Home | Bulletin Communiste FICCI 32 | |
"La décadence du capitalisme qui se poursuit depuis la première guerre mondiale et à laquelle, en l'absence de Révolution prolétarienne, la société ne peut échapper, apparaît d'ores et déjà comme la pire période de l'histoire de l'humanité. (…)
Certes, les autres périodes de décadence étaient riches en affrontement entre fractions de la classe dominante, mais celle dans laquelle nous vivons est enfermée dans un cycle inexorable et infernal de crise-guerre généralisée-reconstruction-crise… qui fait payer au genre humain un terrible tribut de mort et de souffrance. Aujourd'hui, ce sont des techniques d'un raffinement scientifique inouï qui sont mises à contribution pour augmenter le pouvoir de destruction et de mort des Etats capitalistes, si bien que c'est par dizaine de millions que se chiffrent les victimes des guerres impérialistes ainsi que celles des génocides systématiques et industriels dans lesquels le fascisme et le stalinisme se sont illustrés dans le passé et qui nous menacent sans cesse. (…)
Avec l'approfondissement du désordre économique, la société se trouve de nouveau confrontée avec l'alternative inévitable ouverte par chaque crise aiguë de la période de décadence : Guerre mondiale ou Révolution prolétarienne."
Voilà ce qu'écrit dans son "Manifeste" notre organisation - le CCI -, dès sa fondation. La mise en avant de l'extrême barbarie du capitalisme décadent, inégalée historiquement, et de ses guerres mondiales comme apothéoses de celle-ci et comme seules "solutions" à ses crises économiques ouvertes est au centre de sa vision de la période que nous vivons. C'est notamment sur cette base d'airain que le CCI a gravé au cœur de son programme l'alternative historique "guerre mondiale ou révolution prolétarienne".
En près d'un siècle, la classe dominante porteuse de ce système a déjà imposé à l'humanité 2 guerres mondiales effroyables. Mais aujourd'hui, et depuis quelques années déjà, étranglée une nouvelle fois par une crise ouverte de son économie, elle est contrainte d'en inscrire une 3ème dans ses plans.
En effet, à travers les événements qui se succèdent durant cette dernière période, s'illustre avec force ce que notre fraction a mis en évidence et dénoncé dès le lendemain des attentats du 11 septembre 2001 : bien que n'ayant pas défait préalablement le prolétariat, la bourgeoisie a entamé une marche forcée vers la guerre impérialiste généralisée et elle tente à tout prix d'y préparer toute la société et surtout d'y entraîner la classe ouvrière. Dans ce sens, elle met actuellement en place, à l'échelle de la planète, une stratégie politique d'ampleur qui s'appuie sur l'opposition-piège entre terrorisme et antiterrorisme, l'un lui servant à justifier ses actions et velléités belliqueuses, l'autre à tenter de tirer la classe ouvrière hors de son combat de classe – lui faisant abandonner ainsi ses propres intérêts - et à l'embrigader derrière elle vers une conflagration générale – lui faisant donc épouser les intérêts de la bourgeoisie et participer, en tant que chair à canon, à ses luttes intestines.
Elle reprend ainsi une méthode qui lui avait parfaitement réussi, dans les années 1930, pour entraîner toute la société vers la 2ème guerre mondiale, avec une autre opposition-piège entre le fascisme et l'antifascisme, bien que pour un certain nombre de raisons importantes (liées à son propre affaiblissement historique ainsi qu'au fait que le prolétariat d'aujourd'hui, contrairement à l'expérience précédente, est loin de se laisser faire) celle d'aujourd'hui n'ait pas la même portée, ni la même "clarté". Cependant, le danger du piège actuelle n'en est pas moins réel.
Le terrorisme apparaît, dans l'histoire, comme le mode d'expression des classes sociales qui n'ont pas de devenir historique et dont la survie même se trouve mise en cause par l'évolution objective de la société.
