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Dans le bulletin 29 nous relevions de quelle manière la presse du CCI témoigne d'une orientation de plus en plus "homogène" (disions-nous) vers l'opportunisme de la part de cette organisation. Cet opportunisme s'est tout particulièrement exprimé à travers l'analyse de la grève "sauvage" à l'usine Opel de Bochum en Allemagne - qui liquide la grève comme moyen de lutte du prolétariat - et l'intervention du CCI par tract à cette occasion - qui liquide l'expérience passée du CCI en la matière. Dans le prolongement de ce premier article, nous publions ci-après un texte mettant en avant la même dérive opportuniste touchant cette fois à la question du parlementarisme à travers la réélection de Bush aux USA. Notre texte critique les prises de position de la presse internationale du CCI qui, à leur tour, liquident la position de principe des révolutionnaires sur la question électorale, et la compréhension et dénonciation du jeu et de l'appareil politique étatique de la bourgeoisie.. A l'origine ces deux textes ne faisaient qu'un, ce n'est qu'un problème de place dans notre bulletin qui nous a obligé à le diviser en deux, ce qui explique aussi la date, décembre 2004, de rédaction du document qui suit. Depuis, un autre événement est venu apporter une nouvelle occasion au nouveau CCI de poursuivre sa descente aux enfers de l'opportunisme politique le plus crasse : la catastrophe du tsunami en Asie et la campagne idéologique menée autour de la question de la solidarité avec les victimes. De nouveau, une fois encore, le CCI des liquidationnistes se retrouve au côté de la bourgeoisie, ou du moins reprend les mêmes thèmes et les mêmes "arguments" que celle-ci, pour finir dans la célébration de la "solidarité humaine" et dans la... collaboration de classes. C'est ce que nous montrons et dénonçons dans le deuxième texte de cette rubrique. Et tout cela au nom du Courant Communiste International... Quelle honte ! La dérive, inéluctable et que nous avions annoncée, s'accélère... encore plus vite que nous pouvions le penser en 2001. |
La revue américaine du CCI, Internationalism 132 (nov-déc. 2004), publie une prise de position sur la réélection de G. Bush qui pour l'essentiel est reprise par Révolution internationale 352 (nous ne doutons pas que toute la presse du Courant suive). Relever l'ensemble ou même une partie des contradictions et des "arguments" retournables ou opposés, qui sont présentés dans Internationalism nous amènerait trop loin au risque de perdre le lecteur. Limitons-nous à l'essentiel. Que dit cet article ?
Le résultat des élections n'est pas celui que voulait la bourgeoisie américaine. Quel président voulait la bourgeoisie américaine selon le CCI des liquidateurs ? "Ce n'est qu'à partir de la mi-septembre qu'on a pu discerner une préférence pour l'élection de Kerry". Très vite dans l'article, cette préférence devient même un "consensus" car "le programme de Kerry coïncidait avec la vision d'une majorité croissante au sein de la bourgeoisie" et que "le maintien de Bush au pouvoir était rendu intenable" ["made Bush's continuance in office untenable"]. Cette thèse est reprise, plus discrètement et de manière moins caricaturale, dans Révolution internationale 352 de décembre : "Néanmoins, le fait que le candidat de son choix n'ait pas été élu (...) constitue une expression de l'affaiblissement de la puissance américaine".
Cet affaiblissement de la bourgeoisie américaine historiquement considérable si on garde en mémoire qu'il s'agit de la plus puissante du monde et de loin est le résultat de la... décomposition : "la classe dominante américaine est confrontée à des difficultés croissantes dans sa capacité à manipuler le cirque électoral (...). Comme la décomposition continue à s'accélérer, la classe dominante américaine rejoint d'autres nations capitalistes comme la France dans leurs difficultés à contrôler le cirque électoral" (nous laissons aussi de côté le supposé niveau, élevé apparemment, de décomposition de la bourgeoisie française...).
