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DEBAT DANS LE CAMP PROLETARIEN
MORALE PROLETARIENNE, LUTTE DES CLASSES ET REVISIONNISME
(Contribution au débat du CCI actuel sur éthique et marxisme)

Le prochain congrès international du CCI devrait discuter et probablement adopter un texte d'orientation sur la question de la morale, intitulé Marxisme et éthique, dont la Revue internationale 127 a publié de larges extraits.
L'adoption de ce texte serait dramatique et représenterait un pas supplémentaire dans la dérive théorico-politique que connaît cette organisation depuis quelques années.
En tant que fraction de cette organisation, mais surtout en tant que militants communistes de la classe, nous estimons qu'il est de notre responsabilité de combattre un tel texte qui introduit, dans le Camp prolétarien, une idéologie non-marxiste et opposée aux intérêts du prolétariat.
Voilà pourquoi nous présentons ci-après une contribution, Morale prolétarienne, lutte des classes et révisionnisme, que nous proposons comme TEXTE D'ORIENTATION ALTERNATIF POUR LE PROCHAIN CONGRES DU CCI et que nous soumettons à la discussion, non seulement dans le dit Courant mais surtout dans l'ensemble du Camp prolétarien.
Dans notre prochain bulletin, nous publierons un complément à ce texte qui reviendra sur l'article de la Revue internationale.


Il y a quelques mois, quand le CCI a publié un bilan sur le 17e congrès de Révolution internationale (sa section en France), nous apprenions que depuis deux ans existait au sein de l'organisation un débat sur la morale et l'éthique qui était considéré comme "crucial" pour la classe ouvrière et ses minorités révolutionnaires. Nous apprenions aussi que la résolution adoptée sur le sujet avait seulement été de "poursuivre ce débat" à cause du "risque d'une certaine fragmentation" (selon des éléments invités du groupe OPOP), d'une "certaine dispersion" (selon le rédacteur du bilan) qui s'était reflétée durant le congrès. Cependant le bilan a maintenu un silence complet sur les termes du débat et a seulement justifié cette "fragmentation" comme "le reflet de l’immensité de la tâche théorique à mener" 1. Des semaines plus tard, est paru, sur le site internet du CCI, un texte en français qui, malgré son titre Marxisme et éthique (débat interne au CCI) 2 et malgré l'affirmation que "certains aspects de notre débat étant arrivés à maturité", laissait de nouveau complètement secrets les termes de ce fameux "débat" ! Il nous offrait seulement des "extraits (...) qui nous ont semblé les plus accessibles au lecteur non averti" - au dire du CCI lui-même - d'un "texte d'orientation" rédigé au début du débat. En somme, la seule chose que le CCI nous offre jusqu'à maintenant comme résultat de "sa tâche théorique immense et cruciale" est une bouillie à moitié digérée, un mélange de kantisme, de christianisme toltstoïen et de révisionnisme saupoudré d'une petite pincée de marxisme édulcoré.

Face à cela, nous ne pouvons que nous demander dans quelle mesure y-a-t-il, au sein du CCI actuel, un véritable débat, c'est-à-dire un combat politique qui s'oppose à cette "orientation" de la direction liquidationniste actuelle ? Nous ne le savons pas. Mais en tous cas le devoir de notre fraction est de participer à ce combat. Non seulement parce que nous continuons à dénoncer et à nous opposer ouvertement au processus actuel de dégénérescence opportuniste du CCI, mais avant tout parce qu'il est indispensable de défendre le camp prolétarien comme un tout - et spécialement les éléments en recherche et les groupes en formation - contre les tentatives de faire passer les positions opportunistes et révisionnistes pour des "approfondissements du marxisme". Ainsi donc, tant que le CCI ne daigne pas nous faire connaître les termes de "son" débat, nous nous contenterons de la critique et de la dénonciation de ce "texte d'orientation".

Vue la confusion que présente, non le sujet, mais le texte lui-même du CCI, il nous semble nécessaire d'exposer auparavant notre propre position, c'est-à-dire ce que sont pour nous les aspects fondamentaux du marxisme sur la morale, sur le combat contre la morale bourgeoise et les caractéristiques de la morale prolétarienne. Rassurons de suite le lecteur en l'avertissant que pour notre part, il ne s'agit pas de présenter un "immense" travail théorique comme le prétend le CCI, mais simplement de reprendre le fil de quelques textes des révolutionnaires marxistes du passé qui ont déjà abordé ces questions de manière claire et profonde.

Morale et marxisme

Tout au long de l'histoire de la lutte de la classe ouvrière, le marxisme a dû aborder en différentes occasions, la question de la morale tant au niveau du combat théorique, de la lutte contre l'idéologie dominante, qu'au niveau du combat politique pratique du prolétariat, en particulier dans les moments décisifs de sa lutte de classe révolutionnaire.

Au niveau du combat théorique, le marxisme a dû démontrer que la morale actuelle "officielle", loin d'être une expression ou une incarnation d'une supposée morale éternelle ou naturelle, n'est qu'une morale limitée historiquement correspondant à un mode de production - le capitalisme - lui-même limité historiquement et qu'en somme, elle n'est qu'une partie de l'idéologie dominante. Il a aussi établi scientifiquement, du point de vue du matérialisme historique, l'origine et le développement de la morale. Ainsi, il a déchiré le voile mystique, religieux, supranaturel, dont on recouvre la morale en montrant que les sentiments moraux ont une origine sur terre, dans les instincts grégaires des primates qui ont donné naissance à l'homme.

"Tout ce qui s'applique aux animaux sociaux s'applique aussi à l'homme. Nos ancêtres primates ainsi que les hommes primitifs qui se sont développés à la suite de ceux-ci étaient des animaux faibles et sans défense qui, comme la majorité des primates vivaient en tribus. A ce niveau, les mêmes types de motivations et d'instincts ont dû se développer lesquels, par la suite, ont donné lieu à des sentiments moraux. (...) C'est la conscience qui fait la différence ; dès que les sentiments sociaux sont devenus conscients pour les hommes, ils ont pris le caractère de sentiments moraux.." (A. Pannekoek, 1912, Marxisme et Darwinisme, La sociabilité de l'homme, traduit de l'anglais par nous).

La morale a donc un substrat animal commun à tous les êtres humains : les instincts sociaux. Cependant, l'instinct social n'est pas identique à la morale car cette dernière est un produit spécifique de la société proprement humaine. La morale surgit et se modifie en lien avec le développement de la société humaine, c'est-à-dire, en dernière instance, en fonction des changements qui s'opèrent dans le mode de production.

"Dans le monde animal, le rang et la nature du groupe social sont déterminés par les circonstances de la vie, et donc le groupe reste presque toujours le même. Cependant, chez les hommes, les groupes, ces unités sociales, changent en permanence en lien avec le développement économique, ce qui entraîne une modification dans les instincts sociaux.

Les premiers groupes, les hordes d'hommes sauvages et barbares, étaient plus fortement unifiés que les groupes animaux. Les relations familiales et un langage commun donnaient plus de force à cette union. Chaque individu avait l'appui de la tribu entière. Dans ces conditions-là, les motivations sociales, les sentiments moraux, la subordination de l'individu au tout, devait se développer au maximum. Avec le développement postérieur de la société, les tribus se sont dissoutes et de nouvelles unités, les cités et les peuples, prirent leur place." ( (idem 3).).

