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Depuis la rédaction de notre prise de position sur la grève des prolétaires des transports, métro et bus, de la ville de New-York, un élément supplémentaire est venu confirmer la dimension historique et internationale de cette lutte. Le 21 janvier, un mois après l'arrêt de la grève de trois jours dans l'amertume et avec un sentiment d'inachevé, les salariés de l'entreprise étaient convoqués pour se prononcer par référendum sur l'accord signé entre le syndicat, le Transit Workers Union, et la direction de l'entreprise, la Metropolitan Transit Authority.
Par 11234 voix contre l'accord et 11227 pour, c'est-à-dire par 7 voix d'écart, les travailleurs ont rejeté l'accord signé par leur syndicat. 7 voix de différence sur 22000 votants peuvent paraître insignifiantes, voire le fait du hasard.
Et pourtant... C'est sur le terrain même de l'Etat capitaliste, dans le cadre de ses règles et de ses lois anti-grève et anti-ouvrière, dans le vote individuel, dans le secret de l'isoloir, sans pouvoir mesurer et sentir la force du collectif ouvrier, sans débat en assemblée générale, dans la dispersion des secteurs les plus combatifs, chauffeurs de bus, de métro, ouvriers des ateliers d'entretien et de la maintenance, etc..., noyés au milieu des autres secteurs traditionnellement moins combatifs (administratifs, maîtrise) et plus isolés, c'est sur le terrain même de l'ennemi de classe, à savoir le cadre du vote, le thème du vote, le "timing" du vote, c'est dans les conditions les plus défavorables, que les ouvriers ont quand même repoussé l'accord. Et cela un mois après une grève de trois jours au cours de laquelle les grévistes avaient subi une pression médiatique inouïe, faite d'insultes et de menaces d'une violence incroyable et qui aurait pu déboucher sur une démoralisation et un sentiment profond d'impuissance, voire de défaite. Et cela alors que cette pression médiatique n'avait cessé depuis lors jusqu'au jour même du vote. Tout comme n'avaient cessé les pressions du syndicat et les menaces de répression des "autorités" de la ville et du MTA.
Ce résultat est d'autant plus remarquable qu'une partie importante des prolétaires du MTA, en particulier les plus vieux, aurait pu croire s'en tirer à bon compte avec la préservation de leurs conditions de départ à la retraite qui avait été initialement remises en question puis "finalement" préservées - à dessein pour diviser. Toutes les conditions, du point de vue de la bourgeoisie, étaient réunies pour que l'accord signé par le syndicat soit ratifié et que les ouvriers subissent un revers plus profond. Et pourtant ça n'a pas été le cas.
Cela signifie que les travailleurs ont réussi à résister à la pression généralisée qu'ils ont dû subir depuis plus d'un mois. Cela signifie qu'ils ont pu résister à cette pression que parce qu'ils ont senti le soutien de la population et des quartiers ouvriers de New-York malgré les mensonges et les insultes des politiciens, journaux et télévisions qui les accusaient de se comporter comme Ben Laden. Cela signifie aussi qu'ils ont résisté à l'intimidation et à la terreur de la répression qu'ils ont subi (3 jours de retenue sur le salaire pour un jour de grève) et aux menaces d'amendes et de prison qu'on leur adressait. Du coup, tout un chacun comprend mieux la réelle signification de l'arrêt de la grève en décembre. Loin d'être une victoire totale de la bourgeoisie et en particulier du syndicat, la reprise du travail avait aussi signifié la prise en compte par les ouvriers d'un rapport de forces momentané qui n'était alors plus en leur faveur en l'absence de perspectives plus larges au moment même où la répression massive allait tomber.
La question qui se pose nécessairement aux ouvriers est celle des perspectives de lutte maintenant. Est-il opportun d'engager une grève ouverte dès aujourd'hui ? Ou bien ne vaut-il pas mieux s'organiser et préparer une lutte plus massive et plus étendue en développant et étendant les contacts pris lors de la grève avec d'autres secteurs (tels les enseignants) et dans les quartiers ouvriers ?
Il nous est difficile d'apprécier au plus près la situation immédiate et les potentialités. Malheureusement, le seul groupe de la Gauche communiste présent à New-York, la section américaine du CCI, n'a pu à ce jour fournir plus d'éléments, ni même avancer des perspectives plus immédiates.
Néanmoins, le rejet de l'accord, dans les conditions où s'est déroulée la grève de décembre, dans les conditions qui ont séparé cette grève du référendum, vient confirmer au plus haut point que la grève des transports new-yorkais exprime la réalité et la force dynamique de la tendance à la reprise internationale des luttes ouvrières face à l'impasse du capitalisme au plan économique et à ses attaques contre les conditions de vie du prolétariat partout dans le monde. Y compris dans le premier des pays capitalistes, y compris dans la ville la plus hautement symbolique du capitalisme et de sa puissance. Elle en est même devenue un facteur de développement en interpellant directement tous les prolétaires du monde.
Tous ont pu voir que les attaques que leurs frères de classe de New-York subissaient étaient exactement les mêmes que les leurs.
Tous ont pu voir que les difficultés qu'ils rencontrent pour développer leurs luttes étaient de même type et qu'ils s'opposaient aux même ennemis, Etat, gouvernement, patron, syndicats , répression, journaux aux ordres, campagnes médiatiques haineuses et massives.
Tous ont pu aussi mesurer le niveau de violence, de terreur, de dictature de classe, l'opposition irréductible et acharnée que la "démocrate et libérale" bourgeoisie américaine exprime au plus haut point vis-à-vis de "sa" classe ouvrière. Tous ont pu comprendre que la violence de la lutte de classe menée par la bourgeoisie américaine n'était que l'expression de la violence que la bourgeoisie internationale n'hésitera pas une minute à exercer, quand elle ne le fait pas déjà, contre l'ensemble du prolétariat mondial.
Tous ont pu aussi mesurer la nécessité de dégager des perspectives politique de luttes historiques et immédiates. Que faire face à l'Etat bourgeois et à l'ensemble de ses forces politiques et syndicales ? Un grand nombre d'entre eux ont pu aussi s'interroger sur la nécessité de s'organiser et d'avancer des perspectives de combat, voire s'interroger aussi sur le besoin d'un "parti ouvrier" discutant et défendant les besoins immédiats et historiques de la lutte.
C'est aussi ces nécessités politiques et d'organisation que la grève des prolétaires de New-York pose à son tour portant ainsi à un niveau supérieur l'expérience et les leçons du renouveau international des luttes.
5 février 2006.
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