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Le régime intérieur d'une organisation communiste

Revenir sur la question du régime intérieur des organisations révolutionnaires dans l'histoire du mouvement ouvrier nous paraît chaque jour plus nécessaire dans le combat politique que nous menons aujourd'hui dans le CCI. Il est clair que c’est un aspect de la vie des organisations qui doit sans cesse être examiné et pour lequel nous devons rester vigilants et mobilisés. Déjà MC, après Bordiga, s'était battu sur ce terrain, avait réfléchi et tiré de nombreux enseignements par rapport à cette question. MC a été amené à poser la question (et à y répondre) en 1945/46 dans le cadre de ses relations avec la GCI et le PCInt.

Mais pour pouvoir la développer au niveau de plusieurs de ses aspects, il nous a semblé opportun de citer préalablement et longuement une réflexion de Bordiga qui, comme tout camarade pourra le constater, est pleinement d'actualité.




Discours du représentant de la Gauche à la V° séance – 23 février 1926 de la sixième session de l’Exécutif élargi de l’IC (Février- mars 1926)

“ J’en viens à un autre aspect de la bolchévisation : le régime intérieur en vigueur dans le parti et dans l’internationale communiste.

(…)

Lorsque l’on pose la question de savoir si on peut permettre à X ou Y de former une fraction, tout communiste répond que non. Mais il ne faut précisément pas poser la question ainsi. Les résultats déjà obtenus prouvent combien les méthodes pratiquées sont nuisibles au parti et à l'Internationale. D'un point de vue marxiste, la question de la discipline doit être posée d'une manière complètement différente et beaucoup plus complexe. On nous dit : Que voulez-vous ? Que le parti ressemble à un parlement dans lequel chacun a le droit démocratique de lutter pour le pouvoir et de conquérir la majorité ? Mais c'est une erreur de poser ainsi la question, parce qu'ainsi posée, elle n'admet qu'une seule réponse naturellement, nous sommes contre un système aussi ridicule !

C'est un fait que nous devons avoir un parti absolument homogène, sans divergences d'idées et sans regroupements différents. Mais ce n'est pas un dogme, ce n'est pas un principe a priori ; c'est un but pour lequel on peut et on doit combattre, au cours du développement qui conduit à la formation d'un véritable parti communiste, mais à la condition que toutes les questions théoriques, tactiques et organisationnelles aient été posées et résolues correctement.

Lorsque des divergences surgissent, cela prouve que la politique du parti est erronée, qu'il est incapable de combattre victorieusement les tendances déviationnistes qui, à certains tournants de l'histoire, se manifestent dans le mouvement ouvrier. Lorsqu'on enregistre des cas d'indiscipline, c'est encore un symptôme de cette incapacité du parti. La discipline est donc un point d'arrivée et non un point de départ, une plate  forme inébranlable. L'adhésion au parti étant volontaire, le remède aux manifestations d'indiscipline ne peut pas résider dans une sorte de code pénal du parti.

Or, ces derniers temps, un régime de terreur s'est instauré dans nos partis et on y pratique une espèce de sport qui consiste à intervenir, à punir, à réprimer, à anéantir, et qui est présenté sous des couleurs telles qu'on croirait qu'il répond à un idéal de vie du parti. Les héros de ces brillantes opérations semblent même croire qu'ils donnent ainsi une preuve de leur capacité et de leur énergie révolutionnaire. Je crois, au contraire, que les vrais, les bons révolutionnaires sont en général les camarades victimes de ces mesures d'exception qu'ils supportent patiemment pour ne pas briser le parti. Cette dépense d'énergie, ce sport, cette lutte intérieure n'ont rien à voir avec le travail révolutionnaire que nous devons accomplir. Le jour viendra où il s'agira de frapper et d'anéantir le capitalisme : c'est sur ce terrain là que notre parti donnera la preuve de son énergie révolutionnaire. Nous ne voulons aucune anarchie dans le parti, mais nous ne voulons pas davantage d'un régime de représailles permanentes qui serait la négation même de son unité et de son homogénéité.

Aujourd'hui, le point de vue officiel est le suivant : le Centre dirigeant actuel est éternel et il peut faire tout ce qu'il veut car, lorsqu'il prend des mesures contre ceux qui lui résistent, lorsqu'il évente des complots et met l'opposition en déroute, il a toujours raison.

Le véritable mérite ne consiste pourtant pas à écraser les révoltes, mais à faire qu'il n'y en ait pas. On juge l'unité du parti aux résultats obtenus et non sur l'existence du régime de menaces et de terreur. Il est clair qu'il faut prévoir des sanctions dans nos statuts, mais elles doivent s’appliquer à des cas exceptionnels et non pas devenir la procédure normale et permanente. Lorsque des militants abandonnent de toute évidence la voie que nous suivons tous, il est clair qu'il faut prendre des mesures contre eux. Mais lorsque le recours au code pénal devient la règle d'une société, cela prouve quelle n'est pas des plus parfaites. Les sanctions doivent frapper des cas exceptionnels et non-devenir la règle, une sorte de sport, l'idéal des dirigeants du parti. Voilà ce qu'il faut changer, si nous voulons construire un bloc solide au plein sens du terme.

Les thèses qui sont présentées contiennent quelques bons passages là-dessus. On se propose de concéder un peu plus de liberté. Il est peut-être un peu tard, et si on veut concéder un peu plus de liberté c'est peut être parce qu'on juge que les “ vaincus ” ne peuvent plus se relever. Mais laissons les thèses et considérons les faits. On a toujours dit que nos partis doivent être constitués sur Ia base du centralisme démocratique. Il serait bon, sans doute, de trouver un autre terme pour rem­placer “ démocratique ” ; quoi qu'il en soit, c'est là la formule de Lénine. Comment se réalise le centralisme démocratique? Au travers de l'éligibilité des camarades responsables et de la consultation de la masse du parti pour la solution de problèmes déterminés. Naturellement, une telle règle peut comporter des exceptions pour un parti révolutionnaire. Dans certaines conditions le Centre dirigeant peut être amener à déclarer : Camarades, la règle voudrait que le parti vous consulte, mais comme la lutte contre l'ennemi traverse une phase périlleuse, comme il n'y a pas une minute à perdre, nous agissons sans vous consulter. Ce n'est pas cela qui est dangereux, mais d'avoir l'air de consulter le parti alors qu'on veut, au contraire, agir d'en haut et profiter du fait qu'on détient tout l'appareil de l'organisation et toute sa presse pour le faire dans ses propres buts.

