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LUTTES DE CLASSES
Une grève locale significative de la période actuelle

Le 19 décembre 2002 éclatait une grève spontanée au centre de La Poste du Louvre à Paris qui regroupe plus de 1200 travailleurs.

Les faits :

Le 19 à 14 heures, l'assemblée d'un service décidait la gréve contre une remise en cause brutale du mode de calcul des congés annuels. Certains pouvant perdre jusqu'à 5 ou 6 jours de congé par an ! Depuis plusieurs semaines dans tout le centre, un fort mécontentement se développait tant vis-à-vis de multiples remises en cause des conditions de travail au plan local, des pressions croissantes des petits chefs et de la Direction, que vis-à-vis des attaques générales à venir sur les retraites et sur le blocage des salaires. C'est donc aussi conscients des conflits inévitables à venir, et en référence explicite à ceux-ci, que la grève était lancée.

Ce service a pour fonction de relever le courrier chez les entreprises et sociétés. Toute paralysie du service a des conséquences immédiates et les clients se manifestent immédiatement auprès de la Direction générale. De ce fait, bien souvent dans le passé, ce service avait eu tendance à tomber dans le corporatisme en croyant qu'il avait la force d'obtenir satisfaction par lui-même. Cette fois, et sur la base des expériences passées, l'assemblée décidait immédiatement d'étendre la gréve aux autres services. Bien qu'ayant déjà commencé le travail depuis une bonne heure, une partie des équipes d'après-midi se mettait à son tour dans la grève. Mais c'est à 17 heures que se situe la rentrée des plus grosses équipes. Se tenait alors une nouvelle assemblée avec une très forte participation. Malheureusement, une toute petite minorité se déclarait en faveur de la gréve même si tout le monde se déclarait solidaire.

Le lendemain, les équipes du matin étant peu nombreuses, se tenait une nouvelle assemblée à 14 heures. C'est tous les présents, autour de 150 à 200 travailleurs, qui participaient activement à l'assemblée et au véritable débat qui eut lieu : était-ce le moment de partir en lutte ouverte ? Avait-on la possibilité d'étendre localement et plus largement afin d'établir un rapport de forces favorable ? Après deux heures de discussion intense, et après que le Directeur soit venu annoncer que la grève était sans préavis, donc illégale, et qu'il n'avait rien à négocier, l'assemblée constatant l'absence d'extension immédiate et jugeant que ce n'était pas le bon moment, décidait de reprendre le travail.

Les syndicats et notre intervention

Présente à l'assemblée du 19, la CGT qui était contre la grève, abandonnait toute présence effective dans le conflit et dans les assemblées. Ne restait comme forces syndicales que SUD et les militants de Lutte ouvrière (trotskyste). Face à la montée du mécontentement des dernières semaines, SUD avait freiné les expressions de cette combativité. Lors de l'assemblée du 20 décembre, les militants de ce syndicat, pas toujours homogénes, se sont inscrits dans le débat sur l'extension et le moment de cette grève en se prononçant contre avec des arguments tout à fait recevables en soi, faisant partie du débat, sur la réalité du rapport de forces. Seuls les militants de LO allaient jouer du "jusqu'au-boutisme" et user d'arguments "moraux" et non politiques pour pousser à la continuation de la grève. C'est finalement l'assemblée et en particulier un certain nombre de jeunes travailleurs qui, reprenant les expériences passées (cf. Révolution internationale n°303 de juillet 2000), avaient pris en main la grève depuis le début, défendaient la nécessité de ne pas s'épuiser, de ne pas s'isoler et de garder des forces pour les lendemains proches ; et donc d'arrêter la grève.