Au tournant des XIXème et XXème siècle, les couches petite-bourgeoise, les artisans en cours de prolétarisation, les boutiquiers et petits propriétaires terriens ruinés etc. ont donné naissance à une forme de terrorisme, de violence individuelle et sans perspective historique. En Europe de l'Ouest (France, Italie, etc.) comme en Russie (Narodniks) ces expressions rétrogrades ont eu parfois un écho au sein même d'une classe ouvrière en cours de constitution et de formation politique. L'expérience de la lutte, la Révolution d'Octobre, l'Internationale communiste ont réglé cette question depuis près d'un siècle.
Ce que l'on voit surtout depuis la dernière moitié du XXème siècle, dans les relations inter impérialistes, c'est que le terrorisme est devenu un outil essentiel pour les puissances grandes et moyennes dans la concurrence acharnée qui les oppose les unes aux autres. On se souvient des groupes du style "bande à Baader" ou "Brigades rouges" qui ont défrayé la chronique dans les années 1970 et dont il est patent aujourd'hui qu'ils étaient manipulés par les services secrets russes ou américains de l'époque. Il va sans dire que les services occidentaux utilisaient les mêmes types de groupes et de manipulations, même si l'on sait moins sur ces arcanes. Ce qui demeure et qui doit être tout à fait clair pour les révolutionnaires et pour leur classe aujourd'hui, c'est que le terrorisme est devenu, définitivement, une arme aux mains des puissances impérialistes dans le cadre de leurs affrontements et de la préparation des fronts de guerre.
Que les acte terroristes causent des dizaines ou des centaines de victimes parmi les populations civiles est vraiment de peu d'importance aux yeux d'une classe dont la seule perpétuation en tant que classe dominante signifie chaque jour, à chaque heure, le supplice de la faim, de la misère, de la mort, de la surexploitation pour des millions de prolétaires et de sous-prolétaires du tiers-monde.
Mais, autant la "terreur ordinaire" des Etats capitalistes a pour fonction de maintenir la population ouvrière sous le joug, autant le terrorisme élevé au rang de moyen de pression et d'intimidation adressé aux Etats impérialistes concurrents n'est pas destiné, en propre, à la classe ouvrière. Même si ce sont des ouvriers qui sont les premières victimes de ces actes de guerre impérialiste.
Se méprendre sur ce point, comprendre le terrorisme comme une attaque directe et ciblée contre les ouvriers, c'est ne pas comprendre la nature de classe du terrorisme actuel, c'est ignorer le rôle que remplit prioritairement la campagne anti-terroriste qui, elle, est directement destinée aux prolétaires dans le but de les entraîner derrière les drapeaux nationaux. C'est se faire, d'une façon ou d'une autre, avec peut-être les meilleures intentions du monde, les complices des campagnes nationalistes et chauvines de la bourgeoisie.
C'est bien la bourgeoisie de tous les pays centraux qui a d'abord suscité, encouragé, financé, alimenté au niveau politique et militaire le terrorisme qu'elle prétend aujourd'hui combattre. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, il a largement été fait référence aux connexions de toutes natures entre ce qu'il est "convenu" d'appeler le réseau Al Qaïda et l'Etat US, et il en est de même pour les camps d'entraînement des différentes nébuleuses terroristes qui ont été largement favorisés et chapeautés par les grandes puissances, comme en Afghanistan, au Pakistan ou même sur le sol britannique.
Et quand on voit les attentats se multiplier dans des régions aussi centrales que les USA, initiateur de la "guerre au terrorisme", l'Espagne, l'une des "opposantes" à l'intervention militaire US en Irak et aujourd'hui la Grande-Bretagne, des régions du monde parmi les plus "surveillées", "informées" et dotées des moyens préventifs les plus sophistiqués contre le terrorisme, alors plus aucun doute ne peut persister sur le sens des attentats qui les ont frappés.
Dès septembre 2001, la bourgeoisie internationale a parfaitement perçu tout le profit qu'elle pouvait tirer des attentats contre les tours jumelles à New York pour avancer vers sa solution guerrière.