Nous avons dit, en Italie, que nous admettons la dictature, mais que nous haïssons ces méthodes à la Giolitti. La démocratie bourgeoise n'est-elle pas en fait un moyen de duperie ? Et n'est ce pas cette démocratie là que vous vous proposez de concéder au parti ? Une dictature qui ait le courage de ne pas se dissimuler derrière un masque hypocrite serait alors préférable

Les fractions.

( ... ) J'en viens aux fractions. A mon avis, cette question ne doit pas être posée d'un point de vue moral, du point de vue, du code pénal. Existe t-il dans l'histoire un seul exemple qu'un camarade ait organisé une fraction pour se divertir ? Non, un tel cas ne s'est jamais produit. Y a t-il un seul exemple historique d'une infiltration de l'opportunisme dans le parti par l'intermédiaire d'une fraction ? A-t-on déjà vu que l'organisation d'une fraction ait servi de base au défaitisme de la classe ouvrière et que le parti révolutionnaire s'en soit sauvé grâce à l'intervention des pourfendeurs de fractions ? Non, l'expérience prouve que l'opportunisme pénètre dons nos rangs derrière le masque de l'unité. Il a intérêt à influencer les plus grandes masses possibles et c'est donc derrière l'écran de l'unité qu'il avance ses propositions insidieuses. L'histoire des fractions ne fait pas honneur aux partis dans lesquels elles se forment, mais elle fait honneur aux camarades qui les créent. L'histoire des fractions, c'est l'histoire de Lénine ; ce n'est pas l'histoire des attentats contre les partis, mais bien celle de leur cristallisation, de leur défense contre les influences opportunistes.

Lorsqu’une fraction s’organise, il faut prouver et non se contenter d'affirmer que c'est, directement ou indirectement, une manœuvre de Ia bourgeoisie. Je ne crois pas que cette sorte de manœuvre prenne en général une telle forme. Au congrès du parti italien, nous avons posé la question en ce qui concerne la gauche de notre parti. Tout le monde connaît l'histoire de l'opportunisme. A quel moment un groupe devient-il le représentant d'influences bourgeoises au sein d'un parti prolétarien ? Historiquement, ce sont généralement les fonctionnaires syndicaux ou les représentants parlementaires du parti, ou bien des camarades qui se faisaient les porte parole d'une stratégie et d'une tactique de collabo­ration des classes, d'alliance avec d'autres groupements sociaux ou politiques qui ont représenté ces influences. Avant de parier d'écraser les fractions, il faudrait au moins prouver qu'elles sont en liaison avec la bourgeoisie ou avec des cercles d'esprit bourgeois, ou qu'elles nouent des rapports personnels avec eux. Si ce n'est pas le cas, il faut rechercher les causes historiques de la formation des fractions au lieu de les condamner a priori.

Le développement d'une fraction indique que quelque chose ne va pas dans le parti. Pour y remédier, il faut remonter aux causes historiques du phénomène, aux causes qui ont déterminé la naissance de la fraction ou la tendance à la constituer ; et ces causes sont des erreurs théoriques et politiques du parti. Les fraction ne sont pas la maladie, mais un symptôme de la maladie et, si l'on veut la combattre, il ne faut pas s'en prendre aux symptômes, mais rechercher les causes du mal. D'autre part, dans la majorité des cas, les camarades incriminés n'ont pas tenté de créer des organisations distinctes ou autres choses semblables, mais de frayer la voie à des opinions et à des tendances par un travail normal, régulier et collectif du parti. La chasse aux fractions, l'orchestration de scandales, la surveillance policière, la méfiance envers les camarades   toute cette méthode qui constitue en réalité le pire fractionnisme et qui s'est imposée dans les couches supérieures du Parti  , n'ont fait qu'empirer les conditions du mouvement en poussant toute critique mesurée et objective vers le fractionnisme.

Ce n'est pas par de tels procédés qu'on peut créer l'unité du parti on ne fait qu'instaurer un régime d'incapacité et d'impuissance. Une transformation radicale de nos méthodes de travail est absolument nécessaire. Dans le cas contraire, les conséquences seront d'une extrême gravité. (…)

Le renversement de la pyramide

(…) J'ai déjà critiqué nos méthodes de travail au dernier Congrès. Une collaboration collective fait défaut dans nos organes dirigeants et dans nos congrès. L'organe suprême semble être quelque chose d’étranger aux sections, il discute avec elles et se choisit dans chacune une fraction à laquelle il donne son appui. Ce Centre reçoit également l'appui des sections encore intactes dans toutes les questions, car elles espèrent s'assurer ainsi un meilleur traitement lorsque leur tour sera venu. Ceux qui s'abaissent à ce maquignonnage ne sont parfois que des leaders unis par des liens purement personnels

(…)

Nous pouvons comparer notre organisation internationale à une pyramide. Cette pyramide doit avoir un sommet et des génératrices qui tendent vers ce sommet. C'est ainsi qu'on obtient l'unité nécessaire, la centralisation nécessaire.

Mais aujourd'hui, du fait de notre tactique, cette pyramide repose dangereusement sur son sommet. Il faut donc la renverser ce qui est actuellement au sommet doit venir à la base ; il faut maintenir la pyramide sur sa base pour qu'elle demeure en équilibre. A l'égard de la bolchévisation notre conclusion est donc qu'il ne suffit pas d'y apporter des corrections de détails et que c’est tout le système qui doit être modifié de fond en comble. ”




Les réflexions de Bordiga, ci-dessus, viennent de façon magistrale répondre à un certain nombre de nos interrogations actuelles.

La discipline dans une organisation révolutionnaire est un réel problème, nous en convenons.

“ La question de la discipline doit être posée d'une manière complètement différente et beaucoup plus complexe ” que la façon avec laquelle le posaient l’IC et la Centrale du PCI. Il est évident que l’on ne peut pas tout tolérer dans une organisation révolutionnaire. Il est évident que nous devons respecter un minimum de règles si nous voulons que l’organisation existe et puisse fonctionner. Ce n'est pas moi qui en disconviendrait.