Pour notre part, notre militant -absent à l'assemblée du 19-défendit la nécessité de prendre en compte un critère essentiel pour juger de la marche à suivre d'une lutte : la réalité et l'évolution du rapport de force ; rapport de force qui doit en permanence être soumis à l'examen de toute AG. C'est sur cette base que, dans un premier temps, il défendit d'abord la nécessité de la lutte et poussa à son élargissement à tout le centre. Après l'AG et face à l'hésitation des autres services à entrer en lutte, il poussa, contre la politique de LO, à prendre en compte le changement de situation et défendit la nécessité de ne pas s'aventurer dans une entreprise jusqu'au-boutiste et minoritaire. Il appela par contre au développement des contacts entre service et des discussions pour préparer les luttes à venir.

La répression : signe de l'offensive bourgeoise à venir ?

L'attitude de la Direction a été très ferme et déterminée. Ce ne fut pas la Direction locale, mais directement la Direction générale qui prit les décisions. D'une part, elle a fait savoir qu'elle ne négocierait rien du tout et que de toute manière il y aurait d'autres mesures encore plus brutales (sur les horaires) encore à l'étude qui seraient annoncées dans les mois qui viennent. Ensuite, elle décidait de prendre une sanction disciplinaire assez lourde (qui est le prélude en cas de récidive à la mise à pied - exclusion temporaire -, voire au licenciement, et en tout cas au conseil de discipline) contre tous les grévistes - et cela sans respecter aucunement ses propres réglements - au nom de l'illégalité de la grève. Cette sanction est d'autant plus brutale qu'elle est inédite et que tout travailleur sait très bien que les luttes les plus significatives (1968, 1974 pour La Poste, 1986 pour les cheminots, 1995) ont toujours été sans préavis syndical. Cette décision ne fut connue que le 21. Néanmoins, il faut relever qu'elle a pris cette mesure sans tenir compte de l'évolution de la gréve et alors que tout indiquait qu'il qu'existait bien à ce moment-là une probabilité sérieuse d'élargissement du mouvement. C'est dire que cette décision, tout comme le langage "ferme" sur les attaques à venir, sont l'expression de sa volonté d'en découdre et d'attaquer frontalement et brutalement sans réellement tenir compte des conséquences immédiates. C'est un nouveau langage et une nouvelle politique.

Il nous semble que c'est une expression locale, particulière, bien évidemment très limitée, de la politique générale que la bourgeoisie a décidé de lancer contre la classe ouvrière. En France, cela passe par l'affrontement en particulier contre les travailleurs du secteur public. Dans nos différents bulletins, nous avons défendu l'idée que la bourgeoisie avait décidé de provoquer une marche forcée à la guerre impérialiste depuis le 11 septembre 2001. Cette marche forcée passe par la volonté et la détermination de la bourgeoisie de provoquer des affrontements de classe afin d'imposer encore plus de sacrifices économiques et de soumettre politiquement la classe ouvrière à sa perspective guerrière.

A côté des attaques économiques violentes, la bourgeoisie a décidé d'utiliser sans fard et sans hésitation la répression à un niveau supérieur. C'est en cela qu'il nous semble que cette petite expression de lutte est significative et indique les nouveaux enjeux. D'une part, une classe ouvrière dont la combativité tend de plus en plus à s'exprimer ouvertement et qui, au moins dans certains secteurs, est capables de reprendre les expériences passées et de prendre en main et maîtriser ses propres luttes. De l'autre, une bourgeoisie qui a décidé d'attaquer ouvertement et sans fard la classe ouvrière sur tous les plans, particuliers comme généraux, économiques comme politiques.

A ce titre, les déclarations du gouvernement français annonçant qu'il appliquerait les mesures sur les retraites à l'EDF-GDF (la compagnie étatique de l'électricité et du gaz) malgré son rejet par la grande majorité des ouvriers lors d'un référendum "organisé" pourtant par le gouvernement, la direction de l'entreprise et les syndicats, est encore plus significatif à la fois du refus croissant des ouvriers d'accepter les sacrifices et de cette volonté politique de la bourgeoisie d'en découdre avec la classe ouvrière.

15/1/03


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