Le fait que le développement de la société humaine se soit basé jusqu'à maintenant sur la division croissante entre les différents groupes (tribus, peuples, classes...) détermine en outre que, bien que l'instinct social en appelle à la cohésion de celle-là en tant qu' "espèce", la morale en échange constitue un corps de préceptes qui régissent les relations entre les seuls individus d'un groupe social déterminé en vue de sa cohésion, de sa défense et de sa préservation, y compris au détriment des autres groupes sociaux.

Ainsi, par exemple, alors que l'instinct animal pose une limite à la violence au sein de chaque espèce en accord avec les nécessités de préservation de celle-ci (par exemple, la lutte entre les mâles n'est mortelle que de manière accidentelle), la morale par contre, si elle resserre les liens d'union et de solidarité entre les membres d'un même groupe, remplit en même temps la fonction de justifier la violence mortelle et massive envers d'autres groupes de la même espèce, c'est-à-dire la guerre qui a surgi très tôt dans le développement de la société humaine avec la création des premières armes-outils et qui l'accompagne depuis.

"Au côté de l'activité collective et du langage, le développement social au travers du surgissement de la guerre constitue un moyen supplémentaire qui renforce les impulsions sociales. Nous n'avons aucune raison de supposer que l'homme primitif aient été un guerrier. (...) Cela a changé dès que l'homme est devenu un chasseur et a disposé d'armes capables de tuer (...). Ainsi, le progrès technique a permis le développement de conflits que l'homme-singe ne connaissait pas ; non pas des conflits avec des animaux d'autres espèces, mais des conflits avec des membres de sa propre espèce (...)" (K. Kautsky. 1906. L'éthique et la conception matérialiste de l'histoire, ch. 5, guerre et propriété, traduit de l'espagnol par nous, Edición Cuadernos del pasado y presente, 1975) 4

Enfin, le développement social a conduit au surgissement des classes sociales et, avec elles, au surgissement et à l'existence, au sein de la même société, de morales différentes, y inclus antagoniques.

"Dès lors que nous voyons les trois classes de la société moderne, l'aristocratie féodale, la bourgeoisie et le prolétariat, avoir chacune sa morale particulière, nous ne pouvons qu'en tirer la conclusion que, consciemment ou inconsciemment, les hommes puisent en dernière analyse leurs conceptions morales dans les rapports pratiques sur lesquels se fonde leur situation de classe, - dans les rapports économiques dans lesquels ils produisent et échangent. (...)

C'est pourquoi nous repoussons toute prétention de nous imposer quelque dogmatisme moral que ce soit comme loi éthique éternelle, définitive, désormais immuable, sous le prétexte que le monde moral a lui aussi ses principes permanents qui sont au-dessus de l'histoire et des différences nationales. Nous affirmons, au contraire, que toute théorie morale du passé est, en dernière analyse, le produit de la situation économique de la société de son temps. Et de même que la société a évolué jusqu'ici dans des oppositions de classes, la morale a été constamment une morale de classe; ou bien elle justifiait la domination et les intérêts de la classe dominante, ou bien elle représentait, dès que la classe opprimée devenait assez puissante, la révolte contre cette domination et les intérêts d'avenir des opprimés." (F. Engels. 1878. Anti-Dühring, ch. La morale et le droit, vérités éternelles).

Ainsi donc, dans la société capitaliste actuelle, la notion autour de l'existence d'une morale de valeur générale, indépendante et au-dessus des classes, n'est qu'une mystification entretenue par la bourgeoisie elle-même pour imposer sa propre morale au prolétariat et aux autres classes exploitées. Cette mystification est un moyen idéologique supplémentaire pour justifier et renforcer sa domination de classe et, aussi, un moyen pour freiner le surgissement et la propagation des sentiments moraux de solidarité et de rébellion propres au prolétariat. C'est pour cela que le combat du marxisme, au plan de la morale, a toujours eu comme axe principal la dénonciation de cette mystification et de toutes les arguties utilisées par les idéologues de la classe dominante pour la maintenir.

La morale bourgeoise et la guerre

Mais pourquoi l'idée de l'existence d'une morale de valeur générale - dont l'actuelle morale dominante serait l'incarnation - a tant d'enracinement, tant la force d'une idée de "sens commun", d'un préjugé ? Pour une part, parce que la morale bourgeoise reprend à son compte, en les modifiant plus ou moins, les valeurs morales qui ont surgi depuis que la société s'est divisée en classes de façon à ce qu'elles apparaissent comme ayant existé de toute éternité.

"[On nous dira :] Il y a de plus des vérités éternelles, telles que la liberté, la justice etc., qui sont communes à tous les régimes sociaux. Or, le communisme abolit les vérités éternelles, il abolit la religion et la morale (...) A quoi se réduit cette accusation ? L'histoire de toute la société jusqu'à nos jours était faite d'antagonismes de classes (...). Mais, quelle qu'ait été la forme revêtue par ces antagonismes, l'exploitation d'une partie de la société par l'autre est un fait commun à tous les siècles passés. Donc, rien d'étonnant si la conscience sociale de tous les siècles, en dépit de toute sa variété et de sa diversité, se meut dans certaines formes communes, formes de conscience qui ne se dissoudront complètement qu'avec l'entière disparition de l'antagonisme des classes.

La révolution communiste est la rupture la plus radicale avec le régime traditionnel de propriété; rien d'étonnant si, dans le cours de son développement, elle rompt de la façon la plus radicale avec les idées traditionnelles." (K. Marx et F. Engels, Le Manifeste Communiste, ch. Prolétaires et communistes, 1847).

"A des stades de développement économique semblables, ou à peu près semblables, les théories morales doivent nécessairement concorder plus ou moins. Dès l'instant où la propriété privée des objets mobiliers s'était développée, il fallait bien que toutes les sociétés où cette propriété privée prévalait eussent en commun le commandement moral : tu ne voleras point. Est-ce que par là ce commandement devient un commandement moral éternel ? Nullement. Dans une société où les motifs de vol sont éliminés (...) comme on rirait du prédicateur de morale qui voudrait proclamer solennellement la vérité éternelle : Tu ne voleras point ! " (F. Engels. 1878. Anti-Dühring, op. cit.).

D'autre part, les idéologues de l'ordre bourgeois ont élevé, à leur tour, une série de systèmes "scientifico-philosophiques" pour justifier la morale bourgeoise comme la seule morale "humaine" possible et définitive. Le marxisme les a détruits l'un après l'autre. Parmi ces systèmes, on relève, pour l'influence qu'ils ont réussi à avoir, y compris au sein du mouvement ouvrier, le "darwinisme social" et la théorie de Kant.