Et, bien évidemment, Bordiga pour bien se faire comprendre cite un exemple d’indiscipline, dans un passage non-cité du texte ci-dessus (cf. : page 61 de Programme communiste n° 69/70), concernant la collaboration du groupe Loriot à un journal hors du contrôle du PCF : “ Bien sûr, si on limite le problème de la droite à la question de savoir si on a le droit de collaborer à un journal placé hors du contrôle du parti, il ne peut y avoir qu’une réponse. Mais cela ne saurait être une échappatoire. On doit essayer de corriger les erreurs et de réviser soigneusement la ligne politique du parti français, et sur bien des questions celle aussi de l’Internationale. On ne résoudra pas le problème en appliquant à l’encontre de l’opposition, de Loriot, etc.. les règles d’un petit catéchisme du comportement personnel ”. Bien sûr pris ainsi il y a une indiscipline notoire de la part du groupe Loriot. Mais Bordiga va au-delà. Il “ ne saurait ” y avoir “ une échappatoire ”. Dès lors, que propose-t-il de faire? “ On doit essayer de corriger les erreurs et de réviser soigneusement la ligne politique du parti ”. Pour lui, les choses sont claires :“ On ne résoudra pas le problème en appliquant à l’encontre de l’opposition, de Loriot, [de la Fraction interne du CCI], etc., les règles d’un petit catéchisme.”

"Quelle est la base de la conception communiste? (..) Tout ce qui favorise la prise de conscience est socialiste, mais uniquement ce qui la favorise (souligné par MC). On n'apporte pas le socialisme par la trique. Non pas parce que la trique est un moyen immoral (..) mais parce que la trique ne contient pas d'élément de la conscience."(MC - Internationalisme et RINT n°34 - Conception du chef génial).

Que faire si l’on enregistre des cas d’indiscipline? “ Lorsqu'on enregistre des cas d'indiscipline, c'est encore un symptôme de cette incapacité du parti. La discipline est donc un point d'arrivée et non un point de départ, une plate-forme inébranlable. L'adhésion au parti étant volontaire, le remède aux manifestations d'indiscipline ne peut pas résider dans une sorte de code pénal du parti. ” Comme le dit Bordiga l’homogénéisation doit être “ un point d’arrivée ”, elle doit se gagner dans la discussion politique et la juste direction politique de l’organisation. Il faut savoir reconnaître quand il existe une véritable crise politique dans l’organisation et cela ne se résout jamais par un “ code pénal ”, un “ catéchisme ” ou la récitation ânonnée des statuts.

La défense de l'organisation commence par remettre en cause le “ régime de terreur (qui) s'est instauré (…) et (dans lequel) on (y) pratique une espèce de sport qui consiste à intervenir, à punir, à réprimer, à anéantir, et qui est présenté sous des couleurs telles qu'on croirait qu'il répond à un idéal de vie du parti. Les héros de ces brillantes opérations semblent même croire qu'ils donnent ainsi une preuve de leur capacité et de leur énergie révolutionnaire. ” Il faut sur ce point être intraitable et ne pas accepter le moindre dérapage du régime intérieur et même si cela doit passer par le fait de supporter les brimades et autres assauts des organes exécutifs actuels. Et, là aussi, Bordiga a raison de dire que “les vrais, les bons révolutionnaires sont en général les camarades victimes de ces mesures d'exception qu'ils supportent patiemment pour ne pas briser le parti. ” Cette situation que connaissent les camarades en minorité qui sont attaqués jusque dans leur intégrité est très éprouvante mais elle est surtout la preuve de la validité de leur combat politique. Pour se rapprocher, à l’avenir, des méthodes et du véritable régime intérieur d’une organisation révolutionnaire, tout militant communiste se doit d'être encore plus attentif au sort qui est réservé aux minoritaires. Voilà pourquoi, comme Bordiga et MC, “ nous ne voulons pas (…) d'un régime de représailles permanentes qui serait la négation même de son unité (il s'agit de l'unité du parti) et de son homogénéité. ”

Quand appliquer des sanctions ?

“ Le véritable mérite ne consiste (…) pas à écraser les révoltes, mais à faire qu'il n'y en ait pas. On juge l'unité du parti aux résultats obtenus et non sur l'existence du régime de menaces et de terreur. Il est clair qu'il faut prévoir des sanctions dans nos statuts, mais elles doivent s’appliquer à des cas exceptionnels et non pas devenir la procédure normale et permanente.(…) Mais lorsque le recours au code pénal devient la règle d'une société, cela prouve qu'elle n'est pas des plus parfaites. Les sanctions doivent frapper des cas exceptionnels et non-devenir la règle. ” Voilà définie clairement et sans la moindre ambiguïté ce que doit être la règle dans une véritable organisation communiste. L’on ne peut pas fonctionner sur le régime des sanctions. Si l’on en arrive là, alors il faut s’interroger et réfléchir à ce qui a mené à cette situation. Aujourd’hui, dans le CCI, la sanction est devenue “ un sport ” comme le disait Bordiga. En fait, on est au-delà des sanctions, il s’agit en réalité de préparer l’exclusion des “ troubles fêtes ” (1) (encore un mot de Bordiga).

Les statuts

Concernant la défense des minorités, dans les statuts du CCI, on note déjà dans les commentaires (Rint N°5 page 50) la place primordiale faite au débat interne (point 4) : “ Compte tenu de l’expérience de la dégénérescence de la 3ème Internationale, où les mesures administratives ont été l’instrument utilisé contre les fractions révolutionnaires, il était utile d’insérer dans les présents statuts des points précisant les conditions dans lesquelles peuvent s’exprimer les divergences au sein de l’organisation ”. Malheureusement cette insistance est encore insuffisante car, aujourd’hui, on voit que les organes décisionnels du CCI font tout pour contourner l'obstacle en refusant de reconnaître la Fraction et ils utilisent les mesures administratives, la trique et les sanctions pour étouffer les divergences.

C’est donc bien en vue de la défense des minorités et non pas seulement en tant que garde fous qu’il faut concevoir les statuts. Car les statuts sont d’une certaine façon “ partie intégrante de la plate-forme ” du CCI (commentaires des statuts, Bint 228 page 19); cela veut dire qu’ils ont pour but de permettre la plus grande homogénéisation politique de l’organisation, ce qui passe par la discussion politique et non par l'utilisation de la trique. “ Quand on a recours à la trique – et la discipline est une trique morale – pour suppléer au manque de conscience, on tourne le dos au socialisme, on réalise les conditions du non-socialisme C’est pourquoi (…) nous sommes des adversaires résolus de la discipline au sein du parti. (…) Marx, Lénine disaient : enseigner, expliquer, comprendre, “ discipline… discipline… ” leur répond en écho le Comité central (du PCInt et du CCI)." (Internationalisme n° 25).