"C'est un moment qu'il faut saisir. Le kaléidoscope a été secoué. Toutes les pièces sont en mouvement. Bientôt, elles vont se remettre en place. Avant qu'elles le fassent, réordonnons ce monde qui nous entoure." C'est ainsi que Tony Blair, s'adressant au Parti travailliste à l'occasion de la conférence du Parti Travailliste le 2 octobre 2001, commente l'événement qui vient de se produire à New York. Autrement dit : les attentats du 11 septembre ont créé une situation qui ouvre la possibilité d'un réordonnancement des forces sur l'échiquier impérialiste, sachons l'exploiter au mieux de nos intérêts.
L'utilisation à des fins impérialistes de ces attentats est claire aujourd'hui. C'est au nom d'un vaste plan de "guerre contre le terrorisme" que seront d'abord menées les interventions militaires en Afghanistan puis en Irak.
Cette dernière intervention portait en elle une rupture d'avec la situation de relatif équilibre préexistant jusque là entre les grandes puissances : dès lors l'évolution de la situation sur le plan impérialiste allait être dominée par une tendance de plus en plus marquée à la bipolarisation, avec d'un côté USA-Grande-Bretagne et de l'autre une alliance entre Allemagne et France chaque jour plus affirmée.
Il s'agissait dès lors, pour les deux pôles respectifs d'abord de maintenir dans leur giron les puissances qui semblaient acquises à la cause (Espagne pour l'alliance américano-anglaise) mais surtout d'entraîner derrière eux, de gagner à eux le plus grand nombre de participants ou les plus décisifs (Russie).
Dans cette logique, la bataille, (1) à laquelle se livrent les deux pôles ne peut à terme déboucher que sur une issue franchement guerrière.
Au moment des attentats de Madrid en mars 2004, l'orientation décidée de la bourgeoisie vers la marche à la guerre a pris de l'ampleur d'abord avec l'accélération du processus de bipolarisation sur le plan impérialiste (rapprochement de l'Espagne avec l'alliance franco-allemande et retrait de son soutien militaire aux USA en Irak ; sans oublier, entre autres, la multiplication des "complicités" sur des politiques décisives – généralement anti-américaines – sur le plan impérialiste entre Paris, Berlin et Moscou).
Mais c'est surtout par rapport et contre le prolétariat que la bourgeoisie va concentrer ses efforts. L'écho immédiatement international donné à ces attentats, l'ampleur et la violence du battage médiatico-idéologique dénonçant les terroristes comme ennemis de la démocratie, en ont été une manifestation patente. Depuis, toutes les forces bourgeoises se liguent dans un vaste front commun antiterroriste derrière lequel elles cherchent à entraîner la classe ouvrière.
"Les attentats [du 11 mars 2004 à Madrid] eux-mêmes mais surtout l’enchaînement des faits auxquels ils donnent lieu confirment que le coup de semonce qui est donné désigne d’emblée la classe ouvrière comme la cible privilégiée vers laquelle convergent toutes les forces bourgeoises. C’est la classe ouvrière du cœur de l’Europe qui est ici fortement sollicitée, le but étant de museler ses velléités de luttes, de lui faire quitter son terrain de classe, de l’embarquer derrière la défense de la démocratie, sur le front de l’anti-terrorisme aux côtés de toutes les forces bourgeoises européennes unies, ce front qui ouvrirait de manière décisive la voie à la guerre" (bulletin 24).
Arrêtons-nous ici sur une question particulière : il peut apparaître contradictoire de souligner qu'existe à la fois une tendance accrue à la bipolarisation impérialiste, c'est-à-dire à l"exacerbation des rivalités impérialistes d'une part, et d'autre part de relever que "toutes les forces bourgeoises se liguent dans un vaste front commun antiterroriste derrière lequel elles cherchent à entraîner la classe ouvrière". Pourtant il n'en est rien. La marche à la guerre impérialiste généralisée, quel que soit son terme, et quelle que soit la "conscience" qu'en ont aujourd'hui les gouvernements et les dirigeants de la bourgeoisie, s'impose inéluctablement à toutes les bourgeoisies nationales. En particulier, la nécessité pour chaque bourgeoisie nationale d'imposer à sa propre classe ouvrière cette marche à la guerre est commune à toutes. Et sur ce terrain, obéissant aux mêmes lois d'airain du capitalisme d'aujourd'hui, elles agissent de même et de concert. Ce phénomène n'est pas nouveau et avait déjà été souligné par la Fraction italienne de la Gauche communiste : "Tous ces Etats sont, de par leur situation économique, condamnés à être parfaitement solidaires du cours qui les conduit à la conflagration mondiale" (Bilan 24, octobre 1935).
