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PERSPECTIVES DE LUTTE DES TRAVAILLEURS AU CHOMAGE

Cercle de communistes internationalistes (Argentine) 1

Nous publions ici un article des camarades de l'ex-NCI, aujourd'hui Círculo de Comunistas Internacionalistas, d'Argentine sur la lutte des chômeurs. Ils s'appuient évidemment sur l'expérience des "piqueteros" argentins pour affirmer des lignes et orientations générales quant au combat de classe que cette fraction de la classe ouvrière doit mener.

Il est divers points que nous discuterons avec les camarades et avec lesquels nous ne sommes pas d'accord. Par exemple, l'affirmation du texte selon laquelle "la fin de la période ascendante de l'économie capitaliste [se situe] après la Seconde guerre mondiale". Il est d'autres questions encore à discuter et à clarifier que nous n'aborderons pas ici.

Par contre, nous voulons souligner notre accord avec le souci et l'orientation politique générale de ce texte :

- les luttes des chômeurs sont partie intégrante de la lutte de classe du prolétariat ;
- les luttes des chômeurs doivent chercher l'unité dans la lutte avec les autres secteurs du prolétariat ;
- les luttes des chômeurs sont inévitablement confrontées, comme le reste du prolétariat, à l'influence et à l'intervention de forces politiques, syndicales, sociales bourgeoises et petites-bourgeoises en leur propre sein ;
- les chômeurs doivent s'organiser, comme le reste du prolétariat, à partir d'assemblées générales, de comités etc. ;
- les révolutionnaires ne peuvent "se désintéresser, ni déserter ces luttes, ils doivent y participer"...

Et, pour finir, nous voulons relever des points spécifiques liés à la question des luttes ouvrières – qui méritent débat - telle "la constitution de groupes ouvriers/territoriaux" que l'ex-NCI avait déjà mise en avant dans un texte précédent (cf. notre bulletin 29) ou bien leur affirmation que "l'enjeu qu'ont les révolutionnaires est d'organiser de vastes parties du prolétariat". Evidemment, c'est aussi devant et avec l'ensemble du camp prolétarien que ces points doivent être discutés pour voir s'il y a de réelles divergences politiques ou simplement l'utilisation de concepts différents pour un souci et une orientation politiques fondamentalement semblables. Pour notre part, nous mènerons ces discussions.

La fraction interne du CCI


1 - Les thèses que nous présentons ici sont complémentaires des thèses intitulées Perspectives du prolétariat en Argentine et dans les pays périphériques dans la période présente [reproduites dans notre bulletin 28 avec nos commentaires, note de la fraction interne du CCI]. Nous traiterons ici de la position de notre groupe non seulement par rapport aux causes premières et secondaires du chômage qui touche le prolétariat mondial, et spécialement celui des nations périphériques, mais aussi des tâches que les travailleurs au chômage doivent assumer dans la période actuelle comme partie intégrante de la classe ouvrière.

2 - En se réveillant chaque matin, les ouvriers prennent conscience, soit par les moyens de communication massive aux mains de la bourgeoisie, soit par d'autres moyens, qu'une usine, une entreprise vient de fermer, ou bien restructure ses usines, en laissant à la rue des centaines de travailleurs qui viennent grossir de manière immédiate l'énorme armée des sans-emploi. C'est ainsi que d'énormes quartiers de l'agglomération de Buenos-Aires, qui auparavant étaient de gigantesques dortoirs ouvriers ou qui abritaient des centaines d'usines avec des milliers de travailleurs, ont aujourd'hui complètement changé. Et cela à chaque fois que celles-ci ou bien ont fermé comme résultat de la crise économique, ou bien se sont restructurées en provoquant des licenciements massifs de travailleurs à cause des difficultés économiques, ou par l'introduction de nouvelles technologies, ou bien encore que les patrons ont fui en laissant derrière eux leurs créanciers et, dans la misère, le prolétariat qui y travaillait. On trouve cette caractéristique commune dans les quartiers du grand Buenos-Aires, ces vieux quartiers industriels qui aujourd'hui hébergent de vieilles usines abandonnées comme s'il s'agissait d'une ville fantôme.

