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CORRESPONDANCES D’ELEMENTS DU MILIEU POLITIQUE PROLETARIEN

Le 8 mars 2002

De M, dix-huit ans de militance au CCI, démissionnaire en 1994, aux membres du CCI

Par articles de journaux, lettre circulaire aux abonnés, relais Internet, le milieu révolutionnaire a été informé de la nouvelle et grave crise organisationnelle qui a secoué le Courant communiste international. Selon les informations disponibles, cette crise couvait depuis de nombreux mois et apparaît atteindre aujourd'hui le seuil critique. Celui-ci se traduit d'une part par l'exclusion d'un militant accusé d'avoir propagé à l'extérieur des attaques calomnieuses contre le CCI et d'autre part par la formation d'une fraction interne se proposant de redresser la direction politique et organisationnelle du Courant. Les tout derniers renseignements nous apprennent d'ailleurs que cette fraction, condamnée pour délit de vol du fichier des abonnés, est à son tour frappée d'une mesure de mise en dehors de l'organisation.

Je ne veux m'adresser spécifiquement à aucune des parties conflictuelles mais à tous les membres du CCI, officiels ou se considérant comme tels. De plus, je ne puis écrire à l'organisation elle-même car, organiquement parlant, cette formation m'apparaît être un centre de pensée aujourd'hui en voie d'aliénation totale et aliénant. Je n'ai pas d'autre choix que celui d'interpeller individuellement ses membres.

Contrairement à bon nombre d'observateurs du milieu révolutionnaire, y compris bordiguistes ou bordiguistoïdes, je considère, que, tout dégénérant que soit le CCI depuis une quinzaine d'années, il demeure en principe une entité organisative de révolutionnaires. Ainsi, je n'ai pas encore tout à fait renoncé à l'espoir que, au sein du Courant, puissent se manifester des réactions saines pour assurer à ce qui fut naguère une authentique et féconde organisation communiste une succession digne et utile au prolétariat. Je parle de succession car je ne crois plus que le CCI puisse objectivement se maintenir comme tel et sur les bases qu'il s'est données en 1968-1975. Oui, j'ai cette espérance dans les militants en dépit de l'accumulation de signes qui devraient pourtant m'indiquer la chimère de ma pensée. Les derniers événements en date sont bien faits pour inspirer les plus noirs pressentiments et la crainte que ladite fraction ne soit que le fruit malade d'un arbre pourrissant.

J'en appelle donc malgré tout, et comme ultime tentative, à la raison des membres du CCI. Peut-on penser encore que le CCI tourne rond ? Quelle que soit la nature des divergences qui y apparaissent, celles-ci conduisent d'une part à une dislocation et d'autre part à une crise où les arguments politiques cèdent la place à une lamentable rixe de sectateurs simplement occupés de la survie de la maison, de la mainmise sur elle, et non plus de sa raison d'être pour la cause révolutionnaire. Quand le CCI était sain, il disait, avec justesse, que les divergences appartenaient au processus normal et souhaitable d'élaboration des positions révolutionnaires. Il affirmait, avec raison, que la résolution des crises pouvait conduire à une séparation organisationnelle mais que cela n'était pas forcément négatif si le schisme s'établissait dans la clarté et le respect révolutionnaire mutuel des parties en divorce, toute conviction que chacune ait de la validité de ses propres positions, de la fausseté voir du caractère négatif des croyances adverses, et si âpre que dût se révéler le combat politique pourvu qu'il demeurât précisément politique.

N'importe quel observateur extérieur un peu lucide se rend nécessairement compte qu'il ne s'agit plus de cela dans le Courant depuis longtemps. Il lui est facile de relever que la crise de 2001-2002 épouse exactement les modalités de celle de 1993-1996. De même qu'il ne pouvait véritablement comprendre il y a huit ans les raisons invoquées par le Courant pour expliquer sa crise, il n'est de même pas en mesure de saisir dans leur fond celles avancées aujourd'hui. Les contours politiques y sont dans l'un et l'autre cas des plus flous alors que les manifestations pratiques apparaissent dans un jour sous-politique d'une clarté aveuglante : brimades, mises en quarantaine, procédures judiciaires et policières, chasse aux sorcières, aux gourous et aux clans vrais ou supposés, mises en demeure, menaces, excommunications et dénonciations publiques réciproques des parties impliquées... Quel spectacle consternant ! Ne se dirait-on pas en train de revivre les m?urs que les PC stalinisés des années 1920-1930 instituèrent en leur sein et contre les opposants exclus ou démissionnaires ? D'autant plus grave apparaît ce tableau qu'il est répétitif et va même en s'aggravant.