Avec les attentats de Londres des 7 et 21 juillet dernier, puis ceux de Charm El-Cheikh du 23 juillet, médias et politiques voudraient enfoncer un sentiment d'impuissance dans la tête des ouvriers (avec l'espoir de les voir s'atteler au char de l'Etat bourgeois) et embrouiller leur conscience concernant le sens réel de ces "actes (prétendument) aveugles". Aucun mot n'est assez fort pour dénoncer le crime terroriste de la part de ceux qui utilisent les groupes terroristes comme mercenaires à leur solde. La virulence de leurs discours n'a qu'un but : faire oublier que derrière chaque groupe terroriste, chaque attentat, il y a leur propre politique.
Aujourd'hui plus aucun doute n'est permis sur la nature du terrorisme : c'est une arme de guerre exclusivement réservée et soumise au service de la bourgeoisie. Ce sont en effet les intérêts de la bourgeoisie internationale que servent les attentats perpétrés par les groupes terroristes ou les kamikazes qu'on nous présente délibérément comme des fanatiques isolés. Mais si le terrorisme est définitivement voué à servir de méthode et de moyen bellicistes dans les rivalités entre les principaux impérialismes rivaux en particulier, c'est un tout autre danger qui menace le prolétariat de manière bien plus insidieuse. Ce serait une erreur de croire que le terrorisme a pour cible privilégiée la classe ouvrière, car alors on finirait par négliger le danger bien plus menaçant que constitue l'anti-terrorisme. Ce dernier constitue la pièce maîtresse du dispositif de la bourgeoisie destiné à préparer les prolétaires à la perspective de la guerre généralisée.
La guerre mondiale est toujours précédée d'une période plus ou moins longue de préparation guerrière durant laquelle la bourgeoisie doit s'assurer que la nation entière, et le prolétariat en particulier, est derrière elle. La guerre présuppose en effet, comme condition essentielle, une soumission du prolétariat, idéologique et physique, aux idéaux guerriers.
L'anti-terrorisme est dans la période présente de préparation guerrière l'arme spécifiquement dirigée contre la classe ouvrière seule force sociale capable de s'opposer, contrarier, annihiler les plans guerriers de la bourgeoisie.
Entre Madrid 2004 où les manifestations pacifistes massives sont au devant de la scène et les attentats de Londres, de Charm-el-Cheikh où les Etats, tous les Etats démocratiques montent aussitôt au créneau pour entonner d'une seule voie l'hymne du "tous ensemble dans la guerre contre le terrorisme, tous unis derrière l'anti-terrorisme", il y a un pas qualitatif énorme qui est franchi.
Jamais jusqu'à ce jour on n'avait vu une telle unanimité, une telle unité de la part de toutes les forces bourgeoises pour assener le message. A tel point que les différends qui s'exprimaient de manière féroce la veille en leur sein, par exemple entre la Grande-Bretagne et la France, peuvent paraître s'estomper.
Il n'en est rien bien sûr, mais la bourgeoisie profite de ce moment pour se polariser sur une question majeure à résoudre en priorité : paralyser la classe ouvrière, la détourner de ses luttes pour l'emmener pieds et poings liés sur le terrain de la défense de la patrie "légitimée" par les attentats.