Sous le titre de "darwinisme social", nous regroupons les théories qui établissent une analogie entre la biologie animale et la société humaine pour justifier l'ordre et la morale actuellement établis. Pour une part, il y a celles qui par la transposition à la société d'une interprétation vulgaire de la théorie de l'évolution naturelle de Darwin - selon laquelle la vie se réduit à la "prédominance du plus fort" - justifient la lutte acharnée entre les hommes et l'absence de lien de solidarité que provoque la compétition mercantile capitaliste. Le marxisme a exposé comment les doctrines "naturalistes" et les "sociales" se sont auto-alimentées l'une l'autre afin de "se certifier" comme des vérités absolues :

"Toute la doctrine darwiniste de la lutte pour l'existence n'est qu'une transposition pure et simple de la théorie de Hobbes sur la «la guerre de tous contre tous», la thèse des économistes bourgeois de la concurrence et de la théorie malthusianiste de la population, de la domination sociale de la nature vive. Derrière ces jeux de mots (...), on transpose ces mêmes théories de la nature organique à l'histoire et on prétend ensuite avoir prouvé leur validité comme lois éternelles de la société humaine." (F. Engels, 12-17 nov.1875, Lettre à Piotr Lavrovich Lavrov, traduite de l'espagnol par nous).

De la même manière, le marxisme a montré la fausseté des théories darwinistes symétriques, celles qui prétendent, au contraire, prouver la possibilité d'une harmonie universelle, de la collaboration entre les classes, dans le cadre du capitalisme lui-même. Dans ce sens, elles considèrent la morale comme un produit simplement biologique, l'identifiant aux instincts sociaux, en faisant abstraction encore une fois de son caractère éminemment social et historique :

"L'utilitarisme «évolutionniste» de Spencer nous laisse aussi sans réponse, à mi-chemin, car il tente, après Darwin, de résorber la morale concrète, historique, dans les besoins biologiques ou les «instincts sociaux» propres à la vie animale grégaire, alors que la notion même de morale surgit dans un milieu divisé par des antagonismes sociaux, c'est-à-dire dans la société divisée en classes.

L'évolutionnisme bourgeois s'arrête, frappé d'impuissance, sur le seuil de la société historique, ne voulant pas admettre que la lutte des classes soit le ressort principal de l'évolution des formes sociales. La morale n'est qu'une des fonctions idéologiques de cette lutte. La classe dominante impose ses fins à la société et l'accoutume à considérer comme immoraux les moyens qui vont à l'encontre de ces fins. Telle est la mission essentielle de la morale officielle. Elle poursuit «le plus grand bonheur possible», non du plus grand nombre, mais d'une minorité sans cesse décroissante. Un semblable régime, fondé sur la seule contrainte, ne durerait pas une semaine. Le ciment de l'éthique lui est indispensable." (L. Trotsky, 1938, Leur morale et la nôtre, Jésuitisme et utilitarisme).

Quant à la théorie morale de Kant, elle constitue la forme la plus achevée, la plus générale et abstraite, de la théorie morale bourgeoise. Elle est présentée comme une série de principes valables pour chaque être intelligent - humain ou non - au-delà du temps et du monde réel. La "loi fondamentale de la raison pratique pure" de Kant est : "Agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse en même temps valoir comme principe d'une législation universelle" (Critique de la raison pratique).

"Ce «principe» n'a rien d'extraordinairement nouveau. Il n'est que la traduction philosophique du vieux refrain : ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'ils te fassent à toi. Il n'y a de nouveau que l'affirmation selon laquelle ce précepte représente la révélation d'un monde intelligible ; révélation qui, grâce à la seule utilisation de la réflexion philosophique, est apparue comme un principe qui ne s'applique pas seulement à l'humanité «mais à tous les êtres finis qui ont raison et volonté ainsi qu'à l'Etre Infini en tant qu'intelligence suprême»" (K. Kautsky, 1906, L'éthique et la conception matérialiste de l'histoire, ch. l'éthique de Kant, la loi morale, traduit par nous, op. Cit). 5

Quelques variantes de kantisme - apparues en plus d'une occasion, jusque dans certains courants politiques du mouvement ouvrier lui-même tels le réformisme et le révisionnisme - considèrent comme "négative" la lutte des classes et préconisent, en échange, la conciliation entre celles-ci. Leur prémisse est l'existence d'une morale qui doit régir, "envers et contre tout", la vie normale, quotidienne des êtres humains et cela même "au-dessus de la lutte des classes".

"N'y a-t-il pas pourtant des règles élémentaires de morale élaborées par le développement de l'humanité tout entière et nécessaires à la vie de toute collectivité ? Il y en a, certes, mais leur efficience est très instable et limitée. Les normes «impératives pour tous» sont d'autant moins efficientes que la lutte des classes devient plus âpre. La guerre civile, forme culminante de la lutte des classes, abolit violemment tous les liens moraux entre les classes ennemies. (...)

Les règles «généralement reconnues» de la morale gardent le caractère algébrique, c'est-à-dire indéfini, qui leur est propre. Elles expriment seulement le fait que l'homme, dans son comportement individuel, est lié par certaines normes générales, puisqu'il appartient à la société. L'«impératif catégorique» de Kant est la plus haute généralisation de ces normes. Mais en dépit de la situation éminente que cet impératif occupe dans l'Olympe philosophique, il n'a rien, absolument rien de catégorique, n'ayant rien de concret. C'est une forme sans contenu.

La cause du vide des formes obligatoires pour tous c'est que, dans toutes les circonstances importantes, les hommes ont un sentiment beaucoup plus immédiat et plus profond de leur appartenance à une classe sociale qu'à la «société». Les normes de morale «obligatoire pour tous» reçoivent en réalité un contenu de classe, en d'autres termes, antagonique. La norme morale est d'autant plus catégorique qu'elle est moins «obligatoire pour tous». La solidarité ouvrière, surtout dans les grèves ou derrière les barricades, est infiniment plus catégorique que la solidarité humaine en général.

La bourgeoisie, dont la conscience de classe est très supérieure, par sa plénitude et son intransigeance, à celle du prolétariat, a un intérêt vital à imposer «sa» morale aux classes exploitées. Les normes concrètes du catéchisme bourgeois sont camouflées à l'aide d'abstractions morales placées elles-mêmes sous l'égide de la religion, de la philosophie ou de cette chose hybride qu'on appelle le «bon sens». L'invocation des normes abstraites n'est pas une erreur désintéressée de la philosophie, mais un élément nécessaire du mécanisme de la lutte des classes. Faire ressortir cette duperie, dont la tradition remonte à des millénaires, est le premier devoir du révolutionnaire prolétarien." (Trotsky, Leur morale et la nôtre, ch. Des «règles obligatoires de la morale»).

Bien, mais quelles sont précisément les normes de cette morale de la bourgeoisie ? Nous ne nous proposons pas de retracer ici tout le code moral de la bourgeoisie. Cependant, nous pourrions le synthétiser dans la vieille devise "liberté, égalité, fraternité" qui englobe deux aspects concrets qui sont, selon nous, les fondements de la morale proprement bourgeoise : l'individualisme et le patriotisme.

Aux conditions de la production capitaliste qui dictent, d'un côté, la concurrence industrielle et commerciale entre capitalistes privés et, de l'autre, le travail salarié "libre", correspondent une morale individualiste, l'exaltation des qualités personnelles pour "triompher" (capacité et force individuelles, ambition, audace, compétitivité), et l'agressivité individuelle contre les autres pour l'existence. Comme si les individus ne dépendaient plus des liens sociaux pour survivre et comme si la société était une jungle régie uniquement par la "loi du plus fort".

