Home | Bulletin Communiste FICCI 20 | 

PCI "le prolétaire" :
Que cache le combat contre les fantômes du "frontisme politique" ?

Dans le numéro 466 de son journal Le Prolétaire, le PCI publie un article sur le 'frontisme politique' qu’auraient manifesté le CCI et notre Fraction en proposant une intervention commune au moment de la guerre en Iraq.
La première chose à relever dans cet article c’est le fait que le PCI voit "la même tendance au frontisme politique" dans deux démarches qui ne sont pas au même niveau. Avant de venir plus au fond de la question de la confrontation des positions politiques et de la façon dont cette confrontation s’est toujours posée dans le mouvement ouvrier, il nous faut éclairer ce point.

Action commune et aide ponctuelle

Nous ne voulons, ni ne pouvons juger de la démarche du CCI actuel pour la simple raison que nous n’en connaissons que ce qu'en rapportent les camarades du PCI. Ce que l’on peut comprendre c’est que le CCI a proposé au PCI (et à d’autres groupes du MPP) de mener des actions communes face à la guerre. Ces actions auraient été basées sur un cadre d’accord sur des positions minimum. Il s’agissait donc d’envisager de faire un tract commun et de tenir des réunions publiques communes, là où c’était possible.
Il était donc question, d’une façon ou d’une autre, de se mettre d’accord sur une base politique commune minimum.
Notre Fraction, quant à elle, proposait au PCI (ainsi qu’à d’autres groupes constitués du MMP, dont le CCI, naturellement) de joindre ses forces militantes pour la diffusion d’un tract de ces groupes, dans la mesure où nous serions en accord global avec le point de vue qui y aurait été exprimé.
Nous nous sommes donc plutôt situés, face à l’ensemble du MPP, comme un apport de forces militantes, à la seule condition que le contenu du document diffusé corresponde globalement à notre propre point de vue. Nous n’avons jamais parlé de discuter le contenu a priori, ni de trouver une base d’accord avec les groupes concernés.
La démarche de la Fraction n’est donc pas la même que celle du CCI et la chose aurait dû apparaître aux camarades du PCI. Dans le premier cas, celui du CCI, la critique du PCI se base sur des faits réels, même si nous ne sommes pas d’accord avec ce dernier. Dans le deuxième cas, celui de la Fraction, la critique est sans fondement puisqu’elle nous attribue une démarche qui n’est pas la nôtre…
Au-delà des ratiocinations, c’est plutôt sur le fond de la question, sur les relations entre groupes politiques du prolétariat, que nous voulons revenir.

Frontisme, convergences conjoncturelles et confrontation des points de vue

Quels que soient les motifs circonstanciels qui ont amené la direction actuelle du CCI à faire ces propositions, quelles que soient les incohérences de cette direction qui, selon le PCI, a engagé une démarche dès le 11 février alors même qu’elle ne commencera à diffuser un tract que près d’un mois et demi plus tard, malgré cela, disons-nous, le souci du CCI nous semble juste.
D’abord, la caractérisation de 'frontisme politique' appliquée par le PCI est, pour le moins, hasardeuse et peu fondée. Voilà, en effet, la définition que les camarades donnent du 'frontisme politique' :
"Action unitaire entre organisations en dépit du fait que leurs divergences portent sur des points fondamentaux et non de détail". Le Prolétaire n°446, p.6
En quoi, le fait de mener une action aux côtés d’un autre groupe implique-t-il que l’un ou l’autre (ou les deux) perde ou abandonne ses positions politiques propres ?
En quoi, le fait de 'marcher côte à côte' dans une situation particulière interdirait-il de combattre les positions que l’on juge fausses dans le 'programme' de l’autre ?
Pourquoi, si l’on juge que le regroupement des forces dans telle situation permet un impact plus important dans la classe, cela amènerait-il de la confusion, à "cacher aux yeux des prolétaires (…) des divergences irréconciliables" ?
Toute l’histoire du mouvement ouvrier montre, au contraire, que les organismes politiques du prolétariat ont procédé de la sorte.
Les relations de Marx avec la Ligue des Communistes puis avec le Chartisme anglais, avec les courants eisenachiens et lassaliens du parti allemand, avec les regroupements politiques de la petite-bourgeoisie française ou italienne, etc. sont parfaitement connues et admises. Tout ce travail avait pour objectif, d’une part, de s’adresser le plus largement possible à la classe ouvrière (y compris via des expressions politiques ambiguës) et, d’autre part, de 'sélectionner' les éléments les plus clairs pour l’organisation politique de classe, le Parti.
La pratique de Lénine, pendant toute sa vie, a consisté à 'mener des actions communes’ ou ‘unitaires’ avec des groupes (ou organisations) 'en dépit de divergences fondamentales' qu’il avait avec eux. Il l’a fait avec les mencheviks de 1903 à 1912 (et plus) alors qu’il menait, en même temps, un combat politique acharné contre les positions politiques pratiques de ce courant. Et il n’en appelait pas moins à l’union des organisations ouvrières de base du parti à travailler ensemble sur le terrain immédiat. C’est la même conception qui a amené Lénine et Rosa Luxemburg à combattre ensemble le révisionnisme et l’opportunisme, notamment lors des congrès de l’Internationale socialiste. Ils étaient pourtant parfaitement conscients, l’un et l’autre, des divergences qui les séparaient sur des questions fondamentales. En quoi la lutte de Lénine et de Rosa les a-t-elle empêchés l’un et l’autre, de mener en même temps la lutte politique et théorique contre les conceptions qu’ils jugeaient fausses l’un chez l’autre ?
C’est avoir une conception plutôt … particulière de l’histoire que de se référer à Lénine qui a "rompu avec la fausse unité de Zimmerwald" (idem) en omettant de voir que c’est justement le combat pour Zimmerwald qu’a mené Lénine, puis son combat au sein de Zimmerwald contre les conceptions centristes et pour la défense du véritable internationalisme qui lui ont permis, après quelques années, de rassembler les forces révolutionnaires sur la base des leçons de Zimmerwald et de la critique de ses faiblesses.
Bien sûr, il a fallu passer par la 'fausse unité de Zimmerwald' pour arriver à l’IC (4 ans plus tard, quand même !) mais si l’on rejette les étapes du mouvement (par définition incomplètes) on aboutit nécessairement à rejeter l’aboutissement : rejeter Zimmerwald aboutit à rejeter l’IC de 1919.
Quant à la Gauche italienne dans le combat contre la dégénérescence de l’IC, les camarades font la même erreur Ils oublient que le combat des militants de la Gauche dans les années 1920 et 1930 a d’abord consisté, en tant que fraction justement, à tenter de regrouper les énergies encore saines au sein de la classe sur des bases politiques claires. Et, pour cela, ils ont combattu au sein de l’opposition dite 'trotskiste' puis aux côtés de cette opposition quand les divergences ont rendu la 'cohabitation' impossible. Mais, là encore, les divergences fondamentales n’ont jamais empêché ni les 'actions unitaires' ni les batailles politiques sur ces divergences. Et on peut ajouter que, si la Gauche a poussé la clarification politique de façon intransigeante au point d’aboutir à la séparation organisationnelle, elle aurait accepté d’enthousiasme de continuer de participer à l’opposition trotskiste pour y faire vaincre son point de vue, si elle n’avait été exclue sur l'initiative de Trotsky fin 1933 début 1934 lors de la Conférence de l'Opposition de Gauche internationale. Comme elle a tout fait (sauf à se renier, bien sûr !) avant et après 1928 pour que ses militants puissent continuer leur combat au sein des PC jusqu'à leur exclusion.
Ce dernier élément nous amène à la question de la dynamique qui va vers le Parti.