Le lecteur pourra constater avec nous dans quel état pitoyable se trouve la bourgeoisie américaine. A en croire l'actuel CCI, elle ne contrôle plus grand chose au point de ne pouvoir empêcher la mise au pouvoir d'un président dont, pourtant, "le maintien est devenu intenable". Ce n'est pas à la France que le CCI de l'opportunisme devrait comparer la situation américaine, mais à celle de l'Ukraine... Ce n'est pas à Chirac qu'il faut comparer Bush mais à Koutchma et à son favori... Sauf que ces derniers vont sans doute être obligés d'abandonner le pouvoir. Bref, c'est pire que l'Ukraine.
Comment une telle impuissance est-elle possible selon la Liquidation ? D'abord le "consensus" est arrivé trop tard. Mais surtout, à cause "de la croissance et de la cohésion de la Droite fondamentaliste (...) qui pose de sérieuses difficultés à la classe dominante. (...). Ce segment de l'électorat s'est révélé imperméable à la manipulation médiatique sur les questions essentielles de la campagne telles l'économie, la guerre, la politique internationale (...)". Une fois de plus, comment ne pas éclater de rire en reproduisant de telles inepties, surtout pour des gens qui se prétendent communistes ? D'autant qu'elles sont reprises par Révolution internationale : "Les motivations électorales d'une majorité d'électeurs américains se sont trouvées déterminées par des facteurs faisant appel à tout, sauf à la raison et à la lucidité" ! (nous soulignons). Et ce sont les mêmes qui osent encore se revendiquer de Lénine et de la... plate-forme du CCI. Et RI de conclure que "l'irrationalité, produit de la peur et de la l'impuissance, a dominé ces élections". Bref, si l'électeur américain avait gardé "raison et lucidité", Kerry aurait été élu. C'est exactement ce que dit la presse bourgeoise internationale de "gauche", New-York Times en tête.
Est-ce que les militants du CCI se rendent compte de l'ouverture vers la révision d'une position de principe du CCI, sur la question électorale, qui s'annonce ici ? Mais sur quoi se base aujourd'hui leur position politique sur la non-participation des ouvriers et des communistes aux élections et à la démocratie bourgeoises ? Sinon sur la "foi", sinon sur un principe abstrait qui est contredit dès qu'ils s'essaient à expliquer la réalité. Mais n'est-ce pas exactement le cas des anarchistes ?
"Raison et lucidité" ? Dans le capitalisme ? Dans une société divisée en classes ? Avec un pouvoir et une dictature de classe, bourgeoise ? Mais de quoi parlent-ils donc ? "Poser ainsi le problème, en dehors de la question de classes, en prétendant considérer l'ensemble de la nation, c'est proprement se moquer de la doctrine fondamentale du socialisme, à savoir la doctrine de la lutte de classes, acceptée en paroles, mais oubliée en fait par les socialistes passés dans le camp de la bourgeoisie" (Thèses de Lénine sur la démocratie bourgeoise et la dictature du prolétariat, 1e congrès de l'Internationale Communiste).
A chaque fois que les camarades du CCI s'essaient à faire rentrer la réalité des événements actuels dans le cadre de la décomposition, pardon il faut écrire Décomposition, leurs arguments sont repris de ceux de la bourgeoisie et leur méthode les amène à ouvrir et franchir les portes de la révision des principes et des positions de classe. Le résultat donne une compréhension et surtout une orientation d'intervention complètement opposées aux besoins du prolétariat dans la situation historique actuelle.
Selon les camarades américains, la classe dominante américaine avait deux impératifs : "elle avait besoin de faire revivre et de réparer la crédibilité de la mystification électorale (...) après la débâcle de l'élection de 2000 ; elle avait besoin d'ajuster la division du travail politique capitaliste entre les principaux partis politiques (...)".