"Triompher au détriment de tout le monde", "passer au-dessus des autres" non seulement devient quelque chose de moralement accepté dans tous les domaines, mais aussi se convertit en une norme morale générale avec laquelle les individus sont éduqués depuis leur enfance.

"C'est pour cette raison que sous le capitalisme, le monde humain ressemble plus au monde des animaux rapaces, et c'est pour cette même raison que les bourgeois darwinistes cherchent parmi les animaux qui vivent isolés, le prototype de l'homme. C'est leur propre expérience qui les pousse dans ce sens. Leur erreur, cependant, consiste à considérer les conditions capitalistes comme éternelles." (A. Pannekoek, 1912, Marxisme et darwinisme, capitalisme et socialisme, op. cit.)

Pour la classe des capitalistes, "Le champ du travail devint un terrain de bataille. (...) La lutte n'éclata pas seulement entre les producteurs locaux individuels ; les luttes locales grandirent de leur côté jusqu'à devenir des luttes nationales : les guerres commerciales du XVIIème et du XVIIIème siècle. La grande industrie, enfin, et l'établissement du marché mondial ont universalisé la lutte et lui ont donné en même temps une violence inouïe. Entre capitalistes isolés, de même qu'entre industries entières et pays entiers, ce sont les conditions naturelles ou artificielles de la production qui, selon qu'elles sont plus ou moins favorables, décident de l'existence. Le vaincu est éliminé sans ménagement. C'est la lutte darwinienne pour l'existence de l'individu transposée de la nature dans la société avec une rage décuplée. La condition de l'animal dans la nature apparaît comme l'apogée du développement humain." (F. Engels, Anti-Dühring, ch. Socialisme - notions théoriques).

Pour la classe des prolétaires, la "liberté individuelle" a un double sens. D'un côté, il est "libre" par rapport aux moyens de production, c'est-à-dire qu'il en manque complètement et, de l'autre, sur le marché du travail, il se présente "libre", c'est-à-dire isolé et en concurrence avec les autres ouvriers face au capitaliste.

"Les ouvriers doivent avoir le libre contrôle sur eux-mêmes et ne pas être liés à des obligations féodales ou de corporations car ce n'est qu'en tant qu'ouvriers libres qu'ils peuvent vendre leur force de travail aux capitalistes (...). Antérieurement, les gens du peuple n'étaient pas isolés ; ils appartenaient à une corporation ; ils se trouvaient sous la protection de quelque seigneur ou commune (...). Ils faisaient partie d'un groupe social auprès duquel ils avaient des devoirs et duquel ils recevaient protection. La bourgeoisie a aboli ces devoirs ; elle a détruit les corporations et aboli les relations féodales. La libération du travail a signifié en même temps la perte de tout moyen de protection et le fait qu'on ne peut plus compter sur les autres. Chacun ne doit compter que sur lui-même. Seul, libre de tout lien et de toute protection, il doit combattre contre tous." (A. Pannekoek, Marxisme et darwinisme, capitalisme et socialisme, op. cit).

Ce qui précède ne signifie pas cependant que la classe capitaliste se soit totalement passée des recours moraux de cohésion sociale, bien au contraire. Historiquement, la défense de ses propres intérêts de classe a amené la bourgeoisie à son unification politique au travers de la création d'Etats nationaux, d'abord contre le vieux pouvoir féodal, puis comme moyen pour affronter la concurrence sur le marché mondial avec les autres bourgeoisies nationales ; et toujours comme moyen pour affronter sa classe ennemie : le prolétariat.

"C'est à cette propriété privée moderne que correspond l'État moderne (...). La bourgeoisie est contrainte de s'organiser sur le plan national, et non plus sur le plan local, et de donner une forme universelle à ses intérêts communs. Du seul fait que la propriété privée s'est émancipée de la communauté, l'État a acquis une existence particulière à côté de la société civile et en dehors d'elle ; mais cet État n'est pas autre chose que la forme d'organisation que les bourgeois se donnent par nécessité, pour garantir réciproquement leur propriété et leurs intérêts, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur." (K. Marx et F. Engels, 1846, L'idéologie allemande, Éditions sociales).

Chaque bourgeoisie habille, de cette manière, son idéologie nationale avec une forme "générale". Elle s'approprie de toute l'histoire et de toute la culture des peuples anciens, en les mystifiant de telle manière que l'Etat national apparaisse comme leur somme et leur but final. Elle convertit le langage, la religion, les coutumes, l'éducation scolaire... en autant de moyens pour renforcer les liens sociaux autour de l'Etat bourgeois. Au plan de la morale, elle adapte ou crée ses propres sentiments de cohésion sociale tels "l'amour de la terre natale", la "défense de la famille", la "fraternité de sang", en leur imprimant la marque du patriotisme ; elle cherche à imposer à tout prix l'identité nationale au-dessus de toute autre forme de cohésion sociale, en particulier au-dessus de l'appartenance à une classe sociale déterminée ; finalement, la bourgeoisie atteint le plus haut point de son oeuvre quand elle est capable d'entraîner toutes les autres classes sociales, en particulier le prolétariat, derrière la défense de ses propres intérêts nationaux en faisant appel aux sentiments moraux tels l'honneur, l'héroïsme et l'esprit de sacrifice jusqu'à exiger le sacrifice suprême... au nom de la "défense de la patrie".

Comme toutes les autres formes idéologiques, la morale bourgeoise a aussi sa propre histoire. Au cours de l'ascension révolutionnaire de la bourgeoisie comme classe, l'idéal moral d'égalité et de liberté individuelle constituait un levier puissant pour bousculer les traditions héritées du féodalisme lesquelles constituaient autant d'entraves pour l'avancée du capitalisme.

"La bourgeoisie a joué dans l'histoire un rôle éminemment révolutionnaire. Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l'homme féodal à ses «supérieurs naturels», elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du «paiement au comptant». Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d'échange; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l'unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l'exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale." (K. Marx et F. Engels, Le Manifeste Communiste, ch. Bourgeois et prolétaires).

L'époque d'expansion du capitalisme au monde entier, de création des Etats nationaux et du commerce mondial, s'exprime dans la vigueur de la morale conquérante, individualiste et patriotique en même temps. Cette morale atteint son sommet quand l'époque d'ascension du capitalisme arrive à son achèvement, dans les pays démocratiques du centre du capitalisme, et qu'elle se synthétise dans le "citoyen démocratique" : l'individu qui "progresse", qui atteint le "bien-être" à partir de "son propre effort", et qui remplit son "devoir civique" en votant pour élire ses gouvernants. C'est dans cette époque d'apparent bien-être social et d'apparente atténuation des contradictions de classe que la morale bourgeoise se présente, avec la plus grande force, comme l'expression et l'achèvement d'une morale humaine éternelle.