C’est bien parce que les statuts ne sont pas de simples gardes fous que nous écrivions toujours page 19 des commentaires des statuts “ il appartient à l’organisation et aux organes centraux de déterminer s’il est opportun d’appliquer les règles qui sont énoncées. Cependant, même si ces ‘gardes fous’ sont mis en œuvre de façon rigoureuse, les statuts contiennent face à eux d’autres garde fous permettant d’éviter les abus et limitant, même s’il n’existe pas en ce domaine de garantie absolue, les risques de dégénérescence organisationnelle ”. A l’époque, nous étions bien conscients des risques de dégénérescence et du fait que les statuts pouvaient être interprétés de façon rigoriste. Ce n’est même plus le cas aujourd’hui, l’organisation applique les statuts en trahissant, pour le moins, leur esprit.

Et nous poursuivions “ C’est ainsi que les militants qui font l’objet de sanctions, notamment d’une exclusion, peuvent en appeler aux différentes instances de l’organisation, y compris le congrès international. ”

A la lecture de ce qui précède on comprend bien le rôle et la fonction des statuts. Les organes exécutifs actuels du CCI n’en ont cure. Ils n'ont comme seul argument que les sanctions évoquées dans les statuts et, chaque fois qu'il est possible, ils nous les brandissent, la main sur le cœur, au nom de la "défense de l'organisation". Cette utilisation comme moyen d'étouffement des divergences n’a plus rien à voir avec ce que sont et ce que représentent les statuts, notamment le fait qu'ils sont avant tout au service de l’homogénéisation et de l’aboutissement d’un effort et “ d’une volonté commune ” (Bordiga) dans une véritable organisation communiste.

La question des sanctions et de la discipline : la vision social démocrate.

La question de la discipline était devenue une nécessité dans la II° Internationale du fait de la tendance révisionniste des "chefs" et des parlementaires qui en faisaient à leur tête. Bordiga le rappelle dans son texte "organisation et discipline communiste" republié dans le bulletin n° 2 de la fraction.

"Rapportons-nous à l'histoire des partis socialistes traditionnels et de la IIe Internationale. Ces partis par le truchement des groupes opportunistes qui en avaient pris la direction, se réfugiaient dans l'ombre des principes bourgeois de démocratie et d'autonomie des différents organes, Mais cela n'empêchait évidemment pas que contre les groupes de gauche réagissant contre les tendances révisionnistes et opportunistes, on utilisait largement l'épouvantail de la discipline à l'égard de la majorité et celui de la discipline à l'égard des chefs. Qui plus est, cela devint l'expédient fondamental par lequel ces partis purent assumer, surtout lors du déclenchement de la guerre mondiale, la fonction   par laquelle ils dégénèrent   d'instrument de mobilisation idéologique et politique de la classe ouvrière pour le compte de la bourgeoisie. Les éléments de droite imposèrent une véritable dictature contre laquelle les révolutionnaires durent lutter non parce que les principes immanents de démocratie interne du parti étaient violés, ni parce que le critère de centralisation du parti de classe, revendiqué par la gauche était mis en question, mais tout simplement parce que dans là réalité concrète il fallait combattre des forces effectivement anti prolétariennes et anti révolutionnaires".

Dès lors se justifiait pleinement dans ces partis la constitution de fraction d'opposition aux groupes dirigeants et l'exercice à leur égard d'une critique impitoyable, pour en arriver enfin à la séparation et à la scission, qui permirent la fondation des Partis communistes actuels".

Durant la période d'ascendance du Capitalisme - ou pour être plus précis dans la période durant laquelle le prolétariat allait dans le sens de son affirmation en tant que classe, tendait à se délimiter de plus en plus clairement par rapport aux autres classes et couches de la société -, dans les organisations politiques de la classe ouvrière, la gauche notamment défendait haut et fort la nécessité de règles organisationnelles (et donc de discipline) rigoureuses. Dans la social-démocratie par exemple, il fallait lutter contre les fortes et récurrentes tendances internes à chercher les compromissions avec la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie, il fallait lutter contre tous ceux qui, souvent contre l'avis du parti, faisaient des alliances avec des fractions de la bourgeoisie. Il était ainsi plus que nécessaire de mettre en avant la "discipline organisationnelle" (Lénine) et même la "discipline de vote" pour gagner en cohésion. Dans la S-D et dans la 2ème Internationale, le vote de la partie primait souvent sur celui du tout. Dans ce contexte, c'est la gauche qui, à juste raison, était à la tête de la bataille pour la claire affirmation de la classe et cela passait par la défense intransigeante et prioritaire de son organisation politique ainsi que les règles et la discipline qui vont avec. La gauche a défendu cette question comme prioritaire jusqu'au début de la 1ère guerre mondiale du fait même que les sections de l'Internationale, dans leur majorité, ont mis en avant leur position nationale, leur autonomie. Cependant, avec l'entrée dans la décadence capitaliste, les deux classes historiquement antagoniques de la société se retrouvent clairement en opposition comme 2 armées nettement déterminées et cela est encore plus vrai pour leurs représentations politiques. La question de la démarcation du prolétariat par rapport aux autres classes et couches de la société ne se pose plus tant en termes organisationnels mais surtout en termes de positions politiques. Dans les organisations révolutionnaires, si les règles de fonctionnement et de discipline restent toujours importantes, elles n'ont plus la primauté sur les autres plans. Ce qui devient primordial ce sont les positions politiques donc le renforcement au niveau politique-théorique. D'où la nécessité impérieuse de favoriser, avant tout, la réflexion politique, d'encourager les débats, l'expression des questionnements et des divergences. C'est la gauche qui, dans cette période, défend ce principe. Par contre, c'est la droite qui défend "la discipline" organisationnelle, soi-disant avec rigueur, pour étouffer tout débat et, en fin de compte, pour tuer toute vie prolétarienne.

