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Nous publions intégralement le texte de Bordiga "Organisation et discipline communiste" pour le porter à la connaissance de tous les militants du CCI. Pour nous, cette publication s'inscrit dans le cadre des orientations que s'est fixée la Fraction, notamment quand elle se propose de :
- combattre la dérive "révisionniste" actuelle qui ne s'exprime pas seulement sur le plan du fonctionnement mais aussi sur le plan théorico-politique;
- développer la réflexion théorique, notamment par un travail approfondi sur l'histoire du mouvement ouvrier, afin d'amener l'organisation à se réapproprier ses propres fondements, ceux du marxisme révolutionnaire, dont s'écarte de plus en plus la politique qui est menée actuellement.
Bien que nous ne partagions pas certaines idées et conceptions contenues dans ce texte qui, à l'évidence, ne sont pas celles du CCI, nous tenons à affirmer que nous appuyons complètement ce que Bordiga développe sur la question de la discipline. Nous l'appuyons parce qu'il s'inscrit totalement dans la tradition et les principes du prolétariat révolutionnaire et parce qu'il défend ce que notre Courant a toujours défendu. En ce sens, nous pensons que ce texte doit amener les camarades à réfléchir sur les pratiques actuelles de l'organisation.
- Dans la première partie de son texte où il définit sa conception de l'organisation, Bordiga fait une critique notamment du "principe démocratique", ce qui est loin de nous étonner. Dans sa critique de ce principe, il part de l’idée parfaitement valable qu'être majoritaire ne signifie pas forcément avoir raison politiquement. On ne peut, en effet, qu'être d'accord sur le fait que la justesse d'une position politique ne dépend pas du nombre de militants qui défendent cette position. Par contre, là où nous ne pouvons pas le suivre c'est lorsqu'il en tire, à tort, comme implication que ce principe n'a pas grande valeur et, encore plus, quand il tend à proposer son rejet pur et simple. Ce qui nous différencie de lui (et des groupes bordiguistes qui ont particulièrement développé cette conception), c'est que, pour nous, le principe démocratique est fondamental. Dans le CCI, c'est la majorité qui détermine les orientations et la politique à mener même si elle a tort, même si elle se trompe. Mais ce qui est, dans notre conception, encore plus fondamental c'est que la (ou les) minorité(s) doit avoir tous les moyens pour s'exprimer et même qu'elle doit être privilégiée (Cf. la place la plus large faite à ses positions dans les réunions, dans les bulletins et même vers l’extérieur; également la surévaluation des positions minoritaires dans les votes, etc.). Ce qui détermine notre vision, c'est l'importance première que nous accordons à la réflexion politique, au débat, plus qu'aux positions telles qu'elles sont immédiatement posées pourrait-on dire. Quand nous défendons le principe démocratique, ce n'est pas avec l'illusion que la majorité a toujours raison mais c'est parce que ce principe est le seul à permettre le débat le plus large dans l'organisation; et le débat le plus large est le meilleur moyen, voire la garantie, que « les positions se précisent, s'affinent et même peuvent être dépassées » comme l'affirme notre "Déclaration de formation d'une Fraction interne".
- Une grave erreur que fait Bordiga, et qui apparaît clairement dans ce texte, est de croire qu'il y a, d'un côté, « un modèle », « un type idéal de parti révolutionnaire », sans divergences ni oppositions, vers lequel il faut tendre et, de l'autre côté, une réalité dans laquelle « la règle est la division des partis communistes en fractions » avec des « dissensions qui se transforment parfois en conflits » (souligné par nous).
- Nous devons d'abord rejeter sa vision du parti, non pas seulement parce qu'elle est erronée ou qu'on ne la partage pas, mais parce qu'elle est idéaliste et donc non marxiste.
- Ensuite, nous devons affirmer clairement qu'un parti qui ne connaît pas « des rivalités de fractions et des dissensions » risque d'être loin de représenter ce dont a besoin la classe ouvrière et peut être même le pire des partis.
- Mais, ce en quoi nous suivons totalement Bordiga, c'est quand il affirme « qu'on ne peut pas résoudre la question de l'organisation et de la discipline au sein du mouvement communiste si on ne les relie pas étroitement aux questions de théorie, de programme et de tactique... ». Comme lui, nous ne respectons pas le critère « de la discipline pour la discipline » car il peut être « adopté, dans des situations données, par les contre-révolutionnaires et sert d'obstacle à la formation du véritable parti révolutionnaire de classe ».
Qui peut le contredire quand il affirme : « L'exemple le plus glorieux sur la façon dont il faut mépriser l'influence démagogique de tels sophismes nous est fourni par Lénine qui fut cent fois attaqué comme désagrégateur, violateur des devoirs envers le parti (souligné par nous) mais n'en poursuivit pas moins sa route imperturbablement et devint avec une parfaite logique le défenseur des sains critères marxistes de centralisation organique dans l'Etat et dans le Parti de la révolution. A l'inverse, le plus malheureux de l'application formaliste et bureaucratique de la discipline nous a été donné par le vote de Karl Liebknecht qui s'estimait contraint, le 4 août 1914, de voter en faveur des crédits de guerre. » ?