Tout cela, la force de la campagne idéologique, les mesures, la tonalité des autorités étatiques, est en effet à la mesure des difficultés qu'a rencontré la bourgeoisie pour provoquer l'unité nationale derrière sa perspective guerrière. La marche à la guerre enclenchée après les attentats des 11/9/01 et ses différentes expressions (guerre en Irak, bipolarisation, attentats terroristes multiples) n'a cessé d'être ponctuée par des manifestations de reprise de la lutte de classe. Les luttes ouvrières qui se sont intercalées (printemps 2003 en France puis en GB, Italie, Allemagne) entre ces épisodes confirment que le prolétariat n'est pas prêt à se soumettre aux impératifs guerriers tant au niveau économique que politique et idéologique. Il n'adhère pas massivement aux campagnes chauvines-nationalistes et n'est pas davantage prêt à se ranger délibérément derrière l'Etat "démocratique".
Avec l'anti-terrorisme, c'est une offensive d'ampleur contre l'ensemble de la classe ouvrière qui est en train d'être lancée et coordonnée entre toutes les forces de la bourgeoisie. Et cette offensive a de multiples facettes.
Nouveau renforcement des effectifs de police, nouveaux dispositifs de contrôle et de surveillance des populations (dans la rue bien sûr mais aussi à travers la multiplication légalisée et "légitimée" des écoutes téléphoniques) venant renforcer ceux qui avaient mis en place un peu partout après la 11 septembre 2001 (le Patriot Act par exemple 2), expulsions immédiates et sans préliminaires des ouvriers non-nationaux "indésirables", par contre promesse d'un octroi de permis de séjour à ceux "collaborant aux enquêtes" (AFP 13/07/05). Ce sont là, entre autres, de nouveaux éléments de la panoplie répressive bourgeoise qui ont été imposés en quelques jours.
C'est aussi une véritable militarisation de la société qu'on nous fait subir jusque dans les pays du cœur du capitalisme qui se prétendent "démocratiques, en particulier ceux d'Europe. En Angleterre, en Italie ou encore en Espagne de vastes rafles militaro-policières ont été organisées dans la semaine qui a suivi les attentats de Londres et des milliers de personnes ont été évacuées (20 000 dans le centre de Birmingham), souvent dans les quartiers populaires, pour laisser aux abondantes forces de répression toute latitude pour perquisitionner et arrêter (voire pire) un maximum de monde à l'aveugle.
A ce niveau, l'assassinat pur et simple d'un jeune travailleur brésilien dans le métro de Londres est loin d'être un accident, une "bavure policière" ; c'est d'abord le fruit de la consigne donnée aux forces de l'ordre britanniques : "tirer pour tuer" même sur la base d'un simple soupçon ; mais c'est aussi un acte destiné à montrer au prolétariat que l'Etat n'a aucune hésitation à réprimer, voire à abattre ceux qui auraient des velléités à s'opposer à lui et au système qu'il défend.
La vraie terreur, la voilà et c'est l'Etat bourgeois qui l'organise et la produit.
D'abord on tâche d'installer un climat de peur, une ambiance de terreur paralysante, une atmosphère pesante d'état de siège dans laquelle tout un chacun peut non seulement être soumis à l'arbitraire du "tout répressif" en tout lieu et à tout moment, mais également où tout un chacun peut être suspecté d'être un terroriste, d'avoir eu contact ou de connaître lui-même un "suspect". Chaque individu, chaque ouvrier peut être assimilé à un terroriste en puissance : ceux qui ont déposé les bombes dans le métro de Londres n'étaient-ils pas des citoyens comme les autres, "au-dessus de tout soupçon" ? Quand Tony Blair, salué par tous les gouvernements "démocratiques", propose "d'interdire l'entrée du Royaume-Uni aux personnes qui attiseraient la haine ou agiraient de façon contraire à l'ordre public" on devine que l'expression "attiser la haine" et "agir de façon contraire à l'ordre public" ne se limite pas à quelques islamistes isolés mais que cela s'étend en particulier aux grévistes, aux manifestants, à tous les ouvriers mécontents qui se rassemblent, puisque eux n'ont pas d'autre choix, quand ils défendent leurs intérêts de classe, que de remettre justement en cause "l'ordre public" qui n'est rien d'autre que "l'ordre bourgeois".