"Pour assurer le triomphe de leurs intérêts dans les grandes questions, les classes dominantes se voient obligées de céder quelque chose sur les questions secondaires, - tant que, bien entendu, ces concessions demeurent avantageuses. Au temps de l'essor du capitalisme et surtout dans les dernières décades de l'avant-guerre, ces concessions, tout au moins à l'égard des couches supérieures du prolétariat, furent tout à fait réelles. L'industrie était en plein développement. Le bien-être des nations civilisées - et particulièrement de leurs masses ouvrières - s'accroissait. La démocratie paraissait inébranlable. Les organisations ouvrières grandissaient : les tendances réformistes aussi. Les rapports entre les classes s'adoucissaient, en tout cas extérieurement. Ainsi s'établissaient, dans les relations sociales, à côté des normes de la démocratie et des habitudes de paix sociale, des règles élémentaires de morale. On avait l'impression de vivre dans une société en train de devenir de plus en plus libre, juste et humaine. Le "bon sens" tenait pour infinie la courbe ascendante du progrès." (Trotsky, Leur morale et la nôtre, ch. crise de la morale démocratique).

Mais le capitalisme a atteint sa limite historique. La libre concurrence et l'expansion commerciale mondiale ont laissé place au monopole, à l'impérialisme, au capitalisme d'Etat et, finalement, aux guerres généralisées entre toutes les puissances impérialistes pour le partage du globe et, avec elles, à une boucherie humaine (la première guerre mondiale), à une misère et une barbarie sans précédent dans l'histoire. Et ainsi, avec la décadence du système capitaliste, est arrivé également la décadence et la putréfaction de la morale bourgeoise elle-même.

[Au lieu de la démocratie, de la paix sociale, du progrès] "la guerre éclata, suivie de bouleversements, de crises, de catastrophes, d'épidémies, de retours à la barbarie. La vie économique de l'humanité se trouva dans une impasse. Les antagonismes de classes s'aggravèrent et se démasquèrent. L'un après l'autre, on vit sauter les mécanismes de sûreté de la démocratie. Les règles élémentaires de la morale se révélèrent plus fragiles encore que les institutions démocratiques et les illusions du réformisme. Le mensonge, la calomnie, la corruption, la violence, le meurtre prirent des proportions inouïes. Les esprits simples, confondus, crurent que c'étaient là les conséquences momentanées de la guerre. Ces désagréments étaient et demeurent en réalité les manifestations du déclin de l'impérialisme. La gangrène du capitalisme entraîne celle de la société moderne, droit et morale compris." (idem).

Actuellement, quand la bourgeoisie, poussée par la crise économique, s'engage de nouveau, et chaque fois plus ouvertement et rapidement, vers une autre guerre impérialiste mondiale, sa morale commence à mettre en évidence sa putréfaction et tout son contenu apparaît comme un moyen idéologique pour entraîner le prolétariat au massacre. Il suffit de se rappeler, comme simple exemple, la destruction des Tours Jumelles (Twin Towers) de New-York en 2001 : le gouvernement de Bush - le plus haut représentant de la bourgeoisie mondiale - affichait le plus grand des cynismes et la plus ignoble des hypocrisies en faisant part de "sa surprise et son indignation" - comme on le sait aujourd'hui, il était au moins le complice passif des terroristes -, en feignant les plus nobles sentiments de douleur et de solidarité envers les victimes, alors qu'en réalité celles-ci lui fournissaient le moyen idéal pour justifier sa marche vers la guerre et, concrètement, l'envoi au massacre des "boys" en Afghanistan et en Irak 6. En même temps, la bourgeoisie a déclenché, en utilisant tous ses moyens de battage idéologique, une campagne écrasante qui a eu pour fer de lance précisément la manipulation morale de la population avec des thèmes comme la "solidarité humaine" avec les victimes de la "barbarie terroriste", l'"orgueil national" contre l'attaque de l'"ennemi extérieur", la lutte de "la démocratie contre le fondamentalisme", "la sécurité contre la menace", "le bien contre le mal", etc. Cette campagne n'avait d'autre objectif que d'amener le prolétariat et les autres exploités à "s'unir" derrière l'Etat bourgeois et à accepter passivement, au nom de la morale, toute la politique (et chacune des mesures nécessitées par celle-ci) engagée par la bourgeoisie engagée dans sa préparation à la guerre, depuis la restriction des "libertés" individuelles, en passant par la répression, la torture, l'assassinat et l'établissement d'un état d'urgence intérieur, jusqu'au lancement de la "guerre préventive" - avec le massacre de populations entière qui en résulte - contre n'importe quel pays "suspect". Et ce sont toutes les bourgeoisies nationales du monde, à commencer par les grandes "démocraties", qui suivent les pas de la bourgeoisie américaine, provoquant ou exploitant tout événement qui remue la fibre émotionnelle de la population (depuis les actes terroristes et les catastrophes naturelles jusqu'aux spectacles sportifs) afin d'injecter grâce à la peur ainsi provoquée, cette morale empoisonnée : le patriotisme le plus exacerbé, la haine mortelle pour l'"étranger", l'acceptation de la "sécurité" derrière le sinistre appareil répressif et militaire de l'Etat bourgeois. Ainsi, actuellement, plus la morale bourgeoise s'introduit insidieusement comme moyen de "cohésion sociale" au plan national, plus elle est un moyen en vue de la destruction même de la société humaine comme un tout.

Morale prolétarienne et révolution

[Mais] "la condition d'existence du capital, c'est le salariat. Le salariat repose exclusivement sur la concurrence des ouvriers entre eux. Le progrès de l' industrie, dont la bourgeoisie est l'agent sans volonté propre et sans résistance, substitue à l'isolement des ouvriers résultant de leur concurrence, leur union révolutionnaire par l'association. Ainsi, le développement de la grande industrie sape, sous les pieds de la bourgeoisie, le terrain même sur lequel elle a établi son système de production et d'appropriation. Avant tout, la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables." (Le Manifeste Communiste, ch. bourgeois et prolétaires).

Le prolétariat est donc à la fois une classe exploitée et une classe révolutionnaire. En tant que "classe pour le capital", le prolétariat existe seulement comme une simple somme d'individus atomisés qui sont dominés par la morale - et par toute l'idéologie - bourgeoise et qui sont en permanence en concurrence entre eux, d'abord pour obtenir un travail salarié et ensuite pour le conserver. Mais le développement même du capitalisme - qui concentre les travailleurs salariés dans de grandes entreprises et dans les villes pour les exploiter et les jeter dans la misère au moment des crises économiques, fait surgir la lutte de classe du prolétariat. Alors le prolétariat apparaît comme "classe pour soi", il mène sa lutte contre l'exploitation salariée jusqu'à la remise en cause du système capitaliste tout entier, il crée ses organisations - de masse et d'avant-garde - et il forge sa conscience de classe, c'est-à-dire la conscience de ses propres intérêts et objectifs révolutionnaires. C'est dans ce processus que surgit, comme partie intégrante de la conscience de classe et en rupture avec l'idéologie bourgeoise, une morale proprement prolétarienne. Des caractéristiques essentielles en découlent :

Une morale de classe
La morale prolétarienne est la première qui déclare ouvertement et de manière tranchée son caractère spécifique de classe. Dans la mesure où la lutte de classe du prolétariat représente la seule possibilité de survie de l'humanité, la morale prolétarienne est plus prometteuse, "plus humaine" d'une certaine manière, que la morale bourgeoise. Cependant, la morale prolétarienne n'est pas "LA morale humaine" enfin trouvée - comme ne le furent pas non plus les autres morales de classe.

