avons aucune prétention, ni individuelle ni d'imposer une "boutique". Mais nous sommes décidés à lutter jusqu'au bout quand nous pensons avoir des positions justes, non pour les imposer mais pour imposer qu'on les entende et qu'on nous y réponde. C'est le droit de chaque ouvrier et militant pour la révolution future et nous sommes en droit de mettre en doute l'honnêteté politique de ceux qui cherchent à étouffer, par tous les moyens et surtout par la calomnie et l'esprit de conciergerie, la voix de qui que ce soit, même s'il s'agit d'un soi-disant "fou" ou d'un "maniaque".
MARAT
Note:
1
L'introduction à "Notre réponse" commence
ainsi :
"Une crise
politique et idéologique a éclaté au sein de
notre fraction ; une délimitation des responsabilités
s'imposait sur le champ face à la tendance qui, à
notre avis, a rompu avec les principes et la méthode
d'analyse marxiste de la situation…
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