Voilà l’origine de la discipline formaliste dans le mouvement ouvrier; mais, il faut, en plus, noter que la discipline et les sanctions furent utilisées en fait contre les fractions de gauche. Nous sommes d'accord avec Bordiga, la discipline "social-démocrate", celle qu'utilise le CCI aujourd'hui n'a rien à voir avec la discipline communiste. Il y revient dans son texte "le danger d'opportunisme et l'Internationale " (publié dans Spartacus – "Russie et révolution dans la théorie marxiste" page 89 et suiv.) "Leur rigidité à l'égard du "système" léniniste est un article à usage interne. Lénine se défendait de ses contradicteurs à l'aide d'une méthode opposée, faite de réalisme et non d'autoritarisme. (..) Au lieu de réagir virilement contre les difficultés (..), ils veulent se réfugier dans un système intouchable. Leur grande satisfaction est, en s'aidant largement du "qui a touché Garibaldi" (2), en s'ingéniant à rechercher les idées supposées et les intentions secrètes non encore dévoilées, d'assurer que Pierre et Paul ont contrevenu aux ordonnances inscrites sur leurs tablettes, pour ensuite s'écrier, "ils sont contre l'Internationale, contre le léninisme"."

Et MC ne dit pas autre chose. “ Quand on a recours à la trique – et la discipline est une trique morale – pour suppléer au manque de conscience, on tourne le dos au socialisme, on réalise les conditions du non-socialisme. C'est pourquoi nous sommes catégoriquement opposés à la violence au sein de la classe ouvrière après le triomphe de la révolution prolétarienne, et nous sommes des adversaires résolus à la discipline au sein du parti. (…) Marx, Lénine disaient : enseigner, expliquer, convaincre, "…discipline… discipline.." leur répond en écho le Comité central". ” (du PCint et celui du CCI). Nous n’avons rien à rajouter à ces approfondissements politiques et théoriques faits par MC et Bordiga sur la nature non communiste des “ sanctions pour les sanctions ”, “ les suspensions pour les suspensions ” et de la “ discipline pour la discipline ”.

La confiance ou la mise en cause des camarades et la question de la CI

Pourquoi les organes décisionnels actuels du CCI ne s’en sortent pas de cette politique de mise en cause des camarades minoritaires ? D'abord il faut souligner que l'ancien SI/BI a eu parfaitement raison d'engager le combat au début de l'année 2000 sur la question de la confiance dans l'organisation et dans les camarades. Et, malheureusement, ce débat n'a pas pu avoir lieu et se dérouler correctement à l'époque du fait des esquives et des manœuvres de retardement, d'étouffement du débat – contre la décision du BI de l'époque -, comme on l'a bien vu vis-à-vis de la publication du BII 276 et de la contribution du SI sur la confiance. Aujourd'hui, la conséquence du fait que ce débat ait été saboté, c'est la pénétration de la "méfiance généralisée" dans l'organisation (cf.: ma prise de position sur le texte d'orientation du mois d'août dans le Bint N°286), méfiance revendiquée à l’époque par Louise et Bruno, qui tient lieu de politique dans le CCI. Le texte d'orientation semble affirmer le contraire : “ ce qui rend difficile les questions de confiance, c’est le fait qu’elles ne sont pas une affaire de l’esprit mais aussi du cœur ” (TO, Bint 284 page 6 ). Mais en réalité il est entièrement parcouru par une conception de méfiance. Et, le rédacteur lui-même n'en a pas conscience (3) car il est basé sur l'idéalisme comme le souligne la contribution de Léonardo. Il ne se rattache à rien de concret.

Et la conséquence de cette vision, c'est la politique de la CI (si cette commission existe encore véritablement de façon autonome par rapport à Peter qui, aujourd'hui, est à la fois juge, procureur et même partie prenante ! C'est extraordinaire !) qui s'est transformée en organe de "surveillance policière" et qui fouille partout pour découvrir on ne sait quoi, pour inventer et provoquer des scandales et surtout pour débusquer "les attitudes dangereuses" des camarades, notamment ceux de la fraction ou ceux qui montrent une volonté de questionnement par rapport au régime actuel du CCI (4). C'est cet état d'esprit marqué par la méfiance, et parfois pire, que l'on retrouve quand des camarades sont sanctionnées, qu'ils ne peuvent assister à une réunion de section (Paris le 5 décembre 2001) et que le camarade Peter en rajoute en criant “ bon débarras ! ”.

C'est cette politique que dénonce Bordiga au sein du PCI, organisation en cours de dégénérescence : "La surveillance policière, la méfiance envers les camarades, toute cette méthode qui constitue en réalité le pire fractionnisme et qui s'est imposée dans les couches supérieures du Parti". Aujourd'hui dans le CCI, on est en train de mettre en doute l'honnêteté, le sérieux, la dignité de 4 camarades sur 6 membres de l’ancien SI et de 3 membres de l’ancien SE sur 5. Ce sont ces camarades qui ont mis en œuvre la politique de l'organisation pendant de très nombreuses années, qui ont participé à sa fondation pour 2 à 3 d'entre eux et qui ont conduit la politique décidée aux derniers congrès et encore au dernier congrès du CCI. Ce sont ces mêmes camarades, qualifiés de "répugnants", de "lâches", de Chénier, de Simon, de CBG, qui ont été renommés contre leur propre avis alors qu'ils proposaient le transfert du SI ailleurs qu'à Paris.

Il faut revenir au régime normal de vie dans le CCI en abandonnant la politique "du coup d'état permanent" et de se sentir comme "une forteresse assiégée". Il est temps de dissoudre la CI qui n'a plus lieu d'être.

"Les vieux révolutionnaires se souviennent quel guet-apens, quelle arme redoutable contre les vieux révolutionnaires, constituait cette discipline entre les mains des bureaucrates et de la direction de l'IC." (..) C'était "une véritable inquisition, avec ces commissions de contrôle (5) torturant et fouillant dans l'âme de chaque militant." (MC - Internationalisme et RINT n° 34 - Conception du chef génial).

Le régime de l'humiliation

"Je dois dire que cette méthode de l'humiliation personnelle est une méthode déplorable, même quand elle est utilisée contre des éléments politiques qui méritent d'être durement combattus. Je ne crois pas que ce soit un système révolutionnaire. Je pense que la majorité qui prouve aujourd'hui son orthodoxie en s'amusant aux dépens des pécheurs persécutés est probablement composée d'anciens opposants humiliés. Nous savons que ces méthodes ont été appliquées, et peut être le seront encore, à des camarades qui non seulement ont une tradition révolutionnaire, mais restent des éléments précieux pour nos luttes futures". (Bordiga séance du 8 mars 1926 du VIème Plénum de l'IC)

De même les camarades de la fraction sont traités de tous les noms, on ne leur fait plus confiance, toutes les tâches militantes leurs sont retirées, ils subissent suspensions après suspensions et sont exclus de ce fait de toute activité militante.