Rappelons, ce que fait aussi l'article, qu'il n'y a pas eu de contestation du résultat des élections, que la marge entre les deux candidats s'élevait à 3 millions de votes en faveur de Bush, et que la participation aux élections n'a jamais été aussi massive. Nous pourrions donc en conclure que la bourgeoisie a réussi son coup sur le plan de la mystification démocratique et qu'elle a parfaitement contrôlé le processus électoral. Hé bien non ! Pas du tout : "malgré la forte participation et l'attitude responsable de Kerry, la mystification démocratique a encore [still suffered] subi un sérieux recul pour la bourgeoisie. Parmi de gros secteurs de la population, la campagne du "n'importe qui sauf Bush" est devenue une véritable croisade, une occasion pour corriger une bévue politique sérieuse dans l'histoire politique américaine (...). L'échec de la campagne des médias bourgeois pour modifier la division du travail politique en faveurs des démocrates a provoqué une frustration largement répandue, même des dépressions, sur comment un tel mouvement démocratique pouvait avoir échoué à déloger un président impopulaire".
Comment les camarades peuvent-ils avoir oublié aussi rapidement les positions du véritable CCI ? Dans ce cas, comment peuvent-ils jeter comme cela les acquis des débats internes des années 1970 et 1980 sur le jeu politique de la bourgeoisie ? Comment peuvent-ils avoir oublié les débats des années 1970 sur le Portugal, sur le jeu droite-gauche au pouvoir ou dans l'opposition ? Encore une fois, ce sont les mêmes arguments, la division de la population américaine et le désespoir d'une de ses moitiés, qu'utilise la presse bourgeoise de gauche. Pire même c'est exactement ce qu'a souligné Kerry dans le discours post-électoral dans lequel il reconnaissait sa défaite.
Comment ne voient-ils pas au contraire que ces élections ont été un succès important pour la bourgeoisie américaine ? Que la mystification démocratique et électorale est sortie renforcée et crédibilisée. Que la politique impérialiste américaine est sortie réaffirmée et lancée à la face des rivaux impérialistes comme un défi. Comment ne voient-ils pas que le fait que "l'Amérique profonde, les secteurs ruraux, soumis par les effets de la crise à la misère croissante, à la démoralisation et à l'absence totale de perspectives ont été particulièrement perméables à ces thèmes mystiques, permettant de diaboliser l'étranger (le musulman fanatique !) comme le responsable de tous les maux" (Révolution internationale), signifie qu'elle a été particulièrement sensible à un langage nationaliste et guerrier. Comment ne voient-ils pas que le fait qu'une autre frange importante de la population américaine ait été particulièrement sensible, avant, et le soit sans doute encore plus maintenant après les élections, aux thèmes "antiguerre", pacifistes, démocratiques, "de gauche", participe de créer les meilleures conditions pour la mise en place d'un mouvement pacifiste et de gauche, c'est-à-dire sur des thèmes et un terrain bourgeois. Comment ne voient-ils pas que ces deux phénomènes constituent justement la mise en place d'un dispositif politique dont a besoin l'appareil d'Etat de la bourgeoisie américaine pour s'engager de manière encore plus décidée et déterminée dans sa politique impérialiste et guerrière ? N'y a-t-il pas là justement les conditions politiques classiques d'une fausse opposition guerre ou pacifisme , sur de faux terrains la paix possible dans le cadre du capitalisme , pour essayer d'y entraîner l'ensemble de la population, et particulièrement la classe ouvrière. N'est-ce pas là la configuration politique classique pour imposer la dynamique vers la guerre impérialiste à la classe ouvrière américaine ? Sauf à croire que le pacifisme bourgeois, même radical, celui-là même qui va se développer avec le résultat de ces élections, ne soit pas l'arme principale de la bourgeoisie pour amener la classe ouvrière sur le terrain de la guerre impérialiste, derrière l'Etat bourgeois... Autre porte opportuniste qui s'ouvre... par rapport à l'internationalisme prolétarien.
Inévitablement, la dérive opportuniste et révisionniste se poursuit et s'accélère. On la retrouve aussi dans l'intervention de la section allemande lors de la grève Opel à Bochum du 14 au 25 octobre 2004 (cf. notre bulletin 29). Là aussi, l'abandon des positions de base du CCI est phénoménal et nous laisse pantois même s'il vient confirmer - et à quel point ! - le sens de notre combat de fraction.
Décembre 2004
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