3 - Le phénomène du chômage qui frappe l'Argentine et les nations périphériques avec des indices élevés de travailleurs sans emploi, n'est pas propre à ces nations. Il n'affecte pas que ces nations. Mais ce fléau du capitalisme touche aussi le prolétariat des pays métropolitains où la moyenne des taux de chômage se rapproche dangereusement de nombre à deux chiffres.

Pour comprendre la question ou la cause de ce phénomène, nous ne devons pas chercher, comme essaient de le faire les propagandistes de la bourgeoisie, vers les deux facteurs suivants : d'un côté l'inefficacité des patrons et de l'autre la "responsabilité" des travailleurs eux-mêmes dans le fait que leur entreprise ait failli ou qu'elle n'ait pas pu "s'adapter" aux changements technologiques. Mais il faut s'interroger : quelle est la cause du chômage ?

En réalité, la cause du chômage n'est pas uniquement le produit des innovations technologiques. Il faut souligner que la cause essentielle du chômage est la baisse tendancielle du taux de profit capitaliste. Et cela car, pour un part croissante de capitaux, le taux moyen de profit provenant de la production de marchandises devient chaque fois moins profitable.

Ainsi, avec l'avancée technologique, l'utilisation massive de la robotique et de technologies de pointe pour la production de biens et de services non seulement économise du temps dans leur élaboration mais aussi permet de produire de plus grande quantité. Mais cette avancée est contradictoire avec le capitalisme car ces merveilles technologiques que l'humanité produit, le gain de temps dans sa production, ne s'est pas traduite en une augmentation de la richesse sociale, ni en une amélioration de la vie du prolétariat. Sous ce mode de production, le capitaliste obéit à une loi de fer qui vise à obtenir la plus grande quantité de profit possible. Et l'oppression à laquelle est soumise la classe ouvrière, a fait que l'avancée technologique a provoqué l'effet inverse : plus de misère, de faim et de chômage.

Cela est facile à observer, et pas seulement dans les nations périphériques du capitalisme mais aussi dans les plus centrales. Comme les richesses se sont encore concentrées dans très peu de mains ces dernières décennies, le fossé entre la bourgeoisie et la classe ouvrière (les actifs et les sans-emploi) s'est approfondi année après année. Ainsi, la classe dominante détient la plus grande partie du "gâteau". C'est pour cela qu'il faut dire que, dans le capitalisme, l'avancée technologique d'un côté, le plein emploi et l'amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière de l'autre, sont antagoniques. C'est ainsi que dans le capitalisme, les avancées scientifiques-techniques, qui suivent le schéma capitaliste, sont antagoniques avec l'amélioration des conditions de vie du prolétariat car le pouvoir d'achat du salaire ouvrier se réduit tandis qu'augmentent les indices du chômage, etc.

4 - Avec les avancées techniques, au lieu de diminuer la journée de travail de tous ceux qui ont un travail, celle-ci s'allonge, ce qui a comme conséquence qu'il n'y a pas de nouveaux emplois pour les ouvriers des jeunes générations. Ceux-ci, s'ils ont la chance d'obtenir un premier emploi, souffrent des conséquences des nouvelles modalités contractuelles et de la flexibilisation plus sauvage du travail comme du fait que leurs salaires, tant en termes constants que proportionnels, sont moindres que ceux des vieux travailleurs provoquant ainsi une différence au sein même de la classe ouvrière.

Cela constitue une cause secondaire du chômage car l'avancée technologique et la réduction du travail socialement nécessaire pour la production sociale ne signifie pas un rajeunissement de l'âge de la retraite, mais tout le contraire. On peut observer, tant dans les nations périphériques que centrales, que l'âge de la retraite est repoussé à 65 ou 70 ans ce qui entraîne que les jeunes ne peuvent obtenir de premier emploi et que cela provoque des divisions artificielles entre les vieux et les jeunes ouvriers, entre ceux qui ont un salaire plus élevé et ceux qui en ont un plus faible, entre les actifs et les chômeurs. Tout cela constitue des moyens qu'utilise le capitalisme pour diviser, briser l'unité de la classe et la généralisation de ses luttes.