"Quelle est donc la vraie [morale] ? Aucune, au sens d'un absolu définitif; mais la morale qui possède le plus d'éléments prometteurs de durée est sûrement celle qui, dans le présent, représente le bouleversement du présent, l'avenir, c'est donc la morale prolétarienne. (...) Qu'avec cela, il se soit en gros effectué un progrès, pour la morale comme pour toutes les autres branches de la connaissance humaine, on n'en doute pas. Mais nous n'avons pas encore dépassé la morale de classe. Une morale réellement humaine, placée au-dessus des oppositions de classe et de leur souvenir, ne devient possible qu'à un niveau de la société où on a non seulement vaincu, mais oublié pour la pratique de la vie, l'opposition des classes." (F. Engels, Anti-Dühring, ch. La morale et le droit, vérités éternelles, nous soulignons).

En outre, l'histoire a déjà sanctionné comme des "voies sans issue" les tentatives, faites par différents courants politiques du mouvement ouvrier, pour inclure dans leur programme l'imposition à toute la société d'une espèce de "code moral prolétarien", à titre de morale humaine, et cela dans le cadre même du capitalisme. En premier, cela fut le cas du socialisme utopique qui a précédé le marxisme et qui a terminé dans la formation de sectes mystiques et contre-révolutionnaires, en marge du mouvement du prolétariat ; postérieurement, il y eut ceux du réformisme et du révisionnisme de la fin du 19e siècle qui ont commencé à prôner la collaboration de classes et qui ont fini en trahissant la classe ouvrière quand la première Guerre mondiale a éclaté.

Morale prolétarienne et lutte de classe
La morale prolétarienne ne provient donc pas de la vie quotidienne des ouvriers isolés car, comme tels, ils se trouvent sous la domination de la morale bourgeoise. La morale prolétarienne provient de l'activité des ouvriers comme "classe pour soi", c'est-à-dire de leur lutte de classe.

Bien sûr, la morale prolétarienne influe aussi sur la vie quotidienne des masses prolétariennes en-dehors des luttes ouvertes, mais seulement comme produit de celles-là. C'est ainsi que, dans la phase d'ascendance du capitalisme quand la classe ouvrière arrivait à arracher au capital certaines revendications économiques de manière durable, et dans la mesure où des organisations prolétariennes de masse pouvaient exister de manière permanente, la classe a pu promouvoir certains aspects de solidarité, d'aide, de cohésion au plan de la vie quotidienne (caisse d'aide mutuelle, écoles, coopératives...).

Aujourd'hui encore, dans la phase de décadence du capitalisme - dans laquelle les tentatives d'organisation permanente des masses ouvrières sont rapidement absorbées par la machine étatique bourgeoise et les acquis en matière de revendications économiques sont rapidement dépassés par de nouvelles attaques du capital -, nous pouvons encore observer, dans les périodes de montée de lutte de la classe, et dans la mesure où le prolétariat tend à rompre avec la morale bourgeoise, comment cette rupture se répercute aussi dans la vie quotidienne au moins partiellement et momentanément (les femmes acquièrent un statut d'égalité par rapport aux hommes, la violence familiale et l'alcoolisme se réduisent, la vie dans les quartiers ouvriers s'anime et des liens de solidarité se développent...).

Cependant, étant donné la prédominance de l'idéologie et de la morale bourgeoises dans le capitalisme, l'influence de la morale prolétarienne dans la vie quotidienne des travailleurs est une dimension limitée et secondaire. En plus, la morale prolétarienne n'est pas seulement un reflet de la lutte de classe du prolétariat mais avant tout un instrument puissant pour l'impulser.

Morale et conscience de classe
En tant que partie intégrante de la conscience de classe, la morale prolétarienne suit, en règle générale, la même dynamique que celle-ci. La conscience de classe du prolétariat est un processus avec une dynamique particulière déterminée par le choc permanent avec l'idéologie bourgeoise qui domine de façon générale : d'une part, elle tend à s'étendre de plus en plus massivement dans la classe avec des flux et des reflux en fonction, notamment, de la montée ou du recul du mouvement lui-même des masses prolétariennes ; elle atteint son extension maximum dans les périodes révolutionnaires, mais disparaît presque complètement dans les périodes de défaite et de contre-révolution ; d'autre part, la conscience de classe n'est pas un simple reflet des luttes immédiates spontanées du prolétariat qui apparaît et disparaît avec celles-ci, mais au contraire elle connaît une continuité tout au long de l'histoire de la lutte du prolétariat et s'exprime tant dans l'existence de son programme politique que dans celle de ses organisations révolutionnaires permanentes - organisations qui, au-delà des va-et-vient de la lutte de classe, ont la responsabilité de sauvegarder, d'approfondir et de transmettre cette conscience à l'ensemble de la classe.

De manière analogue, si au travers de l'histoire de la lutte des classes, le prolétariat a forgé une "tradition" morale propre, celle-ci survit avant tout - et non sans une lutte constante contre l'idéologie dominante - au sein de ses organisations révolutionnaires, régissant les relations de solidarité et de confiance entre leurs militants. En revanche, une telle morale n'est pas un acquis permanent des masses prolétariennes mais tend à s'étendre et s'éteindre parmi elles aussi en fonction des périodes d'avancée et de recul de la lutte des classes.

"Nous ne sommes pas enclins à les [les masses] idéaliser. Nous les avons vues en des circonstances variées, à diverses étapes, au milieu des plus grands bouleversements. Nous avons observé leurs faiblesses et leurs qualités. Leurs qualités : la décision, l'abnégation, l'héroïsme trouvaient toujours leur plus haute expression dans les périodes d'essor de la révolution. A ces moments, les bolcheviks furent à la tête des masses. Un autre chapitre de l'histoire s'ouvrit ensuite, quand se révélèrent les faiblesses des opprimés : hétérogénéité, insuffisance de culture, manque d'horizon. Fatiguées, déçues, les masses s'affaissèrent, perdirent la foi en elles-mêmes et cédèrent la place à une nouvelle aristocratie. Dans cette période les bolcheviks (les "trotskistes") se trouvèrent isolés des masses." (Trotsky, Leur morale et la nôtre, ch. interdépendance dialectique de la fin et des moyens).

"Mais les masses ne sont nullement identiques : il y a des masses révolutionnaires, il y a des masses passives, il y a des masses réactionnaires. Les mêmes masses sont à différentes périodes inspirées par des dispositions et des objectifs différents. C'est justement pour cette raison qu'une organisation centralisée de l'avant-garde est indispensable Seul un parti, exerçant l'autorité qu'il a acquise, est capable de surmonter les flottements des masses elles-mêmes. Revêtir les masses des traits de la sainteté et réduire son propre programme à une démocratie amorphe, c'est se dissoudre dans la classe telle qu'elle est, se transformer d'avant-garde en arrière-garde et, par là même, renoncer aux tâches révolutionnaires." (L. Trotsky, 1939, Moralistes et sycophantes contre le marxisme).