De même MC non seulement avait été exclu de la fraction italienne pour "indignité politique" mais avait dû subir avec le camarade Mousso des attaques inqualifiables contre leur honneur de militants communistes :

"En plus Suz. (6) m'a déclaré qu'on ne peut considérer Marc-Mousso comme des camarades ni comme des militants, ce sont des provocateurs (répété au moins 6 fois) qui ne reculeront devant rien, même pas devant une dénonciation à la police. Dans ce cas Suz. et la GCI sauront agir encore plus énergiquement. Marc et Mousso sont des salauds, etc,.. Elle a essayé de me raconter une multitude d'histoires personnelles mais je lui ai coupé la parole parce que j'en étais trop dégoûté. (..) Par faiblesse politique, ils préparent l'attaque physique." (Information confidentielle du 11 juillet 1945 mais communiquée dans le Bulletin interne de la fraction [GCF]). Finalement, nous sommes traités comme l'ont été les meilleurs militants du mouvement ouvrier !

Bordiga a raison de dire que "cette manie d'autodestruction doit cesser si nous voulons vraiment poser notre candidature à la direction de la lutte révolutionnaire du prolétariat". (séance du 8 mars 1926 du VIème Plénum de l'IC) Nous souhaitons regrouper toutes les forces révolutionnaires et dès qu'il y a des divergences politiques sérieuses que se passe-t-il ? Nous avons tendance à considérer des camarades qui ont plus de 30 ans de militantisme derrière eux comme des ennemis ou des éléments troubles et même comme des éléments de la bourgeoisie. Comment peut-on penser regrouper, un jour, toutes les forces prolétariennes dans ces conditions ? Bordiga a une nouvelle fois raison de dire que ces camarades "restent des éléments précieux pour nos luttes futures". Et il va même plus loin puisqu'il dit que nous avons affaire à "une méthode déplorable, même quand elle est utilisée contre des éléments politiques qui méritent d'être durement combattus." Même les pires éléments, d'après Bordiga et nous ne pouvons qu’être d'accord avec lui, ne méritent pas un tel traitement, ils doivent être combattus politiquement. Nous pouvons citer, une fois de plus, l'épisode Bérard et comment MC l'a traité: non pas administrativement ou disciplinairement mais bien par la discussion politique ce qui a renforcé le CCI comme un tout par rapport à la question de la centralisation et du modernisme.

Voilà quelques leçons sur le régime intérieur de l'organisation sur lesquelles nos organes exécutifs actuels devraient réfléchir s'ils ne veulent pas entraîner encore plus loin l'organisation dans un régime de bolchévisation.

Les fractions

Nos statuts reconnaissent le droit à l'existence d'une fraction et MC avait reconnu l'existence de la FECCI en disant : "c'est un fait, il faut le reconnaître" (cf.: notes du SI de l'époque). Mais il faut aller au-delà d'une reconnaissance formelle, il faut donner à une fraction les moyens matériels d'exister et notamment par les moyens financiers. Sans ces moyens-là, le droit d'exister est platonique : c'est une reconnaissance formelle inscrite uniquement pour faire bien dans les statuts et qui revient dans la réalité à ne pas reconnaître son existence.

Citons quelques passages du texte d'Internationalisme n° 25 déjà cité et notamment le paragraphe qui commence par "le droit de fraction – le régime intérieur de l'organisation" (7) :

"Il peut paraître ahurissant après de longues années passées de luttes épiques au sein de l'IC sur le droit de fraction, de revenir aujourd'hui sur cette question. Elle semblait résolue, pour tout révolutionnaire, par l'expérience vécue. C'est pourtant ce droit de fraction que nous sommes obligés de défendre aujourd'hui contre les dirigeants du PCI d'Italie". (8) Nous faisons grâce, ici, du passage sur la liberté ou sur la démocratie en général au sein de la 2ème Internationale, celle entendue par les trotskistes. "Quand nous parlons de régime intérieur, nous entendons parler d'une organisation basée sur des critères de classe et sur un programme révolutionnaire. (..) Sur cette base commune et tendant au même but, bien des divergences surgissent immanquablement en cours de route. (..) Elles ne peuvent être ni escamotées ni interdites mais au contraire être résolues par l'expérience de la lutte elle-même et par la libre confrontation des idées. Le régime de l'organisation consiste donc, non à étouffer les divergences mais à déterminer les conditions de leur solution. C'est-à-dire en ce qui concerne l'organisation, de favoriser, de susciter leur manifestation au grand jour au lieu de les laisser cheminer clandestinement. Rien n'empoisonne plus l'atmosphère de l'organisation que les divergences restées dans l'ombre. Non seulement l'organisation se prive ainsi de toute possibilité de les résoudre, mais elles minent lentement l'édifice qu'on croyait en apparence solide comme un roc, il craque et s'effondre, laissant derrière lui un amas de pierres. Ce qui n'était qu'une tempête se transforme en catastrophe décisive. (..) L'étouffement idéologique à l'intérieur du parti ne se conçoit qu'allant de pair avec la violence au sein de la classe."

Enfin MC revient sur l'attitude du PCInt :

"Mais même en tant que farce, l'interdiction de fraction devient un handicap sérieux de la reconstruction de l'organisation révolutionnaire. La reconstruction du Bureau International de la GCI pourrait nous servir d'exemple palpable de la méthode en honneur. (…) Quelle devait être la méthode de reconstruction de l'unité organisationnelle et politique de la GCI ? Notre groupe préconisait la convocation d'une Conférence Internationale de tous les groupes se réclamant de la GCI et se fixant pour objectif la discussion la plus large pour toutes les questions en divergences. Contre nous prévalait l'autre méthode… Notre esprit de critique et de franche discussion fut considéré intolérable et inacceptable et en réponse à nos documents on a préféré, non seulement de ne pas les discuter mais en plus on a estimé préférable de nous éliminer tout simplement de la conférence."

MC souligne que les documents non seulement ont été négligés, ils n'ont pas donné lieu à des réponses, mais encore que la réponse a consisté à dire "que votre activité se borne à jeter la confusion et de la boue sur nos camarades, nous avons exclu à l'unanimité la possibilité d'accepter votre demande de participation à la réunion internationale des organisations de la GCI".