5 - En Argentine comme nation périphérique, tout comme dans les autres pays sous-développés, le phénomène du chômage a explosé dans les années 1990, années exemplaires de la globalisation, ou plus exactement de la mondialisation capitaliste. Durant ces années, comme nous en avons rendu compte dans le document de notre Cercle Perspective du prolétariat en Argentine et dans les nations périphériques pour la période présente [2], les vieux partis "populistes" qui ont brandi les drapeaux de la nationalisation et qui ont impulsé leurs économies sur la voie de l'étatisme, comme ce fut le cas au Brésil et en Argentine, ont commencé à refaire en sens inverse le chemin parcouru dans les années antérieures et à adopter les politiques de privatisations, de libéralisation du commerce, de réduction du travail vivant et de délocalisations d'entreprises.

Ces politiques ont contribué à ce que les indices du chômage explosent à des niveaux inconnus jusqu'alors.

Cela n'est pas dû au hasard. Après la grande récession économique des Etats-Unis dans la décennie 1970 qui a signifié la fin de la période ascendante de l'économie capitaliste après la seconde guerre mondiale, et après les crises de la dette et du krach de la bourse nord-américaine et des principaux marchés boursiers du monde, le capitalisme a été contraint de changer d'orientation. Il est facile d'observer cette situation dans les années 1970. Afin d'éviter des répétitions non indispensables, nous renvoyons à la lecture du document cité dans le paragraphe précédent par rapport aux points principaux de cette politique que l'impérialisme a mené afin d'essayer d'éviter la chute libre du capitalisme.

Dans cette décennie, avec les privatisations des services publics, avec l'introduction de nouvelles technologies, le chômage a augmenté de manière exponentielle, jetant des centaines de milliers et même des millions d'ouvriers à la rue, et freinant ainsi l'accès à un premier emploi des jeunes ouvriers. C'est ainsi qu'aujourd'hui les niveaux de pauvreté en Amérique Latine atteignent des pourcentages inédits, jusqu'à presque 70%, et même les médias bourgeois reconnaissent que le travail "au noir" touche presque 60% de toute la population économiquement active.

6 - Les premières années de la décennie 1990 ont été des années noires après la défaite des luttes des travailleurs de l'Etat, ce qui a aidé et facilité la privatisation par la bourgeoisie des grandes entreprises du service public et du secteur privé, laquelle s'est accompagnée du licenciement de milliers de travailleurs. C'était l'époque dorée de la convertibilité [3] qui était accompagnée d'une grande affluence de capital financier et spéculatif attiré par les hauts taux d'intérêt qui étaient payés non seulement en Argentine mais aussi dans tous ces pays qui avaient adhéré ou avaient réalisé les ajustements que l'impérialisme exigeait pour la restructuration de la dette externe avec le Plan Brady.

Cependant, peu après et comme conséquence du "tequilazo" [4] au Mexique et des plongées de plusieurs nations émergentes dans la ruine économique, les chômeurs qui avaient déjà perdu l'espoir de nouveaux emplois ont commencé à se mobiliser. Ce n'est pas un hasard si les premiers mouvements sont apparus dans les zones où l'industrie principale était la production pétrolière. Les premières luttes d'ouvriers au chômage ont commencé en 1996 à Neuquén. Ils cherchèrent rapidement à unifier leurs luttes avec les travailleurs de l'Etat et avec les autres ouvriers en lutte. Cette situation a alerté la bourgeoisie qui a réclamé un meilleur contrôle social de cette couche ouvrière sans espoir et qui pouvait devenir une bombe si sa lutte se poursuivait. Et avec raison car les luttes ouvrières que menèrent les chômeurs se sont approfondies encore plus et ce mouvement puissant de masse mit en échec la bourgeoisie qui essayait de contrôler ce mouvement en comptant sur l'inestimable collaboration de la gauche bourgeoise et du réformisme social-démocrate.

