Home | Bulletin Communiste FICCI 10 | 

Les difficultés militantes et personnelles du camarade Peter et ses conséquences sur l'organisation

C'est au 12e congrès de RI en avril 1996, qu'Adrien (alias Raoul Victor - RV -) démissionne du CCI. Ce départ marque la fin du combat en interne contre le clan-pavillon (1). Et le départ d'une nouvelle période pour le CCI. C'est aussi à partir de là que nous nous proposons de reprendre l'histoire du SI jusqu'à aujourd'hui afin d'étudier le processus qui a mené à la situation d'explosion du 14e congrès du CCI cinq ans plus tard.

Alors qu'Adrien est encore dans le CCI, le SI et le BI sont confrontés aux retards récurrents du camarade Peter dans l'accomplissement des tâches qui lui sont confiées. Ces retards ont des conséquences dans le combat que mène le CCI. Adrien ne participant qu'à des parties des réunions du SI, c'est en son absence que ce dernier traite ces questions.

1) Les implications pour le travail de l'organisation

SI du 22/2/96 :

Peter est en retard à la réunion et il n'a pas pas rendu une circulaire aux membres du BI qui les avertissait sur la gravité et la dérive d'Adrien. Dans les notes qui suivent, on voit qu'il y a déjà un passif et un énervement de la part des membres du SI, y compris des deux camarades nouvellement intégrés et qui viennent du SE, Jonas et Olivier. On ne peut les taxer à ce moment-là de sympathie pour le clan-pavillon. Ni d'animosité envers Peter. Nous sommes encore en plein combat contre le clan-pavillon.

Olivier: " Je suis OK et nous avons mandat du SE pour traiter du cas Peter ici. Je vais aller plus loin que toi, nous allons dire à Avril [Louise] qu'elle ne lui dise plus rien, [sur ce qui se discute au SE] qu'elle fasse le boycott aussi, car elle commence à pâtir de cette situation."

Jonas :" on passe déjà une demi-heure à discuter sur son cas et on va repasser une heure en sa présence ! Vous voyez la perte de temps et d'énergie. On avait dit que la circulaire était urgente (alerter le BI sur Adrien) et il ne l'a pas fait à temps. Je pense qu'il faudrait lui adresser un blâme car il pousse loin le bouchon [il exagère]."

Les autres :" un avertissement".

Jonas: "vous êtes mous. Je ne suis pas d'accord. Il se fout [se moque] de nous."

Olivier: "il a des attitudes anarchistes et on ne le tolérait pas d'autres camarades"

(...) Arrivée de Peter à 23h27.

Peter: "oui, c'est vrai, mais ce soir je ne pouvais pas faire autrement."

Michel: "est-ce que tu te rends compte que tu as toujours des explications à tous tes retards, à un comportement irrationnel ?"

Olivier: "où en es-tu par rapport aux impôts ?"

Peter: "mon chèque s'est perdu."

Jonas: "il faut que tu y ailles."

Michel: "il faut que tu le fasses par écrit."

Jonas: "tu règles le problème en urgence. Je n'ai pas confiance car il va s'endetter connement [de manière stupide] pour être clair vis à vis de l'organisation et le problème va revenir."

On voit donc là le type de discussion et de problèmes politiques, liés à des difficultés personnelles et des comportements irresponsables dans la vie quotidienne –il ne paie pas ses impots ou avec retard- , auxquels le SI a été confronté. Remarquons au passage que s'ils s'en désolent, les membres du BI ne sont pas étonnés. Ce n'est pas la première fois que ce type de situation se produit. Dans les semaines, les mois et les années qui suivent, nous trouvons de nombreuses autres situations de ce genre qui pourraient être comiques si elles n'avaient pas fini par participer – sans en être la cause déterminante - à la situation dramatique du SI, du BI et du CCI en 2001. Notons simplement que le SE de l'époque appuie le SI : Soutien total du SE au SI sur le cas Peter : anarchisme de son attitude, "se foutre des camarades", dormir en réunion, oubli des tâches" (SI du 29/2/96).

Les camarades Olivier et Jonas ("venus" du SE pour renforcer le SI et en finir avec son esprit de cercle, voire de famille) et qu'on ne peut accuser alors d'être inféodés à un "clan-pavillon" sont les premiers à critiquer Peter et à aller assez loin dans la critique lors d'une autre réunion (ce qui confirme que le problème est permanent) :

SI du 5/3/96 :

Olivier :"je pense très fortement que si le camarade Peter avait eu beaucoup plus de rigueur depuis longtemps, notamment depuis la disparition de MC, peut-être qu'un certain nombre de dysfonctionnements limites n'auraient pas existé, on aurait identifié certaines attitudes incorrectes, peut-être que l'organisation n'aurait pas connu les difficultés qu'elle a connues. Peut-être que Simon se serait tenu à carreau [aurait fait attention]. Je suis convaincu qu'un certain nombre de décisions ont été prises au sein du SI alors que Peter soit dormait, soit n'était pas présent."