A la suite de la conférence une réponse a été envoyée par Jober le 9 décembre 1946, le PCI n'ayant, quant à lui, même pas daigné le faire : "En se référant à votre demande de réunions communes pour d'ultérieures discussions, votre proposition a été rejetée. En plus ordre a été donné à tout camarade de rompre toute communication avec les fractions dissidentes" (souligné par Internationalisme). MC aurait-il pu imaginer que l'organisation dont il sera l'un des principaux fondateurs, le CCI, aurait les mêmes pratiques "liquidatrices" vis à vis de certains militants que celles qu'il avait subies quelques décennies auparavant? On peut être sûr en tout cas que, si la vie lui avait accordé quelques années supplémentaires pour être avec nous aujourd'hui, c'est lui qui aurait mené la bataille pour que notre fraction soit reconnue.

En relisant les bulletins internes et les premiers numéros d’Internationalisme, on découvre notamment que la GCF se considérait, tout en étant exclue de la GCI, comme une fraction de ce courant et du PCInt.

On découvre aussi que la GCF, comme la Fraction interne aujourd’hui (qui fait donc toujours partie du CCI), n'a pas été reconnue en tant que fraction au sein de la GCI ce qui était le signe d'une involution grave de cette dernière.

On nous dira : “ Vous exagérez, c’est d’accord pour le PCInt mais pas pour le CCI." Nous répondrons qu’une involution n’est qu’un processus et que le PCInt, aujourd'hui, n’est toujours pas passé, après plus de 50 ans, dans le camp ennemi.

Mais avec cette contribution, nous souhaitons tout d'abord mettre en évidence - par rapport à des interrogations de camarades - que toute organisation, si minime soit-elle, peut dégénérer ou simplement involuer. Ce fut d'ailleurs le cas de la GCI.

“ Ce n'est pas nouveau en politique qu'un groupe change radicalement ses façons de voir et d'agir en devenant une grande organisation, un parti de masses. On peut citer maints exemples de telles métamorphoses, On pourrait avec raison l'appliquer également, en partie tout au moins au parti bolchevik après la révolution. Mais ce qui frappe pour le P.C.I. d'Italie, c'est la rapidité surprenante avec laquelle l'esprit de ses principaux dirigeants a subi ce changement. Et cela est d'autant plus surprenant que somme toute le Parti italien (PCInt) représente, aussi bien numériquement que fonctionnellement, tout au plus, une fraction élargie ”. (Conception du chef génial, Internationalisme et RINT n°34).

“ Comment expliquer alors ce changement?

“ Par exemple: le Parti Communiste Italien à sa fondation animé par la direction de la Gauche et de Bordiga, a toujours été l'enfant terrible dans l'I.C. Ne reconnaissant pas la soumission "a priori" à l'autorité absolue des chefs, même de ceux envers qui il portait la plus grande estime, le P.C. d'Italie entendait discuter librement et combattre s'il le fallait toute position politique qu'il ne partageait pas. Dès la fondation de l'I.C, la fraction de Bordiga se trouvera sur bien des points en opposition et exprimera ouvertement ses désaccords avec Lénine et d’autres dirigeants du Parti bolcheviks, de la révolution russe et de l'IC. On connaît les débats qui ont eu lieu entre Lénine et Bordiga au deuxième congrès. Personne ne songeait alors à contester ce droit de libre discussion, et il ne serait venu à personne l’idée de voir en cela une atteinte à l'autorité des "chefs". Peut être que des hommes aussi veules et serviles que Cachin, pouvait dans leur for intérieur, en être scandalisés, mais ils n'osaient même pas le montrer. Mieux que ça, la discussion n'était même pas considérée comme un droit mais comme un DEVOIR, l'unique moyen permettant par la confrontation des idées et l'étude, l'élaboration des positions programmatiques et politiques courantes, nécessaire pour l’action révolutionnaire.

Lénine écrivait : "Il est du devoir des militants communistes de vérifier par eux-mêmes les résolutions des instances supérieures du Parti. Celui qui en politique, croit sur parole est un indécrottable idiot." ” (Conception du chef génial, Internationalisme RINT n°34).

Aujourd’hui, il existe une tendance dans l’organisation à croire sur parole la CI sur la légende de l’existence d’un Clan-Pavillon bis puis sur ce qui est inventé par Peter à propos des supposés dires de Juan au Mexique par exemple. Et sur ces déclarations les sanctions ne sont-elles pas votées un peu trop rapidement ?

Quels enseignements faut-il en tirer?

1/ La reconnaissance du droit et de l’existence de la Fraction est la première règle et ce n'est pas une reconnaissance seulement statutaire. Notre combat de demande de droits doit être conçu comme un combat pour l'existence de futures fractions comme le disait MC : "C'est pourtant ce droit de fraction que nous sommes obligés de défendre aujourd'hui contre les dirigeants".

2/ "Le régime de l'organisation consiste donc, non à étouffer les divergences mais à déterminer les conditions de leur solution." L'organisation doit se donner tous les moyens à sa disposition pour favoriser la discussion et pour dépasser les problèmes.

3/ "C'est à dire, en ce qui concerne l'organisation, de favoriser, de susciter leur manifestation au grand jour au lieu de les laisser cheminer clandestinement." La fraction interne du CCI n'a jamais eu pour but de cacher ses divergences et son travail de critique politique contrairement à ce que les organes dirigeants actuels tendent à faire croire. Par contre, la faction cachée "Peter, Bruno, Louise" n'a pas mis sur la table ce qu'elle a discuté pendant 2 ans. Chaque fois que l'ancien SI demandait à Peter de mettre noir sur blanc ses "doutes" ou "ses divergences", il répondait, "je vais le faire" et il ne l'a jamais fait pendant plus d'un an. Or, "rien n'empoisonne plus l'atmosphère de l'organisation que les divergences restées dans l'ombre." (avec comme résultat entre autres une décrébilisation des organes centraux actuels par le fait que l'opposition à l'orientation de 1996 à 2000 soit restée "dans l'ombre" et qu'aujourd'hui elle soit rejetée "sans l'ombre" d'une explication par le même BI qui l'avait discutée, définie, mis en avant et défendue, et surtout sans aucune référence critique aux rapports, résolutions, et bilans des congrès, conférences, BI et CE pléniers, élargis et autres mensuels des OC)

4/ La méthode. "Quelle devait être la méthode de reconstruction de l'unité organisationnelle et politique de la GCI ? Notre groupe préconisait la convocation d'une Conférence Internationale de tous les groupes se réclamant de la GCI et se fixant pour objectif la discussion la plus large pour toutes les questions en divergences. Contre nous prévalait l'autre méthode…" Notre méthode, celle de la fraction, était d'ouvrir la discussion la plus large possible, de quitter le terrain de la "discipline pour la discipline", de mettre de côté la "méfiance institutionnalisée" avec la création d’une CI et de revenir au texte du SI sur la "confiance" de 2000 et enfin de transférer le SI en dehors de Paris.