Le capitalisme qui produit une grande masse excédentaire de population marchandises par rapport à la population existante, essaie de s'en débarrasser. Mais cela ne lui est pas facile vu les luttes que mènent les travailleurs sans emploi. C'est pour cela que face à cette impossibilité, l'Etat bourgeois a réagi et réagit au travers de plans sociaux, de paniers de vivres, d'intervention politique des partis bourgeois majoritaires au travers de leurs intendants et de la gauche du capital. De même, l'argument réformiste de ces derniers et de la social-démocratie d'une plus grande distribution du revenu est franchement utopique. Et cette utopie a pour objectif fondamental d'essayer de dévier les travailleurs sans emploi de la lutte. Les capitalistes sont contraints de chercher de plus grands profits et ces politiques de redistribution sont impossibles dans l'état actuel de crise et de forte concurrence du capitalisme. L'unique solution qui reste à la bourgeoisie face à la mobilisation de la classe ouvrière est sa défaite physique et politique, notamment quand son ennemi mortel commence à agir sans tenir compte des médiations bourgeoises et qu'il met en question sa domination.

7 - Dans les nations périphériques, le nombre d'expulsés de l'appareil productif est chaque fois plus grand. Et ces nations ne peuvent y faire face avec une politique sociale quelconque ou redistributrice car elles sont très en retard dans le concert économique mondial et ont une faible participation à la production mondiale de marchandises, services et même à la production agricole. Les économies des nations périphériques, majoritairement, ont connu des politiques de désinvestissement concernant la production de technologie. La production s'est "tiers-mondialisée" et, dans la majorité des cas, sous la forme de la spéculation financière.

Face à cette situation d'extrême faiblesse économique dans laquelle se trouve le capitalisme des nations périphériques, on peut observer, dans toute leur ampleur, non seulement les contradictions de ce système mais aussi les recours utilisés par la bourgeoisie pour perpétuer sa domination. On a rendu compte, quelques paragraphes plus haut, du fait que la bourgeoisie essaie d'annihiler physiquement et politiquement l'action indépendante des masses. Concernant le premier type d'attaque, la bourgeoisie a essayé en 2002, au pont de Pueyerdon au cours d'une mobilisation d'ouvriers sans emploi, d'imposer une défaite physique avec la mort de deux jeunes chômeurs et une brutale répression. Cette tentative a échoué du fait des mobilisations successives de rejet qui ont obligé Duhalde [le Président argentin, note de la fraction] à appeler à des élections anticipées pour dévoyer les luttes, pour faire face à la combativité qu'adoptait le mouvement réel. Concernant le deuxième type d'attaque, c'est au moyen des divers appareils d'embrigadement qu'elle possède que la bourgeoisie a réussi à dévier et à diviser les luttes ouvrières, soit au moyen des positions autonomiste du type "donner le pouvoir au quartier" ou des positions de courants trotskistes qui ont provoqué l'illusion, dans la classe ouvrière, qu'on pouvait obtenir des réformes économiques au sein de ce système et aussi qu'on pouvait obtenir le pouvoir ouvrier et populaire au moyen des institutions de la démocratie bourgeoise, telle l'Assemblée Constituante, c'est-à-dire un gouvernement ouvrier et populaire qui n'est rien d'autre qu'un front populaire actualisé.

C'est pour cela que les travailleurs, qu'ils soient actifs ou sans emploi, se trouvent confrontés à un ennemi de classe qui utilise divers habits pour dévier leurs luttes, pour les rendre confuses et les saboter. Face à cette situation, les révolutionnaires doivent les dénoncer soit au moyen de l'action pratique, concrète, dans la lutte des classes, ou par la propagande. Comment est-ce possible ?

- En empêchant que le mouvement réel reste prisonnier des questions immédiates.

- En empêchant que le mouvement vive un divorce ou une divergence entre ses revendications économiques et politiques. Il doit exister un lien entre les deux car, comme on le sait, le capitalisme ne pourra jamais, et encore moins dans les nations périphériques, satisfaire la question sociale car la concurrence capitaliste s'oppose à de telles politiques.

- En empêchant (et en luttant contre) toute illusion dans les institutions de la bourgeoisie, que ce soit le parlement, les lois, le pouvoir judiciaire etc., tout en maintenant le mouvement de masse indépendant de l'action de l'Etat bourgeois.