Le CCI, qui a forgé un concept du parasitisme politique, ne peut-il se demander si ce n'est pas lui, justement, qui devient un parasite de la vie du mouvement révolutionnaire ? Si, à force de montrer des exemples désolants et nauséabonds, il n'est pas en train de travailler à ruiner l'image du combat révolutionnaire et à instiller le dégoût de toute organisation communiste dans notre époque de déboussolement politique ? Ne faudrait-il pas souhaiter que le CCI disparaisse au lieu qu'il continue son ?uvre aujourd'hui seulement négatif ? Je le répète, je pose en réalité ces questions aux militants et non pas au Courant. Je suis accablé par la perspective de voir toute une capitalisation d’expérience révolutionnaire dilapidée, abîmée, déformée et tournée en son contraire par l'aliénation individuelle des militants, mes compagnons estimables d'hier, que produit désormais de manière obstinée le CCI en tant que corps machinique.

Le sursaut qui s'impose à vous ne se réalisera pas sans une profonde, impitoyable, interrogation sur les origines de la dérive du Courant. Elles sont anciennes et montrent une interaction entre des bases politiques ou analyses dépassées par le développement réel des des faits capitalistes et des conceptions organisationnelles viciées, sans doute insuffisantes dès l'origine. Je pourrais vous entretenir de cela*, sans vous demander d'être d'accord avec moi ni vous interdire d'avoir d'autres explications, voire de condamner les miennes, mais, pour l'heure, ce n'est pas de ce débat politique franc et dénué de complaisances qu'il s'agit. Il importe d'abord de rétablir la lucidité de pensée sur la réalité d'un état de fait : l'enfoncement du CCI dans la dégénérescence et toutes les conséquences de la chose qu'exposent de manière cruelle et terrible les crises actuelles de votre organisation. Après, on verrait...

En dehors de cette réaction, que j'ai l'ingénuité de croire encore possible, je ne saurais plus quoi vous dire sinon ma tristesse. Il n'y a aucun intérêt à ce que vous me répondiez personnellement, mon cas individuel ne compte pas dans l'affaire. Les interrogations que je formule, bien d'autres se les posent. Réagissez publiquement, devant l'ensemble du milieu révolutionnaire.

Avant de prendre congé, sachez que ma démarche n'engage que moi. Je n'ai reçu nul mandat de quiconque pour l'entreprendre.

M.

* Je me reconnais dans plusieurs des analyses qui ont été données du déclin du CCI au sein d'une brochure que vous connaissez certainement, Que ne pas faire? C'est normal, j'ai participé aux discussions qui ont préparé sa sortie et concouru à la rédaction des textes.


Le 12-4-02

A tous les camarades du CCI.

1) Camarades, c'est le CCI qui a rendu public l'exclusion d'un dénommé Jonas (RI N° 321).

Un très long article (faisant l'historique des provocations policières contre les organisations ouvrières) accompagnait le communiqué d'exclusion. Il y avait là aucune preuve tangible pouvant accréditer les déclarations du CCI. Faisant confiance au CCI en tant qu'organisation ouvrière, je n'avais pas à mettre en doute son intégrité.

Fin mars je recevais une lettre du CCI m'expliquant que Jonas avait des amis et sous prétexte que «face à de tels comportements destructeurs, et non aux divergences et désaccords politiques l'organisations n'avait d'autre possibilité, pour assurer sa défense et sa survie, que de prendre les sanctions prévues par les statuts. »

« Excusez- moi camarades, par ce que vous êtes des petits sauvageons, contre ma volonté profonde, vous vous êtes exclus de vous-mêmes de l'organisation»

Cette formule a toujours été employée dans les organisations « trotskistes » à des fins contre-révolutionnaires pour exclure les militants ouvriers qui posaient des questions trop encombrantes qui risquaient de démasquer la politique opportunistes des dites organisations trotskistes.