Quelle morale prolétarienne ?
Quelles sont aujourd'hui les valeurs morales spécifiquement prolétariennes ? De ce que nous avons développé jusqu'ici, on en conclut évidemment qu'il ne s'agit pas de définir un nouveau "code moral", un dogme abstrait qui, indépendamment de chaque situation concrète, préjugerait la validité de n'importe quelle action du prolétariat. Nous pouvons seulement présenter les principes fondamentaux qui découlent de l'expérience historique elle-même de la lutte du prolétariat contre la bourgeoisie, des tâches que lui impose son propre programme révolutionnaire. Ces principes moraux peuvent se résumer ou se synthétiser à travers les deux suivants : solidarité internationale et volonté révolutionnaire.

"La lutte de classe à l'intérieur des États bourgeois contre les classes dirigeantes, et la solidarité internationale des prolétaires de tous les pays sont les deux règles de conduite indispensables que la classe ouvrière doit appliquer dans sa lutte de libération historique. Il n'y a pas de socialisme en dehors de la solidarité internationale du prolétariat, le prolétariat socialiste ne peut renoncer à la lutte de classe et à la solidarité internationale, ni en temps de paix, ni en temps de guerre : cela équivaudrait à un suicide." (Rosa Luxemburg, 1916, Thèses sur les tâches de la social-démocratie, publiées comme annexe à la Brochure de Junius7.

La solidarité internationale signifie la cohésion du prolétariat dans son existence comme classe mondiale avec les mêmes intérêts et objectifs et confrontée à la classe capitaliste. C'est, en premier, l'antithèse de la concurrence entre les ouvriers.

"La concentration de capital sape le capitalisme lui-même car elle réduit la classe bourgeoise dont l'intérêt est le maintien du capitalisme alors qu'elle augmente la masse qui cherche à l'abolir. Dans ce développement, une des caractéristiques du capitalisme est progressivement abolie. Dans un monde où chacun lutte contre tous et tous contre chacun, une nouvelle association se développe au sein de la classe ouvrière, l'organisation de classe. Les organisations de la classe ouvrière commencent par en finir avec la concurrence existant entre les travailleurs et elles réunissent leurs forces séparées en une seule et grande puissance dans leur lutte avec le monde extérieur. Tout ce qui s'applique aux groupes sociaux s'applique aussi à cette organisation de classe produite par les conditions naturelles. Dans les rangs de cette organisation de classe, les motivations sociales, la morale, les sentiments, l'esprit de sacrifice et de dévotion pour le corps entier se développent de la manière la plus admirable. Cette solide organisation donne à la classe ouvrière la grande force dont elle a besoin pour vaincre la classe capitaliste. La lutte de classe, qui n'est pas une lutte avec des armes mais pour la possession des armes, une lutte pour le droit à diriger l'industrie, sera déterminée par la force de l'organisation de classe." (A. Pannekoek, Marxisme et darwinisme, ch. capitalisme et socialisme).

En même temps, la solidarité prolétarienne internationale est aussi l'antithèse de la morale patriotique bourgeoise et elle implique tout spécialement le rejet des guerres impérialistes qui sont l'unique "solution" qu'a la bourgeoisie pour faire face à la crise de son système et dans lesquelles elle cherche à entraîner le prolétariat justement au moyen de l'idéologie nationaliste.

"L'action de classe du prolétariat de tous les pays doit, en temps de paix comme en temps de guerre, se fixer comme but principal de combattre l'impérialisme et de faire obstacle à la guerre. (...) L'activité globale du mouvement ouvrier doivent être subordonnées à l'objectif suivant : opposer dans tous les pays, de la manière la plus vive, le prolétariat à la bourgeoisie, souligner à chaque pas l'opposition politique et spirituelle entre les deux classes, tout en mettant en relief et en démontrant l'appartenance commune des prolétaires de tous les pays à l'Internationale. (...)

La première tâche du socialisme est la libération spirituelle du prolétariat de la tutelle de la bourgeoisie, tutelle qui se manifeste par l'influence de l'idéologie nationaliste. L'action des sections nationales (...) doit avoir pour but de dénoncer le fait que la phraséologie traditionnelle du nationalisme est l'instrument de la domination bourgeoise. (...) La patrie des prolétaires, dont la défense prime tout, c'est l'Internationale socialiste." (Rosa Luxemburg, Thèses sur les tâches de la social-démocratie, op. cit.).

Quant à la volonté révolutionnaire, elle signifie la disposition morale du prolétariat à employer tous les moyens nécessaires pour mener à bien sa lutte jusqu'au renversement complet du système capitaliste. Cela implique d'une part la rupture la plus profonde possible avec les préjugés moraux dominants qui conditionnent le maintien de l' "ordre" social, ainsi que le respect et la défense de la propriété privée capitaliste, et d'autre part la volonté de se servir des moyens nécessaires de la violence de classe pour atteindre les objectifs révolutionnaires.

"Serait-ce que pour atteindre cette fin tout est permis ? nous demandera sarcastiquement le philistin, révélant qu'il n'a rien compris. Est permis, répondrons-nous, tout ce qui mène réellement à la libération des hommes. Cette fin ne pouvant être atteinte que par les voies révolutionnaires, la morale émancipatrice du prolétariat a nécessairement un caractère révolutionnaire. De même qu'aux dogmes de la religion, elle s'oppose irréductiblement aux fétiches, quels qu'ils soient, de l'idéalisme, ces gendarmes philosophiques de la classe dominante. Elle déduit les règles de la conduite des lois du développement social, c'est-à-dire avant tout de la lutte des classes, qui est la loi des lois.

Le moraliste insiste encore: Serait-ce que dans la lutte des classes contre le capitalisme tous les moyens sont permis ? Le mensonge, le faux, la trahison, l'assassinat "et cetera" ?

Nous lui répondons : ne sont admissibles et obligatoires que les moyens qui accroissent la cohésion du prolétariat, lui insufflent dans l'âme une haine inextinguible de l'oppression, lui apprennent à mépriser la morale officielle et ses suiveurs démocrates, le pénètrent de la conscience de sa propre mission historique, augmentent son courage et son abnégation. Il découle de là précisément que tous les moyens ne sont point permis. Quand nous disons que la fin justifie les moyens, il en résulte pour nous que la grande fin révolutionnaire repousse, d'entre ses moyens, les procédés et les méthodes indignes qui dressent une partie de la classe ouvrière contre les autres ; ou qui tentent de faire le bonheur des masses sans leur propre concours ; ou qui diminuent la confiance des masses en elles-mêmes et leur organisation en y substituant l'adoration des "chefs". Par-dessous tout, irréductiblement, la morale révolutionnaire condamne la servilité à l'égard de la bourgeoisie et la hauteur à l'égard des travailleurs, c'est-à-dire un des traits les plus profonds de la mentalité des pédants et des moralistes petits-bourgeois.

Ces critériums ne disent pas, cela va de soi, ce qui est permis ou inadmissible dans une situation donnée. Il ne saurait y avoir de pareilles réponses automatiques. Les questions de morale révolutionnaire se confondent avec les questions de stratégie et de tactique révolutionnaire. L'expérience vivante du mouvement, éclairée par la théorie, leur donne la juste réponse." (Trotsky, Leur morale et la nôtre, ch. interdépendance dialectique...).

