EXTRAIT de l'article "L'exil
de Trotsky" de P. Monatte, paru le 1 mars 1929 dans "La
Révolution prolétarienne" n° 75
L'extrait
ci-dessous montre clairement que les premiers et véritables
dénonciateurs du stalinisme, comme étant le fossoyeur
de la révolution prolétarienne, ce sont, dès la
fin des années 1920 (c'est-à-dire dès le tout
début du stalinisme), les authentiques communistes,
c'est-à-dire ceux qui s'y sont opposés immédiatement,
avec le plus grand acharnement et très souvent au péril
de leur vie. Par contre, la bourgeoisie mondiale - pour laquelle
la révolution bolchévique était un cauchemar -
s'est tout de suite félicitée du triomphe de Staline et
l'a reconnu (implicitement, bien sûr) comme un des siens.
Cette
réalité dément totalement la propagande
gigantesque que mène la bourgeoisie, surtout depuis 1989 et
l'effondrement des régimes staliniens, visant à
assimiler le stalinisme au communisme et, par là, à
détourner la classe ouvrière de sa responsabilité
historique : la révolution prolétarienne mondiale,
qui est vitale pour l'humanité et qui implique la mise à
bas du capitalisme et son remplacement par une véritable
société communiste.
Ces jours
derniers, deux hommes, de retour de Russie, ont publié leurs
impressions, Albert Thomas et Panaït Istrati, un homme d'État
et un poète.
L'homme
d'État qui veut intégrer au régime capitaliste
les forces nouvelles, faire entrer dans la vieille ménagerie
le fauve révolutionnaire enfin apprivoisé, trouve que
le moment est proche où la Russie des Soviets prendra place à
la Société des Nations. Bien souvent, nous nous sommes
étonnés, entre nous, de l'acharnement que continuaient
à montrer nos réformistes contre la Révolution
russe et ses hommes d'aujourd'hui. Elle devrait enfin leur plaire,
pensions-nous. Albert Thomas, le plus compréhensif d'entre
eux, vient de montrer qu'elle ne lui déplaisait pas. Après
tant d'autres, c'est un signe d'adaptation de la Russie qui mérite
d'être noté.
Et
le poète ? Je suis un révolutionnaire-né,
un révolutionnaire de tempérament, déclare
Istrati. Il n'a pas tort. Mais le poète en lui parle souvent
avant que ses yeux aient vu et que sa tête ait jugé. Il
y a plus d'un an, il partait en Russie et n'était pas plus tôt
arrivé qu'il télégraphiait au monde son
émerveillement et décidait de vivre désormais
là-bas. Seize mois ont passé ; il a roulé
sa bosse d'un bout à l'autre de la Russie ; il sait ce
que c'est que le peuple, il en est, il peut le comprendre. Il a vu,
derrière le rideau officiel, la vraie vie de l'ouvrier et du
paysan. Ce n'est plus un chant d'émerveillement qu'il entonne,
c'est un cri d'alarme. Les grands chefs de la Révolution sont
de vrais révolutionnaires, mais un appareil bureaucratique
formidable étouffe et empoisonne la Révolution. Les
meilleurs sont traqués. Trotsky est-il exilé pour que
quelque wrangélien l'assassine ? - L'hypothèse du
wrangélien poussé par un provocateur tchékiste
n'est pas plus à écarter. - Pour lui, Trotsky et
l'opposition c'est la réserve d'or de la Révolution
russe.
|