Il en va ainsi d'autant que, dans les différents pays de la périphérie, on retrouve le même type d'intervention de l'Etat qui tend à dévoyer les luttes ouvrières. C'est le cas des luttes de chômeurs d'Argentine avec les dénommés "piqueteros mous" ["piqueteros blandos"] qui défendent les intérêts de l'Etat et de la bourgeoisie et suscitent des illusions dans les masses qui les suivent selon lesquelles un retour à une situation de bien-être est possible. Cela est faux, comme nous l'avons montré dans ce document ainsi que dans le document que nous avons mentionné dans le premier point. Cependant, ces tactiques, qui utilisent ces secteurs liés à l'Etat, ne s'éloignent pas des politiques pratiques mises en oeuvre par les dénommés "piqueteros durs", car les différences avec les premiers ne sont que méthodologiques. Le futur de ces courants, sans vouloir faire de la futurologie car les révolutionnaires ne sont ni "astrologues" ni "devins", est qu'ils resteront dans le camp bourgeois car ils mènent une politique de contrôle social au service de l'Etat bourgeois, ou qu'ils se limitent seulement à des questions revendicatives ou immédiates sans mettre en avant le lien qui unit le combat économique et le combat politique. En définitive, ils essaient de produire des illusions et des espoirs chez les prolétaires actifs et sans emploi dans ce système. Même s'ils énoncent ou lancent des mots d'ordre "pseudo révolutionnaires", ils resteront dans le camp bourgeois. Dans le camp prolétarien, seuls resteront ceux qui défendent des politiques révolutionnaires.

8 - L'alternative qui se pose au prolétariat dans les nations périphériques, et même dans celles du centre du capitalisme, est qu'il doit déterminer ou opter pour la survie du système politique et économico-social ou être son fossoyeur. Il n'y a pas de voie intermédiaire.

9 - Il faut rappeler que les idées dominantes sont l'idéologie de la classe bourgeoise. La crise de celle-ci a entraîné derrière elle une crise idéologique du prolétariat qui signifie que, malgré la faiblesse du capital, les masses ouvrières continuent à être prisonnières de l'idéologie dominante, c'est-à-dire bourgeoise. Mais, il est possible de dire qu'on a vu des signes positifs d'une certaine indépendance de classe de la part du prolétariat argentin, et en de nombreux cas de la classe ouvrière d'Amérique Latine. Mais ces actions, qui comportent des caractéristiques d'une autonomie de classe, se confrontent à un obstacle insurmontable : l'impossibilité de la classe ouvrière pour élaborer un projet politique révolutionnaire et une perspective de pouvoir, ce qui a permis et permet à la bourgeoisie de pouvoir continuer à survivre et à développer avec une relative tranquillité ses attaques contre le prolétariat actif et sans emploi.

Cependant, malgré cette relative tranquillité, la bourgeoisie ne perd pas de vue son ennemi potentiel, la classe ouvrière. Et c'est pour cela qu'elle ébauche, à chaque moment, diverses tactiques destinées non seulement à le défaire politiquement mais aussi physiquement. L'exemple en est donné par la brutale répression dont ont été victimes les ouvriers chômeurs de Caleta Olivia et les procès de centaines d'ouvriers en lutte qui se retrouvent dans les cachots du capitalisme.

10 - Les travailleurs sans emploi possèdent un grand potentiel révolutionnaire. Nous disons potentiel car les chômeurs, comme les actifs, se trouvent prisonniers de projets politiques qui, malgré leurs caractérisations "d'ouvrier", de "socialiste", etc. ne constituent qu'une variante, plus gauchiste, de la social-démocratie et de la voie réformiste au socialisme au moyen des élections parlementaires ou de n'importe quel autre moyen. Les structures organisationnelles de la gauche du capital, qu'elles soient parlementaires ou extraparlementaires, empêchent le développement de l'autonomie de l'organisation et de la mobilisation des masses. Et elles cherchent à les cantonner à la légalité bourgeoise la plus rigoureuse. C'est pour cela qu'on peut dire, sans hésitation, que chaque secteur de la gauche du capital cherche, par son action, à empêcher le développement de la conscience de la classe ouvrière (les actifs et les sans–emploi).

11 - La lutte des ouvriers au chômage est loin d'être uniforme et homogène du fait des caractéristiques mis en avant dans les paragraphes précédents. Néanmoins, il y a une grande opposition et un choc des positions politiques au sein du large mouvement réel, que ces positions soient issues d'idéologies petites-bourgeoises de la gestion directe ou du coopérativisme, ou d'idéologies de la gauche du capital. Mais cependant, il faut relever que dans ce mouvement - et nous ne parlons pas ici d'un courant particulier ni d'un appareil politique gauchiste qui puisse manipuler les travailleurs sans emploi - on peut observer des germes communistes dans le développement de leurs luttes tout comme dans leur répulsion, silencieuse jusqu'à maintenant, des politiques développées par les courants gauchistes, parlementaires et/ou extraparlementaires.