Les leçons des mouvements insurrectionnels de la classe ouvrière - que des révolutionnaires comme Marx, Engels, Luxemburg, Lénine ou Trotsky ont vécu et décrit - nous montrent comment les aspects moraux relatifs à la solidarité de classe et à la volonté révolutionnaire, le dévouement envers la classe, l'esprit de sacrifice, l'audace, l'initiative, le courage dans le combat de classe, constituent non pas un simple reflet dans les esprits, mais une véritable et indispensable force matérielle de la classe ouvrière dont l'accumulation ou l'affaiblissement dans le cours du mouvement lui-même constitue un des facteurs qui le pousse en avant ou le fait reculer, lui donnant la forme caractéristique de "zigzag".

"Les révolutions prolétariennes (...) se critiquent elles-mêmes constamment, interrompent à chaque instant leur propre cours, reviennent sur ce qui semble déjà être accompli pour le recommencer à nouveau, raillent impitoyablement les hésitations, les faiblesses et les misères de leurs premières tentatives, paraissent n'abattre leur adversaire que pour lui permettre de puiser de nouvelles forces de la terre et de se redresser à nouveau formidable en face d'elles, reculent constamment à nouveau devant l'immensité infinie de leurs propres buts, jusqu'à ce que soit créée enfin la situation qui rende impossible tout retour en arrière, et que les circonstances elles-mêmes crient : Hic Rhodus, hic salta !" (K. Marx, 1852, Le 18 brumaire de Louis Napoléon Bonaparte).

Ainsi donc, la force morale que le prolétariat doit accumuler, ne peut seulement se mesurer qu'en fonction de l'"énormité de ses propres buts", c'est-à-dire des tâches que lui impose son propre mouvement révolutionnaire. Mais rien ne serait plus erroné que de penser que cette force morale de la classe puisse atteindre son niveau nécessaire de manière simplement "instinctive" ou "biologique", pour ainsi dire, dans le cours du mouvement insurrectionnel. En tant que partie intégrante de la conscience de classe, une morale prolétarienne qui se trouve au niveau d'un mouvement insurrectionnel, ne peut être que le résultat d'un processus d' "apprentissage", d'acquisition et d'accumulation d'expériences - surtout pour ce qui concerne les magouilles, les chantages et les menaces de la bourgeoisie que le prolétariat devra apprendre à déjouer - tout au long de la lutte des classes. C'est un processus qui commence dès les premières manifestations de lutte de résistance économique contre les effets les plus brutaux de l'exploitation.

[Car] "si la classe ouvrière lâchait pied dans son conflit quotidien avec le capital, elle se priverait certainement elle-même de la possibilité d'entreprendre tel ou tel mouvement de plus grande envergure." (K. Marx, 1865, Salaire, prix et profit, ch. La lutte entre le capital et le travail...).

Évidemment, ce processus d'acquisition est nécessaire non seulement pour les masses prolétariennes, mais aussi pour l'organisation des révolutionnaires. Comme avant-garde de la classe, elle doit posséder aussi une profonde morale révolutionnaire pour pouvoir la transmettre et "contaminer" les masses. Au contraire, une avant-garde indécise, timorée au moment décisif, peut constituer un facteur déterminant pour la défaite du mouvement.

Ainsi, on peut comprendre pourquoi, au sein du mouvement ouvrier, ce sont les courants réformistes et opportunistes au sein du mouvement ouvrier qui ont toujours aimé insister sur la "morale" du prolétariat, qui réduisent celle-ci à quelques aspects de "solidarité" et "oublient" ou relèguent à un "futur" incertain ce qui a trait à la volonté révolutionnaire. Ils occultent le fait qu'en fin de compte, la fonction essentielle de la morale prolétarienne est de servir comme un puissant levier afin d'impulser la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière. Levier qui, à certains moments, peut même être décisif.

"Deux classes décident du sort de l'humanité : la bourgeoisie impérialiste et le prolétariat. La dernière ressource de la bourgeoisie est le fascisme, qui remplace les critères historiques et sociaux par des normes biologiques et zoologiques de façon à se libérer de toute restriction dans la lutte pour la propriété capitaliste. La civilisation ne peut être sauvée que par la révolution socialiste. Pour accomplir ce bouleversement, le prolétariat a besoin de toutes ses forces, de toute sa détermination, de toute son audace, de toute sa passion impitoyable. Par-dessus tout, il doit être entièrement libéré des fictions de la religion, de la «démocratie» et de la morale transcendantale – autant de chaînes forgées par l'ennemi pour le mater et le réduire à l'esclavage. Seul est moral ce qui prépare le renversement total et définitif de la bestialité capitaliste, et rien d'autre. Le salut de la révolution – voilà la loi suprême !" (L. Trotsky, Moralistes y sycophantes... ).

[La seconde partie de ce travail sera dédiée à la critique du "texte d'orientation" sur la morale récemment publié par le CCI]

Janvier 2007.


Notes:

1. Voir : « 17e Congrès de RI : l'organisation révolutionnaire à l'épreuve de la lutte de classe ». http://fr.internationalism.org/ri370/congres.html.

2.Voir : http://es.internationalism.org/book/print/1071

3. Tous les passages soulignés dans les citations de ce texte le sont par nous.

4. En outre, les études anthropologiques actuelles tendent à démontrer la probabilité inquiétante que, entre l'origine de la chasse avec armes et la guerre entre groupes humains, il aurait aussi existé des guerres pour l'habitat entre les différentes espèces d'hominiens qui, parallèlement, commençaient à acquérir des traits de type humain (division du travail, création d'armes, du langage...). La dernière de ces guerres aurait eu lieu il y a à peine 28 000 ans et aurait conduit à l'extinction de "l'homme de Néanderthal" européen.

5. Le lecteur intéressé trouvera une critique théorique plus détaillée de ces courants philosophiques tant dans le livre de Kautsky cité que dans celui de Pannekoek, Marxisme et Darwinisme.

6. Selon la presse internationale, à la fin de l'année 2006 le chiffre des soldats américains morts en Irak depuis 2003 (2983) dépassait déjà le nombre de morts (2973) provoqués par l'attentat contre les tours du World Trade Center à New-York le 11 septembre 2001. Et cela sans compter plus de 22 000 soldats américains blessés. Bien sûr, Bush, le plus illustre représentant de l'hypocrite morale bourgeoise, considère avec des larmes dans les yeux "que chacune des vies perdues est très précieuse et qu'il souffre pour chacune d'entre elle" (El País, 26 décembre 2006). De plus, les morts et les blessés irakiens ne semblent pas aussi "précieux" au point que les médias ne les comptabilisent pas aussi précisément. Cependant, les calculs les plus modérés parlent d'au moins 40.000 irakiens morts, bien qu'une étude scientifique publiée récemment dans le revue médicale The Lancet estime à 650 000 (sic !) les morts occasionés juqu'à maintenant, directement ou indirectement, par cette guerre.

7. Nous publions dans ce numéro du bulletin ces thèses de Rosa Luxemburg.

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