- Comme nous lors du BI de septembre, c'est avec la plus grande honnêteté que Bordiga a accepté de dissoudre le Comité d'Entente en juillet 1925, par discipline et à cause de la menace d'exclusion de la part de l’exécutif de l'IC. Mais cela ne l'a pas empêché de continuer à exprimer son opposition à la politique de l'IC.
Dans l'Unità du 2/7/1925, il justifie sa politique ainsi : « La création du Comité d'Entente était l'unique moyen pour pallier les inconvénients créés par leur méthode de diriger le parti et pour orienter de la façon la moins dangereuse les réactions de la périphérie contre les systèmes du Centre. » Et pourtant la direction de l'IC n'a jamais considéré qu'il avait été « déloyal » (1) envers l'organisation. Par ailleurs, on peut poser la question : A-t-il bien fait de dissoudre le comité ? Nous pouvons, avec le recul, répondre que non. Et nous, avons-nous bien fait de dissoudre le Collectif ? Nous aurions pu répondre positivement si nous avions obtenu un changement de politique de la part des OC du CCI et une perspective de discussion comme cela avait été affirmé par le BI de septembre. La suite a infirmé très rapidement cette espérance. Voilà pourquoi nous pouvons dire aujourd'hui que nous avons eu tort de déclarer cette dissolution. La situation politique à l’intérieur du CCI est pire que celle qui régnait avant le dernier BI. Il y a eu, depuis, la résolution de la CE de RI qui a décidé de ne plus publier les textes des ex-membres du Collectif et la suspension de ceux qui souhaitaient prendre des notes lors de réunions auxquelles ils étaient convoqués. En 1925, l'IC n'avait pas encore inventé « l'autocritique stalinienne ». Aujourd'hui, dans le CCI, il est demandé aux membres de l'ex-Collectif de critiquer leurs actes afin de "mesurer" s'ils sont loyaux ou non envers l'organisation. Et il dépend de cette autocritique que leurs textes soient publiés.
Voilà pourquoi il nous parait de plus en plus évident que la discipline telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui dans le CCI n’a plus rien à voir avec celle que le mouvement révolutionnaire a toujours défendue.
- En conclusion, il nous semble très important de rappeler comment est née la Fraction italienne. Avant de devenir une fraction au sein du PCI en 1928, la Gauche italienne est toujours restée organisée comme opposition et courant, avec des journaux comme Prometeo qui a été interdit par la direction du parti après 1925. C’est ce que nous avons amplement montré dans nos travaux de réappropriation des acquis de la Gauche italienne. C’est dans ce cadre qu’il y a eu une discussion importante entre Pappalardi et Perrone (Vercesi), dès 1927, pour juger du bon moment pour créer la fraction (Cf. La lettre de Perrone citée par S. Saggioro). Il faut se souvenir que, avant son arrivée en France, Perrone était, à Milan, le responsable de la coordination entre tous les membres de la Gauche communiste italienne. Face à cette dernière, le PCI avait demandé l’aide du PCF afin de réduire, en France, les noyaux de camarades membres de la Gauche. Finalement, comme on le sait, Pappalardi a créé la première fraction en 1927, contrairement à ce que préconisait Perrone. Celui-ci a attendu le congrès de l’IC en 1928 -durant lequel la Gauche a fait un appel à la réintégration de Trotsky, appel qui a été rejeté- pour se lancer dans la création de la Fraction « Bilan/Prometeo ». Est-ce que ces camarades étaient « déloyaux » ? Est-ce qu’ils ont eu tort d’agir ainsi ? Bien sur que non, il était plus que temps de s’organiser en fraction.
En ce qui nous concerne, nous nous revendiquons de ce que disait Bordiga au IIIè congrès du PCI, à Lyon, en 1926 : « Y a-t-il un exemple historique prouvant qu’un camarade ait formé une fraction pour s’amuser ? Cela n’est jamais arrivé. L’expérience nous démontre que l’opportunisme pénètre parmi nous, toujours sous l’aspect de l’unité. Au reste, l’histoire des fractions nous prouve que si les fractions ne font pas honneur aux partis dans lesquels elles se sont formées, elles font honneur à ceux qui les ont formées. L’histoire des fractions, c’est l’histoire de Lénine. »
Finissons en avec la tartuferie de la discipline et de la loyauté. Reconnaissons enfin qu’il existe des actes politiques et des positions politiques qui s’affrontent et que les organes centraux ne régleront pas cela à coups de « suspensions » et autres mesures disciplinaires.
1 L'utilisation que font aujourd'hui les OC du CCI de ce terme est plus que discutable dans la mesure où il a des connotations morales. Nous y reviendrons sûrement ultérieurement.
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