Dans l'analyse des perspectives des ouvriers au chômage, il serait naïf de les considérer de manière unilatérale, comme de simples clients politiques de tel ou tel courant qui leur fournit des subsides pour chômeurs ou des paniers de vivres et qui, en vertu de la politique clientéliste, et comme de simples "objets" politiques dignes de pitié ou de curiosité "sociologique". Non, il n'en est pas ainsi. L'analyse des perspectives possibles de ce mouvement réel de masses doit être faite avec une autre optique qui va bien au-delà des courants politiques qui essaient de "l'homogénéiser". Dans ce cas, la lutte des chômeurs doit être considéré à partir d'un point de vue différent : à partir d'une vision communiste.

12 - Il est ainsi indispensable de remarquer que la lutte ouvrière développée par le détachement d'ouvriers au chômage n'est pas "pure", sans influence exogène d'autres classes et couches sociales. Bien au contraire, il n'existe pas de séparation entre le mouvement révolutionnaire et des couches sociales "impures" qui expriment, d'une manière ou d'une autre, la "rébellion sociale". Il y a un large éventail d'agents ou de sujets sociaux hétérogènes qui se trouvent plus ou moins soumis au capital, ou qui sont plus ou moins à la solde du capitalisme. Les révolutionnaires doivent débarrasser le mouvement réel de ces éléments sociaux, de leur pratique et leur politique afin de pouvoir développer la politique révolutionnaire. La position contraire signifierait donner une solution métaphysique, et non dialectique, à l'écheveau complexe des couches et classes sociales qui agissent et s'influencent mutuellement. L'essentiel est que l'organisation révolutionnaire, en ayant une position d'extrême fermeté, pourra résoudre correctement les contradictions du mouvement de masse, et aussi établir quelles sont les tâches révolutionnaires nécessaires pour la période en cours.

13 - Il est évident que le mouvement des chômeurs se trouve dans un moment de reflux de sa lutte, reflux produit par l'usure de la montée des luttes des années 2001-2002 et par l'action conjointe de la bourgeoisie et de la gauche du capital qui essaient, à chaque moment, dans chaque action de lutte, d'épuiser ce mouvement de masse et, fondamentalement, de le diviser dans un labyrinthe de courants et regroupements aux "loyautés" changeantes et circonstancielles, et de l'isoler de celui de ses frères de classes, les ouvriers actifs.

C'est pour cela que les révolutionnaires communistes doivent être clair sur le fait :

- en premier lieu, que les travailleurs au chômage font partie intégrante du prolétariat et que le mouvement des masses qu'ils développent va au-delà des divers courants politiques "piqueteros" et de leurs positions politiques ;

- que les travailleurs au chômage, comme les actifs, ne sont pas une classe homogène mais qu'ils se trouvent influencés par l'idéologie dominante qui est celle de la classe dominante, la bourgeoisie ;

- que les révolutionnaires ne doivent débattre ni de la question des plans sociaux, ni des paniers de nourriture qui sont le seul moyen que les ouvriers au chômage (deux millions) ont pour survivre ;

- de même, qu'ils doivent dénoncer de manière ferme la politique de la gauche bourgeoise qui essaie de créer des branches de ses mouvements politiques à l'intérieur du mouvement des chômeurs.

Le mouvement des chômeurs se trouve face à une alternative : poursuivre son action dans l'isolement et la division imposées par les directions gauchistes, ce qui aboutira à la défaite, ou adopter une politique d'unité, non seulement entre ces différentes parties, mais aussi avec les prolétaires en activité, ce qui permettra d'établir un rapport de caractère offensif dans les luttes ouvrières existantes et dans celles qui auront sûrement lieu en 2005.

Pour cela, les révolutionnaires ont devant eux une tâche d'importance particulière : éviter que le mouvement des masses tombe ou se réduise seulement à des questions revendicatives, tel que le défend la gauche du capital, en évitant de créer un lien entre les revendications seulement économiques et les questions de caractère politique.