Jonas: "même à partir de maintenant, comment peut-on exiger de Sarah ou je ne sais qui d'avoir un comportement normal, d'être à l'heure, si le camarade qui a le plus d'autorité est celui qui donne le pire des exemples. Franchement c'est du baratin [du "blabla"] "le militant de parti". Il ne faut pas se faire d'illusions les camarades savent pertinemment que d'autres qu'eux, Peter, font la même chose : retards, manquements, etc. MC était exemplaire au niveau de sa manière de militer. C'était lui qui donnait des leçons et qui gueulait."

2) La mise en cause de la sécurité des camarades et de l'organisation

Malheureusement, à l'été 96, se produit à nouveau un incident grave qui nécessite la mobilisation des camarades restés à Paris de toute urgence.

SI du 26/7/96 :

Jonas: "1) il [Peter] est parti [en vacances] sans faire son boulot, lettres à Adrien, SK ; on ne sait pas courriers à FS, etc. ; en tout cas s'il a fait quelque chose on ne sait pas. 2) il est parti sans laisser son adresse, il ne nous a pas contactés ; on a eu son adresse de 2e partie des vacances. C'est Peter et Avril, même si pour Avril ça concerne le SE. 3) problèmes personnels non réglés ; amendes etc. qui le mettent en danger et à travers lui l'organisation est obligée de répondre à des problèmes qu'il a laissés traîner, 6 pvs [amendes] qui s'étalent depuis octobre 95 à février-mars, pour ceux qu'il a reçus ; c'est inadmissible, menaces d'huissier, [avec le risque d'une visite de la maison par l'huissier et la police] etc.

Manquements accumulés. Qu'est-ce qu'on fait ? Sanction ? Est-ce qu'on pose le problème au SI mensuel ?"

SI du 13/8/96 :

Olivier: "Le SE propose qu'on donne un avertissement et qu'on prenne une résolution ; il faut discuter au SI mensuel. Ce n'est pas ça qui fera changer Peter, mais à force, ça donnera une boussole pour le travail militant."

[notons au passage que c'est le SE qui propose aussi un avertissement]

Le SI pose le problème devant le SI mensuel (SI du 31/8/96). Les membres du BI présents appuient le SI.

Julien:" je salue la réaction. Nous connaissons tous la valeur du camarade et ce qu'il a apporté au combat que nous venons de mener. Mais le camarade est marqué par l'individualisme et l'anarchisme dans son mode de vie/fonctionnement. Je pense que tout le combat que nous menons, est une remise en cause pour chacun d'entre nous, y compris le camarade Peter. Juste de poser le problème et c'est aider le camarade à dépasser cela."

Marca : "tout un chacun à des niveaux différents bien sûr, a du balayer devant sa propre porte. Des plis ont été pris (surtout pour d'anciens militants), de type anarchiste, informaliste, dans le fonctionnement qu'il faut corriger et dont il faut se débarrasser."

Michael : "juste de poser le problème s'il est persistant. Dans notre cadre de fonctionnement militant et régulier, collectif, je suis OK avec les camarades."

Peter: "sur le reste d'anarchisme, oui. Sur la question des amendes et tout ça. C'est vrai que c'est un vestige du passé. L'habitude de ne pas payer les amendes."

Peter reconnaît des restes d'anarchisme chez lui. Il reconnait aussi implicitement qu'il a une attitude de révolte individuelle face au paiement des impôts et amendes. L'avertissement est voté à l'unanimité des présents. Tous les intervenants s'inscrivent et se réfèrent explicitement au combat de 93-96 et aux leçons de 93 en terme de fonctionnement et de militantisme.

Les retards constants sont la marque d'une vision anarchiste et petite-bourgeoise : la discipline organisationnelle et militante est faite pour les autres, pas pour lui. Mais surtout, ils sont révélateurs d'un manque de considération, voire même d'un certain mépris de fait, pour les autres camarades. Ses comportements font que ce sont les autres qui font le travail, les autres qui rattrapent ses erreurs et qui se retrouvent avec le double de travail. Comment n'en serait-il pas au moins un peu conscient ?

3) Les implications sur la vie de famille et sur sa compagne

Une grande partie des difficultés du camarade est liée à ses horaires atypiques : il se couche tard, va au travail tard et rentre chez lui tout aussi tard ce qui affecte sérieusement sa vie de famille. Sa compagne Louise (alias-Avril) s'en plaint en particulier au SE. Durant cette période, "il y a un point Peter a toutes les réunions du SI" (SI du 29/9/96). A plusieurs reprises, Louise contredit Peter quand il affirme au SI qu'il se couche plus tôt. La tension entre les deux camarades commence à se faire sentir particulièrement au sein du SE. Mais le SI en a un certain écho, soit dans ses réunions, soit dans les commentaires que Louise peut faire à l'occasion à des camarades.