Malheureusement, les organes exécutifs actuels du CCI ont pris la direction opposée et la crise de l'organisation continue et s'approfondit. Et, si le BI ne reprend pas sa décision, elle ira jusqu'au bout comme le disait déjà Bordiga dans sa lettre à Karl Korsch du 28 octobre 1926 : "Etant donné la politique de pression et de provocation des dirigeants de l'Internationale (…) il faut laisser s'accomplir l'expérience de la discipline artificielle et mécanique (…) jusque dans ses absurdités". Mais nous, nous savons déjà et nous n'avons pas besoin d'en faire "l'expérience". Aussi, nous disons "Halte là!". Nous, nous ne nous laisserons pas expulser du CCI aussi facilement que Bordiga et ses camarades l’ont été de l'IC.

5/ Notre méthode consiste à bannir tout jugement inadmissible sur des camarades tel que celui qu'a dû subir MC quand le PCI, sans fondements, lui écrivait "que votre activité se borne à jeter la confusion et de la boue sur nos camarades, nous avons exclu à l'unanimité la possibilité d'accepter votre demande de participation à la réunion internationale des organisations de la GCI".

6/ Réunir les camarades qui demandent une rencontre pour poser les questions nécessaires au bon fonctionnement d’une fraction dans le CCI. Malheureusement l'histoire se répète et, comme MC avec le PCInt, la fraction n'a pas eu de réponse positive à sa demande de la part du CCI : "En se référant à votre demande de réunions communes pour d'ultérieures discussions, votre proposition a été rejetée". En fait, nous avons reçu des réponses, ce sont… des sanctions et en plus, il a été interdit à Juan de discuter politique avec tout camarade du CCI, donc avec les autres membres de la fraction. N'est-ce pas ce que le PCI avait imposé contre MC? "En plus ordre a été donné à tout camarade de rompre toute communication avec les fractions dissidentes".

Camarades ! Ne trouvez-vous pas que l'histoire se répète dramatiquement pour ne pas dire plus ?

Camarades! Sincèrement est-ce avec ces méthodes de coup d'état, de sanctions et d'exclusion de camarades qui ont le courage de dire : "Non!", de lutter pour redresser le CCI, que vous pensez regrouper, un jour, le milieu politique révolutionnaire ?

Cette politique est à rapprocher de l'attitude actuelle, dans la situation d'enfoncement du capitalisme dans une spirale de guerre, qui consiste à ne pas faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que les groupes du milieu politique prolétarien tentent de faire quelque chose ensemble, même si c'est tout à fait minime. C'est ce que le CCI n'a pas daigné faire et a même rejeté d'un revers de main. Inéluctablement, la politique actuelle, et surtout les pratiques actuelles, acceptées dans l'urgence, dans la panique et au nom de l'unité et de la discipline, amènent l'ensemble de l'organisation et des militants qui se prêtent à ces magouilles à faire un pas important vers l'opportunisme et à franchir une ligne qui ne pourra être re-franchie en sens inverse que par une minorité de camarades, et là au prix d'une profonde critique, politique celle-là et non psychologique. Malheureusement entre temps, le CCI aura versé définitivement dans le sectarisme et nombre de militants atteints dans leur enthousiasme et dans leur conviction se seront démoralisés. C'est cette politique d'exclusion des minoritaires conséquents et de sectarisation du CCI comme s'il était seul au monde que nous ne pouvons pas accepter. Mais comment mettre en œuvre cette politique d'ouverture au milieu politique quand on rejette ses propres "camarades qui non seulement ont une tradition révolutionnaire, mais restent des éléments précieux pour nos luttes futures" comme le défendait Bordiga en 1926 ?

Olivier.



1 .A la réunion de section de Paris le mercredi 5 décembre 2001 au moment où les membres de la fraction ont été exclus de la réunion on a entendu le camarade Peter dire “bon débarras!”. Cette attitude ne s’était encore jamais vue à l’intérieur du CCI. C’est un véritable scandale. Elle est à rapprocher de la séance du Comité central du PCUS de fin octobre 1927 avant l’exclusion de Zinoviev et de Trotski où il est hurlé à Zinoviev en train de parler : “ A bas ! Va-t-en ! ”. (Procès verbal cité par Victor Serge dans De Lénine à Staline –1936).

2< . Je pense que c'est une expression italienne pour dire "qui a osé remettre en cause les principes intangibles sur lesquels sont fondés la constitution et le pays".

3. Car il dit ce qui est fort juste : “ sous jacente à cette méfiance injustifiée envers la vie “ informelle ” d’une organisation ouvrière réside l’utopie petite-bourgeoise d’une garantie contre l’esprit de cercle qui ne peut mener au dogme illusoire du catéchisme (..). Une telle démarche tend à transformer les statuts en des lois rigides, le droit de regard en surveillance et la solidarité en rituel vide. ”. Nous n’avons rien à rajouter à cette formulation qui était encore celle du CCI il y a peu.

4 .C'est cette politique qui est "théorisé" par le rapport d'activité adopté par le BI extraordinaire de septembre qui, pour justifier une CI permanente et indépendante .

5 . J'ai déjà rendu compte des Commissions de contrôle de l'IC dans ma contribution du Bint N° 286.

6 . Il s'agit de Suzanne Voute qui a rompu avec le GCF pour créer la FFGC ; cette dernière a été reconnue immédiatement par le PCint.

7 . La résolution sur l'interdiction des fractions de Lénine au 10 ème congrès du PCUS en 1921, (situation très grave en Russie où se déroulaient également les événements dramatiques de Kronstadt) n'était que provisoire dans le parti mais elle a été désastreuse car elle a fait jurisprudence ensuite au moment de la bolchévisation du parti.

8 . Et l'on est encore obligé d'y revenir en 2001 dans le CCI.


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