Pour mener à bien ces tâches politiques, les révolutionnaires ne peuvent se désintéresser, ni déserter ces luttes. Ils doivent y participer, participer à leurs assemblées générales etc., avec pour objectif, non seulement de dénoncer les limites de la politique populiste du gauchisme, mais aussi avec l'objectif central d'insister sur le fait que le combat que livrent ces fractions du prolétariat doit avoir une dimension plus générale, politique, de pousser à l'unité ouvrière des différentes fractions prolétariennes - actifs et inactifs au niveau national - et aussi sur la nécessité d'unifier la classe ouvrière au niveau international.

De même, les communistes doivent défendre et encourager la généralisation des assemblées de base, des comités de délégués mandatés et révocables. Ces méthodes ne sont pas seulement un facteur d'apprentissage mais elles représentent aussi des formes organisationnelles supérieures qui serviront dans le futur pour rendre plus puissante la lutte ouvrière révolutionnaire.

Ils doivent aussi souligner que les luttes ouvrières ne pourront mener à la victoire et au renversement du système capitaliste qu'au travers de la construction du Parti Mondial comme arme nécessaire pour que la classe ouvrière puisse remplir sa mission historique.

Mais ces tâches que le prolétariat a devant lui, rendent nécessaire que les communistes commencent à ouvrir le chemin de l'unité de la classe ouvrière au moyen de la constitution de groupes ouvriers/territoriaux, comme nous l'avons souligné dans le document cité dans le point 1, afin que les révolutionnaire attirent à eux les secteurs d'avant-garde du prolétariat actif et sans emploi. L'enjeu pour les révolutionnaires est d'organiser de vastes parties du prolétariat, non pas pour régénérer les vieux vices réformistes et syndicalistes ou étatiques, ni pour "accaparer" ou "récupérer" les vieux appareils étatiques de domination, mais pour pousser à la fracture réelle de la classe ouvrière avec ces appareils étatiques, et pour briser les mots d'ordre mystificateurs que le gauchisme met en avant afin de faire survivre le système, en déviant les luttes ouvrières.

C'est seulement ainsi, avec la généralisation de ces orientations, et fondamentalement avec la construction du parti mondial qui soit la direction politique de la classe ouvrière, que le système pourra être mis à bas.

Buenos Aires octubre 25 de 2004.-

Círculo de Comunistas Internacionalistas


Notes:

1. Pour tout contact avec le Cercle des Communistes Internationalistes d'Argentine, écrire à l'adresse e-mail : cci-1917@yahoo.com.ar. Pour consulter le site web : www.geocities.com/cci-1917)

2. Note de la Fraction interne du CCI : Traduit et reproduit dans notre bulletin 28.

3. Note de la Fraction : Convertibilité de la monnaie argentine adossée au dollar américain par une valeur fixe.

4. Note de la Fraction : "Le 20 décembre 1994, le gouvernement mexicain a pris une décision qui a provoqué une gigantesque crise : il a dévalué le peso mexicain. Cette dévaluation a provoqué le dénommé Effet Tequila qui a affecté, principalement, les économies d'Amérique Latine durant 1995 (...). Le peso mexicain a perdu la moitié de sa valeur en peu de temps (...). Les capitaux étrangers, en majorité des Etats-Unis, ont fui. En 1995, les effets de la crise se sont étendus à d'autres pays, entre autres à l'Argentine, avec la chute des valeurs boursières et aussi la fuite des devises. Au Mexique, les prix explosèrent, les crédits furent coupés et, à cause de la paralysie productive, le chômage a resurgi. Pour affronter la crise, le Président Zedillo a appelé à l'aide les Etats-Unis, leur principal associé dans le TLC [Traité de Libre Commerce ou NAFTA en anglais].Ce pays a mis à disposition un fond de 20 000 millions de dollars. Mais aussi une cure sévère a été mise en place. A la fin de 1995, la situation était sous contrôle mais le PIB avait reculé, 10 000 entreprises avaient fermé et l'inflation était au-dessus de 50% annuel”.reproduit (et traduit par la fraction) du site : http://www.monografias.com/trabajos5/crieco/crieco.shtml.


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