SI du 11/10/96.

Olivier: "Peter est arrivé à 22 h 30 alors qu'il avait promis à sa fille qu'il arriverait à 20 h. Le SE a fait venir le camarade pour stigmatiser la situation, car il ne s'est toujours pas mis à vivre comme "monsieur tout le monde".

Il y a eu un petit clash ; donc on a arrêté ; et on a rediscuté ensuite dans le SE. On a dit à Louise qu'elle n'aurait pas dû intervenir comme elle l'a fait, en termes émotionnels. Le problème, ce n'est pas Louise, mais aussi sa fille. On ne va pas fabriquer un nouveau "Marco". Il y a le militantisme mais aussi la vie de famille qui doit être régularisée autant que faire se peut (...) Louise aussi est excédée ".

Jonas: "on a appris que les comportements de Peter commencent à avoir des conséquences lourdes (...) L'autre conséquence : Louise. L'état de santé actuel de Louise [est] aggravé par les tensions avec toi, et elle est déjà assez nerveuse. Je ne veux pas te culpabiliser... ça me fait chier ; mais on ne comprend pas : à quoi ça te sert ? Que fais-tu ? Rien, traîner, ne rien foutre au boulot, arriver en retard, ne pas dormir...

C'est masochiste, tu dois lutter contre ces conneries, incroyables, c'est pour toi et autour de toi.

Tu vas attendre quoi ? La catastrophe ?"

Elise:"est-ce que tu penses qu'il y a un réel problème avec toi, ta famille ?"

Peter: "oui, effectivement. Je suis un solitaire..."

Jonas: "on lutte contre. Il y a des fois où l'organisation a réussi à te remettre sur les rails, mais ce n'est pas avec des conséquences graves. Mais aujourd'hui il apparaît que ça commence à avoir des conséquences graves et ça va se retourner contre nous, contre l'organisation".

Quelle est l'attitude du SI vis-à-vis des difficultés que le camarade accepte tout juste, et sous la "pression", de reconnaître ? Michel : "c'est surtout une question de rythme social, familial. Si 5 heures [pour dormir] te suffisent tant mieux, mais vie sociale qu'il faut rythmer [au premier chef Michel pense à la vie de famille quand il parle de vie sociale]. Important de remonter la réputation de l'organisation auprès de ta fille" (idem).

On s'aperçoit que les difficultés de Peter ont une influence sur le travail de l'organisation, sur le SI et le BI en particulier. On s'aperçoit aussi qu'elles commencent à peser de plus en plus dans sa vie familiale auprès de sa compagne Louise et de son enfant.

Y-a-t-il alors, en 1996, déjà un reste de "Clan-pavillon" qui cherche à discréditer Peter ?

Y-a-t-il alors un ressentiment, une animosité à l'égard de Peter ? L'ambiance est plutôt fraternelle et de solidarité. Ce qui n'empêche pas quelques moqueries que Peter accepte et partage.

Eclats de rire général : tous les camarades viennent de s'apercevoir que Peter s'était acheté un... gros agenda !

Peter : "non, non, on me l'a donné à mon boulot..." (SI du 12/9/96)

Il n'y a alors aucune alliance affinitaire "anti-Peter" de type clan-pavillon. Il y a juste la défense de l'organisation et d'un de ses militants dans le cadre de l'organisation et de sa politique héritée du combat de 93-96. Participent à cette défense le SI, le SI élargi et le SE.

Le SI avait-il raison d'intervenir ? La réponse ne fait pas de doute. Est-ce efficace ? Pas vraiment à ce moment-là. Est-ce du simplement à la résistance évidente de Peter ou bien à une fermeté insuffisante, voire à une orientation politique erronée ? On peut néanmoins penser alors que, débat de 1993 aidant, nous allons pouvoir enfin aborder et dépasser ce problème tous ensemble (problème que MC lui-même n'avait pas su aborder, ni même poser).


Notes:

1 [La "lutte contre le clan-pavillon" correspond à la crise organisationnelle qu'a vécu le CCI en 1993-1995 qui met à jour les comportements troubles d'un militant, JJ-alias Simon. Il avait réussi à réunir autour de lui, tout un réseau de camarades dont le noyau central vivait dans la même maison (le pavillon) et qui était devenu une "organisation dans l'organisation" faisant primer les liens affinitaires sur les liens politiques entre camarades. C'est de cette expérience que le CCI a commencé à développer sa théorie sur le danger du clanisme.
Précisons pour aider à la compréhension de cette Histoire, qu'Elise et Michel, deux membres du SI, avaient des liens personnels, familiaux et amicaux au sein de ce "clan-pavillon" et que la séparation qui avait suivi la crise, avait été douloureuse pour eux, surtout pour Elise].


Home | Bulletin Communiste FICCI 10 |