La "légitime défense" contre "l'ennemi agresseur" a servi de bannière, de slogan de ralliement dans la phase préparatoire à la première guerre mondiale ; "nous ne voulons pas la guerre" affirmaient les pacifistes de tous bord avant 1914 "mais si nous sommes agressés, nous devons défendre notre sol". Voilà ce qu'ils recommandaient à la classe ouvrière.
C'est au nom de "l'anti-fascisme démocratique" contre "l'agresseur fasciste" que les prolétaires furent embarqués dans la 2ème guerre mondiale.
C'est aujourd'hui derrière la bannière de l'anti-terrorisme que la bourgeoisie tente d'enrôler les forces ouvrières.
Le plus grand danger qui menace le prolétariat n'est pas le fait que quelques ouvriers soient la cible physique des attentats terroristes, contrairement à ce que tous veulent nous faire croire. C'est l'ensemble de la classe ouvrière qui est la cible véritable d'une campagne idéologique sans précédent destinée à lui faire avaler le poison infâme du "droit" (qui n'est que le droit bourgeois) et de la "nécessité de se défendre lorsque la nation, la et les "valeurs" nationales (nos dites "valeurs communes") sont menacés. C'est ainsi que l'Etat capitaliste lance, dans chaque pays soudainement décrété "cible" du terrorisme, des appels à "organiser la résistance tous ensemble" derrière lui.
En conduisant cette politique globale, cette opposition-piège dont les deux mâchoires sont le terrorisme et l'anti-terrorisme, la bourgeoisie répond aux deux nécessités qui se posent à elle aujourd'hui de manière centrale :
- poursuivre et accentuer sa marche vers un affrontement guerrier généralisé, seule issue à la crise de son système ;
- museler la classe ouvrière qui lui fait obstacle dans cette voie et l'amener à renoncer à sa propre perspective révolutionnaire.
La bourgeoisie est encore loin de pouvoir savourer sa victoire sur la classe ouvrière. Cette dernière a une réponse et une seule : c'est celle qui se profile derrière chaque lutte qu'engagent les prolétaires pour défendre leurs propres intérêts, c'est celle que viennent de proclamer notamment les bagagistes et chauffeurs de bus de British Airways à l'aéroport d'Heathrow (Londres) en entrant en lutte aux côtés des ouvriers d'une entreprise sous-traitante de restauration (Gate Gourmet) licenciés la veille. Bravant les consignes et mesures mises en place au lendemain des attentats de Londres, passant outre le consensus anti-terroriste que la bourgeoisie cherche à imposer, les ouvriers n'ont pas hésité un seul instant à déclencher une grève spontanée et déterminée. Ils ont fait ainsi la preuve, une fois de plus, que la classe ouvrière n'est pas prête à accepter, dans sa vie quotidienne, tous les sacrifices que cherche à lui imposer la classe dominante ni à se plier aux politiques de soumission que celle-ci met en place aujourd'hui en espérant exiger plus tard d'elle le sacrifice suprême.
Pour les prolétaires, pour la classe ouvrière internationale, l'alternative est simple : ou bien se laisser séduire par le chant des sirènes de la bourgeoisie sur l'unité et la solidarité nationale contre le terrorisme et ainsi, ouvrir la voie à encore plus d'attentats et de guerres, jusqu'à la guerre généralisée ; ou bien refuser toute unité nationale, quelle que soit la "raison" avancée, et développer les luttes en défense des conditions de vie et de travail jusqu'à ouvrir la perspective de la révolution et de la fin des guerres et de la misère capitalistes.
Août 2005.
Notes:
1 Voir bulletin 18 –mars 2003- "Alignements impérialistes, campagnes pacifistes… la bourgeoisie persiste dans sa marche à la guerre".
2 Patriot Act (Provide Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act). C'est sous ce vocable que le gouvernement Bush avait fait passer en catimini en 2001 un ensemble de mesures répressives et de moyens nouveaux à des fins de surveillance et de contrôle de la population. Ce dispositif (qui recensait plus de 40 actes criminels) ne fut pas sans rappeler les années 1950 du maccarthysme durant lesquelles une véritable chasse aux sorcières était organisée par l'Etat lui-même.
Home | Bulletin Communiste FICCI 32 | |