Camarades du CCI, je n'accepte pas vos méthodes tout comme je n'accepte pas le tour de passe-passe qui le passage suivant parle de fraction en ces termes : «ce phénomène d'une organisation dans l'organisation, agissant en son sein comme un corps parasite et destructeur n'est pas nouveau ». (…/…) [Le reste de la lettre porte sur une autre question. NDLR]

Salutations communistes.

Ray.


De l'irresponsabilité du milieu internationaliste: une lettre ouverte à l'ensemble des militants du CCI

Le 28 mars 2002

Chers camarades,

Il me faut avouer mon trouble à la découverte de la crise qui affecte le CCI et de la tournure qu'elle prend, mon trouble mais aussi mon inquiétude, pas tant parce qu'elle affaiblit une organisation révolutionnaire que parce qu'elle risque d'affaiblir le milieu internationaliste dans son ensemble. Car non seulement le conflit porte essentiellement sur des questions organisationnelles mais, même sur ces questions, les deux parties en présence se réclament des mêmes principes et des mêmes références historiques, chaque partie accusant l'autre de ne pas respecter ces principes et de trahir ces références. Ce n'est donc pas une polémique qui pourrait à terme aider à la clarification. De plus, en accusant la Fraction de parasitisme, le CCI rejette en dehors du milieu internationaliste les militants qui en font partie; de même, en considérant que le CCI est affecté d'une dégénérescence irréversible, la Fraction risque de n'avoir plus comme politique vis-à-vis du CCI qu'une politique de dénonciation.

En raison de la nature du conflit, il semble bien difficile à ceux qui sont en dehors de l'organisation de prendre partie. Ils peuvent certes remarquer que, curieusement, en relatant que, contrairement à ses intentions initiales, le CCI lui a finalement donné la parole à la dernière réunion à Paris, la Fraction donne là plutôt un argument en faveur de l'idée que le CCI n'est pas figé définitivement et qu'il peut évoluer. Ils peuvent aussi remarquer que la Fraction donne beaucoup de prétextes à son exclusion. Ou encore que le CCI, qui, avec raison, cherche à rester dans le cadre d'un certain formalisme, devrait plutôt accepter comme un fait accompli la constitution de la Fraction, quitte à considérer que rien ne la justifiait.

Mais surtout, l'important n'est pas de savoir qui est dans son bon droit. Or, jusqu'à présent, c'est seulement par une certaine légitimité que chacune des deux parties a cherché à justifier ses comportements. Il serait pourtant temps de prendre aussi en considération leurs conséquences, c'est-à-dire de faire preuve de responsabilité: un départ prématuré des militants de la Fraction, quelle que soit la forme qu'il prend, augmentera la confusion au sein du milieu internationaliste, si tant est qu'il existe encore (le BIPR rejette aujourd'hui cette notion); pire, le CCI et ses anciens militants refuseront de considérer qu'ils font partie du même milieu, du même camp et qu'ils pourraient être amenés à collaborer. Les anciennes scissions du CCI et les attaques parasitaires dont est victime l'ensemble du milieu internationaliste continuent, aujourd'hui encore, à être un obstacle au rapprochement et au regroupement de nouveaux éléments; cela empirera encore. Ceux qui se considéraient déjà comme faisant partie de ce milieu risquent d'être en proie au découragement.

Quant à ceux qui, éventuellement, pourraient se rapprocher des positions de la Gauche communiste, ils ne chercheront pas à savoir qui "ment", qui avait raison, si le CCI avait raison ou non de garder les notes de telle réunion, si le CCI avait raison ou non de poser telles exigences pour que certains militants puissent écrire dans le bulletin interne, etc… Ils ne vous prendront pas au sérieux et peut-être auront-ils raison. Cependant, ce n'est que de ce milieu internationaliste que pourraient venir de réelles perspectives. Et à l'heure où toute une partie de l'humanité se retrouve, déboussolée, dans le désespoir, ces perspectives font plus défaut que jamais.

D.


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