De la ‘pureté’ des origines

Le PCI entend donc "… rendre toujours plus clair et plus tranchant ce qui distingue le communisme authentique de toutes les fausses positions et (…) ne pas cesser la lutte politique contre les organisations qui s’y rattachent en dépit de leurs proclamations fallacieuses de cousinage politique."
Pour définir (ou distinguer) ce ‘communisme authentique’, les camarades se réfèrent à la tradition de la Gauche dite ‘italienne’. Et nous signons des deux mains cette définition. En précisant que l’histoire, les combats politiques réels qu’ont menés les militants de ce courant (ou de cette tradition, si l’on préfère), que les précisions et les apports au programme qu’ils ont accomplis appartiennent eux aussi pleinement au 'communisme authentique'. La Gauche communiste, au fil de son histoire (notamment la terrible période des années 1920 et 1930) a maintenu le cap, a répondu à de nombreuses questions du moment et en a ouvert d’autres. A ces questions, les réponses ont parfois été diverses et divergentes. C’est pour cette raison qu’il existe plusieurs 'branches' qui se réclament aujourd’hui à bon droit de cette tradition. Et les questions que nos camarades du passé ont laissées en suspens (ou avec des réponses diverses, ce qui revient au même) c’est à notre génération de les reprendre et de les résoudre. Ou de s’y essayer. Et cela, dans le cadre des acquis de la Gauche communiste et de rien d’autre !
Que les camarades de la 'branche' dite 'bordiguiste' défendent le point de vue selon lequel ils représentent la 'ligne directe et sans variante' nous l’avions bien compris et nous ne perdrons pas notre temps, dans ce texte, à essayer de les convaincre du contraire (cette question nous paraît justement être digne d'un débat politique). Ce que nous sommes bien décidés à faire, par contre, c’est ce que le CCI a fait jusqu’à ces dernières années. C’est de relever les impasses dans lesquelles ce courant s’enferme et de mener le combat politique non seulement pour que s’ouvre et vive la lutte politique sur ces questions restées en suspens, mais aussi pour que ceux qui mènent ce combat le mènent consciemment sur les bases des acquis essentiels de la Gauche communiste et dans le cadre du milieu politique, ou pour mieux dire, du camp prolétarien.
Les camarades du PCI peuvent se rassurer, notre Fraction n’a que faire des "proclamations de cousinage politique". Notre combat de fraction ne se situe pas là et nous ne cherchons pas la chaleur d’une tranquille fratrie ; la parenté, si parenté il y a, est un combat car elle est le produit et la continuité des combats politiques qui se sont menés au sein de la Gauche, tout au long de son histoire.

La Fraction


Home | Bulletin Communiste FICCI 20 |